CHAPITRE IV
MESURES DE SIMPLIFICATION
DE L'ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE
D'AMÉNAGEMENT ET D'ENVIRONNEMENT

Article 60
Modification du régime du droit de préemption
pour la préservation de la ressource en eau
et des « obligations réelles environnementales »

L'article 60 du projet de loi prévoit de modifier le régime du droit de préemption pour la préservation de la ressource en eau, afin notamment d'assurer la protection durable de la ressource en cas de vente ultérieure des biens acquis. Selon le texte du Gouvernement, les obligations mises à la charge de l'acquéreur et des sous-acquéreurs constitueraient des « obligations réelles environnementales » au sens du code de l'environnement.

Tout en adoptant cet article, la commission des lois a voulu assurer la sécurité juridique des dispositions proposées en clarifiant le régime de ces obligations, qui seraient définies comme des obligations personnelles accessoires à un droit réel.

1. Les imperfections du régime du droit de préemption de terrains agricoles pour la préservation de la ressource en eau

Aux termes des articles L. 218-1 et suivants du code de l'urbanisme, à la demande d'une commune ou d'un groupement de communes compétent pour contribuer à la préservation de la ressource en eau 212 ( * ) , l'autorité administrative de l'État peut instituer un droit de préemption des terrains agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l'aire d'alimentation de captages utilisés pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine. Ce droit de préemption « a pour objectif de préserver la qualité de la ressource en eau dans laquelle est effectué le prélèvement ».

La loi prévoit que les biens acquis par la commune ou leur groupement par l'exercice de ce droit de préemption peuvent être cédés de gré à gré, loués sous le statut du fermage ou du métayage ou concédés temporairement à des personnes publiques ou privées, « à condition que ces personnes les utilisent aux fins prescrites par un cahier des charges, qui prévoit les mesures nécessaires à la préservation de la ressource en eau et qui est annexé à l'acte de vente, de location ou de concession temporaire ». Le cahier des charges précise notamment « les conditions dans lesquelles les cessions, locations ou concessions temporaires sont consenties et résolues en cas d'inexécution des obligations du cocontractant ».

Issu d'un amendement tardif du Gouvernement lors de l'examen en 2019 du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique , ce régime porte la marque de l'improvisation . La commission des lois du Sénat a déjà relevé sa fragilité , en particulier en ce qui concerne le régime des biens acquis et les obligations faites aux propriétaires ultérieurs. Le texte n'envisage que la première vente après préemption ; or il paraît clair que le cahier des charges annexé à l'acte a un caractère contractuel plutôt que réglementaire. Dès lors, comment assurer la transmission des obligations issues de ce cahier des charges aux propriétaires ultérieurs du même bien ? Il aurait fallu préciser que ces obligations sont l'accessoire du droit de propriété et se transmettent de plein droit avec celui-ci .

Cela aurait soulevé, à son tour, d'épineuses difficultés, tant notre droit est rétif à l'idée que des obligations, qui plus est des obligations de faire, puissent être mises à la charge du propriétaire d'un bien à ce seul titre .

Aussi le Conseil d'État, saisi d'un projet de décret d'application, a-t-il estimé que ces dispositions, « faute de permettre la mise en oeuvre effective de mesures assurant, dans la durée, la protection de la ressource en eau qui est le but de la préemption , [...] port[aient] une atteinte disproportionnée aux droits et libertés constitutionnellement protégés au regard de l'objectif poursuivi 213 ( * ) ». Il a invité le Gouvernement à déposer un nouveau projet de loi pour opérer les corrections nécessaires.

2. Les modifications apportées par le projet de loi

L'article 60 du projet de loi apporte des modifications de deux ordres au régime issu de la loi « Engagement et proximité ».

2.1. Les titulaires et délégataires du droit de préemption

Afin de prendre en compte le fait que la préservation des ressources en eau potable, composante de la compétence définie au I de l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales, relève de la compétence de certains syndicats mixtes , le projet de loi ajoute ce type d'établissement public à la liste des personnes publiques habilitées à demander l'institution du droit de préemption et à l'exercer.

En outre, l'exercice de cette même compétence étant parfois délégué, par l'autorité qui en est titulaire, à un établissement public local , cet établissement pourrait se voir déléguer également l'exercice du droit de préemption. Les biens préemptés entreraient dans son patrimoine.

2.2. Le régime des biens acquis

En ce qui concerne le régime des biens préemptés, le projet de loi supprime toute référence à leur concession , cette référence étant sans objet en ce qui concerne des terrains agricoles, voués à le demeurer.

Il tend à préciser, en revanche, les conditions dans lesquelles ces mêmes biens pourraient être loués ou cédés :

- en cas de mise à bail des terrains, le bail devrait comporter des clauses environnementales, au sens de l'article L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime, de manière à garantir la préservation de la ressource en eau. De telles clauses ne pourraient être imposées au preneur en cours de bail, mais elles devraient être introduites, au plus tard, lors du renouvellement de celui-ci ;

- les biens acquis pourraient être « cédés de gré à gré, à des personnes publiques ou privées, à la condition que ces personnes les utilisent aux fins prescrites par un cahier des charges, qui prévoi[rait] les mesures nécessaires à la préservation de la ressource en eau et qui [serait] annexé à l'acte de vente. Les clauses de ce cahier des charges constitu[eraient] des obligations réelles comme celles prévues par l'article L. 132-3 du code de l'environnement ».

S'agissant des cessions, ces dispositions sont loin d'apporter la clarté et la sécurité juridiques nécessaires . En effet, le régime des « obligations réelles environnementales » , créé par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages , est tout à fait inabouti .

2.3. Une référence au régime inabouti des « obligations réelles environnementales »

Selon les termes de l'article L. 132-3 du code de l'environnement, les propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure un contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu'à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, « les obligations réelles que bon leur semble » , dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques . La durée des obligations, les engagements réciproques et les possibilités de révision et de résiliation doivent figurer dans le contrat. Ces « obligations réelles environnementales » peuvent notamment être utilisées à des fins de compensation.

Il faut tout d'abord relever que la qualification d'« obligation réelle » est ici impropre . Sous cette appellation, la doctrine désigne parfois des obligations incombant au propriétaire d'un fonds grevé d'une servitude, destinées à rendre effectif l'exercice de celle-ci 214 ( * ) . La créance qui constitue la face active d'une telle obligation est l'accessoire du droit réel de servitude dont jouit le propriétaire du fonds dominant, ce qui peut justifier l'usage de ce qualificatif. Or, en l'espèce, le bénéficiaire d'une « obligation réelle environnementale » n'est le titulaire aucun droit réel sur le terrain considéré. Il est seulement le créancier d'une obligation personnelle qui incombe au propriétaire du fonds en cette qualité, obligation transmissible de plein droit aux propriétaires ultérieurs.

En outre, le régime légal des « obligations réelles environnementales » est extrêmement lacunaire 215 ( * ) . Non seulement ce régime n'envisage pas le cas d'un démembrement de la propriété, antérieur ou postérieur à la conclusion du contrat donnant naissance à de telles obligations, mais son articulation avec le régime général des obligations (personnelles) définies par le code civil est problématique . À titre d'exemple, alors que les droits réels sont perpétuels, on ne sait si les « obligations réelles environnementales » sont obligatoirement bornées dans le temps, conformément à la prohibition des engagements perpétuels prévue à l'article 1210 du code civil ; il n'est pas admissible de s'en remettre ici à la seule volonté des parties. De même, on ne sait comment les dispositions du code civil relatives à la cession de dettes peuvent s'appliquer à de telles obligations (voir ci-après).

Partant, la création d'obligations personnelles accessoires à un droit réel ne devrait être autorisée qu'avec la plus grande précaution et sous un régime légal précisément défini, tant elle est contraire à l'esprit de notre droit depuis la Révolution française .

3. La position de la commission des lois : clarifier les conditions dans lesquelles les biens préemptés peuvent être cédés, en réformant le régime des prétendues « obligations réelles environnementales »

Sur proposition de ses rapporteurs, la commission a adopté un amendement COM-1039 poursuivant trois objectifs.

3.1. Un nouveau régime général des obligations accessoires à un droit réel portant sur un immeuble et ayant pour objet la protection de l'environnement

En premier lieu, le texte de la commission tend à instituer un régime général des obligations accessoires à un droit réel portant sur un immeuble et ayant pour objet la protection de l'environnement , qui ne serait applicable que dans les cas prévus par des dispositions législatives spéciales (article L. 192, nouveau, du code de l'environnement).

De telles obligations seraient transmissibles de plein droit avec le droit réel dont elles seraient l'accessoire.

Elles ne pourraient naître que d'un contrat établi en la forme authentique et publié au registre de la publicité foncière , ce qui garantirait l'information de tous, notamment des titulaires ultérieurs du même droit réel.

Quant à la durée de ces obligations, elle serait librement définie mais limitée, par des dispositions d'ordre public, à quatre-vingt-dix-neuf ans .

Par dérogation au régime général des obligations, en cas de cession du droit réel et des obligations accessoires, le cédant serait libéré de plein droit desdites obligations, sans que le consentement du cédé (en pratique, la personne morale créancière des obligations environnementales) soit requis . Toute autre solution serait excessivement attentatoire au droit de propriété. De même, la cession libérerait le cédant pour l'avenir : on imagine mal que l'ancien propriétaire reste tenu d'obligations environnementales liées à un terrain qu'il a vendu ou donné.

En cas de démembrement de la propriété antérieur au contrat créant les obligations environnementales accessoires, les obligations consenties par l'usufruitier ou le titulaire d'un droit réel d'usage ou de jouissance 216 ( * ) s'éteindraient avec l'usufruit ou avec ce droit.

En cas de démembrement postérieur au contrat , les obligations incomberaient à l'usufruitier ou au titulaire d'un droit réel d'usage ou de jouissance, sauf convention contraire.

Pour le surplus, ces obligations accessoires seraient soumises au régime général des obligations prévu par le code civil . Cela permettrait par exemple au débiteur d'agir en révision pour imprévision, sur le fondement de l'article 1195 de ce code.

3.2. Des précisions sur les obligations prévues à l'article L. 132-3 du code de l'environnement

En deuxième lieu, le texte de la commission ajuste la rédaction de l'article L. 132-3 du code de l'environnement , afin de prévoir :

- d'une part, que les obligations naissant du contrat prévu à cet article sont des obligations accessoires soumises au régime général défini préalablement ; la qualification d' « obligations réelles environnementales » serait supprimée ;

- d'autre part, que dans le cas où des engagements réciproques ont été pris, les créances suivent les dettes, sauf convention contraire : autrement dit, la personne morale concernée resterait engagée à l'égard des propriétaires ultérieurs du terrain (ou, le cas échéant, de l'usufruitier ou du titulaire d'un droit d'usage), soumis de leur côté aux mêmes obligations que le propriétaire initial, signataire du contrat.

3.3. Les conditions de la cession des biens acquis au titre du droit de préemption pour la préservation de la ressource en eau

En troisième lieu, le texte de la commission met en cohérence avec les dispositions décrites précédemment les conditions dans lesquelles les biens acquis par l'exercice du droit de préemption pour la préservation des ressources en eau peuvent être revendus .

Le dernier alinéa de l'article L. 218-13 du code de l'urbanisme, tel que modifié par le projet de loi, prévoit que le cahier des charges annexé à la vente et où sont stipulées les obligations incombant à l'acquéreur « précis[e] notamment les conditions dans lesquelles les cessions ou locations sont consenties et résolues en cas d'inexécution des obligations du cocontractant ».

La résolution de la vente (voire des ventes successives) en cas d'inexécution par un propriétaire ultérieur des obligations accessoires à son droit de propriété n'est pas une sanction adéquate . Il serait aberrant d'obliger le dernier vendeur à rembourser le prix reçu pour sanctionner l'inexécution de ses obligations par le dernier acquéreur ; il le serait plus encore de remettre en cause l'ensemble des ventes successives. Des problèmes inextricables se poseraient aussi en cas de démembrement de la propriété et même de mise à bail du terrain.

Tout en supprimant ces dispositions - dont la portée normative est d'ailleurs incertaine -, le texte de la commission n'exclut pas l'insertion, dans le contrat de vente initial entre la personne morale titulaire ou délégataire du droit de préemption et le premier acquéreur, d'une clause résolutoire liée à l'inexécution des obligations accessoires prévues par le cahier des charges .

La commission a adopté l'article 60 ainsi modifié .

Articles 61 et 62

Ces articles ont été délégués au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Voir le rapport pour avis n° 719 (2020-2021) de Daniel Gueret.

Article 63

Ces articles ont été délégués au fond à la commission des affaires économiques.

Voir le rapport pour avis n° 720 (2020-2021) de Dominique Estrosi Sassone.

Article 64
Contrôle du raccordement des immeubles
au réseau public d'assainissement collectif

L'article 64 du projet de loi a pour objet de renforcer les moyens dont dispose l'autorité en charge du service public d'assainissement collectif pour contrôler l'état du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux usées. À cet effet, il institue notamment un nouveau « diagnostic immobilier obligatoire » en cas de vente.

La commission des lois a adopté cet article dans une rédaction entièrement remaniée et clarifiée. Elle a également supprimé les dispositions spécifiques prévues en vue des Jeux Olympiques de 2024, dont l'incidence sur les transactions immobilières serait disproportionnée.

1. Le contrôle du raccordement des immeubles au réseau d'assainissement collectif

Selon le droit en vigueur, dans les immeubles raccordés au réseau public de collecte des eaux usées, les communes ou établissements publics compétents ont l'obligation légale de contrôler la qualité d'exécution des ouvrages nécessaires pour amener ces eaux usées à la partie publique du branchement, et ils ont la faculté de contrôler leur maintien en bon état de fonctionnement 217 ( * ) . À la demande des propriétaires, ces autorités peuvent assurer les travaux de mise en conformité de ces ouvrages, ainsi que les travaux de suppression ou d'obturation des fosses et autres installations de même nature à l'occasion du raccordement de l'immeuble 218 ( * ) .

Dans le silence de la loi, ces contrôles devraient être à la charge de la commune ou de l'établissement , même s'il semble que la pratique soit parfois différente. Leur périodicité est fixée librement par l'autorité concernée.

Sur le fondement des dispositions précitées, certains maires ou présidents d'établissements publics compétents ont pris des arrêtés imposant la réalisation d'un contrôle préalablement à chaque vente , sans que le Gouvernement y voie d'obstacle 219 ( * ) . On peut pourtant s'interroger sur la légalité de tels arrêtés, qui ont une incidence sur le régime de la propriété, lequel est de la seule compétence du législateur.

Dans les immeubles non raccordés au réseau public , les communes ou établissements publics compétents ont également la charge de contrôler les installations d'assainissement non collectif ; ils déterminent eux-mêmes la périodicité du contrôle, qui ne peut cependant excéder dix ans 220 ( * ) . Par contraste avec la législation applicable en matière d'assainissement collectif, un document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif, daté de moins de trois ans, est obligatoirement joint au dossier technique qui doit être fourni par le vendeur et annexé à la promesse ou, à défaut, à l'acte authentique en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti 221 ( * ) .

2. Le projet de loi : un nouveau diagnostic technique obligatoire en cas de modification du raccordement, de vente et peut-être de location de l'immeuble, dans un calendrier très resserré

2.1. Le droit commun

Par des dispositions dont la lisibilité laisse quelque peu à désirer, l'article 64 du projet de loi précise d'abord, à l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales , qu'à l'issue du contrôle du raccordement d'un immeuble au réseau public des eaux usées, la commune (ou l'établissement public compétent) établit et transmet au propriétaire un document décrivant le contrôle et évaluant la conformité du raccordement au regard des prescriptions réglementaires . La durée de validité de ce document serait de dix ans . Au même article, il serait précisé :

- qu'un tel contrôle est obligatoire, non seulement pour tout nouveau raccordement (comme cela résulte déjà de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique), mais aussi lorsque les conditions de raccordement sont modifiées ;

- que « le contrôle effectué à la demande du propriétaire de l'immeuble ou du syndicat des copropriétaires est réalisé aux frais de ce dernier » et que le document mentionné ci-dessous devrait lui être transmis au plus tard un mois après la demande. Il semble en fait que l'intention du Gouvernement soit que le contrôle soit toujours à la charge du propriétaire, même lorsqu'il est obligatoire et non réalisé sur demande.

Ces dispositions entreraient en vigueur le 1 er janvier 2023.

Par ailleurs, l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation serait modifié afin que le dossier de diagnostic technique obligatoirement fourni par le vendeur en cas de vente d'un immeuble bâti comprenne, si l'immeuble est raccordé au réseau d'assainissement collectif, le document établi à la suite du contrôle du raccordement. Cette disposition imposerait donc aux vendeurs de demander et de faire réaliser un contrôle à la commune ou à l'autorité compétente, à ses frais . Elle entrerait en vigueur le 1 er juillet 2023.

L'article L. 126-23 du même code , dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 (en vigueur à compter du 1 er juillet 2021), serait également modifié . Cet article dresse une liste de dispositions législatives fixant les conditions dans lesquelles, « lors de la vente ou de la location de tout ou partie d'un bâtiment, de la démolition ou de la rénovation lourde d'un bâtiment, des informations ou diagnostics techniques sont fournis, selon les cas et sans préjudice de ceux qui peuvent être exigés pour des bâtiments dont les enjeux sont particuliers ». Une référence au II de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, c'est-à-dire au document établi à l'issue du contrôle du raccordement au réseau d'assainissement collectif, y serait ajoutée, à compter du 1 er juillet 2023.

La portée de cet ajout est incertaine . En effet, on peut interpréter le nouvel article L. 126-23 du code de la construction et de l'habitation comme un article purement récapitulatif et sans portée juridique propre - ce que laisse penser le fait qu'il a été introduit par une ordonnance dont l'habilitation ne prévoyait pas de modifier le droit en vigueur à ce sujet. Dès lors, l'ajout à cet article d'une référence au diagnostic de raccordement au réseau d'assainissement collectif n'aurait pas, par lui-même, pour effet de rendre la fourniture de ce document obligatoire en cas de location . Telle n'est cependant pas l'interprétation du Conseil d'État qui, dans son avis sur le projet de loi, a estimé nécessaire d'écarter les dispositions « prévoyant que le diagnostic issu des contrôles doit être fourni lors de la mise en location d'un bien immobilier ». En effet, « cette information n'a pas la même utilité pour le locataire que pour le propriétaire », et en tout état de cause, « compte tenu du nombre des demandes susceptibles d'être adressées en application du projet de loi, le risque de perturbation des services des collectivités territoriales et, par voie de conséquence, des transactions privées qui dépendraient de cette transmission, est excessif au regard de l'intérêt collectif en cause 222 ( * ) . » L'étude d'impact n'aide pas à lever cette difficulté d'interprétation.

En cas de vente, par un ajout à l'article L. 1331-11-1 du code la santé publique , le notaire rédacteur de l'acte authentique aurait l'obligation, au plus tard un mois après la signature, d'adresser « à titre de simple information » et « par tous moyens » à l'autorité compétente une attestation contenant la date de la vente, les informations nécessaires à l'identification du bien vendu ainsi que les nom et adresse de l'acquéreur. L'objectif est sans doute que l'autorité compétente soit informée en permanence de l'identité des propriétaires des biens raccordés.

Les dispositions de l'article L. 1331-4 du même code relatives au contrôle, par la commune, des ouvrages nécessaires au raccordement, devenues surabondantes, seraient supprimées à compter du 1 er juillet 2023.

Le projet de loi prévoit également de modifier l'article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis , relatif aux pouvoirs du syndic , afin de donner compétence à celui-ci pour faire réaliser le contrôle des raccordements de l'immeuble au réseau public de collecte des eaux usées et de tenir à la disposition des copropriétaires le document établi à la suite de ce contrôle. Aux termes d'un nouvel article 24-10 , le syndic aurait l'obligation de demander la réalisation d'un contrôle dès lors qu'il ne disposerait pas d'un document en cours de validité. Cette disposition aurait donc pour effet d' imposer, dès son entrée en vigueur prévue le 1 er janvier 2023, la réalisation d'un diagnostic du raccordement au réseau d'assainissement collectif dans toutes les copropriétés soumises au régime de la loi du 10 juillet 1965 dans le mois suivant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, et indépendamment de toute vente d'un lot .

2.2. Le droit spécial applicable sur certains territoires en vue des Jeux Olympiques de 2024

Les territoires dont les rejets d'eaux usées et pluviales ont une incidence sur la qualité de l'eau pour les épreuves olympiques de nage libre et de triathlon dans la Seine , dont la liste devra être fixée par décret, seraient soumis à un droit spécial.

En premier lieu, les dispositions décrites précédemment y entreraient en vigueur un an plus tôt , soit le 1 er janvier ou le 1 er juillet 2022.

En deuxième lieu, en application d'un nouvel article 11-1 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 , les propriétaires d'immeubles situés sur ces territoires seraient obligés de faire procéder aux travaux prescrits par le document établi à la suite d'un contrôle du raccordement au réseau public de collecte dans un délai de deux ans . Ni le droit en vigueur, ni le projet de loi n'imposent aucun délai de mise en conformité à l'issue d'un contrôle, par l'autorité compétente, du raccordement au réseau d'assainissement collectif - alors que les travaux prescrits à la suite du contrôle d'une installation d'assainissement non collectif doivent être réalisés dans un délai de quatre ans 223 ( * ) .

En troisième lieu, le projet de loi prévoit de réécrire très étrangement le premier alinéa de l'article L. 1331-11-1 du code de la santé publique , pour prévoir que, sur ces mêmes territoires, lors de la vente de tout ou partie d'un immeuble à usage d'habitation, est annexé au dossier de diagnostic technique le document établi à l'issue du contrôle, soit du raccordement au réseau public de collecte des eaux usées, soit des installations d'assainissement non collectif, le document devant dans ce dernier cas être daté de moins de trois ans. En ce qui concerne les immeubles raccordés au réseau, cette disposition n'ajoute rien au droit commun , tel que modifié par le projet de loi - elle est même plus restrictive, puisqu'elle ne concerne que les immeubles à l'usage d'habitation. En ce qui concerne les immeubles non raccordés, elle fait disparaître, partout ailleurs que sur les territoires dont les rejets d'eaux usées et pluviales ont une incidence sur la qualité de l'eau pour les épreuves olympiques, l'obligation que le diagnostic fourni par le vendeur soit daté de moins de trois ans .

Sans entrer dans ces détails, le Conseil d'État a donné un avis défavorable à ces dispositions au motif qu'elles « compromettent la clarté et la lisibilité » de la loi.

3. La position de la commission des lois

La commission des lois a approuvé, dans son principe, le renforcement des moyens dont disposent les autorités locales compétentes pour contrôler la qualité du raccordement des immeubles au réseau de collecte des eaux usées . Vu les investissements considérables consentis par les collectivités et les contribuables locaux pour moderniser les installations d'épuration, il est légitime de demander aux propriétaires un effort supplémentaire pour s'assurer que leurs immeubles sont correctement raccordés au réseau - par exemple, que les eaux usées domestiques ne sont pas reversées au réseau de collecte des eaux pluviales.

Néanmoins, la commission a adopté, sur proposition de ses rapporteurs, un amendement COM-1059 qui réécrit intégralement l'article afin d'en clarifier la rédaction et de rendre le système de références entre le code général des collectivités territoriales, le code de la santé publique et le code de la construction et de l'habitation, ainsi que la structure et la rédaction de ces trois codes, cohérents avec ce qui est prévu en matière d'assainissement non collectif.

Quant au fond, la commission, par l'adoption du même amendement, a :

- fixé un délai maximal de quatre ans pour la réalisation des travaux prescrits par le document établi à l'issue du contrôle du raccordement ;

- supprimé tout ajout à l'article L. 126-23 du code de la construction et de l'habitation, dont la portée sur les obligations des bailleurs est incertaine ;

- supprimé les dispositions spécifiques aux territoires dont les rejets d'eaux usées ont une incidence sur la qualité de l'eau pour les épreuves olympiques dans la Seine, vraisemblablement entachées d'inconstitutionnalité . En effet, comme l'a noté le Conseil d'État, « compte tenu du très faible nombre d'installations qui pourraient, avant l'été 2024, faire l'objet de travaux de remise en état à la suite de diagnostics, l'impact sur la qualité des eaux de baignade concernées sera limité voire, très vraisemblablement, négligeable. Dans ces conditions, l'importance des conséquences susceptibles de résulter de l'application anticipée de ces mesures, assorties de l'obligation de réaliser les travaux nécessaires dans un délai de deux ans, sur les collectivités territoriales concernées et sur les transactions réalisées dans ces secteurs, ne justifie pas l'atteinte au principe d'égalité à laquelle elles conduisent . »

La commission a adopté l'article 64 ainsi modifié .

Article 64 bis (nouveau)
Compétences des départements frontaliers
en matière transfrontalière

Introduit par la commission des lois, par l'adoption d'un amendement COM-624 de Patrick Chaize, l'article 64 bis a pour objet de renforcer les prérogatives des autorités locales compétentes pour assurer le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines :

- d'une part, en inscrivant expressément cette mission de contrôle à l'article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales, qui traite du service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines ;

- d'autre part, en donnant accès aux propriétés privées aux agents du service, suivant l'exemple des dispositions prévues à l'article L. 1331-11 du code de la santé publique en matière d'assainissement.

La commission a adopté l'article 64 bis ainsi rédigé .

Article 65
Habilitation à réformer le régime de la publicité foncière par ordonnance

Cet article tend à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de réformer le régime de la publicité foncière.

La commission des lois a souscrit à cette démarche mais a tenu à préciser le champ de l'habilitation lui confiant un caractère plus exhaustif.

La commission des lois a adopté l'article ainsi modifié.

Le présent amendement tend à habiliter le Gouvernement à légiférer en recourant aux ordonnances prévues par l'article 38 de la Constitution afin de réformer le régime de la publicité foncière. L'habilitation serait donnée pour une période de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, un projet de loi de ratification devant être déposé devant le Parlement dans les trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Par cet article, le Gouvernement demande l'autorisation au Parlement de pourvoir améliorer la lisibilité du droit de la publicité foncière, moderniser son régime en renforçant son efficacité, moderniser et clarifier l'inscription des privilèges immobiliers et des hypothèques qui grevent les immeubles et procéder aux harmonisations législatives rendues nécessaires par cette démarche.

Son intérêt est relevé par les constats formulés par le Conseil supérieur du notariat (CSN). Interrogé par les rapporteurs, il constate qu' « au plan pratique, la plus grosse difficulté concerne les délais de publications qui sont sensiblement accrus depuis la suppression en 2013 des conservateurs des hypothèques. Il faut absolument chercher les moyens d'améliorer le délai moyen du processus de publication » 224 ( * ) . Il constate également que les toilettages et rapiéçage successifs de la loi du 4 janvier 1955 225 ( * ) et du décret du 14 octobre 1955 226 ( * ) leur ont fait perdre en cohérence et que, cette loi n'ayant jamais été codifiée, « une refonte et une codification dans le Code civil (qui comporte déjà l'art. 710-1 et le régime de l'inscription des sûretés immobilières) s'impose » .

En outre, le CSN relève certains problèmes techniques inhérents au passage à des registres entièrement dématérialisés alors que le droit applicable a été mis en oeuvre à l'époque où l'ensemble des registres étaient au format « papier ».

La direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice indique que, dans le cadre de la réforme, « une vigilance particulière doit être portée aux impacts pratiques des simplifications envisagées, afin de s'assurer que la fluidité du travail des services de la publicité foncière (SPF) est préservée » 227 ( * ) . Une concertation avec la direction générale des finances publiques (DGFIP) qui gère les services de publicité foncière et le fonctionnement du fichier immobilier est également prévue, ainsi qu'une consultation des acteurs concernés « au premier rang desquels le notariat » 228 ( * ) .

Si aucune version préparatoire des ordonnances n'est pour l'heure disponible, la DACS indique s'appuyer sur le rapport « Pour une modernisation de la publicité foncière », remis au garde des Sceaux le 12 novembre 2018 par le Professeur de droit Aynès « dont les propositions vont clairement dans le bon sens » selon le CSN.

Les rapporteurs considèrent que le caractère technique et complexe du sujet justifie le recours à une ordonnance et que des garanties sont offertes au Parlement tant sur le sens des travaux envisagés que sur les consultations qui seront menées.

Toutefois, ils relèvent que les objectifs énoncés par l'habilitation sont très larges. En conséquence, la commission des lois a adopté l'amendement COM 1161 à leur initiative tendant à supprimer plusieurs occurrences du mot « notamment ». Cette démarche vise à préciser le champ de l'habilitation afin de déterminer précisément quels types de mesures seront mises en oeuvre par le Gouvernement et que soit appréhendée la portée réelle de l'autorisation demandée.

La suppression des mots « notamment » prend également acte de la décision sur la loi « sécurité globale » 229 ( * ) par laquelle le Conseil constitutionnel a censuré ce même mot au sein d'une habilitation à légiférer par ordonnances afin d'en garantir la précision. L'amendement conserve cependant le mot « notamment » à l'alinéa 5 afin de laisser au Gouvernement la latitude suffisante pour établir les coordinations législatives qui seront rendues nécessaires par les ordonnances.

La commission a adopté l'article 65 ainsi modifié .


* 212 Cette compétence est incluse dans celles qui concourent au service d'eau potable, tel que défini à l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales.

* 213 Avis du Conseil d'État sur un projet de décret pris pour l'application des articles L. 218-1 et suivants du code de l'urbanisme.

* 214 Voir les articles 698 et 699 du code civil.

* 215 Voir notamment W. Dross, « L'originalité de l'obligation réelle environnementale en droit des biens », Énergie - Environnement - Infrastructures , juin 2017, pp. 53-59.

* 216 Y compris l'emphytéote ou le titulaire d'un autre bail conférant un droit réel.

* 217 Article L. 1331-4 du code de la santé publique.

* 218 II de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales.

* 219 Voir la réponse du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie à une question écrite du député Alain Delboeuf, J.O.A.N. 17 mars 2015, p. 1968.

* 220 III du même article L. 2224-8.

* 221 Article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation et article L. 1331-11-1 du code de la santé publique.

* 222 Les documents transmis aux rapporteurs montrent que le texte soumis au Conseil d'État ne différait pas, sur ce point, du texte déposé au Sénat.

* 223 II de l'article L. 1331-1-1 du code de la santé publique. En matière d'assainissement collectif, l'article L. 1331-1 du même code impose seulement, lorsqu'un nouveau réseau est mis en service, de faire procéder au raccordement des immeubles qui y ont accès dans un délai de deux ans.

* 224 Extrait de la contribution écrite du Conseil supérieur du notariat.

* 225 Loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales.

* 226 Décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.

* 227 Extrait de la contribution écrite de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice.

* 228 Ibidem.

* 229 Décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021.

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