N° 23

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique favorisant l' implantation locale des parlementaires ,

Par M. Stéphane LE RUDULIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

804 (2020-2021) et 24 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 6 octobre 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a adopté avec modifications la proposition de loi organique n° 804 (2020-2021) favorisant l'implantation locale des parlementaires , sur le rapport de Stéphane Le Rudulier (Les Républicains - Bouches-du-Rhône).

I. L'INTERDICTION DU CUMUL DES MANDATS : UNE RÉFORME QUI N'A PAS TENU SES PROMESSES ET PRODUIT DES EFFETS PERVERS

Après plus d'une décennie de débats, la loi organique du 14 février 2014 , entrée en vigueur en 2017, a mis fin à cette « spécificité française » liée au fait que de nombreux députés et sénateurs exerçaient, en même temps que leur mandat national, les fonctions de maire, de président de conseil général ou départemental ou d'autres fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales. Elle a, en effet, rendu incompatible le mandat de député ou de sénateur avec toute fonction exécutive dans une collectivité territoriale.

Cette réforme avait pour principal objet, selon ses promoteurs, de « libérer » les parlementaires de fonctions trop absorbantes pour qu'ils puissent exercer simultanément leur mandat national dans de bonnes conditions, voire de mettre fin au « conflit d'intérêts » auquel les parlementaires en situation de cumul étaient censément confrontés. L'on y voyait aussi le moyen d' assurer le renouvellement du personnel politique , voire une meilleure représentation de classes de population sous-représentées au Parlement.

Ces arguments, déjà sujets à caution lors de l'adoption de la réforme, ne se sont pas vérifiés depuis .

Ainsi, aucune corrélation n'a jamais pu être empiriquement établie entre le non-cumul des mandats et l'intensité du travail parlementaire. De même, le fort taux de renouvellement de l'Assemblée nationale observé en 2017 paraît lié à l'émergence d'un nouveau parti politique, devenu majoritaire dans le sillage de l'élection du Président de la République, bien davantage qu'à la règle du non-cumul ; quant aux catégories populaires et aux Français issus de l'immigration, ils ne sont pas mieux représentés qu'auparavant au Parlement.

À l'inverse, les faits semblent donner raison à ceux qui craignaient que les effets pervers du non-cumul des mandats ne l'emportent sur ses effets vertueux .

Le non-cumul n'a fait qu'aggraver le déséquilibre des pouvoirs au profit de l'exécutif , en privant les parlementaires de la majorité d'une assise locale susceptible de renforcer leur autorité, leur expertise et leur indépendance vis-à-vis de celui-ci. Il place les parlementaires dans une dépendance plus étroite vis-à-vis des partis politiques et favorise ainsi « les apparatchiks (...) au détriment de ceux qui [conquéraient] le statut de parlementaire par des mandats locaux durement gagnés », comme le prédisait le juriste Olivier Beaud. À plus long terme, l'interdiction du cumul des mandats pourrait nuire à l'attractivité du mandat parlementaire et contribuer à sa « dévaluation », selon les termes du politiste Bernard Dolez.

Par ailleurs, le fait que députés et sénateurs ne puissent plus exercer de fonctions exécutives locales n'est sans doute pas étranger au sentiment actuel de « déconnexion » entre les Français et leurs représentants . Non seulement un parlementaire qui exerce ou a exercé une fonction exécutive locale est mieux au fait des questions qui touchent directement ou indirectement à la gestion publique locale, lorsqu'elles sont abordées au Parlement, mais il dispose également de sources d'information et de relais qui lui permettent de mieux saisir les attentes des citoyens, voire d'anticiper les crises.

Il n'est donc pas étonnant que des voix de plus en nombreuses s'élèvent, surtout depuis la crise des Gilets jaunes et jusque dans la majorité présidentielle, pour remettre en cause la réforme de 2014.

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