II. LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE : FAIRE ÉCHEC À CE REVIREMENT DE JURISPRUDENCE EN ADMETTANT DEUX TEMPÉRAMENTS

Considérant que cette jurisprudence présente le « risque d'une substitution de fait de l'exécutif au législatif » et « complexifie sensiblement le régime contentieux des ordonnances non ratifiées » 12 ( * ) , l'article 1 er de la proposition de loi tend à préciser formellement à l'article 38 de la Constitution que les ordonnances « n'acquièrent force de loi (...), qu'à compter de leur ratification expresse ». Deux tempéraments seraient prévus à ce principe :

- la consécration dans la Constitution de la jurisprudence dite « néocalédonienne » 13 ( * ) , par laquelle le Conseil constitutionnel examine les dispositions d'une loi déjà promulguée à l'occasion d'un recours a priori de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, et son extension aux ordonnances non ratifiées ;

- et la consécration d'une jurisprudence constitutionnelle de 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel avait examiné les dispositions législatives faisant l'objet d'une QPC en « prenant en compte » les dispositions d'une ordonnance non ratifiée qui n'en n'étaient pas « séparables » 14 ( * ) .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : APPROUVER PLEINEMENT LA DÉMARCHE DE L'AUTEUR ET LA COMPLÉTER PAR UN MEILLEUR ENCADREMENT DU RECOURS AUX ORDONNANCES

A. APPROUVER PLEINEMENT LA DÉMARCHE PROPOSÉE EN CONSERVANT LE CoeUR DU DISPOSITIF

La commission a pleinement approuvé la démarche de l'auteur de la proposition de loi. La décision du Conseil constitutionnel pose en effet un problème de principe . Un fait juridique, la fin du délai d'habilitation, remplace un acte juridique, la ratification , expression de la volonté générale et d'un choix politique du Parlement .

C'est une restriction symbolique mais forte des prérogatives du Parlement , seul compétent en vertu de l'article 24 de la Constitution pour voter la loi. De plus, le Constituant du 23 juillet 2008 avait voulu prohiber les ratifications implicites. Cette jurisprudence pourrait, de surcroît, désinciter le Gouvernement à faire ratifier ses ordonnances , ce qui aurait pour effet d' écarter le Parlement de ce mode de législation qui se veut en principe dérogatoire.

La complexité du régime juridique et contentieux des ordonnances non ratifiées qui en résulte a en outre été critiquée. Pour unifier le contentieux de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, le Conseil constitutionnel a dissocié le contrôle par le Conseil d'État et le contrôle constitutionnel des ordonnances non ratifiées .

Soucieuse de rétablir l'équilibre des pouvoirs en vigueur avant ce revirement de jurisprudence, la commission a adopté l' amendement COM-1 présenté par Philippe Bas, rapporteur, proposant de modifier l'article 38 de la Constitution pour y prévoir formellement que :

- les ordonnances n'acquièrent valeur législative qu'à compter de leur ratification expresse ;

- et que, jusqu'à cette ratification, elles conservent valeur réglementaire et ne peuvent être regardées comme des dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution.

Compte tenu de cette position de principe, la commission a supprimé les articles 2 et 3 ( amendements COM-2 et COM-3 du rapporteur ).


* 12 Exposé des motifs de la proposition de loi, pages 5 et 6.

* 13 Décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985 sur la loi relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances.

* 14 Décision n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013, Société Numéricâble SAS et autres, [Pouvoir de sanction de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes].

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