II. LE PROGRAMME 206 : LE BUDGET ALLOUÉ À LA SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION AUGMENTE, NOTAMMENT EN RAISON DES RECRUTEMENTS NÉCESSAIRES DANS LE CONTEXTE DU BREXIT

Le programme 206 est consacré au financement des actions mises en oeuvre pour assurer la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation. Il est consacré aux missions de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).

Répartition des CP du programme en 2022 par action

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances

En montant, le présent programme est le plus faiblement doté de la mission (611,4 millions d'euros en CP). Pourtant, les années qui viennent de s'écouler n'ont pas manqué de rappeler, par les calamités sanitaires qui les ont marquées, mais aussi par le malaise suscité par plusieurs controverses concernant tant les effets sur la santé humaine ou animale des perturbateurs endocriniens (avec le dossier des produits phytopharmaceutiques) que la situation du bien-être animal, l'importance d'une vigilance très forte dans ce domaine.

Dans un contexte d'atonie des crédits alloués à la mission, l'augmentation de 2,4 % des autorisations d'engagement et de 2,3 % des crédits de paiement du programme est à relever . Toutefois, l'année dernière, l'augmentation des crédits avait été plus franche (+5,3 % pour les AE et les CP).

Évolution des crédits par action du programme 206

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

FDC et ADP attendus en 2022

01 - Santé, qualité et protection des végétaux

AE

36,2

37,0

+ 0,8

+ 2,2 %

0,7

CP

35,9

36,7

+ 0,8

+ 2,2 %

0,7

02 - Santé et protection des animaux

AE

112,2

114,5

+ 2,2

+ 2,0 %

3,5

CP

111,2

112,3

+ 1,1

+ 1,0 %

3,5

03 - Sécurité sanitaire de l'alimentation

AE

22,8

23,2

+ 0,4

+ 1,9 %

1,5

CP

22,8

22,7

- 0,1

- 0,4 %

1,5

04 - Actions transversales

AE

83,1

86,7

+ 3,6

+ 4,3 %

0,0

CP

83,1

86,7

+ 3,6

+ 4,3 %

0,0

05 - Elimination des cadavres et des sous-produits animaux

AE

4,0

4,0

0,0

0,0 %

0,0

CP

4,0

4,0

0,0

0,0 %

0,0

06 - Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation

AE

337,1

344,0

+ 6,9

+ 2,0 %

0,2

CP

337,1

344,0

+ 6,9

+ 2,0 %

0,2

08 - Qualité de l'alimentation et offre alimentaire

AE

4,5

4,9

+ 0,4

+ 8,9 %

0,2

CP

4,5

4,9

+ 0,4

+ 8,9 %

0,2

Total programme 206

AE

599,9

614,3

+ 14,3

+ 2,4 %

6,0

CP

598,7

611,4

+ 12,6

+ 2,1 %

6,0

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'augmentation des crédits de paiement demandés au titre du programme, de 12,6 millions d'euros, reste concentrée sur les dépenses de personnel (+ 7,3 millions d'euros), les autres dépenses (+ 5,4 millions d'euros) représentant 43 % de l'augmentation. Pour ces dernières, le supplément de moyens est dû aux dépenses d'intervention, qui progressent de 2 millions d'euros tout comme les dépenses de fonctionnement.

A. UNE LÉGÈRE AUGMENTATION DES MOYENS ALLOUÉS À LA SANTÉ DES ANIMAUX ET DES VÉGÉTAUX, SOUS LE RISQUE DE L'AGGRAVATION DES RISQUES SANITAIRES

Les moyens alloués à la surveillance des « matières premières » agricoles n'augmentent que marginalement, en dépit d'une nécessaire attention à porter à la santé des animaux (112,3 millions d'euros en CP pour 2022, environ + 1,1 million d'euros par rapport à 2021) et des végétaux (36,7 millions d'euros en CP, +800 000 euros).

1. Une hausse marginale des moyens alloués à la surveillance des végétaux

Cette action a pour objectif principal de s'assurer que les conditions de production des végétaux garantissent la santé des végétaux eux-mêmes, mais aussi la santé publique et la protection de l'environnement.

En ce qui concerne la surveillance des végétaux (action n° 01) , les crédits, qui représentent 6 % des crédits du programme, n'augmenteraient qu'à la marge, de 800 000 euros, pour atteindre 36,7 millions d'euros.

Une partie prépondérante des moyens (20,9 millions d'euros) est destinée à financer les actions des fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (les FREDON). Les FREDON sont les organismes à vocation sanitaire (OVS) auxquels l'État délègue ses missions dans le domaine de la santé des végétaux.

La législation européenne a été renforcée dans ce domaine en raison de la montée des risques pouvant affecter la santé des végétaux. Le règlement 2016/2031/UE en particulier prévoit de nouvelles dispositions de contrôle de la circulation des végétaux qui doit de plus en plus se faire sous passeport phytosanitaire. Le resserrement des exigences suppose une charge de travail accrue pour les FREDON. Les services de l'État partagent la compétence sur les végétaux avec les FREDON.

Le contrôle des pratiques agricoles de la production des végétaux voit sa dotation augmenter de 500 000 euros en AE et CP , par un besoin de revalorisation de l'activité en lien avec l'entrée en vigueur et la montée en puissance, depuis décembre 2019, du règlement européen précité qui rend obligatoire la surveillance de l'ensemble des organismes de quarantaine (environ 180 organismes de quarantaine à surveiller de manière pluriannuelle, dont une trentaine de manière annuelle). Cette surveillance est réalisée par les Services régionaux de l'alimentation (SRAL) ou leurs délégataires, les FREDON.

On doit ici rappeler les enjeux de la surveillance de Xylella fastidiosa , en particulier pour la culture de l'olivier, dont l'enveloppe représente pour les services de l'État en 2022 1,2 million d'euros . La lutte contre le capricorne asiatique , insecte ravageur des forêts de feuillus, notamment présent à Gien (Loiret) et à Divonne-les-Bains (Ain) nécessite une surveillance renforcée dont le coût est estimé à 2 millions d'euros . D'autres organismes nuisibles, présents sur le territoire national, nécessitent des mesures de gestion et de surveillance, comme le Tomato brown rugose fruit virus (ToBRFV), ou virus du fruit rugueux brun de la tomate , détecté pour la première fois en France en 2020 (Finistère).

L'enveloppe de compensation de la suppression de la taxe affectée « Bois et plants de vigne », dont le produit était affecté à l'opérateur FranceAgriMer jusqu'à l'abrogation de l'article 1606 du code général des impôts par la loi de finances pour 2019, augmente de 500 000 euros, pour être portée à 1,1 million d'euros. FranceAgriMer reçoit une compensation pour la suppression de cette taxe en tant qu'autorité compétente en matière de bois et de plants de vigne. Cette compensation, versée sous forme de subvention pour charges de service public (SCSP), était en 2019, 2020 et 2021 d'un montant de 600 000 euros. En 2022, elle sera valorisée afin de couvrir les dépenses nouvelles qui résultent du changement de réglementation sur les contrôles officiels. En 2020 et 2021, FranceAgriMer avait financé ce complément de 500 000 sur ses fonds propres.

Quant à la surveillance de la santé des forêts, alors même que les forêts françaises sont exposées à des périls très graves, elle recueille peu de moyens, même s'ils sont en augmentation en 2022 : ils atteignent 1,3 million d'euros contre 1 million d'euros en 2021. Cette augmentation résulte de la revalorisation de la convention de subvention relative à la mise en oeuvre par l'ONF de la MIG « Santé des forêts ».

2. Une hausse des moyens en matière de santé et protection des animaux en raison du renforcement des règles européennes

Quant aux crédits de l'action n° 02 , ils sont en hausse de 1,1 million d'euros . Cette action vise, d'une part, à assurer la maîtrise des maladies animales susceptibles d'être transmissibles à l'homme et de mettre en danger l'économie de l'élevage, d'autre part, à surveiller la bonne utilisation des substances administrées à l'animal et, enfin, à veiller au respect des règles de bientraitance des animaux de rente comme de compagnie. Les risques aggravés sur le front des maladies animales potentiellement dangereuses pour l'homme justifieraient une hausse plus importante des crédits destinés à en prévenir l'apparition et la diffusion.

Dans un total de crédits de fonctionnement de 61,1 millions d'euros, la gestion des maladies animales en absorbe la moitié, soit 31,7 millions d'euros (dont 16,1 millions d'euros pour la seule surveillance des encéphalopathies spongiformes subaigües transmissibles).

En matière de maladies animales, la situation est complexe, dans un contexte où les différentes formes du virus d'influenza aviaire ont entraîné la décimation des canards, en particulier dans les départements du Sud-Ouest. Au demeurant, d'autres dangers sont très présents, comme la tuberculose bovine . Il importe de veiller à ce que la France ne perde pas son statut de pays indemne qui conditionne la possibilité d'exporter. Enfin, l'existence à nos frontières de cas de peste porcine suppose des mesures très résolues de préservation contre un danger considérable.

L'augmentation des crédits découle de l'entrée en application du règlement 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016, aussi appelé « loi de santé animale ». Celle-ci impliquera de nouvelles dépenses de fonctionnement nécessaires pour surveiller par exemple 11 nouvelles maladies lors de découverte de cas. En outre, 14 nouvelles maladies disposent de conditions de certification aux échanges nouvelles ou renforcées. Pour une maladie, le plan de surveillance est multiplié par 4.

Les dépenses d'intervention correspondent principalement aux indemnités versées aux éleveurs . En 2021, les dépenses d'intervention sur cette activité seraient exceptionnellement élevées en raison de la crise liée à l'influenza aviaire, mais elles seraient nettement plus faibles en 2022 , sauf survenance d'une nouvelle crise sanitaire. Le coût de la gestion de cette crise est estimé à 48 millions d'euros : 36 millions d'euros ont été ouverts à ce titre par la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021 mais aucune nouvelle ouverture n'est prévue par le projet de loi de finances rectificative de fin de gestion. Un report de charges pourrait ainsi être effectué sur 2022, situation qu'il y a lieu de regretter.

Les rapporteurs spéciaux rappellent donc que les épisodes de crise impactent à moyen terme la soutenabilité du programme.

L'indemnisation des conséquences économiques
de l'influenza aviaire en 2021

L'exécution du programme en 2021 est fortement impactée par l'épizootie d' influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) survenue fin 2020, dont le coût est estimé à 48 millions d'euros .

La France a été confrontée à un épisode d'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) entre la mi-novembre 2020 et début mai 2021, apparu à l'occasion des migrations d'oiseaux sauvages. Les services de l'État et l'ensemble des acteurs des filières avicoles françaises se sont fortement mobilisés dans la lutte contre cette épizootie.

Le bilan de la crise de l'hiver 2020-2021 fait état de 492 foyers d'influenza aviaire hautement pathogène en élevage de volailles confirmés par le laboratoire national de référence (LNR) de l'ANSES. Ces foyers se répartissant ainsi : 475 foyers en élevage dans le Sud-ouest et 17 foyers hors Sud-ouest. Environ 3,3 millions animaux ont été abattus, contre 4,5 lors de l'épisode précédent, en 2016-2017.

Le programme 206 porte les indemnisations pour les coûts sanitaires tandis que l e programme 149 porte les indemnisations des conséquences économiques des mesures sanitaires . Les différents dispositifs à destination des maillons de la filière (accouvage, amont et aval des palmipèdes gras, oeuf, gibier) devraient s'élever en tout à un maximum de 157 millions d'euros.

Le montant global estimé des indemnisations sanitaires portées par le programme 206 s'élève à 48 millions d'euros, dont 30,4 millions pour l'indemnisation de la valeur marchande objective des animaux (VMO) :

- les éleveurs concernés par ces abattages ont rapidement reçu une avance sur leur indemnisation de la VMO, couvrant 75% de la valeur marchande des animaux : dès le début mai, près de 700 dossiers avaient été traités, et près de 19 millions d'euros versés.

- fin septembre, ce sont 27,6 millions sur les 30,4 millions estimés qui ont été versés, soit plus de 90 % des dossiers dont le solde a été versé.

Les autres coûts sanitaires, non directement versés aux producteurs se poursuivent (nettoyage, désinfection, équarrissage, abatteurs...) et sont estimés à 17,6 millions. À date ce sont déjà 15 millions de factures qui ont été réceptionnées.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La tuberculose bovine a également généré d'importantes dépenses d'indemnisations des éleveurs, comme chaque année, le nombre de foyers détectés étant continuellement élevé. Pour 2021, il est ainsi prévu une enveloppe de 19 millions d'euros de crédits spécifiquement dédiés à la gestion des foyers de tuberculose bovine, dont une part majoritaire sera constituée de ces indemnisations aux éleveurs concernés par ces foyers. Des proportions de dépenses similaires devraient se reproduire en 2022. De plus, une enveloppe de 670 000 euros permettra de financer la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et l'Office français de la Biodiversité (OFB), dans le cadre du réseau « SAGIR » pour la surveillance de la faune sauvage (patrouilles, poses de pièges, etc.), certains animaux vecteurs de maladies tels les blaireaux pour la tuberculose faisant l'objet d'une surveillance particulière.

On note enfin une augmentation des moyens alloués à l'identification et à la traçabilité des animaux vivants : les crédits alloués s'élèvent à 12,1 millions d'euros en AE et 10 millions d'euros en CP (+ 1,5 million d'euros et + 0,3 million d'euros). Cette activité couvre les dépenses consacrées aux systèmes d'identification des animaux. L'identification des animaux et l'enregistrement de leurs mouvements conditionnent l'effectivité des dispositifs de surveillance et de lutte contre les maladies animales, d'une part, et la traçabilité sanitaire des contaminations éventuelles d'animaux ou de produits animaux, d'autre part. Cette augmentation de crédits est justifiée par la refonte de la base de données nationale de l'identification (BDNI), qui est en incapacité de supporter la dématérialisation des passeports bovins et inadaptée à l'identification des espèces qui ne sont pas actuellement prises en compte (volailles, abeilles, animaux aquatiques). La BDNI deviendra ainsi le Système informatique national d'enregistrement des mouvements des animaux (SINEMA).

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