2. Un ralentissement en 1996-1997

Le pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages progresserait à peine en 1996 (+ 0,2 %) et modérément en 1997 (+ 1,4 %).

Les gains de pouvoir d'achat du salaire par tête seraient nuls en 1996 et de 1 % l'année prochaine.

Ces évolutions poursuivraient la tendance d'une progression des salaires inférieure à celle de la productivité du travail qui résulte elle-même très largement, semble-t-il, des caractéristiques d'un marché du travail déprimé.

La stabilité du nombre des effectifs salariés en 1996 (+ 15.000 emplois salariés marchands) et sa progression en 1997 (entre 160.000 et 190.000 créations nettes d'emplois) contribuent à expliquer l'accroissement des gains de pouvoir d'achat du revenu des ménages entre ces deux années.

Les effets nets des processus de redistribution seraient défavorables en 1997 et pèseraient sur la progression du pouvoir d'achat des ménages.

Évolution des revenus salariaux et sociaux (en gain de pouvoir d'achat)

1 Acquis (L'acquis mesure le taux de croissance d'une variable au cours d'une période si sa valeur demeurait inchangée au long de la durée restant à couvrir).

Les gains de pouvoir d'achat des revenus salariaux et sociaux, après s'être accélérés en 1995 sous l'effet d'une progression sensible des salaires bruts et du rythme de croissance élevé des prestations sociales, s'infléchissent significativement en 1996.

La progression des salaires bruts et des versements de prestations sociales se ralentit fortement. En revanche, sous l'effet des mesures de rééquilibrage des comptes sociaux, l'augmentation des cotisations salariées se poursuit sur un rythme élevé et nettement plus rapide que celui de la croissance des salaires bruts.

Les hypothèses sous-jacentes à la prévision économique pour 1997 reproduisent des enchaînements semblables mais moins accusés qu'en 1996.

Les prélèvements fiscaux et sociaux décidés en 1995

L'évaluation des suppléments nets de prélèvements obligatoires et de leurs répercussions sur les entreprises et les ménages doit être conduite avec objectivité.

On doit répondre à l'affirmation selon laquelle le gouvernement aurait prélevé 120 milliards de francs sur les ménages.

L'accusation se fonde sur le cumul des nouveaux prélèvements fiscaux de la loi de finances rectificative du 4 août 1995, et sociaux décidés en novembre 1995 pour financer le déficit de la sécurité sociale.

1. Les hausses d'impôts de la loi de finances rectificative du 4 août 1995

Trois hausses d'impôts sont en cause qui ont porté sur :

- la TVA,

- l'impôt sur les sociétés,

- l'impôt sur la fortune.

Leur montant avait été évalué initialement à 65,08 milliards de francs en année pleine. Une évaluation révisée à partir des recettes constatées les évalue à 55,8 milliards de francs.

Évaluation pour 1995 des hausses d'impôts de la loi de finances
rectificative du 4 août 1995

(en milliards de francs)

En réalité, le supplément de recettes fiscales perçues par l'Etat en 1995 provenant de ces mesures nouvelles s'est élevé à 26 milliards de francs.

C'est ce chiffre qui est représentatif des transferts entre l'Etat et les autres agents économiques issus des relèvements d'impôts examinés au cours de l'année 1995.

En première analyse, cette année là, les ménages ont versé 15,6 milliards de francs de plus à l'Etat que ce qu'ils lui auraient versé à législation constante et les entreprises 10,4 milliards de francs. Ainsi, les ménages ont, apparemment, assumé 60 % des nouveaux prélèvements, les 40 % restant étant payés par les entreprises.

Cette estimation doit cependant être nuancée. Si le relèvement de l'impôt sur la fortune peut être considéré comme intégralement à la charge des ménages, il en va autrement de la majoration de la TVA.

(1) 52,2 milliards en année pleine

(2) 44,7 milliards en année pleine

On peut considérer qu'un relèvement de la TVA n'est entièrement supporté par les ménages que moyennant quatre conditions qui ne sont, dans les faits, jamais remplies.

Première condition : Il faudrait que tous les emplois taxables à la TVA proviennent des ménages.

Or, même si les emplois taxables à la TVA proviennent, pour l'essentiel, des ménages à travers leur consommation ou leurs investissements, une part non négligeable d'entre eux est issue des administrations et des institutions de crédit et d'assurance.

Deuxième condition : Il faudrait que la part des emplois des ménages taxable à la TVA dans le total de leurs emplois demeure inchangée. Or, tel ne semble pas être le cas. La hausse du taux d'épargne des ménages ainsi que la déformation de leur consommation en direction de biens ou services peu ou non taxés constatées ces dernières années aboutit à atténuer les effets sur les ménages d'une hausse du taux normal de la TVA.

Ces phénomènes structurels mériteraient sans doute un examen approfondi pour que soient mieux appréhendés le rendement et l'impact redistributif de toute mesure portant sur cet impôt.

Troisième condition : Il faudrait que les entreprises répercutent dans leur prix la majoration des taux de TVA. Dans le cas de la hausse intervenue en août, il semble bien que tel ait été le cas et que les entreprises l'aient répercutée progressivement. Mais, comme ceci s'est réalisé dans le contexte d'une inflation sous-jacente réduite on peut établir que la ponction ainsi opérée sur le pouvoir d'achat des ménages a été largement compensée par une inflexion de la hausse tendancielle des prix.

Quatrième condition : Il faudrait qu'il n'y ait pas d'indexation des revenus sur les prix.

Les nombreux travaux économétriques consacrés à cette question démontrent le contraire. L'augmentation du niveau général des prix déclenche une indexation des salaires, certes un peu retardée, mais qui, s'agissant de cette catégorie de revenus, vient effacer les effets de hausse des prix sur son pouvoir d'achat.

Pour les autres catégories de revenus, cet enchaînement dépend pour les revenus de substitution "administrés" (prestations sociales, indemnités de chômage) de mesures volontaristes et, pour les revenus financiers, de liaisons complexes.

Même si les variations des prix et des salaires enregistrées en 1995 et au début de 1996 ne favorisent pas, en raison de leur très faible amplitude, l'identification d'un phénomène d'indexation, celui-ci a très certainement joué -il faut rappeler, à cet égard, l'augmentation importante du SMIC, + 4 %, en juillet 1995- si bien que l'effet sur les ménages de la hausse de la TVA a été probablement largement transféré sur les entreprises même si une partie de la mesure a pu affecter les revenus des catégories sociales ne bénéficiant pas d'une indexation salariale.

Au total, il est inexact de considérer que le prélèvement supplémentaire opéré par l'Etat à travers la hausse de la TVA a affecté les ménages dans sa totalité.

Les expériences passées démontrent au contraire qu'on serait plus proche de la vérité en affirmant que cette mesure a plutôt affecté le revenu des entreprises et que les ménages l'ont, pour une grande part, évitée grâce au déclenchement des quatre types de comportement analysés ci-dessus.

Ces enchaînements devraient également se vérifier en 1996, année pour laquelle on peut, sur la base des prévisions de la loi de finances initiale, évaluer comme suit l'impact des mesures fiscales d'août 1995.

Évaluation de l'impact des mesures fiscales d'août 1995 en 1996

en milliards de francs

Cependant, il est établi que les hausses de TVA renchérissent le coût du travail ce qui, dans une période de chômage, peut être jugé défavorable.

2. Les mesures de redressement des comptes de la sécurité sociale (Plan Juppé du 15 novembre 1995)

Le plan de redressement de la sécurité sociale de novembre 1995 comprenait des prélèvements supplémentaires et un volet d'économies portant sur diverses dépenses sociales.

L'Observatoire français des conjonctures économiques -OFCE- en avait donné les évaluations suivantes pour 1996 et 1997.

Les évaluations mentionnées reposaient sur un ensemble de mesures dont certaines ne se sont pas traduites dans les faits.

(1) Commission des comptes de la sécurité sociale

(2) Non estimés par la Commission des comptes de la sécurité sociale

Le plan de novembre 1995 se serait traduit en 1996 par une ponction sur les revenus des ménages et des entreprises, de l'ordre de 45 milliards de francs, contre un montant initialement estimé à 52,3 milliards de francs.

Pour les trois-quarts -35,1 milliards de francs-, cette ponction a résulté de prélèvements nouveaux.

La cotisation pour le remboursement de la dette sociale s'élèverait à 22,9 milliards de francs, contre une ressource évaluée à l'origine à 25 milliards de francs. L'écart provient, pour une faible part, d'un dynamisme de l'assiette moindre que prévu et, pour l'essentiel, des retards d'application d'une mesure qui n'a joué que sur 11 mois en 1996.

Le rendement des contributions diverses a lui-même été décevant du fait de l'absence de recouvrement de la contribution des médecins aux frais de gestion et à l'informatisation.

Il est à noter que pour l'essentiel -5,1 milliards de francs- ces contributions sont acquittées par des entreprises.

Quant à l'assujettissement à cotisations des revenus de transferts, son produit s'élèverait à 4,9 milliards de francs, soit une moins-value de 2,2 milliards par rapport aux prévisions.

On observe que l'essentiel des nouveaux prélèvements a porté sur le revenu des ménages qui, à ce titre, ont supporté en 1996 environ 30 milliards de charges nouvelles.

S'agissant des économies, elles s'élèveraient à 10 milliards de francs, soit 1,9 milliard de moins que prévu.

Elles proviennent, pour un peu moins de la moitié, d'économies sur les dépenses de la politique familiale et, en particulier, du gel de la base mensuelle des allocations familiales. Cette dernière mesure aurait permis d'économiser 2,6 milliards de francs.

Hors les économies de gestion des caisses qui contribuent cependant au cinquième environ des économies réalisées, le deuxième poste contribuant à celles-ci est le poste santé.

Le contrôle des dépenses de santé se traduirait par une économie de l'ordre de 2,8 milliards de francs, soit près de 1 milliard de dépenses supplémentaires par rapport à ce qui était prévu. Cette dérive s'explique par une progression plus soutenue qu'escompté des dépenses de médecine de ville.

La quasi-totalité des mesures étudiées a reposé sur les ménages. Mais, deux précisions s'imposent :

D'abord, le montant des économies de gestion finalement imputées aux ménages ne peut être en l'état évalué. On rappellera qu'elles se sont élevées à près du cinquième des 10 milliards d'économies réalisées.

Mais, surtout, les autres quatre-cinquièmes des économies effectuées proviennent, pour l'essentiel, d'une désindexation des prestations qui ne s'est pas traduite par une amputation des prestations, mais bien par une inflexion de leur croissance.

De ce point de vue, le plan de novembre 1995 ne peut être compris que comme un freinage du rythme de progression des prestations sociales, une part importante de l'effort de maîtrise consistant d'ailleurs à aligner la croissance des prestations sur l'évolution des prix.

Au total, il faut bien distinguer entre les véritables prélèvements nouveaux qui ont amputé le revenu des ménages de 30 milliards de francs et le cantonnement de la progression des prestations qui est, lui, de l'ordre de 8 milliards.

Car, s'il est vrai que les effets de ces deux catégories de mesures sur le revenu des ménages sont identiques, ils n'ont pas du tout la même signification.

L'un réduit les revenus acquis par ailleurs, l'autre infléchit la progression de ressources tirées de transferts, dont certaines -les dépenses de santé- ont un caractère simplement éventuel.

Considérer un ralentissement de la progression des dépenses sociales quelles qu'elles soient, comme un prélèvement sur le revenu des ménages revient à estimer que ceux-ci ont un droit acquis à une progression tendancielle des prestations sociales.

*

* *

A supposer une indexation seulement partielle (de la moitié de la hausse de la TVA) des revenus des ménages sur le supplément de prix issu du relèvement de la hausse de la TVA, l'ensemble des prélèvements bruts nouveaux sur les ménages résultant des mesures décidées en 1995 s'élèverait à quelque 65,5 milliards de francs en 1996.

Face à ce faible dynamisme des ressources des ménages, seule une inflexion de leur taux d'épargne en 1996 de 14,3 à 12,6 %, soit - 1,7 point -et un maintien en 1997 de ce taux au niveau atteint- permet de rendre compte des prévisions portant sur la croissance de la consommation des ménages (+ 2,1 et + 1,4 % en 1996 et 1997 respectivement).

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