C. LA SITUATION FINANCIÈRE DES SOCIÉTÉS D'AUTOROUTES

Votre rapporteur rappelle que l'organisation du système autoroutier concédé a été réformée en 1994, de manière à accroître l'autonomie de gestion des sociétés d'autoroutes.

Trois principes avaient présidé à cette réforme :


• une recapitalisation des sociétés d'autoroutes par Autoroutes de France, qui est aujourd'hui l'actionnaire principal des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute ;


• une réorganisation en trois pôles géographiques, avec trois groupes mères-filiales (SAPRR-AREA, ASF-ESCOTA, SANEF-SAPN) ;


• la mise en place de contrats de plan quinquennaux avec l'État, qui permettent une programmation à moyen terme des investissements et laissent davantage de liberté tarifaire aux sociétés pour équilibrer leurs comptes.

1. Les résultats d'exploitation obtenus en 1994 et 1995

Les recettes de péage perçues par les sociétés concessionnaires en 1994 et 1995 ont été les suivantes :

Les recettes de péages ont progressé de 6,5 % entre 1994 et 1995 en raison de deux facteurs :


• la hausse moyenne des tarifs de péage de l'ensemble du secteur autoroutier intervenue le 1er juin 1995 a été de 2,57 % ;


• la croissance du trafic payant à réseau constant a été de 2 % par rapport à 1994 (la hausse du trafic total a été de 2,7 %, cette différence s'expliquant par les grèves qui ont marqué le secteur autoroutier lors de l'automne 1995).

Les recettes d'exploitation ont permis de couvrir les charges d'exploitation et de dégager un solde d'exploitation consolidé de 7.794 millions de francs avant remboursement d'emprunts (5.885 millions de francs). Elles sont toutefois inférieures à ce qui était attendu en 1994 (25,2 milliards de francs).

Le solde disponible après remboursement d'emprunts s'établit à 1.909 millions de francs.

Ce solde positif est essentiellement dû aux résultats d'ASF. Il est en nette régression sur 1994 (2.219 millions de francs) et 1993 (2.295 millions de francs).

L'endettement total (qui tient compte des intérêts courus) des sociétés concessionnaires d'autoroutes s'élevait au 31 décembre 1995 à 119.898 millions de francs se répartissant comme suit :

Le ratio dette/chiffre d'affaires passe de 4,86 à 4,90. Comme lors de l'exercice précédent, votre rapporteur ne peut que mettre en garde contre une augmentation trop forte de ce ratio, qui pourrait à terme mettre l'ensemble du système autoroutier en difficulté. Le niveau d'endettement, qui atteint en valeur absolue près de 120 milliards de francs, est déjà très substantiel.

A cet égard, le poids de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) ( ( * )5) servant à financer le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), paraît non négligeable. D'un rendement attendu de 2.130 millions de francs 1996, le produit de la taxe sera de l'ordre de 2.184 millions de francs, et 2.210 millions de francs seront escomptés en 1997.

Pour 1996, les résultats suivants sont attendus pour l'ensemble du secteur :

Recettes d'exploitation (y compris produits divers 27.284 MF

Solde après remboursement d'emprunt 1.255 MF

Emprunts totaux (réalisés en 1996) 20.109 MF

dont 313 MF d'emprunts de refinancement

Ces prévisions paraissent quelque peu optimistes, compte tenu de la faible croissance du trafic observée sur les six premiers mois de 1996 (+ 0,7 %). De ce point de vue, votre rapporteur rappelle les risques d'une "fuite en avant" dans le domaine autoroutier. Soutenir l'activité et les travaux publics par l'emprunt est certainement utile, mais ne doit pas se faire au détriment de l'équilibre à long terme du système.

(*) Hors emprunts de refinancement et de gestion de la dette

Le graphique ci-dessus montre la nette tendance au ralentissement de la progression du trafic sur autoroutes concédées, tendance d'autant plus inquiétante que ce trafic était celui qui progressait traditionnellement le plus rapidement, et qui, en à peine six ans, est devenu le moins dynamique.

Dans le même temps, la part des emprunts dans le financement des constructions nouvelles s'accroît rapidement, tandis que les charges d'exploitation des entreprises autoroutières sont croissantes.

Or, quelques exemples récents démontrent qu'il devient difficile d'équilibrer les constructions nouvelles. En règle générale, les axes les plus fréquentés sont déjà équipés, et ceux qui restent à équiper sont plus coûteux pour des raisons d'insertion dans l'environnement et souvent moins rentables car moins fréquentés.

Ainsi, l'impossibilité à ce jour de faire déboucher l'autoroute A 16 à Paris rend problématique l'équilibre de cette liaison.

Un premier bilan des tronçons ouverts de l'autoroute A 16

La partie de l'A. 16 concédée à la Société des Autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF) doit à terme relier La Courneuve (Seine-Saint-Denis) à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), ce qui représente au total 238 kilomètres.

La section l'Isle-Adam-Amien-Sud, longue de 93 kilomètres, a été mise en service le 20 octobre 1994, et le contournement d'Amiens, long de 10 kilomètres, a été inauguré le 26 juin 1995.

-les travaux de la section Amiens-Boulogne-sur-Mer, longue de 116 kilomètres, sont en cours ; la mise en service est prévue en deux phases : mi 1997 pour Amiens-Abbeville et le printemps 1998 pour Abbeville-Boulogne-sur-Mer.

Enfin, pour la section l'Isle-Adam-La Courneuve, les études de l'avant-projet sommaire devraient s'achever dans les prochains mois.

Dans ces conditions, on peut tirer un premier bilan des trafics observés en 1995 et au premier semestre 1996, mais ces résultats nécessairement partiels, ne pourront être affinés que lorsque la totalité de l'itinéraire sera en service.

le trafic prévu initialement à l'horizon 1995 pour la mise en service de la section l'Isle-Adam-Amiens était de 4.400 à 4.900 véhicules/jour au sud d'Amiens et de 6.800 à 7.500 véhicules/jour à la limite de la région Ile-de-France.

Pour la période allant de janvier à juillet 1996, le trafic moyen de la section a atteint 6.537 véhicules/jour, soit une croissance de 26,6 % par rapport à la même période de l'année 1995 (5.161 véhicules/jour). Au sud, à la limite de la région Ile-de-France, ce trafic était de 9.154 véhicules/jour, en croissance de 16,6 % par rapport à 1995 (7.853 véhicules/jour). Le trafic constaté est, donc, supérieur aux prévisions.

La croissance entre 1995 et 1996 est due pour l'essentiel à la mise en service du contournement d'Amiens qui a enregistré un trafic moyen de 3.331 véhicules/jour pour les sept premiers mois de 1996.

L'A.16 a donc d'ores-et-déjà dépassé le petit équilibre (couverture des dépenses d'exploitation), mais ne verra sa pleine efficacité que lorsque Boulogne-sur-Mer et l'A.86 (La Courneuve) seront reliés.

Dans ces conditions d'équilibre financier plus difficiles, votre rapporteur se félicite que le Gouvernement ait entendu votre commission lors du débat sur les modalités de répercussion de l'augmentation de la taxe d'aménagement du territoire (article 302 bis ZB du code général des impôts). La loi de finances pour 1996 avait prévu l'augmentation du taux de cette taxe de 2 à 4 centimes par kilomètre parcouru à compter du 1er janvier 1996. Par la voix de notre rapporteur général, la commission avait souhaité que cette augmentation fût majoritairement répercutée sur les tarifs de péage malgré l'impopularité de cette solution, car elle était la seule économiquement viable ( ( * )6) .

Les mesures compensatoires ont pris la forme d'une part de majorations tarifaires (permettant de compenser 88 % du prélèvement global sur le secteur), d'autre part de prolongations des durées de concession (permettant de compenser les 12 % restant) pour les sociétés concessionnaires d'autoroutes dont l'échéance de la concession était antérieure à 2.016 (ASF, ESCOTA, SAPRR).

Pour éviter des augmentations tarifaires trop importantes, les majorations de tarifs seront étalées sur 4 ans, les premières hausses compensatoires ayant pris effet le 2 février 1996, date d'entrée en vigueur des évolutions tarifaires générales.

Modalités de compensation de l'augmentation de la TAT de 2 à 4 CTS/KM parcouru

(*) Appliqués uniformément aux taux de hausse (définis par les contrats de plan) des tarifs de toutes les classes de véhicules.

* (2) 2,6% sur un an glissant à fin juin 1996 sur le réseau routier national (hors autoroutes concédées)

* (3) Bien que décidé le 13 avril 1987, lors d'un comité interministériel d'aménagement du territoire.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page