2. Le contenu du « Fair Act »

a) Les soutiens aux produits agricoles

Grandes cultures : un régime radicalement nouveau (blé, maïs, sorgho, orge, riz, coton)

Le Pair Act découple le système d'aide au revenu agricole des quantités produites et des prix du marché, en transformant les paiements compensatoires (« Deficiency payments ») en aides forfaitaires (avec la fixation d'enveloppes budgétaires annuelles plafonnées).

Les aides sont fixées par exploitation d'après des références historiques de surfaces, de rendements et de types de production, et sont dégressives sur les sept années du programme.

Une liberté quasi-totale est rendue à l'agriculteur dans le choix de ses assolements parmi les spéculations. Néanmoins au titre de la protection des zones humides, un lien est établi entre la participation aux programmes de transition et l'obligation de respecter les conditions des programmes agri-environnementaux.

Ce régime interne est assuré par deux instruments : les aides directes et le système des prêts de campagne hérité du précédent cadre législatif.

=> L'enveloppe globale du programme d'aides directes, au regard des dépenses constatées de 1986 à 1995, se répartit pour les sept années du Fair Act.

Sont éligibles, pour les sept armées, les terres qui ont été incluses au moins une fois durant le Farm Bill 1990-1995 dans un programme annuel, ou qui sont incluses actuellement dans la CRP (« Conservation Reserv Program », programme de jachère environnementale à dix ans), et sont autorisées à en sortir, ou pour lesquelles le producteur peut prouver qu'elles ont été cultivées précédemment.

Pour bénéficier des aides au cours des sept années à venir, les agriculteurs devaient signer un « contrat de transition » au plus tard le 1er août 1996. La signature de ce contrat ouvre pour les années à venir le paiement des aides forfaitaires, quel que soit l'usage fait des terres agricoles ayant fait l'objet des déclarations de base.

Ce nouveau système vise à :

- améliorer la compétitivité des producteurs ;

- harmoniser, rationaliser et simplifier les systèmes d'aides à la production en allégeant la gestion administrative des programmes ;

- permettre la suppression durable des programmes de jachère annuelle sans incidence budgétaire.

=> Le système des prêts de campagne non renouvelables à 9 mois « loan rates » (qui concerne également les oléoprotéagineux) et leurs remboursements sont amendés de manière moins radicale (dans le sens d'une plus grande rigueur budgétaire). Les exploitants pourront obtenir de l'État un prêt à un taux unitaire stipulé à condition de s'engager à stocker un certain tonnage à titre de nantissement.

Les loan rates sont en principe fixés à 85 % de la moyenne des prix des cinq campagnes précédentes, années extrêmes exclues.

Alors que dans le Farm Bill précédent, des minima étaient fixés afin de protéger les agriculteurs, le Pair Act plafonne les loans au niveau de 1995 (sauf pour les oléagineux).

Par ailleurs, le nouveau Farm Bill « officialise » la généralisation des Marketing loans (prêts bonifiés) à l'ensemble des grandes cultures.

Les producteurs continuent ainsi de bénéficier d'une certaine protection de leur revenu par l'intermédiaire des marketing loans.

Les produits laitiers : un régime substantiellement aménagé

Le programme est réformé en profondeur :

=> La mise à l'intervention est prolongée pour le fromage, le beurre et la poudre de lait écrémé jusqu'en 1999. Cependant, le prix de soutien du lait qui détermine celui de l'intervention sera abaissé progressivement sur les quatre premières années du programme ;

=> À partir de l'an 2000, le programme de soutien des prix est remplacé par un programme de prêts recouvrables jusqu'en 2002 ;

=> Le nombre des « marketing orders » (entités géographiques monopolistiques qui fixent le prix du lait sur une base historique) sera réduit.

Le sucre : un régime marginalement modifié

Le régime de soutien du sucre avait fait l'objet de nombreuses attaques en 1995 : coût pour le consommateur, pollution des marais des Everglades. Il est finalement préservé dans la nouvelle loi agricole 1996-2002.

Des filières non directement concernées par le soutiens aux productions

Il s'agit essentiellement des fruits et légumes et des viandes, qui n'étaient pas non plus concernés par le Farm Bill 1990-1995. Le secteur des viandes, compétitif, est très peu protégé. Pour les fruits et légumes, secteur inégalement tourné vers l'exportation, la protection des producteurs nationaux s'effectue essentiellement par des obstacles tarifaires aux frontières et la régulation interne.

b) Les mesures environnementales

Les programmes environnementaux sont réformés et diversifiés.

Les réformes tendent à mieux cibler les programmes environnementaux et abandonne les objectifs de limitation de la production.

=> Malgré une volonté affichée de maintenir le programme décennal de jachère environnementale, le « CRP » (Conservation Reserve Program) à son niveau actuel (9 % de la SAU), l'enveloppe budgétaire sera probablement diminuée et des facilités accordées aux agriculteurs qui désireront quitter le programme avant son terme.

=> Deux nouveaux programmes sont créés :

- l'un, d'un montant total de 300 millions de dollars, pour la restauration de la zone de marais des Everglades (Floride) polluée par les industries sucrières ;

- l'autre (EQIP), de 130 millions de dollars en 1996 et 200 millions par la suite, permettant l'amélioration des techniques de production agricole, et notamment d'élevage, en respect avec l'environnement.

=> Le très controversé programme de protection des zones humides (WRP) est assoupli.

C) Les soutiens aux exportations

Le nouveau Fair Act se veut « offensif » et « efficace » vis à vis des marchés extérieurs dont l'agriculture américaine est de plus en plus tributaire. L'objectif du ministère de l'agriculture Américain est d'augmenter les exportations agricoles de cinquante pour cent entre 1994 et l'an 2000, soit les porter à soixante-cinq milliards de dollars. Pour l'année fiscale 1995, les exportations agricoles s'élèvent à cinquante-trois milliards de dollars, et on prévoit un accord de l'ordre de 54,5 milliards de dollars pour l'année fiscale 1996.

Le système de soutien aux exportations du Farm Bill 1990 n'est qu'amendé, mais les programmes (tant commerciaux que l'aide alimentaire) sont réorientés vers le développement des marchés et mettent l'accent sur l'expansion des produits à forte valeur ajoutée.


• Les programmes de promotion des exportations (MAP, FMD)

La stratégie de l'USDA s'articule autour de deux programmes de promotion des produits agricoles et alimentaires :

- le Market Access programm (MAP) doté d'une enveloppe annuelle de 90 millions de dollars pour les 7 ans à venir. Il permet le remboursement d'une partie des frais de promotion à l'étranger engagés par des PME, des coopératives ou des groupements de producteurs. Les critères d'attribution de l'aide privilégient les petites entreprises

- le Foreign Market development Program ou Cooperator Program, qui existe depuis 40 ans et dont l'enveloppe annuelle est de 30 millions de dollars. Ce programme qui porte essentiellement sur les pays en développement privilégie les associations à but non lucratif et les associations d'exportateurs.


L'export Enhancement Program (aides aux exportations)

Dans l'état actuel des discussions et sans tenir compte des possibilités de report d'une année sur l'autre prises en compte par l'administration américaine, l'enveloppe globale des EEP (Export Enhancement Program) est répartie et plafonnée à :

350 millions de $ en 1996 550 millions de $ en 1999

250 millions de $ en 1997 575 millions de $ en 2000

500 millions de $ en 1998 478 millions de $ en 2001-02

Ce programme, consacré pour l'essentiel aux exportations de blé, servira très peu en 1996 du fait des cours mondiaux élevés.


Le DEIP (« Dairy Incentive Program »), similaire à l'EEP pour les produits laitiers) est prorogé jusqu'en 2002 au niveau de crédits maximum compatible avec le GATT.


Les programmes de garantie de crédit à l'exportation (GSM-102 et 103) sont prorogés sur une ligne indépendante du budget agricole fixée à 5,5 milliards de dollars/an jusqu'en 2002. La politique exportatrice américaine s'appuiera de plus en plus sur ces programmes.


Le fond pour les Démocraties émergentes (Emerging Démocratie Program) devient l'Emerging Markets Program. Il est doté d'une enveloppe de un milliard de dollars de prêts et crédits garantis sur 1996-2002 et 10 millions de $/an d'assistance technique.

d) Les autres mesures

- les dispositions de l'aide alimentaire internationales sont maintenues dans le Pair Act ;

- le programme d'aide alimentaire interne « Food Stamps » dont bénéficient 26 millions d'américains est reconduit à un niveau similaire jusqu'en 1998 ;

- le Congrès devra également évaluer et réformer en conséquence dans les deux ans les programmes de recherche agronomique.

Un « fonds pour le développement de l'Amérique rurale » est créé, d'un montant de 100 millions de $ en 1997 et 150 millions en 1998. Il financera des aides et prêts pour les agriculteurs à faibles revenus, mais aussi des compléments de pension ou des prêts pour les projets de développement rural.

Il ne faut pas oublier que ce nouveau texte s'accompagne d'évolutions dans d'autres domaines' (politique fiscale, politique environnementale...) loin d'être neutres pour la compétitivité de l'agriculture américaine.

3. Les Réactions des agriculteurs américains

Les réactions à la nouvelle loi agricole se sont depuis le début focalisées autour des modalités de soutien aux grandes cultures , celles-ci représentant à la fois la plus grande partie des subventions et le secteur pour lequel les changements sont les plus importants (à l'exception notable du secteur laitier).

Ce texte est, en effet, globalement favorable aux agriculteurs et répond à certaines de leurs revendications essentielles : plus grande liberté de décision des emblavements, assouplissement des contraintes environnementales.

La meilleure preuve en est donnée par le taux élevé de participation aux contrats « Roberts » : 98,8 % des surfaces éligibles, contre 85 % environ pour le Farm Bill précédent.

Par ailleurs, le maintien des bases légales des programmes fédéraux permet la pérennité éventuelle des programmes agricoles après 2002.

La question essentielle demeure la disparition du « filet de sécurité » que constituait pour la profession les Deficiency Paiements. En effet, en période de cours mondiaux élevés comme actuellement, le nouveau système constitue une rente pour les agriculteurs, qui perçoivent, sans aucune justification effective, des aides forfaitaires.

Si les cours mondiaux diminuent, l'aide ne sera pas réévaluée pour autant. La seule mesure, prévue par le Pair Act, permettant de garantir le revenu aux agriculteurs, consiste en un système de « marketing loans », prêts de campagne remboursés à des niveaux inférieurs à l'avance perçue. Mais cette mesure n'est pas automatique et ne peut être décidée qu'au cas par cas par l'USDA.

Les représentants du Farm Bureau concèdent ainsi qu'ils espèrent obtenir des ajustements de la part du Gouvernement via les marketing loans au cas où les cours s'effondreraient ultérieurement.

En tout état de cause , cette loi cadre ne sera pas neutre sur l'évolution du paysage rural américain . Le renforcement de la compétitivité et de l'instabilité des revenus laissera de côté un certain nombre d'exploitations. La tendance observée de diminution du nombre d'exploitations agricoles et d'agrandissement des surfaces déjà observée devrait s'accélérer, l'agriculture étant appelée à devenir un secteur de plus en plus compétitif. La gestion des risques en matière de prix et de production reposera désormais entièrement sur les agriculteurs et leurs conseillers (profession qui fleurit actuellement aux USA), l'État se désengageant de plus en plus de cet aspect.

Rappelons qu'aux USA, la notion d'engagement rural ne revêt pas la même importance que dans le cadre européen, pour des raisons tant historiques que géographiques. De vastes étendues de territoire sont, ont été, ou seront inoccupées sans que cela soit ressenti comme suffisamment anormal pour justifier des programme de soutien spécifiques.

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