III. UN PROJET DE BUDGET QUI A NÉCESSITÉ DES AJUSTEMENTS POUR LEVER CERTAINES INQUIÉTUDES

A. UN BUDGET QUI PARTICIPE A L'EFFORT DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Concernant le budget des anciens combattants, qui représente 26,8 milliards de francs en 1997, quatre caractéristiques essentielles doivent être rappelées avant de soulever deux points de réelle inquiétude.

1. Les conséquences de la diminution des effectifs de la population combattante sur l'évolution de la dette viagère

a) Les conséquences démographiques

Les crédits relatifs à la dette viagère et aux diverses prestations servies aux titulaires de pension subissent chaque année une érosion sous l'effet du vieillissement des classes d'âge concernées.

Pour déterminer le nombre des personnes susceptibles de bénéficier de ses prestations, l'ONAC tient un état de ses ressortissants en opérant diverses extrapolations et en écartant les facteurs de double compte. Cette évaluation porte, d'une part, sur le nombre de pensions mis en paiement et, d'autre part, sur le nombre de cartes et titres délivrés aux postulants non pensionnés. Ces données sont corrigées par application des tables démographiques de mortalité.

Sur le plan démographique, compte tenu de la pyramide des âges, le nombre de titulaires de pensions diminue d'environ 3,3 % par an. La tendance à l'extinction des droits à pension n'est que partiellement compensée par les attributions de pensions de veuves au titre de la Seconde guerre Mondiale, par l'attribution de la pension d'invalidité au titre des conflits récents et par les révisions de pension pour infirmité nouvelle ou aggravation.

Au total, l'état numérique des ressortissants de l'ONAC, établi par projection au 1 er janvier 1997, fait apparaître 3,447 millions de bénéficiaires, auquel il convient d'ajouter un million de veuves non pensionnées.

État numérique des ressortissants de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre au 1er janvier 1997

Conflit

Ressortissants pensionnés

Ressortissants non

pensionnés

Total général

Guerre 1914/1918 et TOE

15.291

1.051

16.342

Guerre 1939/1945

325.624

1.258.667

1.442.457

Indochine-Corée

(2)

146.150

146.150

AFN (3)

236.877

1.373.283 (4)

1.610.160

TRN (loi du 4/01/93)

83.777

83.777

Pupilles de la Nation (5)

148.000

148.000

Totaux

577.802

3.010.928

3.446.886

1.000.000

1.000.000

Veuves non pensionnées

4.010.928

4.446.886

Source : Ministère des anciens combattants et victimes de guerre

(1) Après abattements, comme tableaux précédents.

(2) Nombre inclus dans le conflit 1939/1945.

(3) Evénements AFN et toutes opérations visées par la loi du 6 août 1955.

(4) Correspond au nombre de TRN délivrés pour les opérations d'AFN.

(5) Pupilles de la Nation de moins de 60 ans.

La diminution des effectifs pensionnés entraîne de manière automatique en 1997 une économie de 767 millions de francs sur les dépenses relatives à la dette viagère, c'est-à-dire sur les crédits afférents à la retraite du combattant (chapitre 46-21), aux pensions civiles et militaires d'invalidité (chapitre 46-22) et aux allocations rattachées (chapitres 46-25 et 46-26).

L'évolution négative du nombre de parties prenantes (- 3,5 %) entraîne également la diminution à hauteur de 101 millions de francs du remboursement par l'État à la sécurité sociale des soins médicaux gratuits au titre des articles L. 115 et suivants du code des pensions (chapitre 46-27), ainsi que des prestations assurées aux invalides de guerre. Pour ces dernières, la baisse des crédits du chapitre 46-24 est de 129 millions de francs.

S'agissant de ce dernier point, il n'est pas inutile de souligner que le budget prévoit une économie volontaire de 29 millions de francs dégagée par la mise en oeuvre de mesures de rationalisation du contrôle des soins médicaux gratuits. Il s'agit de renforcer la formation des médecins pour contrôler si les soins médicaux sont imputables à l'infirmité pensionnée, de détecter les médecins prescripteurs dont les pratiques sont atypiques et enfin d'éviter les doubles facturations.

Au total, les évolutions démographiques expliquent une diminution de crédits de 997 millions de francs, soit 3,5 % du budget alloué aux anciens combattants en 1996.

b) La poursuite des travaux sur le rapport constant

La dette viagère évolue également en fonction de la revalorisation annuelle du point d'indice des pensions. Cette revalorisation résulte du « rapport constant » qui doit exister entre l'évolution du point d'indice des pensions militaires et celles des traitements bruts de la fonction publique de l'État.

L'article L. 8 bis du code des pensions, issu de l'article 123 de la loi de finances pour 1990, prévoit que le rapport constant évolue :

- en cours d'année, en fonction des mesures générales applicables aux traitements bruts des fonctionnaires ;

- au 1er janvier de chaque année en fonction de l'évolution de l'indice moyen annuel d'ensemble des traitements bruts calculés par l'INSEE.

L'évolution des traitements bruts de la fonction publique de l'État s'appuie depuis le 1er janvier 1992 sur un indice réaménagé par l'INSEE calculé à partir d'un échantillon plus important que le précédent et qui comporte environ 97 % des effectifs totaux. Son champ a notamment été étendu aux agents du Ministère de la Défense, aux policiers, aux gardiens de prison, aux fonctionnaires relevant d'un indice calculé par référence aux « échelles-lettre » ainsi qu'aux fonctionnaires de certains établissements publics nationaux.

Après avis de la commission tripartite composée de représentants de l'administration, du Parlement et des associations d'anciens combattants réunie le 24 octobre dernier, le point de pension a été modifié pour tenir compte de l'écart entre l'évolution des traitements des fonctionnaires et l'évolution des pensions, pour les années de référence 1994 et 1995. La valeur du point de pension a été fixée à 78,04 francs au 1er janvier 1996. Le rappel à effectuer au titre de 1995 aux bénéficiaires de pensions en paiement est de 0,05 franc.

Sous sa forme actuelle, la mise en oeuvre du rapport constant fait l'objet de diverses critiques de la part des associations d'anciens combattants qui lui reproche son caractère technique qui empêcherait tout contrôle réel de son évolution par rapport à celle du pouvoir d'achat des fonctionnaires en activité.

Afin de répondre à ces critiques, M. Pierre Pasquini a décidé par arrêté du 25 octobre dernier, de créer une commission spécifique chargée de l'examen d'une simplification du calcul du rapport constant.

Il ressort des réponses transmises à votre rapporteur que cette commission a finalement été mise en place le 25 juin 1996. Depuis, le rythme des travaux a été modéré puisque cette commission a constitué en son sein « un groupe de travail » dont la première réunion devait se tenir au mois de septembre avec pour objectif d'achever les travaux dans un délai de six mois.

Votre rapporteur souhaite que les travaux de la commission puissent déboucher à échéance raisonnable sur une proposition qui permette de maintenir le lien qui doit demeurer entre les pensions militaires d'invalidité et les rémunérations des fonctionnaires en activité, tout en rendant le rapport constant compréhensible par le plus grand nombre sans être moins avantageux que la formule actuelle.

c) La prorogation de l'ouverture des droits à pension des anciens combattants des États de l'ex-Indochine française devenus indépendants (article 85 du projet de loi de finances)

L'article 100 de la loi de finances pour 1996 a permis aux anciens combattants ressortissants des États de l'ex-Indochine française, qui sont aujourd'hui nationaux du Cambodge, du Laos et du Viêt-nam, de présenter, par dérogation à la forclusion instituée le 30 décembre 1958 :

- des demandes de première liquidation de dossiers d'invalides et d'ayants cause ;

- des demandes de révision de pension d'invalidité.

Au 31 août 1996, seules 443 demandes ont été déposées sachant que la localisation des intéressés est souvent délicate en raison de la difficulté à assurer, dans le contexte local, une publicité suffisante aux mesures prises.

Votre commission émet un avis favorable à la reconduction en 1997 de la dérogation consentie en 1996 aux anciens combattants de l'ex-Indochine française pour que la mesure puisse recevoir plus complètement effet.

Il est à noter que ce projet de budget ne prévoit pas d'autres mesures pour répondre au problème préoccupant de la cristallisation des anciens combattants des pays de la France d'outre-mer devenus indépendants.

2. La progression des concours versés à l'ONAC et à l'INI

Le projet de budget pour 1997 prévoit une augmentation des subventions versées à l'Office national des anciens combattants (ONAC) et à l'Institution nationale des invalides (INI).

a) L Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC)

L'ONAC est un établissement public administratif créé sous la IIIème République et régi par l'ordonnance du 7 janvier 1959. L'Office est « chargé de veiller en toutes circonstances sur les intérêts matériels et moraux de ses membres » .

L'État s'appuie sur le réseau des services départementaux de l'Office pour offrir un service de proximité aux anciens combattants.

L'Office effectue diverses missions administratives pour le compte du ministère des anciens combattants, en matière d'instruction au niveau départemental des demandes de cartes et titre et d'instruction des demandes d'allocation au Fonds de solidarité des anciens combattants d'AFN. Il assure également le secrétariat des commissions départementales de l'information historique pour la paix ainsi que la prise en charge des activités de l 'OEuvre nationale du Bleuet de France.

Par ailleurs, l'ONAC exerce ses missions propres dans les domaines de l'action sociale individuelle, de l'hébergement des anciens combattants retraités, de la rééducation et de la formation professionnelle et de la protection des pupilles de la Nation.

Il s'appuie sur un réseau composé de 15 maisons de retraite, d'une capacité potentielle de 1.052 places en 1995, auxquelles viennent s'ajouter 315 lits, réservés par priorité aux ressortissants de l'ONAC, dans 7 maisons de retraite conventionnées.

L'Office dispose également d'un réseau de 10 écoles de rééducation professionnelle (ERP) agréées pour recevoir 2.141 stagiaires travailleurs handicapés. En liaison avec les services des rapatriés, l'ONAC prévoit la formation en deux ans de 120 enfants de Français musulmans rapatriés d'ici juin 1998, qui viendront s'ajouter aux deux promotions de 120 enfants chacune prévu par la convention de 1994.

Il convient également de souligner l'importance de la politique d'action sociale de l'ONAC qui a porté sur un montant de crédits de 53,4 millions de francs en 1995, dont 39,3 millions de francs versés sous forme de secours individuel d'un montant moyen de 1.676 francs.

Politique d'action sociale de l'ONAC en 1995

(en milliers de francs)

Nature des dépenses

Montant

Subvention aux associations

1.928,00

Action sociale individuelle

39.296,40

Frais de rééducation professionnelle

2.270,00

Hébergement en foyers et maisons de retraite conventionnés

2.889,50

Animation des établissements de l'ONAC

852,00

Subvention aux offices des TOM

1.000,00

Transfert en investissement

5.175,10

Total

53.411,00

Le projet de budget pour 1997 prévoit une augmentation de + 1,11 % de la contribution de l'État aux dépenses de fonctionnement de l'ONAC (chapitre 36-51) qui passera de 225,2 millions de francs en 1996 à 227,7 millions de francs en 1997. Cette mesure permet notamment de financer la troisième et dernière tranche de contractualisation des personnels de main d'oeuvre exceptionnelle des maisons de retraite de l'Office et d'assurer les mesures de transformation d'emploi dans les établissements de l'Office.

Il est à noter en revanche que la contribution de l'État à l'action sociale de l'ONAC (chapitre 46-51) enregistre une baisse significative de 6,5 millions de francs, soit 12,3 % de baisse pour atteindre 46,71 millions de francs en 1997. Cet ajustement fait suite à la mesure d'annulation de crédits de 6 millions de francs confirmée pour l'arrêté d'annulation du 26 septembre dernier.

b) L'Institution Nationale des Invalides (INI)

L'INI, érigée en établissement public administratif depuis le 1er janvier 1982, est un organisme de pointe en matière d'accueil et de soins aux invalides de guerre. Avec un budget estimé à 136 millions de francs en 1997, il assure la gestion de deux établissements distincts : un centre des pensionnés et un centre médico-chirurgical.

Le projet de budget pour 1997 prévoit que la contribution de l'État aux frais de fonctionnement de l'INI s'élèvera à 41,51 millions de francs, soit une hausse de 0,5 % par rapport à l'année dernière. La subvention budgétaire représentera 30,5 % du budget de l'INI en 1997. Les mesures nouvelles permettront de financer la création d'un poste d'orthoptiste nécessaire au fonctionnement de la compensation du handicap visuel ainsi que l'application de la 7ème tranche du protocole Durafour.

Votre rapporteur note par ailleurs qu'un effort particulier d'investissement devra être consenti par l'État en faveur de l'INI ces prochaines années pour assurer à un niveau convenable les conditions d'hébergement et de technique médicale et faire face à l'opération de remise aux normes de la protection contre l'incendie qui serait nécessaire.

3. Une diminution conjoncturelle des crédits relatifs à la mémoire historique

L'ensemble des crédits consacrés à la mémoire à travers l'entretien des sépultures françaises à l'étranger et des nécropoles nationales, l'organisation de fêtes nationales et des cérémonies publiques et les interventions au titre de la mémoire et de l'information historique, passent de 35,27 milliards de francs en 1996 à 24,35 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1997 soit une baisse de près de 31 %.

Cela résulte, en particulier, de la suppression de 10,07 millions de francs de crédits non reconductibles, dont 1,4 million de francs au titre de la réalisation du Mur du souvenir à la nécropole de Fréjus.

Il convient de rappeler que les opérations de rapatriements des corps des soldats tombés en Indochine n'ont permis de relever que les restes mortels inhumés dans les grands cimetières militaires français du Viêt-nam et que de nombreuses tombes éparses n'ont pu être retrouvées.

C'est pourquoi pour rappeler le souvenir de tous ces disparus, il a été prévu d'honorer tous les soldats « Morts pour la France» en Indochine en gravant des plaques commémoratives apposées sur le Mur du souvenir.

D'autres crédits non reconductibles concernaient notamment la commémoration du 80ème anniversaire de la Bataille de Verdun en 1916.

L'évolution des crédits pour 1997 résulte d'une actualité moins dense en événements historiques susceptibles d'une commémoration au cours de cette année.

Il est néanmoins prévu d'organiser des cérémonies franco-américaines pour célébrer le 80ème anniversaire de l'année 1917 qui a vu l'entrée en guerre des États-Unis.

Par ailleurs, dans le cadre des interventions muséographiques, il est envisagé de rénover le mémorial du Mont-Faron, de restaurer le monument du Mont Kemmel en Belgique et d'aménager le mémorial de Sébastopol.

Enfin, la troisième tranche du programme de rénovation des nécropoles nationales doit être poursuivie l'année prochaine avec 3,25 millions de francs d'autorisation de programme et 8,12 millions de francs de crédits de paiement.

Votre commission a pris acte de la baisse des crédits consacrés à la mémoire historique qui semble justifié par une actualité moins dense en commémorations historiques.

Elle souligne que la préservation des hauts faits et de la mémoire du monde combattant ne relève pas uniquement de moyens financiers supplémentaires mais également d'un sentiment collectif partagé en commun qui doit être entretenu par des initiatives symboliques de l'État ou de la société civile.

4. La progression des crédits de la rente mutualiste

La rente mutualiste du combattant est un dispositif original qui lie l'effort d'épargne des anciens combattants à la participation financière de l'État : les titulaires de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation peuvent se constituer une rente personnelle produite par la capitalisation des versements personnels, majorée par l'État, selon un taux variable en fonction de l'âge de l'adhérent et de la date de son adhésion, dans la limite d'un plafond fixé par décret.

La majoration spéciale de l'État est égale, en règle générale, à 25 % du montant de la rente résultant des versements personnels de l'intéressé. Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'État est limité à un plafond fixé en valeur absolue.

Le dispositif de la rente mutualiste a fait l'objet d'aménagements importants au cours de ces dernières années :

- la question de la forclusion du délai de souscription a été levée par l'article 66 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social qui dispose que la majoration de l'État est accordée à la condition que l'adhésion ait eu lieu dans un délai de dix ans après l'ouverture du droit à majoration pour la catégorie à laquelle appartenait le sociétaire ;

- dans le cadre de la loi de finances pour 1996, les crédits relatifs à la majoration de la rente mutualiste ont été transférés du budget des affaires sociales et de la santé vers le budget des anciens combattants (chapitre 47-22, article 20) ;

- l'article 101 de la loi de finances pour 1996 a prévu que le plafond majorable de la rente mutualiste progresserait au 1er janvier de chaque année, en fonction de l'indice des prix à la consommation hors tabac. Ce plafond majorable, en outre, a été porté de 6.750 francs à 7.000 francs lors de la discussion de la loi de finances pour 1996.

Dans le projet de budget pour 1997, il est prévu une augmentation de 25 millions de francs des crédits de la majoration de l'État qui sera portée à 360 millions de francs pour tenir compte de l'augmentation du nombre de « crédirentiers » -pour reprendre la qualification retenue dans le bleu budgétaire- ainsi que de l'indexation automatique du plafond majorable. Ce dernier devrait passer de 7.000 francs à 7.140 francs en 1997.

S'agissant de cette indexation, votre rapporteur demeure favorable au principe d'une indexation, non pas sur l'indice des prix hors tabac, mais sur le point de la pension militaire d'invalidité conformément au principe de réparation qui est à l'origine de la rente mutualiste.

L'Administration estime que les rentes mutualistes constituent une forme de placement de l'épargne individuelle souscrite volontairement et qu'elles n'ont donc pas le caractère de prestations de réparation.

Votre rapporteur rappelle que le législateur en 1923 avait bien conçu le dispositif de la rente mutualiste pour apporter réparation aux préjudices financiers subis par les combattants, lesquels pendant la durée des conflits ne peuvent se constituer une épargne pour leurs vieux jours tant en raison de la modicité de leur solde que de leur présence au combat.

Au demeurant, la majoration spéciale de l'État, qui vient en plus de la rente produite par la capitalisation des versements personnels de l'adhérent, témoigne de la volonté d'exprimer la reconnaissance de la Nation envers les anciens combattants.

B. DE GRAVES INQUIÉTUDES QUI SEMBLENT HEUREUSEMENT ÊTRE LEVÉES

La discussion de ce projet de budget a permis aux anciens combattants de voir lever deux inquiétudes suscitées pour l'une par une disposition du projet de loi de finances remettant en cause le droit des pensions et pour l'autre par une circulaire mettant à l'étude une réforme des services déconcentrés de l'État.

1. Le retrait, par le Gouvernement, du plafonnement de la majoration des pensions militaires d'invalidité au taux du grade (article 87 du projet de loi de finances)

L'article 87 du projet de loi de finances, retiré par le Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale, avait prévu de plafonner à 50 % le montant de la majoration de la pension militaire d'invalidité versée à un militaire partant à la retraite.

Il convient de rappeler que la pension d'invalidité due à un militaire blessé à l'occasion de son service est déterminée en application d'un barème défini par l'article L. 9 du code des pensions qui assortit chaque degré d'invalidité d'une pension. Lorsque le militaire est en activité, le montant de la pension est calculé sur le taux du soldat ; en revanche, le jour où il cesse son activité pour faire valoir ses droits à retraite la pension d'invalidité est alors calculée sur le taux du grade atteint.

Dans l'hypothèse de l'écart le plus élevé, la pension d'un général de division peut être 2,7 fois supérieure à celle d'un soldat.

La mesure proposée à l'article 87 aurait été applicable à tous les arrérages de pension dus après le 1er janvier 1997 y compris pour les militaires déjà à la retraite. Elle aurait touché les pensionnés gradés à partir du grade de commandant.

Votre commission se félicite du retrait de cet article.

En effet, la mesure proposée par le Gouvernement revenait à amputer les ressources d'anciens combattants invalides et à terme de leurs veuves, en revenant sur les droits qui leur avaient été ouverts au moment de la liquidation de leur pension à la date de leur retraite.

Cette mesure aurait frappé près de 12.000 militaires dont ceux qui ont été blessés pendant la Seconde guerre mondiale ou au cours des opérations en Indochine et en Algérie et dont la moyenne d'âge se situe au-dessus de 75 ans.

Enfin, au moment où le Président de la République engage une vaste réforme de la structure de nos armées, il était pour le moins singulier de revenir, pour un pur motif budgétaire, sur une décision prise par le Général de Gaulle en 1962 dans un souci de justice et d'apaisement à l'issue de la conclusion des événements d'Algérie.

Les conséquences financières de ce retrait ont été tirées tant sur le budget de la défense que sur celui des anciens combattants.

Votre commission s'est félicitée du retrait de l'article 87 relatif au plafonnement des majorations des pensions militaires d'invalidité au taux du grade.

2. Les engagements du Premier ministre sur le maintien en l'état des structures du monde combattant

Les réflexions engagées dans le cadre de la réforme de l'État lancée le 1er juillet dernier, ont suscité une vive émotion dans le monde combattant.

Une circulaire du Premier ministre en date du 5 septembre dernier a été adressée aux préfets de trois régions et de cinq départements afin de faire procéder à « une étude de faisabilité d'un schéma de réorganisation des services déconcentrés de l'État » .

Ce schéma prévoit de regrouper différentes directions départementales ou régionales par grands pôles de compétence. Sont notamment projetées « une direction départementale de la santé, de la population et de la solidarité exerçant en plus des attributions actuelles confiées aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) celles du service départemental de l'ONAC», ainsi qu'une « direction régionale de la santé (...) qui exercerait également les attributions des actuelles directions interdépartementales des anciens combattants sauf celles relatives aux cérémonies, décorations et entretien des nécropoles qui seraient reprises par les préfectures » .

Ce projet de réforme, qui ne devait donner lieu qu'à une étude de faisabilité, semble assez largement inspiré de certaines des conclusions du rapport, publié en 1994, de la Mission sur les responsabilités et l'organisation de l'État présidée M. Jean Picq, conseiller maître à la Cour des Comptes, qui proposait en particulier d'intégrer les services d'administration centrale des anciens combattants dans une vaste « Direction générale de la population et de la solidarité » qui aurait constitué l'axe d'un nouveau ministère.

La réaction de surprise des anciens combattants pouvait être d'autant plus vive que le Président de la République s'était engagé au cours de la campagne présidentielle à ce que le ministère des anciens combattants et l'ONAC soient maintenus, les services qui assurent la protection matérielle et morale des anciens combattants ne devant être remis en cause. Au demeurant, le Président de la République recevant l'Union Fédérale des anciens combattants (UFAC) en janvier 1996 avait confirmé pour la durée du septennat, le maintien du ministère et de l'ONAC.

Le débat semble aujourd'hui clos puisque M. Pasquini a fait connaître par une lettre en date du 6 novembre dernier adressée aux parlementaires que le Premier Ministre avait confirmé le maintien en l'état des structures actuelles.

Votre rapporteur a souhaité reprendre ici le contenu même de cette lettre :

« Dans le cadre des réflexions engagées sur la réforme de l'État, le Premier ministre avait demandé à quelques préfets de lui faire part de leurs suggestions en ce qui concerne notamment une évolution des services déconcentrés du ministère et de l'office national des anciens combattants.

« Ces préfets ont fait savoir que le monde combattant est très réservé sur l'éventualité d'une restructuration de ces administrations.

« Dans ces conditions et dans la droite ligne de ce que le Président de la République a toujours défendu, le Premier Ministre m'a indiqué que le Gouvernement n `envisage bien sûr pas de remettre en cause l'autonomie des services existants. Il m `a demandé de bien vouloir informer la représentation nationale et les associations d'anciens combattants, le plus rapidement possible, du maintien en l'état des structures actuelles. C `est ce que je fais avec plaisir » .

Votre commission se félicite de la décision du Gouvernement de maintenir en l'état les structures actuelles pour les anciens combattants et victimes de guerre.

L'action sociale en faveur des anciens combattants est une des formes nobles des devoirs que la Nation s'impose vis-à-vis de ceux auxquels elle a beaucoup demandé, lorsqu'à leur tour, ils sont en difficulté : mais la dimension sociale ne saurait à elle seule fonder la légitimité d'une administration au service des anciens combattants : celle-ci entretient une mémoire et répare des blessures qui plongent aux racines de notre histoire.

« La guerre, par les émotions qu'elle mobilise et par le sang qu'elle verse, scelle les opinions avec les souvenirs au plus profond des coeurs » 5 ( * ) .

Les anciens combattants sont les « grands témoins » de ce pacte. C'est pourquoi il est impératif que soit maintenu dans notre pays un ministère des anciens combattants à part entière.

Sous réserve de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du budget des anciens combattants et victimes de guerre pour 1997, à l'adoption des articles 85 et 86 rattachés à ce budget et s'est félicitée du retrait, par le Gouvernement, de l'article 87.

* 5 Le Passé d'une illusion, François Furet.

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