B. LES PRINCIPES DU PROCÈS CRIMINEL : LA RÉACTION CONTRE LA JUSTICE DE L'ANCIEN RÉGIME

Le souhait du Constituant de rompre avec la justice de l'Ancien Régime se traduit par l'adoption de principes permettant au jury d'exercer pleinement son rôle de juge du fait et donc d'être un contrepoids efficace à la toute puissance du magistrat : l'intime conviction, l'oralité des débats et l'absence de motivation. Deux siècles après, ces principes continuent de régir le déroulement des débats devant la cour d'assises.

1. L'intime conviction

La consécration de l'intime conviction, qui ne concerne d'ailleurs pas seulement la matière criminelle, traduit le souci de rompre avec le système des preuves légales et les excès auxquels celui-ci avait donné lieu, tels que l'instauration de la question pour obtenir la probatio probatissima : l'aveu.

L'institution du jury devait d'ailleurs conduire à la disparition des preuves légales car à quoi bon demander à des jurés de se prononcer sur la culpabilité s'ils doivent obligatoirement statuer dans un sens préalablement déterminé en condamnant lorsque ces preuves sont réunies et en acquittant lorsqu'elles ne le sont pas ?

Le code pénal de brumaire an IV, dû à Merlin de Douai, liera intime conviction et absence de motivation par une formule qui, après avoir été conservée par le code d'instruction criminelle, figure aujourd'hui à l'article 353 du code de procédure pénale :

" La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus , elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve : elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l'accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ? ".

Quoique reposant sur l'intime conviction des membres de la cour d'assises, le verdict ne saurait être considéré comme une décision subjective, comme la manifestation d'un sentiment purement émotif. La consécration de l'intime conviction marque au contraire la victoire de la raison dans le domaine judiciaire puisqu'elle ne se forme qu'au terme d'une démonstration, d'une démarche rationnelle.

Les partisans de l'intime conviction, au premier rang desquels figurait Thouret, pouvaient d'ailleurs se réclamer de Beccaria selon lequel " toute certitude morale n'est qu'une probabilité qui mérite cependant d'être considérée comme certitude lorsque tout homme d'un sens droit est forcé d'y donner son assentiment par une sorte d'habitude naturelle qui est la suite de la nécessité d'agir et qui est antérieure à toute spéculation ".

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