II. L'ASSOCIATION DES ETATS DE LA CARAÏBE : UN CADRE PRIVILÉGIÉ POUR L'ACTION DE LA FRANCE DANS LA RÉGION

Votre rapporteur présentera le dispositif de la convention Association des Etats de la Caraïbe avant d'analyser les modalités particulières de la participation française à la nouvelle organisation.

A. UN INSTRUMENT NOUVEAU POUR RENFORCER L'IDENTITÉ RÉGIONALE

Quels sont les objectifs poursuivis par l'Association des Etats de la Caraïbe ? Quels sont les moyens dont dispose la nouvelle organisation pour répondre aux missions qui lui sont assignées ?

1. Les objectifs : une coopération renforcée

a) Les principes fondateurs

La convention le rappelle dans son préambule, la création de l'Association des Etats de la Caraïbe vise à conjurer le spectre d'une marginalisation économique et politique liée, d'une part, à la mise en place de vastes zones de libre échange sur le continent américain et, d'autre part, aux évolutions des relations internationales libérées désormais de la logique de confrontation entre blocs antagonistes.

Le préambule pose également les trois principes fondamentaux qui inspirent l'organisation :

- une intégration régionale soucieuse de dépasser les clivages habituels entre monde anglophone et hispanophone notamment, comme le souligne la référence aux résolutions adoptées lors de la deuxième conférence du Caricom et de l'Amérique centrale ainsi que lors du sommet des présidents du Groupe des trois (Colombie, Mexique, Vénézuela) et des représentants du Caricom en octobre 1993 ;

- le respect des principes de démocratie , de l'Etat de droit , des droits de l'Homme , du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes , autant de principes -faut-il le souligner- dont le rappel ne saurait être indifférent dans cette région ;

- la protection de l'environnement de la région et en particulier de la mer des Caraïbes, témoignage d'une volonté de mieux maîtriser l'exploitation des ressources, décisive à la fois pour le développement économique de la zone, mais aussi pour la qualité de vie des " générations actuelles et futures des peuples de la Caraïbe ".

b) Une dimension politique et économique

Dans ce cadre, les Etats membres s'assignent un double objectif :

- la mise en place de politiques ou de programmes communs dans un large éventail de domaines (culture, économie, questions sociales, science et technologie).

- l'intégration économique à travers la libéralisation du commerce, des investissements ou des transports (art. 3).

En outre, lors du sommet inaugural de l'association, en 1991 à Port d'Espagne, les chefs d'Etats et de gouvernements ont rappelé " l'importance des principes de libre accès et d'opportunités égale au transport aérien et maritime à tarifs raisonnables ", conditions indispensables " à l'intégration économique des Etats, pays et territoires " de l'Arc. Ils se sont assigné pour " objectif ultime ", " l'offre de services durables, efficaces, rentables, uniques et de première qualité aux passagers et compagnies de navigation à des tarifs raisonnables ".

2. Les moyens d'une efficacité nouvelle

Dans l'esprit des négociateurs, l'efficacité du nouveau dispositif repose sur deux facteurs : d'une part, un dispositif institutionnel , d'autre part, l' ouverture du traité à un ensemble régional très large quoique précisément déterminé, alors même que le caractère restrictif du nombre des Etats membres des organisations régionales précédentes avait pu affecter leurs capacités d'action.

a) Le dispositif institutionnel

Le dispositif institutionnel s'articule autour de trois entités : le Conseil des ministres, les comités spéciaux, le Secrétariat.

· Le Conseil des ministres

Le Conseil des ministres réunit les représentants des Etats membres au moins une fois par an (art. 11). Il peut également convoquer des réunions extraordinaires du Conseil sur un ordre du jour particulier (art. 8) [3] . Il adopte le budget en deux temps : un vote sur chacune des rubriques budgétaires à la majorité des trois quarts des délégués présents et votant, suivi d'un vote sur l'ensemble du budget par consensus (art. 12). Pour le reste, les décisions sont prises par consensus pour les " questions substantielles " et à la majorité des deux tiers pour les " questions de procédure ", le partage entre l'une ou l'autre de ces catégories relevant d'ailleurs d'un vote à la majorité des deux tiers (art. 11).

Le Conseil des ministres constitue le " principal organe de formulation de politique et d'orientation de l'Association ".

A ce jour il a pris trois initiatives notables :

- une déclaration de principe et un plan d'action sur le tourisme, le commerce et les transports ;

- la création d'un Fonds régional pour le développement du tourisme dans la Caraïbe (FORETU), destiné non pas à recevoir des contributions des Etats membres de l'AEC mais à obtenir des financements auprès d'organismes internationaux ou de sociétés privées ;

- un plan d'action pour l'éducation et la formation dans le domaine du tourisme.

Enfin, un avant-projet d'accord soumis au prochain Conseil des ministres devrait permettre d'établir une " zone de tourisme durable ".

· Les comités spéciaux

La convention prévoit la mise en place de cinq comités spéciaux (commerce, environnement, ressources naturelles, science et culture, budget). Le Conseil des ministres peut par ailleurs créer d'autres comités spéciaux qu'il peut juger utiles : un Comité spécial du tourisme a ainsi été créé en décembre 1996 lors du Conseil des ministres de la Havane.

Les comités spéciaux " originels " ont commencé à se réunir au cours de l'année 1996. Le Comité du commerce a été chargé d'" identifier les barrières au sein de la région qui portent atteinte au commerce et à l'investissement et d'élaborer une méthodologie favorisant la libéralisation progressive du commerce, de l'investissement, des transports et d'autres domaines avec pour objectif l'établissement prochain d'une zone de libre-échange ".

Le Comité de la protection et de la conservation de l'environnement et de la mer des Caraïbes a pour sa part été chargé de confier à un groupe spécifique le suivi des problèmes relatifs aux catastrophes naturelles et de proposer des solutions.

· Le Secrétariat

Le Secrétariat de l'Association des Etats de la Caraïbe assure la préparation des décisions du Conseil des ministres et veille à leur application (art. 15). Il repose sur une structure légère dirigée par un secrétaire général élu par le Conseil des ministres pour quatre ans (art. 14) [4] et comprend huit cadres -trois directeurs (de nationalité dominicaine, guatémaltèque, jamaïcaine), deux " senior professionals " -colombien et guyani-, deux " junior professionals " -cubain et trinidadien. En outre, l'AEC bénéficie de la mise à disposition temporaire par le Conseil régional de la Guadeloupe, d'un expert français.

Le siège de l'AEC est à Port d'Espagne (Trinité et Tobago).

· La question du financement

Le budget prévu au titre de l'article 12 de la convention ne couvre que le fonctionnement de l'Association. La dotation initiale -un montant de 1,5 million de dollars reconduit en 1997- repose sur les contributions des Etats membres [5] .

Les actions décidées par le Conseil des ministres font l'objet d'un financement distinct, en principe dans le cadre du fonds spécial alimenté par les contributions volontaires des Etats membres (art. 13). Compte tenu des délais nécessaires à l'élaboration de son statut, ce fonds institué en décembre 1996 n'a pas encore été utilisé.

b) Un champ géographique élargi

La convention prévoit deux modalités d'adhésion à l'AEC comme membre à part entière, d'une part, et membre associé, d'autre part.

Le premier statut vise les Etats souverains de la région ; le second, les territoires dépendants ou les Etats comme la France, présents dans la région à travers les DFA. Dans l'un ou l'autre cas, la convention fixe une liste limitative des pays concernés.

L'Association se caractérise par l'ampleur du champ géographique couvert où se trouve réuni l'ensemble des pays riverains du Bassin caraïbe -ainsi que les Bahamas, la Guyane, le Surinam et le Salvador-. Tous les Etats ayant vocation à appartenir à l'AEC ont, en fait, signé la convention constitutive de cette organisation dès son adoption en juillet 1994 à Carthagène. Il faut sans doute voir dans ce mouvement d'intérêt la traduction d'un véritable sentiment de solidarité entre les Etats de la Caraïbe.

En outre, l'Association peut admettre des observateurs dans les conditions prévues par le Conseil des ministres [6] .

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