II. AUDITION DU MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ ET DU SECRÉTAIRE D'ÉTAT À LA SANTÉ

Réunie le 20 novembre sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission des finances a procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le ministre a rappelé tout d'abord que la progression de ces crédits était de 3,6 % pour l'emploi, de 4,4 % hors budget des charges communes.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a ensuite insisté sur le fait que le budget de l'emploi pour 1998 constituait, à ses yeux, un budget de rupture par rapport à la démarche traditionnelle du ministère du travail, centrée sur le traitement et l'accompagnement social du chômage. Elle a insisté sur deux mesures pour illustrer ce tournant vers une politique offensive de l'emploi : la création d'activités et d'emplois nouveaux pour les jeunes et la réduction de la durée du travail.

S'agissant des emplois jeunes, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé que le dispositif permettait de passer de la logique des contrats aidés à une logique économique, ces emplois ne devant pas concurrencer des emplois préexistants du secteur privé ni du secteur public. Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que 8,35 milliards de francs étaient ouverts pour les emplois-jeunes en 1998, dont 300 millions de francs affectés aux départements d'outre-mer, et que cette enveloppe avait été précédée par l'ouverture de 2 milliards de francs par décret d'avance en juillet dernier. Elle a rappelé également que la loi du 16 octobre 1997 créait aussi un dispositif d'encouragement des jeunes à la création d'entreprises, sous forme d'une avance remboursable assortie d'un suivi pendant les trois premières années.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a ensuite présenté l'orientation du budget de 1998 vers la réduction du temps de travail, le Gouvernement s'étant engagé sur le passage aux 35 heures au 1er janvier 2000, pour les entreprises de plus de 10 salariés ; l'Etat accompagnera le mouvement et aidera les entreprises à l'anticiper par une incitation sous forme d'abattement forfaitaire de cotisations sociales, que la loi d'orientation et d'incitation mettra en place. Dans cette perspective, une provision de 3 milliards de francs est constituée, sans être individualisée, à l'intérieur des 43,2 milliards de francs inscrits aux crédits des charges communes sur la ligne de l'allégement de cotisations sur les bas salaires, cette provision permettant de financer le passage aux 35 heures pour environ 1 million de salariés, au fil des accords de branches ou d'entreprises.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a précisé que cette provision s'ajouterait à l'enveloppe de 2,14 milliards de francs destinée à financer la loi "de Robien", soit 1,3 milliard de francs de plus que la dotation 1997.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a ensuite souligné que les dispositifs traditionnels de traitement social du chômage étaient replacés dans une perspective de prévention et de lutte contre les exclusions. Ainsi, les contrats emploi-solidarité (CES) seront maintenus au niveau de 500.000 entrées et seront réservés aux personnes les plus défavorisées ; les contrats consolidés à l'issue d'un CES seront renforcés de 50 % afin d'aider notamment les chômeurs âgés qui ont peu de chances de se réintégrer dans un emploi classique. Les emplois de ville devraient être englobés par les emplois-jeunes, et lorsque cette conversion ne sera pas possible, ils pourront se poursuivre jusqu'à terme : 414 millions de francs de crédits sont prévus à cette fin dans le budget de 1998.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a insisté sur le moyens affectés aux personnes les plus touchées par le chômage : au total, 484 millions de francs, en hausse de 6 % sont consacrés à l'insertion par l'économique à raison de 349 millions de francs sur le budget de l'emploi et 135 millions de francs sur le budget de la solidarité pour l'accompagnement social nécessaire à ces publics.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, s'est félicitée de ce que les contrats initiative-emploi aient été recentrés par le Gouvernement précédent sur les publics prioritaires : 200.000 entrées sont prévues en 1998, ce qui correspond au niveau atteint cette année, même si les crédits nécessaires diminuent fortement (13,2 milliards de francs contre 17,9 milliards de francs budgétés en 1997), car le freinage des entrées 1997 se répercute sur le coût 1998.

Enfin, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que la capacité d'accueil dans les stages collectifs pour les chômeurs de longue durée serait portée à 160.000 places, soit 30.000 places de plus qu'en 1997.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souligné que les préretraites ne devaient plus être l'instrument prioritaire des restructurations des entreprises alors que les préretraites progressives, moins coûteuses pour la collectivité, étaient maintenues au même niveau qu'en 1997. En revanche, la contribution des grandes entreprises aux préretraites serait augmentée, de façon à cibler les mesures sur les entreprises en difficulté, les petites entreprises, les régions en crise, et à porter la part des préretraites de 80 % à 30 % dans les instruments des plans sociaux.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a aussi insisté sur l'extension de l'allocation de remplacement pour l'emploi, auquel le Gouvernement contribuera à hauteur de 40 % dès lors que les partenaires sociaux auront conclu des négociations au niveau interprofessionnel ou par branche, et aussi sur les 8,115 milliards de francs prévus dans le budget de 1998, qui permettront à la fois de couvrir une revalorisation générale de l'allocation de solidarité spécifique et une majoration spéciale pour les allocataires ayant validé 40 annuités de cotisations.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a ensuite abordé la problématique de l'allégement du coût du travail en reconnaissant que la lourdeur des charges sociales sur les bas salaires constituait un véritable problème. Dans un contexte où l'importance du coût par poste de travail s'avère difficile à chiffrer, l'enveloppe consacrée à la ristourne dégressive est maintenue à 40 milliards de francs en 1998. La principale mesure qui permet de tenir dans cette enveloppe est la proratisation de l'exonération pour les emplois à temps partiel. La deuxième mesure ramène le plafond d'exonération de 1,33 à 1,30 SMIC, l'effet de cette mesure sur le montant en francs de l'exonération étant atténué par la revalorisation du SMIC de 4 % intervenue en juillet 1997.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souligné que par ailleurs le basculement des cotisations d'assurance maladie sur la contribution sociale généralisée (CSG) contribuerait à l'allégement des charges sociales et que le Gouvernement étudiait la voie de l'élargissement de l'assiette des cotisations patronales.

Par ailleurs, Mme Martine Aubry a rappelé que la France était contrainte de mettre fin au plan spécifique d'allégement de charges pour le secteur textile-habillement, condamné par la commission de Bruxelles, et que le Gouvernement s'efforçait d'aménager l'obligation de remboursement des aides perçues à ce titre ; toutefois, l'application du plan pourrait être poursuivie en 1998 dans les limites autorisées dans le cadre de la règle de minimis, c'est-à-dire à hauteur de 650.000 francs par entreprise sur trois ans.

S'agissant des exonérations applicables dans les zones de redynamisation urbaine et de revitalisation rurale et dans les zones franches, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé qu'elles avaient été maintenues, dans leur principe, pour les zones franches jusqu'à l'établissement d'un bilan du pacte de relance pour la ville.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a ensuite présenté les crédits de la formation professionnelle : à champ constant, c'est-à-dire en rétablissant dans le budget de l'emploi les primes des contrats d'apprentissage qui figuraient aux charges communes, les crédits de la formation professionnelle augmentent de 2 %, avec un montant de 24,5 milliards de francs, dont la moitié pour les contrats en alternance ; si l'on y ajoute le financement des formations de l'association pour la formation professionnelle des adultes, composé de la subvention de l'Etat et des rémunérations des stagiaires, le budget de la formation professionnelle est porté à 30 milliards de francs, soit 27 % des 112,6 milliards de francs du budget de l'emploi, hors budget des charges communes. Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a insisté sur la nécessité de développer la formation en alternance, le nombre des jeunes actifs de moins de 26 ans diminuant régulièrement dans les entreprises.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que le nombre de contrats d'apprentissage prévus dans le budget 1998 était porté de 220.000 à 240.000, les contrats de qualification étant ramenés au niveau de la tendance réelle de 1997, soit 100.000 contre 130.000 prévus en 1997, la faiblesse de ces contrats étant au demeurant préoccupante.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué qu'elle souhaitait entreprendre une remise à plat des circuits de financement de la formation, ainsi que de son contenu et de ses objectifs.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a ensuite présenté le budget de la santé, de la solidarité et de la ville pour 1998 qui s'élève à 73,2 milliards de francs, en augmentation de près de 3 %. La première priorité de ce budget est d'assurer pleinement la mission de protection des plus fragiles : cette priorité est au centre de l'aide sociale de l'Etat et des programmes d'action sociale confiés aux associations. Ce bloc de crédits regroupe 20 milliards de francs sur les 63,7 milliards de francs du budget de la solidarité. Le budget prévoit la création de 2.000 places supplémentaires de centres d'aide par le travail (CAT), pour un montant de 135 millions de francs, auxquelles il faut ajouter les 500 places d'ateliers protégés créées sur le budget de l'emploi. Les centres d'aide par le travail représentent 6 milliards de francs sur les 10,5 milliards de francs de l'aide sociale de l'Etat.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a estimé que la progression de l'allocation aux adultes handicapés était préoccupante : elle a conduit à inscrire 23,4 milliards de francs à ce titre, en hausse de 5 % sur les 22,3 milliards de francs de 1997. Une mission d'analyse de la politique d'attribution et du fonctionnement des COTOREP vient donc d'être confiée à l'inspection générale des affaires sociales et à l'inspection des finances. Par ailleurs, les crédits de l'aide sociale, ajustés en hausse de 29 millions de francs sont portés à 350 millions de francs et la dotation de 807 millions de francs pour l'aide médicale permet d'apurer des dettes auprès des fournisseurs de soins, dans l'attente de l'assurance maladie universelle.

S'agissant des mesures de tutelles décidées par les juges, dont l'Etat doit honorer le financement, une mission d'enquête a été lancée pour mieux cerner le sujet : 80 millions de francs supplémentaires portent la dotation de 1998 à 515 millions de francs, afin d'apaiser les craintes des associations tutélaires. La baisse des crédits inscrits pour 1998 pour les objecteurs de conscience qui représentait 118 millions de francs contre 201 millions de francs en 1997, s'explique par la diminution rapide du nombre de jeunes appelés sollicitant le bénéfice du statut d'objecteur dans la perspective de la suppression de la conscription.

Concernant les personnes âgées, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a signalé que les 227 millions de francs de crédits du titre VI affecté à l'humanisation des hospices permettaient d'envisager, en 1999, le terme de ce plan commencé il y a plus de 20 ans.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a souligné que la prise en charge des personnes âgées dépendantes était un sujet majeur, qui devait être traité dans son ensemble : l'augmentation du nombre de lits en cure médicale et en long séjour et la réorganisation de la tarification en sont des éléments essentiels. S'agissant des modes de garde à domicile, le comité national de gérontologie sera bientôt réuni pour faire un bilan de la mise en place de la prestation spécifique dépendance, qui se traduit aujourd'hui par des différences de traitement sur le territoire national.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a ensuite estimé nécessaire d'envisager la réforme de loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, afin d'assurer une plus grande égalité sur le territoire.

S'agissant de la future loi cadre sur l'exclusion, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a précisé qu'une provision de 225 millions de francs inscrite au budget des charges communes en constituait un premier élément.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a ensuite rappelé que la hausse de 4,5 % de la dotation du revenu minimum d'insertion d'environ 25,3  milliards de francs, était à la fois ajustée aux besoins estimés et cohérente avec la mobilisation des dispositifs d'insertion, et que 500 places supplémentaires de centres d'hébergement et de réadaptation sociale seraient financées en 1998, ces centres devant être désormais ouverts toute l'année.

S'agissant de l'accueil et l'intégration des populations étrangères, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a rappelé que l'essentiel des moyens était porté par le budget des établissements publics, l'office pour les migrations internationales et surtout le fonds d'accueil social, qui seraient utilisés pour l'insertion en France mais aussi, le cas échéant une aide au retour pour les étrangers non régularisés.

S'agissant de la politique de la ville, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a rappelé que serait lancée au début de l'année prochaine une loi cadre de lutte contre les exclusions. Le total des moyens affectés à la politique de la ville en 1998 se monte à 15  milliards de francs, soit 1 milliard de plus qu'en 1997.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a estimé que cette politique devrait être réexaminée en s'interrogeant sur l'utilité des crédits et l'adaptation des procédures ; 1998 étant la dernière année des contrats de ville, un bilan des contrats de ville et du pacte de relance sera établi en 1999, ce qui justifie un budget de continuité pour 1998.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a ensuite évoqué l'action en faveur des droits des femmes : l'égalité des droits entre les femmes et les hommes n'étant pas acquise, qu'il s'agisse de l'accès à l'emploi, de la formation et des salaires, il est nécessaire de les promouvoir, avec l'appui de l'Etat. Tel est l'objet des 72 millions de francs consacrés au soutien des initiatives et des mouvements qui s'emploient à défendre l'égalité des droits, la parité dans la vie politique et la vie publique, ainsi que les droits propres comme l'accès à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse.

S'agissant enfin des moyens du service public de l'emploi et de l'administration sanitaire et sociale, Mme Martine Aubry a rappelé que les mesures essentielles du budget de 1998 concernaient le personnel et correspondaient à deux priorités, la résorption de l'emploi précaire et le renforcement de l'encadrement pour lesquels il a été dérogé à la norme de stabilité des effectifs prescrite en 1998 : on note en effet la création nette de 369 emplois budgétaires, 199 du côté solidarité, 170 du côté emploi, auxquelles il faut y ajouter les 70 créations d'emplois autorisées à l'agence nationale pour l'emploi, qu'elle financera à l'intérieur de l'enveloppe de subvention de fonctionnement.

M. Alain Lambert, rapporteur général , a admis la proratisation de l'exonération de charges au titre du travail à temps partiel, mais s'est inquiété de la façon dont les entreprises réagiraient à la diminution de l'exonération sur les bas salaires. Il a, par ailleurs, souhaité savoir si le Gouvernement envisageait de prolonger les contrats de ville jusqu'en 1999.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a fait valoir que le volume global de la ristourne dégressive sur les bas salaires serait maintenu à 40 milliards de francs pour 1998, l'abaissement du seuil de 1,33 SMIC à 1,30 SMIC étant compensé par l'effet volume de la hausse du SMIC. Elle a estimé que ce système coûteux constituait une trappe à bas salaires et générait d'importants effets de seuil, mais qu'il devait être maintenu dans l'immédiat faute de meilleure solution. Elle a considéré que la modification marginale qui lui serait apportée n'aurait pas d'effet au niveau micro-économique sur les comportements des entreprises, et a souligné la nécessité d'aller plus loin dans l'allégement des charges sur les bas salaires, notamment par une réforme de l'assiette des cotisations sociales patronales et de la taxe professionnelle. Elle a assuré que, si l'expérience du contrat de ville apparaissait plus fructueuse, celle-ci serait prolongée en 1999, et qu'il n'y aurait pas de rupture des engagements de l'Etat en toute hypothèse. Elle a ajouté qu'une véritable déconcentration des crédits lui paraissait nécessaire en la matière.

M. Jacques Oudin , rapporteur spécial des crédits de la santé et de la solidarité, s'est félicité de l'approche rigoureuse du ministre sur le revenu minimum d'insertion (RMI) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui sont deux postes de dépenses en forte progression et constituent l'essentiel de ce budget. Il a estimé nécessaire de réviser ces dispositifs et utile de solliciter l'éclairage de la Cour des Comptes. Relevant la progression continue du nombre de places dans les centres d'aide par le travail (CAT), il a souhaité savoir quel était l'objectif poursuivi. Il s'est enfin déclaré inquiet du démembrement des compétences de l'administration sanitaire résultant de la multiplication des agences et des offices dans ce secteur.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a indiqué que la hausse du revenu minimum d'insertion était très directement liée au reprofilage de l'allocation supplémentaire de solidarité intervenu en 1997. Elle a estimé souhaitable une diminution du nombre des allocataires du RMI, par une relance des dispositifs d'insertion. Elle a constaté que le resserrement des critères d'attribution de l'AAH en 1995 n'avait eu aucun effet, les COTOREP continuant de l'accorder très largement. Elle a estimé opportun de recentrer l'AAH sur les véritables handicapés. Elle a rappelé avoir été à l'origine en 1991 de la première programmation sur cinq ans des places en CAT, mais que "l'amendement Creton" avait entre temps perturbé ces prévisions. Elle a estimé qu'il existait d'autres solutions que la multiplication des places, notamment le développement du travail à mi-temps dans les CAT et de celui de l'emploi en milieu ordinaire. Elle a fait valoir que la création prochaine des agences de veille et de sécurité sanitaires répondrait à un vrai besoin, mais que d'une façon générale, elle était opposée à la dilution des responsabilités et préférait disposer de directeurs d'administration centrale forts plutôt que d'une multitude de délégués spécialisés.

M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial des crédits de l'emploi , a souhaité connaître l'appréciation du ministre sur les résultats obtenus par l'agence nationale pour l'emploi (ANPE) et l'agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) dans le cadre des contrats de progrès. Il a également souhaité connaître la justification de la diminution du nombre des contrats de formation en alternance et des contrats initiative emploi en 1998. A l'inverse, il s'est demandé si l'objectif de 150.000 emplois jeunes dans le secteur public en 1998 ne risquait pas d'être dépassé. Il a enfin souhaité savoir quel résultat le ministre espérait des incitations à la réduction collective du temps de travail.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a indiqué que l'AFPA avait beaucoup progressé sur la qualité de l'accueil et la gestion de son personnel, conformément à ses engagements dans le cadre du contrat de progrès. Elle a précisé que l'AFPA, qui avait eu tendance à empiéter sur le marché concurrentiel de la formation, avait été recentrée sur ses missions de service public en faveur des demandeurs d'emplois et des publics les plus fragiles. Elle a néanmoins estimé que des progrès pouvaient encore entre être réalisés dans la coordination entre l'AFPA et l'ANPE.

S'agissant de cette dernière, le ministre a indiqué que l'agence avait bien réussi son recentrage en direction des entreprises, puisque désormais 40 % des offres d'emplois sont déposées à l'ANPE et que les employeurs reconnaissent la qualité du travail de présélection des candidatures que celle-ci réalise pour leur compte. Néanmoins, elle a estimé que l'ANPE devait encore progresser dans le traitement individualisé des chômeurs.

Le ministre a justifié la baisse de 25 % du nombre de contrats initiative-emploi par le recadrage du dispositif sur les publics les plus en difficulté, et indiqué que le nombre de contrats emploi-solidarité serait maintenu au niveau atteint en 1997, au moins jusqu'au bilan qui sera réalisé en juin 1998.

S'agissant de la réduction de la durée du travail, elle s'est déclarée convaincue que les entreprises se saisiraient de l'opportunité qui leur était offerte lorsqu'elles auraient pris conscience des souplesses de la loi. A cet égard, elle a estimé que la réalité des réactions des entreprises sur le terrain était très différente de la position de la confédération nationale du patronat français (CNPF). Elle a fait valoir que des inquiétudes comparables avaient été exprimées à propos de la loi de Robien, qui est désormais un succès reconnu, et s'est déclaré optimiste sur la nouvelle étape proposée car les entreprises ont toujours intérêt à repenser leur organisation du travail.

Le ministre a affirmé que le nombre de 150.000 emplois-jeunes ne serait pas dépassé en 1998, car elle avait donné des instructions pour que les préfets soient très fermes sur les critères d'accès au dispositif et n'y admettent que des emplois pérennes. Elle a fait valoir l'expérience réalisée à Lille, où la part du financement de la municipalité pour des emplois de ce type avait pu être réduite de 80 % à 35 % en trois ans.

M. Philippe Adnot , après avoir pris acte du maintien global du nombre des contrats emploi-solidarité, a néanmoins constaté que, dans son département, ceux-ci étaient en réduction sensible. Il s'est déclaré entièrement d'accord avec l'analyse du ministre sur les préretraites, estimant néfaste de donner aux entreprises un accès trop facile à ce dispositif, alors que bien d'autres solutions existent. Il s'est inquiété de l'impact de la réduction des exonérations de charges sociales sur la compétitivité des entreprises, et a estimé que l'on faisait un mauvais procès aux conseils généraux qui cherchent à s'assurer de la réalité de l'aide aux personnes handicapées financée par l'allocation compensatrice pour tierce personne.

Mme Maryse Bergé-Lavigne , évoquant le sommet européen sur l'emploi, a estimé qu'après la réalisation de l'euro et du marché unique pour les marchandises, le prochain chantier était celui de l'harmonisation sociale européenne. Elle a regretté qu'il n'y ait toujours pas de statut de la société européenne, et a fait part des inquiétudes des salariés du consortium Airbus, dans la perspective de la transformation de celui-ci en société.

M. Marc Massion s'est félicité de la progression des crédits en faveur des entreprises d'insertion, tout en espérant que celles-ci n'auraient plus à souffrir de retard dans le versement de leurs subventions et en regrettant qu'elles n'aient pas accès aux dispositifs d'exonération de cotisations sociales.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , s'est étonnée de la diminution des contrats emploi-solidarité observé par M. Philippe Adnot dans son département, et a supposé que cela tenait peut-être à l'épuisement du contingent attribué au préfet. Elle a estimé que l'ajustement de la ristourne dégressive sur les bas salaires n'aurait pas d'effet sensible au niveau de chaque entreprise, et s'est déclarée convaincue qu'à la fin de 1998 le volume global des allégements de charges sociales serait supérieur à celui de 1997, du fait de l'incitation à la réduction du temps de travail.

Le ministre a estimé parfaitement normal que les départements contrôlent l'effectivité de l'aide financée par l'allocation compensatrice pour tierce personne, mais a constaté que, pour l'instant, la loi ne leur permettait pas de le faire. D'une façon plus générale, elle a considéré que les aides aux personnes handicapées et aux personnes âgées devaient être revues au regard des progrès de la longévité. A cet égard, elle a fait valoir que le grand progrès apporté par la prestation spécifique dépendance résidait dans la mesure précise du handicap et dans la proportionnalité de l'aide en fonction de ce handicap. Elle a estimé que les aides publiques devraient être attribuées selon les deux critères de la dépendance physique et de la dépendance financière, les solidarités familiales devant jouer pleinement.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , s'est déclarée en parfait accord avec l'analyse de M. Marc Massion sur les entreprises d'insertion et a regretté que celles-ci ne puissent pas bénéficier des exonérations de charges offertes aux entreprises classiques pour l'embauche de chômeurs de longue durée. Elle a jugé nécessaire de simplifier les statuts des différents types d'entreprises d'insertion, et d'introduire une "clause sociale" dans les procédures de marché public afin de rétablir une égalité de concurrence entre celles-ci et les entreprises ordinaires.

Elle a affirmé que le sommet pour l'emploi serait une grande date pour la construction européenne, et que les Gouvernements devaient enfin reconnaître la nécessité d'efforts convergents pour réduire le chômage, sauf à discréditer l'Europe auprès des opinions publiques. Elle a estimé qu'il convenait de faire preuve de la même détermination contre le chômage que pour la rigueur monétaire et budgétaire. Elle s'est déclarée convaincue de la nécessité d'examiner en même temps le coût et la durée du travail. Elle a fait valoir que le modèle européen commun n'était certainement pas le libéralisme dérégulé, car chacun des Etats membres reconnaît qu'il n'est pas possible de progresser économiquement avec des salariés en situation précaire, même si les entreprises ont par ailleurs impérativement besoin de souplesse.

M. Guy Cabanel a estimé que la loi de 1985 sur la formation professionnelle et l'apprentissage n'avait eu que très peu d'effets, et que la France aurait eu intérêt à s'inspirer du modèle allemand, même si celui-ci apparaissait aujourd'hui en perte de vitesse. Après avoir rappelé la baisse d'activité préoccupante dans le secteur du thermalisme, il a fait valoir que cette thérapeutique n'était certainement pas dépassée dans toutes les disciplines et s'est inquiété qu'aucune décision ne soit prise à l'approche de la prochaine saison thermale. Evoquant la prestation spécifique dépendance, il a fait valoir qu'il ne s'agissait que d'un dispositif transitoire, encore incomplet en l'absence de réforme de la tarification des établissements, et a mis en garde contre l'égalitarisme qui conduit à critiquer la disparité des efforts consentis par des départements aux ressources très variables.

M. Michel Moreigne s'est déclaré favorable à une majoration du minimum vieillesse, notamment en faveur des artisans, commerçants et agriculteurs.

M. Jacques Chaumont s'est inquiété des pratiques d'une minorité de médecins qui accordent des arrêts de travail de complaisance, ainsi que de la diminution des contrats emploi-solidarité dans le secteur sanitaire.

M. Gérard Miquel a regretté que les entreprises d'insertion, en dépit de leurs efforts méritoires, ne parviennent que très rarement à rompre pour leur personnel le cercle des contrats aidés, du chômage et du RMI.

M. François Trucy s'est interrogé sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à desserrer le frein mis à la croissance des dépenses d'assurance maladie, et s'est inquiété du niveau des prix des appareillages médicaux.

M. Yvon Collin s'est inquiété de la progression de la toxicomanie, contre laquelle ni la prévention ni la répression ne semblaient avoir d'effet, et qui touchaient désormais même les communes rurales.

M. Roland du Luart a estimé indispensable que des directives soient adressées aux COTOREP afin que celles-ci fassent preuve de plus de rigueur, et surtout harmonisent leurs pratiques à travers l'ensemble du pays.

En réponse aux intervenants précédents, M. Bernard Kouchner , secrétaire d'Etat à la santé, a rappelé que le seul Premier ministre qui avait cherché à transposer en France le modèle allemand d'apprentissage était Mme Edith Cresson, sans grand succès. Il a considéré que le thermalisme n'était pas menacé, même si son efficacité n'est pas prouvée pour toutes les spécialités. Il a fait valoir que la réforme de la tarification des établissements accueillant des bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance se heurtait à l'invraisemblable opacité des pratiques actuelles.

S'agissant de la revalorisation du minimum vieillesse, il a rappelé que le Gouvernement avait déjà fait un effort en faveur des veuves et des agriculteurs, et a estimé difficile d'aller plus loin dans l'immédiat.

S'agissant des arrêts de travail de complaisance, il a considéré que les médecins étaient pris en otage par le système de rémunération à l'acte, qui les contraint à accorder les arrêts demandés, sauf à perdre leur clientèle. Il a souligné que le contrôle en la matière était de la responsabilité des caisses d'assurance maladie, et que les abus provenaient également des employeurs qui utilisent les arrêts de travail de longue durée pour écarter certains salariés qu'ils ne veulent pas licencier dans les règles.

S'agissant de la progression de l'objectif national d'assurance maladie, le secrétaire d'Etat l'a justifiée par la situation des hôpitaux, qui se sont trouvés étranglés par la rigueur de l'objectif fixé l'an dernier. Il a néanmoins affirmé que le Gouvernement continuait dans la voie de la réforme hospitalière, et avait notamment relancé la procédure des schémas régionaux d'organisation sanitaire qui serviront aux agences régionales de l'hospitalisation pour répartir les dotations entre les établissements.

S'agissant de la toxicomanie, il a estimé qu'il convenait à la fois de diminuer le nombre de toxicomanes, de limiter les conséquences néfastes pour les personnes concernées, et surtout de contrôler les aspects économiques du marché de la drogue, ce qui impliquait une action européenne et même mondiale. Il a souligné qu'il convenait de bien distinguer le simple usager de drogue du toxicomane, et d'informer aussi bien sur les toxiques légaux qu'illégaux. Il s'est inquiété de la consommation massive de psychotropes en France, qui est de l'ordre de 18 millions de boîtes par mois, car ces drogues légales et remboursées par la sécurité sociale semblent très largement associées aux accidents de la route. Il a estimé que l'absence de toute distinction au regard du droit pénal entre drogue douce et drogue dure méritait d'être débattue et que la prison ne constituait en aucun cas une solution, même s'il convenait de maintenir un interdit.

Réunie le 19 novembre 1997 sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission des finances a adopté les crédits de la santé, de la solidarité et de la ville, réduits par deux amendements portant sur les titres III et IV.

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