2. Un préalable : préciser la mission du secteur public dans le nouveau paysage audiovisuel

Les problèmes évoqués ci-dessus ne peuvent être résolus qu'au regard d'une vision claire de la mission de l'audiovisuel public.

a) La situation actuelle

Elle est très insatisfaisante. On s'installe, et le projet de budget de 1998, éclairé par les déclarations du ministre de la communication, le confirme, dans un clivage entre le secteur public de qualité, représenté par Arte et La Cinquième, et le secteur grand public, représenté par France 2 et France 3.

M. Hervé Bourges constatait, en auditionnant les responsables de France Télévision le 18 juillet dernier à l'occasion de l'examen des bilans de 1996, que France 2 " continue de connaître des problèmes d'identité, peut-être plus encore que d'image " et faisait état d'un " divorce entre le volume réel d'émissions d'information, de culture et de services que la statistique dénombre, et la perception qu'en a l'opinion. "

Il est de fait que l'image de la chaîne se manifeste plus dans l'émission phare qui précède les nouvelles de 20 heures que dans les émissions culturelles diffusées aux alentours de minuit. Et l'on ne saurait considérer une programmation de première partie de soirée qui hésite pathétiquement, au gré des variations de l'audimat, entre le jeu traditionnel et le succédané de débat de société, comme emblématique des missions du service public.

Il est vrai que sur France Télévision, la distraction et les jeux font appel plus à la culture qu'à l'appât du gain, disait un prédécesseur de l'actuel président, considérant que la mission de service public était ainsi assurée. A ce sujet, on se joint aux doutes exprimés de longue date par de bons esprits à l'égard de la valeur culturelle des jeux télévisuels :

" Les demi-cultivés (ou demi-barbares) de l'ère de l'audiovisuel. Quand on suit à la radio ou à la télévision un des innombrables jeux radiophoniques, on est frappé de la proportion somme toute élevée des réponses justes, considérablement plus grande en moyenne qu'elle ne l'eût été il y a cinquante ans. Mais on pressent en même temps que ces connaissances ponctuelles n'ont aucune tendance à s'organiser en réseaux cohérents. L'esprit de leur possesseur fait penser à un cartographe du relief qui, disposant d'un assez grand nombre de points cotés, n'aurait aucune notion de la manière de les joindre par des courbes de niveau ". 4( * )

Le clivage de plus en plus manifeste entre la télévision de niche et la télévision de masse au sein de l'audiovisuel public, dont le ministre de la communication paraît confirmer implicitement la perpétuation par ses déclarations et à travers son projet de budget, ne saurait perdurer sans déboucher sur une profonde mise en cause de la légitimité de programmes alignés sur ceux de la télévision privée. Il convient de dénouer l'enchaînement des démissions et des contradictions.

b) Quelles missions pour l'audiovisuel public ?

Votre rapporteur ne prétend pas esquisser en quelques phrases et au détour d'un avis budgétaire une " refondation " du service public ! Aussi se contentera-t-il de formuler quelques remarques.

Tout d'abord, il importe d'aborder le problème des missions de l'audiovisuel public non pas sous l'angle rhétorique, mais d'un point de vue pratique : quelles grilles de programme diffuser ?

La lecture de la brochure diffusée récemment sous le titre " Orientations stratégiques de France 2 " n'incite pas à l'optimisme à cet égard.

Quelques citations :

" La stratégie de l'antenne de France 2 se construit autour d'une double mission de renforcement de la cohésion sociale et d'enrichissement de l'identité culturelle commune.

France 2 exerce cette mission de service public dans le respect de ses valeurs fondamentales.

L'identité de ses programmes se construit autour de trois axes majeurs : être la chaîne exemplaire de l'information, être la chaîne du divertissement de qualité, être la chaîne de la création "
(page 7)

" Elle participe ainsi à l'enrichissement de l'imaginaire collectif. En effet, la télévision propose de manière plus ou moins explicite des systèmes de valeurs et des modèles culturels, qui contribuent à façonner nos comportements et nos modes de vie. France 2 doit être particulièrement consciente de cette responsabilité, notamment du fait de sa large audience ". (page 9)

" Le respect de ces principes doit nous permettre de développer un " esprit France 2 ", positif et convivial, reconnaissable par les téléspectateurs au travers de la diversité des programmes de la chaîne, diversité qui constitue une de ses premières richesses ". (page 13)

Tout ceci ne contribue guère à éclairer le citoyen contribuable sur les missions de la télévision publique et sur les stratégies définies afin de remplir celles-ci.

Votre rapporteur considère que les missions doivent être progressivement redéfinies en tenant compte des réponses que l'Etat donnera aux questions que pose l'insertion des organismes dans l'économie du numérique : quels types de structures et d'alliances sont acceptables, quelles diversifications, quels financements.

Si l'on veut sortir de la logique discursive des actuels cahiers des charges, dont les " orientations stratégiques " de France 2 sont un avatar un peu caricatural, il faut en effet associer intimement la définition des missions et celle des moyens. Une réflexion d'envergure ouverte à l'ensemble des acteurs intéressés, et au premier abord au Parlement, est donc nécessaire.

Aussi votre rapporteur relèvera-t-il à ce stade une seule certitude, en ce qui concerne la légitimité présente et à venir des chaînes publiques, il s'agit de leur contribution à l'information des Français, de l'apport que représente pour le débat démocratique le potentiel de rédactions nombreuses et actives, il s'agit enfin de la garantie qu'implique pour le pluralisme de l'information la diversité de chaînes généralistes attirant encore, et pour quelque temps sans doute, la majeure partie du public de la télévision.

Voilà pourquoi, au terme de son exposé, votre rapporteur tient à exprimer sa satisfaction à l'égard des initiatives que le président de France Télévision a déjà prises ou pourrait prendre afin de renforcer l'information dans les programmes des chaînes. C'est une part essentielle de la légitimité de celles-ci qui est ainsi prise en compte.

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