EXAMEN PAR LA COMMISSION

Réunie le mardi 18 novembre 1997 sous la Présidence de M. Jean François-Poncet, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-François Le Grand sur les crédits consacrés à l'aviation civile dans le projet de loi de finances pour 1998.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, s'est félicité des efforts entrepris par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour se conformer au souhait de transparence exprimé par le Parlement, à travers l'élaboration d'un état récapitulatif présentant la répartition des coûts et des dépenses du budget annexe de l'aviation civile (BAAC).

Après avoir indiqué que les fonds inscrits au BAAC s'élevaient à 8,469 milliards de francs pour 1998, en hausse de 5,91 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997, il en a présenté les principales orientations :

- une simple reconduction de la subvention de l'Etat ;

- une augmentation des redevances et taxes à la charge des compagnies aériennes sur lesquelles pèseront donc exclusivement les recettes du budget annexe. A cet égard, il a souligné l'augmentation de 39,3 % de la taxe de sécurité et de sûreté, qui ne manquera pas de déséquilibrer les comptes de ces compagnies.

Evoquant ensuite les dépenses du BAAC, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a souhaité que le Gouvernement améliore la cohérence des programmes français et européen dans le domaine de la navigation aérienne et s'est interrogé sur l'opportunité des importantes charges de personnel (+ 6 %), dues aux hausses de salaires substantielles dont bénéficiaient les fonctionnaires du contrôle aérien.

Il a ensuite indiqué que la taxe qui alimente le fonds de péréquation des transports aériens était maintenue par le projet de loi de finances pour 1998 à un franc par passager embarqué. Il a souligné que, dans ces conditions, ce fonds ne devrait pas connaître de difficultés de trésorerie dans les deux années à venir, le taux de la taxe devant probablement être réexaminé à partir de l'an 2000.

S'il a estimé qu'il fallait sans doute exclure tout assouplissement des critères communautaires d'éligibilité des liaisons aériennes au FPTA, le rapporteur pour avis a cependant souhaité qu'une réflexion soit menée sur les modalités et conditions d'application de ces critères par la France, de façon à établir un bilan du dispositif et à identifier, dans le cadre de la réglementation communautaire, d'éventuelles marges de manoeuvre.

S'agissant enfin des dotations destinées aux programmes aéronautiques, le rapporteur pour avis a déploré la réduction d'un tiers des crédits de soutien à la recherche-amont, au moment où cette dernière s'avèrait vitale pour affronter une concurrence mondiale très vive. A cet égard, après avoir rappelé que la construction aéronautique civile américaine bénéficiait de crédits du ministère de la défense et de la NASA, il a fait part de son " regret teinté d'amertume " de constater que l'on pénalisait de nouveau les constructeurs européens après avoir tenté, ces deux dernières années, de se rapprocher de la démarche américaine en ce domaine. S'il s'est félicité de l'augmentation de 34,4 % des crédits destinés aux avances remboursables, il a cependant souligné qu'elles ne faisaient que traduire la relance des programmes aéronautiques, et non un plus grand engagement budgétaire de l'Etat.

Dans ces conditions, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a proposé à la commission de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits destinés aux transports aériens dans le projet de loi de finances pour 1998.

Il a ensuite exposé l'évolution du paysage aérien mondial et européen, caractérisé à la fois par une croissance du trafic et par une concurrence acharnée ne permettant plus de raisonner en termes nationaux dans ce secteur.

Après avoir salué les efforts de rationalisation et de productivité réalisés par la direction et par le personnel du groupe Air France, il a cependant relativisé l'amélioration des résultats obtenus, Lufthansa et British Airways ayant, dans le même temps, multiplié leurs profits respectivement par trois et par quatre.

Le rapporteur pour avis a souligné que la mondialisation du secteur du transport aérien s'accompagnait d'un mouvement accentué d'alliances entre compagnies, qu'il a qualifié de véritable " jeu de monopoly ".

Evoquant les alliances majeures qui se sont nouées dans le secteur, il a relevé que ces alliances étaient désormais basées sur la pratique des " codes partagés ", qui permet d'éviter une concurrence suicidaire sur la fidélisation des passagers et fait observer que l'aspect capitalistique prendrait à l'avenir une importance croissante. Il a estimé que, dans ces conditions, le groupe Air France devait mener une stratégie d'alliances ambitieuse reposant sur trois piliers : européen, américain et asiatique, le groupe devant combler un important retard en la matière. Après avoir rappelé que la répartition du capital des compagnies aériennes européennes avait souvent évolué -six des plus grandes compagnies ayant désormais une majorité d'investisseurs privés-, il a jugé que l'absence d'engagement clair en faveur d'une privatisation d'Air France pénalisait cette dernière et nuisait à sa crédibilité dans sa recherche d'alliances. Or, a-t-il précisé, cette stratégie doit être menée rapidement, dans la mesure où le marché mondial sera totalement capté d'ici deux à trois ans.

En outre, il a fait observer qu'en l'absence de privatisation, les personnels du groupe ayant accepté des réductions de salaires en contrepartie d'actions seraient fondés à considérer qu'ils avaient été payés en " monnaie de singe ". Il a craint que ne soit, dans ce cas, freinée -voire cassée- la dynamique qui avait jusqu'ici permis des efforts de rationalisation du groupe.

Puis, après avoir souligné le développement du trafic enregistré par les transporteurs régionaux privés, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a souhaité une réforme du Conseil supérieur de l'aviation marchande (CSAM), qu'il avait l'honneur de présider et dont il a estimé le fonctionnement " figé et très administratif ". Il a, en outre, dénoncé la " double casquette " de la DGAC, à la fois opérateur et régulateur.

S'agissant des infrastructures aéroportuaires, le rapporteur pour avis a souligné l'évolution positive du trafic des aéroports parisiens dont il a rappelé qu'ils étaient les seuls aéroports à vocation internationale, en Europe, à disposer d'une capacité de développement permettant de répondre à la croissance du trafic. Dans ces conditions, il s'est félicité qu'ait été confirmée la décision de construire deux pistes supplémentaires sur l'aéroport de Roissy.

Il a ensuite évoqué l'impact négatif de la réglementation communautaire sur les finances d'Aéroport de Paris (directives relatives à l'accès au marché de l'assistance en escale et aux redevances aéroportuaires et projet de suppression des ventes hors taxes).

Le rapporteur pour avis a souligné la croissance du trafic des principaux aéroports de province. Il a cependant estimé qu'il serait illusoire de considérer que le desserrement du trafic francilien vers ces aéroports pourrait offrir une alternative entièrement satisfaisante aux aéroports parisiens pour accueillir la demande. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur ce qu'il adviendrait d'Orly en cas d'accident aérien aux alentours de ce site et a estimé que, dans ces conditions, on pouvait s'interroger sur l'opportunité de renoncer aujourd'hui à disposer des réserves foncières permettant éventuellement de construire, à terme, un aéroport sur le site de Beauvilliers, en Eure-et-Loir. Il a jugé que la commission s'honorerait en posant cette question.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué le problème de la dévolution des plates-formes aéroportuaires parisiennes, estimant que l'aéroport d'Orly devait être réservé aux lignes intérieures et intra-communautaires et les vols long courrier concentrés sur l'aéroport de Roissy.

S'agissant de la filière aéronautique, il s'est félicité des résultats positifs du groupe Aérospatiale, qui lui permettraient de recruter environ 1.200 personnes sur la période 1996-1999.

Il s'est cependant inquiété de la véritable " guerre commerciale " menée par les Etats-Unis, en particulier de la menace résultant de la fusion de Boeing et de Mac Donnell Douglas et de la stratégie d'exclusivité menée par l'avionneur américain, qui entraîne des distorsions de concurrence au détriment de l'industrie européenne. Souhaitant un renforcement de la coopération européenne dans le secteur aéronautique, le rapporteur pour avis a jugé nécessaire la poursuite du processus d'intégration d'Airbus, une société unique devant être constituée au début de l'année 1999.

Il a défendu l'idée d'une réforme du dispositif de soutien public à la recherche et au développement, au moyen notamment d'un accroissement des aides indirectes, à l'instar du dispositif américain, comme le préconisait le rapport de M. Yvon Collin sur ce sujet. Il a, par ailleurs, attaché beaucoup d'importance à ce que la recherche dans le domaine aéronautique donne la priorité à la lutte contre les nuisances sonores.

Un large échange de vues s'est ensuite instauré au sein de la commission.

Après avoir félicité le rapporteur pour avis pour la qualité de son exposé, M. Jean Huchon s'est inquiété de la concurrence exercée par Boeing et s'est interrogé sur le prix et le résultat des navettes mises en place par l'ex-Air Inter.

En réponse, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a rappelé que cette compagnie -dont le passif était très lourd, et qui ne bénéficiait plus de la péréquation entre les lignes " milliardaires " et les lignes déficitaires-, était parvenue, à travers la mise en place de ces navettes, à réduire les coûts unitaires en réalisant des gains de productivité. Il a relevé que l'optimisation de la recette serait favorisée par une meilleure adaptation des avions à ce type de trafic.

Après avoir lui aussi félicité le rapporteur pour avis, M. Gérard César a déclaré partager son point de vue s'agissant du site de Beauvilliers, et souhaité que le débat dans ce domaine ne soit pas fermé.

S'interrogeant sur le bilan du fonctionnement des navettes, il a jugé " scandaleux " qu'à l'occasion des retards parfois importants dont elles étaient l'objet, aucune information ne soit délivrée aux passagers. Il a enfin demandé les raisons de la grève des pilotes du jeudi précédent.

Sur ce point, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a rappelé que les pilotes de l'ex-Air Inter devaient passer sous le statut des pilotes d'Air France, ce qui leur posait certains problèmes en termes de prise en compte de l'ancienneté et d'évolution des conditions de travail. Il a indiqué que seule une minorité des membres du syndicat des pilotes avait cependant suivi cette grève.

Répondant ensuite à M. Jacques de Menou qui évoquait le projet de British Airways de développer l'activité d'une compagnie de transport européen bon marché, le rapporteur pour avis a exposé que de telles compagnies pourraient se multiplier étant donnée la demande en ce domaine. Il s'est cependant inquiété des risques de " dumping " économique et social par ces compagnies qui, pouvant être basées à Jersey, par exemple, n'hésiteraient pas à recruter des pilotes étrangers à bas salaire. Il a indiqué que le CSAM comme l'Union européenne menaient des réflexions sur la possibilité de contrer de telles pratiques qui, en outre, posaient le problème de la sécurité des avions.

A la suite d'une intervention de M. Jean Huchon, qui avait évoqué l'aéroport de Wattries, le rapporteur pour avis a indiqué que les aéroports de province connaîtraient, à terme, un développement important en raison de la croissance du transport de fret. A cet égard, il a relevé que la banalisation de ce type de transport entraînerait une baisse de ses coûts qui amènerait les compagnies à se positionner sur les aéroports de province, dont les coûts étaient inférieurs aux aéroports parisiens.

M. Kléber Malécot a souhaité que le Gouvernement adopte une position claire sur l'avenir du site de Beauvilliers.

La commission a ensuite donné un avis défavorable aux crédits inscrits au titre de l'aviation civile dans le projet de loi de finances pour 1998, les sénateurs du groupe socialiste et M. Pierre Lefebvre s'abstenant.

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