2. Les nouvelles missions : l'ouverture sur l'extérieur

L'ouverture sur l'extérieur constitue l'une des évolutions les plus remarquables des missions de la gendarmerie. A cet égard, la priorité reconnue dans le plan d'action " gendarmerie 2002 " au développement de la coopération internationale en particulier en Europe consacre une orientation imprimée depuis déjà plusieurs années à l'Arme plus qu'elle n'ouvre une voie nouvelle.

a) Une coopération policière européenne appelée à se renforcer

La coopération policière européenne couvre trois volets distincts : la participation aux diverses instances de l'Union européenne et de la convention d'application de l'accord de Schengen, la coopération transfrontalière sous l'égide du comité de coordination de la politique européenne de sécurité intérieure, enfin la coopération avec les autres gendarmeries européennes dans le cadre d'une convention quadripartite liant la gendarmerie à ses homologues italien, espagnol et portugais.

Votre rapporteur avait déjà regretté à plusieurs reprises que la gendarmerie ne soit pas suffisamment associée aux instances de coopération européenne. La participation de la gendarmerie se renforce peu à peu même s'il est possible d'aller encore plus loin dans cette voie.

. Le renforcement nécessaire de la participation au sein des instances de l'Union européenne.

La participation de la gendarmerie au sein des instances de l'Union européenne revêt deux aspects :

- la présence aux différents groupes de travail prévus dans le cadre du " troisième pilier " du traité consacré à la sécurité intérieure et la justice (groupe directeur I sur le droit d'asile et l'immigration, groupe directeur II sur la coopération policière et douanière, groupe directeur III sur la coopération judiciaire).

- la présence d'un officier de gendarmerie en qualité d'officier de liaison à l'Unité " drogue " Europol basée à Amsterdam.

Les officiers de liaison, il convient de le rappeler, représentent les intérêts de leurs Etats respectifs au sein de cette structure. Ils prennent part à l'échange de renseignements entre les Quinze Etats membres dans les domaines qui relèvent d'Europol dont le champ de compétence a d'ailleurs été étendu successivement aux matières nucléaires et radioactives, aux filières d'immigration clandestine, aux véhicules volés et, depuis décembre 1996, à la traite des êtres humains ainsi qu'aux organisations criminelles impliquées dans ces trafics et aux activités de blanchiment s'y rapportant. En outre ces officiers de liaison participent, avec les agents d'Europol, aux analyses d'activité criminelle à partir d'informations fournies par les Etats membres de l'Union européenne ou provenant d'autres sources. La convention Europol dont la procédure de ratification, au sein du chaque Etat-membre, devrait pouvoir être conduite à son terme au cours de l'année 1998, conférera une assise juridique plus solide à cette structure. Elle lui permettra en particulier de disposer d'un système informatisé relatif aux personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction, ainsi que des fichiers automatisés créés à des fins d'analyse. Le rôle d'Europol devrait donc s'accroître dans les années à venir et la représentation de la France -assurée aujourd'hui par cinq officiers de liaison- se développer. Ainsi, dans cette perspective, la gendarmerie devrait-elle compter au moins deux de ses membres dans cette institution.

Aux côtés d'Europol, le dispositif de concertation lié aux accords de Schengen constitue l'autre composante éventuelle de la coopération policière multilatérale en Europe.

. Une participation plus équilibrée aux instances de concertation de Schengen.

La gendarmerie paraît mieux représentée au sein des structures associées à la mise en oeuvre de la libre circulation des personnes dans l'" espace Schengen ".

En effet, à titre d'exemple, " SIRENE 3( * ) France ", cellule opérationnelle du système national d'information Schengen, se compose à hauteur du tiers de ses effectifs du personnel de l'Arme (1 officier et 10 sous-officiers).

Sur la base des informations fournies par ses unités ou des signalements étrangers introduits dans le système d'information Schengen, pas moins de 4 776 personnes ont été interpellées et 2 568 véhicules retrouvés depuis mars 1995.

L'ouverture des frontières dans le cadre de la convention d'application de l'accord de Schengen n'impose pas seulement le développement d'une coopération multilatérale (en particulier pour l'harmonisation du dispositif de contrôle aux frontières extérieures), elle constitue également un puissant aiguillon pour la coopération transfrontalière dont la gendarmerie apparaît l'un des acteurs majeurs.

. Un rôle éminent à jour dans la coopération transfrontalière.

En effet, le maintien de la sécurité aux frontières relève principalement de la gendarmerie. Plus de 5 000 gendarmes assurent ainsi la surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen. Les frontières intérieures ne requièrent pas un effort moindre : 137 brigades territoriales assurent ainsi la responsabilité exclusive de la sécurité publique sur 93 % des 458 kilomètres de frontières communes avec l'Allemagne.

Certes, la gendarmerie participe directement aux échanges concernant la coopération transfrontalière grâce, notamment, aux points de contacts constitués par les centres opérationnels de groupement (COG) de gendarmerie départementale ; en outre l'Arme prend part aux travaux du comité de coordination de la politique de sécurité constituée au sein du SGCI (secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne). Cependant, la participation de l'Arme dans ces enceintes n'est pas encore à la mesure de sa présence et de son rôle dans la surveillance de nos frontières.

La coopération transfrontalière peut trouver un appui utile dans les liens noués par la gendarmerie avec les forces de sécurité comparables italienne et espagnole.

. Le développement souhaitable des liens avec les forces de police à statut militaire ou assimilé.

A la suite de la réunion tripartite de Paris en 1993 entre la France, l'Italie et l'Espagne, une coopération -élargie au Portugal depuis 1996- fructueuse s'est mise en place. Les différentes actions conduites dans ce cadre ont principalement pris trois formes :

- l'échange de personnels : affectation d'un colonel des carabiniers italiens à la division des relations internationales au sein de la Direction générale de la gendarmerie nationale, d'un capitaine de la Guardia civil espagnole à l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale, présence d'un sous-officier italien, espagnol ou français dans les écoles de formation des trois pays (Montluçon pour la France, Florence pour l'Italie et Ubeda pour l'Espagne 4( * ) ).

- des exercices communs de maintien de l'ordre impliquant un escadron de chaque pays, à l'exemple de ceux organisés du 24 au 28 juin 1996 au centre de perfectionnement de la gendarmerie mobile de Saint-Astier ;

- des contacts réguliers dans les domaines de l'organisation des forces, des ressources humaines et des nouvelles technologies ; en novembre 1997, les directeurs et commandants généraux des quatre forces ont défini à Lisbonne les grandes lignes de la coopération à venir.

Il faut également signaler, dans le cadre des contacts noués avec les forces de sécurité de statut militaire, les liens tissés avec les forces des pays d'Europe centrale et orientale : cinq stagiaires (un Albanais, deux Tchèques, un Roumain, un Bulgare) formés dans les écoles de gendarmerie en 1996, huit stagiaires prévus pour l'année scolaire 1997/1998.

En effet, ces pays ouvrent un vaste champ à la coopération -champ laissé encore en partie en jachère par les pouvoirs publics français, il faut le reconnaître-. Or la mise en place, dans ces Etats, de forces de l'ordre intérieures représente un jalon important de la construction d'un Etat de droit. La gendarmerie apparaît toute désignée pour assurer cette tâche et constituer un vecteur de l'influence française dans cette partie de l'Europe.

Nous touchons du reste ici à l'un des enjeux essentiels de l'ouverture internationale de la gendarmerie : le rayonnement de l'Arme mais aussi la défense de nos intérêts nationaux dans le monde.

b) Une meilleure utilisation de l'atout international

967 gendarmes affectés ou en mission à l'étranger : ce chiffre, seul, suffirait à traduire l'importance de la présence internationale de la gendarmerie. L'action de l'Arme à l'extérieur de nos frontières revêt quatre aspects distincts mais parfois complémentaires.

. La sécurisation de nos ambassades.

A ce titre il convient de souligner une fois de plus la disponibilité de l'Arme pour assumer des missions de sécurité dans des contextes très difficiles, comme en Algérie (140 détachés) ou lorsque l'urgence le commande comme au Congo (31 détachés).

. La présence d'officiers de gendarmerie, attachés de défense.

Votre rapporteur accorde une importance particulière au renforcement de la présence d'officiers de gendarmerie comme attachés de défense au sein de nos ambassades. Il y a là en effet un moyen de nouer des contacts très utiles pour la coopération policière (l'affectation d'un officier de gendarmerie au poste de Madrid se justifie ainsi) mais aussi mettre en valeur l'exemplarité de l'Arme.

Ce n'est d'ailleurs pas seulement le rayonnement de la gendarmerie qui est ici en jeu mais aussi la diffusion d'un modèle d'organisation et d'équipement. Faut-il le rappeler, l'accréditation au Chili de l'attaché gendarmerie de Buenos-Aires en 1996 a permis, notamment, de promouvoir le réseau de transmission Rubis pour lequel les carabiniers chiliens ont confirmé leur vif intérêt. Il convient donc de se réjouir que l'Etat-major des armées ait donné des directives pour attribuer à l'institution les postes suivants :

- en 1998, les postes d'attachés de gendarmerie en Belgique et en Allemagne ;

- en 1999, les postes d'attachés de défense en Colombie et à Madagascar et d'attaché de gendarmerie au Royaume-Uni ;

. L'assistance militaire technique .

L'assistance sous forme de détachés permanents ou temporaires (60 officiers et 80 sous-officiers à la date du 1er juillet 1997) bénéficie plus particulièrement aux pays traditionnels du champ de la coopération. Ce n'est pas seulement affaire de liens historiques : l'Afrique, en particulier, confrontée à une instabilité politique fréquente, se doit de mettre en place des forces de l'ordre capables d'assurer une sécurité respectueuse des principes de l'Etat de droit. La gendarmerie peut ainsi très utilement faire partager son expérience et ses compétences.

A titre d'exemple, la gendarmerie conduit un important projet au Mali , financé sur les crédits du Fonds d'aide et de coopération (FAC) et soutenu par une équipe de huit militaires placés sous l'autorité de l'attaché de défense, un lieutenant-colonel de la gendarmerie, également chef de la mission de coopération militaire.

En Haïti, la gendarmerie largement engagée au sein de la mission d'appui des Nations unies (MITNUH) dont le terme échoit au mois de novembre 1997, a vocation à jouer un rôle dans le développement futur des forces de sécurité intérieures haïtiennes.

La coopération recouvre un autre volet : la formation de nombreux stagiaires étrangers dans les écoles ou centres de formation de l'Arme (256 stagiaires étrangers formés en 1996 dans les écoles de la gendarmerie nationale, 301 prévus en 1997).

Même si la gendarmerie doit veiller à ne pas disperser ses moyens, elle peut tirer le meilleur parti d'une analyse attentive du choix des lieux où sa présence paraît la plus utile. A ce titre, la mise en place d'un officier de liaison de la gendarmerie à Key West en Floride afin de participer à la lutte contre les narcotrafiquants dans les Caraïbes, répond à un réel besoin déjà exprimé par nos départements d'Outre-mer.

. Une présence importante au sein des opérations de maintien de la paix.

Votre rapporteur ne reviendra pas en détail sur le dispositif de la gendarmerie dans le cadre des opérations de maintien de la paix présenté l'an passé dans son rapport pour avis sur le budget 1997. Il soulignera toutefois la pérennité de la présence de l'Arme en Bosnie-Herzégovine après que la Force de stabilisation de la paix (SFOR) eut pris le relais de la Force de mise en oeuvre des accords de paix (IFOR).

Votre rapporteur s'est rendu sur place dans le cadre d'une mission de la commission des Affaires étrangères et de la Défense nationale et a pu apprécier l'efficacité de la gendarmerie dans l'exercice d'une mission délicate. L'Arme se trouve engagée dans les différents états-majors nationaux ou multinationaux, ainsi que la prévôté des bataillons et dans la chaîne des actions civilo-militaires (ACM). A ce titre, outre les brigades prévôtales classiques, de nouvelles unités ont été créées pour participer aux missions ACM (pelotons de gendarmerie de surveillance et d'intervention, brigade de gendarmerie d'investigations). Ces unités contribuent à la sécurité publique générale sur la zone de déploiement de la division française et assurent l'interface avec les autorités de police locale et les unités de police militaire alliées.

Au total, l'institution comporte 7 officiers et 77 sous-officiers en Bosnie-Herzégovine répartis comme suit :

- Etats-majors : 7 officiers, 2 sous-officiers;

- Prévôté des bataillons : 19 sous-officiers ;

- Prévôté élargie (ACM) : 52 sous-officiers ;

- Gendarmerie de l'air : 4 sous-officiers.

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