3. La mise en cause de la répression de certaines infractions aux règles relatives à l'entrée et au séjour

Alors que le Gouvernement présente le projet de loi comme de nature à renforcer la répression contre le séjour irrégulier, plusieurs dispositions vont explicitement dans le sens contraire :

- le " cercle de famille " des personnes protégées contre l'incrimination pour aide au séjour irrégulier serait élargi ( article 10 ).

- l'interdiction administrative du territoire -qui ne peut être prononcée que dans des conditions précises, jugées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel- serait supprimée ( articles 11 et 21 ).

- l'assignation à résidence serait rendue plus difficile ( article 15 ).

- la demande d'abrogation d'un arrêté de reconduite à la frontière ne serait plus subordonnée à la présence hors de France de l'intéressé ( article 16 ).

Ces dispositions ne peuvent que diminuer les moyens de lutte contre l'immigration irrégulière même si, en sens contraire, les sanctions de l'aide au séjour irrégulier sont renforcées lorsque cette aide provient de " bandes organisées " ( article 10 ).

Par ailleurs, l'étranger qui, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la Convention de Schengen, n'a pas soucrit, au moment de l'entrée sur le territoire, la déclaration obligatoire -prévue par la Convention, mais, il est vrai, peu appliquée- ne pourra plus être sanctionné ( article 11 ).

4. Un aménagement ambigu du régime de la rétention administrative et une suppression très contestable de la rétention judiciaire

On ne peut que se féliciter que le Gouvernement, à la suite des observations du rapport de M. Patrick Weil, ait repris à son compte un double constat, pourtant objet de controverses lorsqu'il fut établi par votre commission des Lois lors de l'examen de la loi du 24 avril 1997 : la brièveté des délais de la rétention administrative constitue une singularité de la France en Europe ; il explique en grande partie le taux d'échec très élevé des mesures d'éloignement.

Pour autant, les conséquences qu'il en tire sont marquées du sceau de l'ambiguïté.

Certes, l'article 19 du projet de loi prévoit-il d'allonger le délai total de la rétention administrative de dix à douze jours . En outre, il prévoit de viser les cas de perte ou de destruction des documents de voyage de l'intéressé, de dissimulation par celui-ci de son identité ou d'obstruction volontaire à la mesure d'éloignement. Il s'agirait ainsi de prendre en compte les cas les plus difficiles dans lesquels l'administration est paralysée " sauf à disposer d'un minimum de temps " selon les termes de l'étude d'impact.

Enfin, dans le but d'éviter la libération immédiate de l'intéressé à l'issue de l'audience, serait désormais prévue la rétention administrative de plein droit des étrangers pour lesquels une interdiction du territoire a été prononcée à titre de peine principale et qui est assortie d'une exécution provisoire.

Mais parallèlement, le même article 19 supprime la possibilité instituée par la loi du 24 avril 1997 de déclarer le caractère suspensif d'un recours contre une décision du juge judiciaire refusant de prolonger une mesure de rétention administrative.

Or, cette disposition dont le Conseil constitutionnel a reconnu la conformité aux règles constitutionnelles a précisément pour finalité d'éviter que l'intéressé soit remis en liberté sans attendre que le premier président de la Cour d'appel ne se soit prononcé sur la décision du président du tribunal de grande instance refusant la prolongation de la rétention.

L'Assemblée nationale a, en outre, complété cet article par des dispositions nouvelles qui, compliquant singulièrement la tâche des services préfectoraux, risquent d'aboutir en pratique à la mise en cause contentieuse de la procédure de rétention administrative.

L' article 34 institue pour sa part un dossier individuel d'identification des étrangers incarcérés, afin de faciliter les reconduites à la frontière.

L' article 38 abroge par ailleurs l' article 132-70-1 du code de procédure pénale qui -issu de la loi du 24 août 1993- définit le régime de la rétention judiciaire .

Ainsi, sans attendre que ces dispositions récentes aient pu produire leurs effets et sans examiner les moyens d'améliorer cette procédure -question sur laquelle le rapport de M. Patrick Weil avait fait des suggestions- les auteurs du projet de loi ont choisi de supprimer purement et simplement cette procédure au motif qu'elle ne serait presque jamais mise en oeuvre par le juge.

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