Article 10
Création d'un délit de bizutage

Cet article a pour objet de créer au sein du code pénal une section intitulée " du bizutage " , composée des articles 225-16-1 à 225-16-3.

En première lecture, le Sénat avait supprimé l'article 10 qui définissait alors le bizutage comme le fait, hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, de faire subir à une personne " par des contraintes ou des pressions de toute nature, des actes ou des comportements portant atteinte à la dignité de la personne humaine, lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou associatif " .

Tout en approuvant le souci des auteurs du projet de loi de réprimer plus efficacement les abus constatés au cours de séances de bizutage, votre commission des Lois avait constaté que le code pénal définissait plusieurs infractions permettant d'ores et déjà de sanctionner ces excès. Votre rapporteur avait notamment souligné l'interprétation jurisprudentielle de la notion de violences qui conduit à réprimer celles qui, sans atteindre matériellement la victime, sont de nature à provoquer chez elle un choc émotif.

Votre commission avait par ailleurs, fait observer que la définition retenue pour le nouveau délit aurait nécessité une interprétation subjective de la part du juge dans la mesure où l'atteinte à la dignité de la personne humaine n'était pas précisément définie.

Elle avait également craint que, par son caractère vague et comportemental, le texte fut dangereusement détourné de son objet initial.

Aussi, le Sénat avait-il décidé, sur la proposition de votre commission des Lois, de supprimer cet article 10.

En deuxième lecture l'Assemblée nationale a rétabli cet article dans une rédaction substantiellement différente de cette rejetée par le Sénat.

S'inspirant largement d'un amendement déposé en première lecture par les sénateurs membres du groupe socialiste et apparenté, nos collègues députés ont proposé la rédaction suivante pour le futur article 225-16-1 : " Hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, le fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, par contrainte ou pression de toute nature, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants, notamment lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, éducatif, sportif ou associatif, est puni de six mois d'emprisonnement et de 50.000 F d'amende ".

Le futur article 225-16-2 double ces peines lorsque l'infraction est commise sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.

Enfin, le futur article 225-16-3 prévoit la responsabilité pénale des personnes morales pour le délit de bizutage.

Votre commission des Lois considère que ce nouveau dispositif se heurte aux mêmes objections, et apparaît même à certains égards plus dangereux que celui rejeté par le Sénat en première lecture.

Elle juge la notion d'actes humiliants ou dégradants trop subjective et imprécise.

Le futur article 225-16-1 pourrait d'autant plus être détourné de son objet (la répression des excès du bizutage) qu'il serait appelé à jouer même si la " victime " était consentante. Ainsi, ne risquerait-il pas de devenir un instrument de censure pour certains spectacles de foire, de cabaret ou de cirque, pour certaines oeuvres picturales, sculpturales ou cinématographiques ?

Enfin, quel que soit le dispositif retenu, le problème de fond demeure : l'adoption d'une loi propre au bizutage lorsque le droit actuel permet d'ores et déjà d'en réprimer les abus ne pourrait être perçu que comme un aveu de faiblesse et, paradoxalement, encourager les auteurs de ces excès.

La prévention des abus du bizutage ne passe pas par une réforme législative mais par une application des textes existants ; elle ne nécessite pas une loi mais des exemples ; elle ne sera pas atteinte par une énième annonce de l'intention des pouvoirs publics de lutter contre ces excès mais par des sanctions effectives, judiciaires ou disciplinaires.

C'est pourquoi votre commission des Lois vous propose un amendement de suppression de cet article 10.

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