M. Pascal FAUCHER
Président de l'Association nationale des juges
de l'application des peines

M. Pascal FAUCHER .- Il y a un an, notre association était présente dans cette salle pour poser la question de l'avenir de la probation en France, et un certain nombre des intervenants que vous avez souhaité auditionner étaient présents. Par conséquent, nous aurons à ce sujet un discours assez cohérent avec ce qui a été dit par les médecins psychiatres et avec ce qui sera dit également cet après-midi au nom des victimes et de leurs familles.

Les juges de l'application des peines, que nous représentons, ne sont pas uniquement des magistrats ayant des fonctions spécialisées. Nous sommes aussi, très régulièrement (je l'étais moi-même la semaine dernière encore), assesseurs en cour d'assises et assesseurs ou présidents de juridictions correctionnelles. Nous avons donc, de par ces différentes fonctions, une vision assez globale du processus pénal et, notamment, la possibilité de participer avec nos collègues à la recherche de la juste peine au moment du jugement, mais aussi de voir quels étaient les effets de cette juste peine et de pouvoir éventuellement réajuster cette peine en cours d'exécution.

Le projet de loi qui est aujourd'hui en discussion, à ce titre, nous paraît être une bonne avancée dans le sens de ce qu'a expliqué Mme Cartier ce matin, c'est-à-dire de la question : que faire, une fois que des gens jugés dangereux ont fini leur temps de peine en prison, pour continuer à les suivre et à les contrôler ?

A ce titre, même si je vais émettre quelques réserves ou quelques bémols sur le présent projet, nous avons une approche favorable de ce texte. Nous apprécions notamment (c'est une évolution entre les différents textes qui nous avaient été soumis) le fait que le suivi judiciaire soit premier dans le dispositif et que l'injonction de soins soit seconde et facultative lorsqu'elle est prononçable. En effet (c'est notre expérience de praticiens qui nous le fait dire), nous sommes plus souvent face à des gens à qui il va falloir imposer le fait de ne pas travailler dans telles conditions, de ne pas habiter à tel endroit et de ne pas fréquenter telle ou telle personne, que face à des problématiques médicales avec des thérapies à mettre en oeuvre.

Je pense notamment à un versant qui n'est pas toujours présent dans nos esprits quand nous parlons de délinquants sexuels : le versant de tous les faits commis à l'intérieur de la famille. Je ne vais pas utiliser des termes de psychiatrie, car je n'ai aucune légitimité ni aucune compétence pour le faire, mais en parlant de criminologie (domaine dans lequel je me sens un peu plus compétent), nous pouvons dire, selon nos pratiques, que, par rapport aux pères, aux oncles ou aux grands-pères incestueux, le rappel à la loi, qui est formalisé par la décision pénale, par une sanction qui est de plus en plus lourde ou par l'exécution de cette sanction, introduit des barrières qui vont très largement limiter le risque de nouveaux passages à l'acte du même ordre.

On a parlé de la difficulté d'évaluer la récidive, et le docteur Balier a parlé de personnes qui ont souvent commis plusieurs actes graves avant d'être prises pour la première fois. L'étude du ministère qui nous a été soumise et qui fait partie du projet de loi parle du versant qui vient après en posant la question de savoir ce qui se passe une fois que la condamnation a été prononcée. On peut dire que, notamment pour tout ce qui est intra-familial, on revoit très peu les gens qui ont été condamnés, du fait du passage judiciaire, de cette condamnation et de l'exécution de cette peine.

Quand nous opérons des suivis, nous disons au travailleur social qu'un simple rappel à la loi suffira, c'est-à-dire qu'il convient de rappeler régulièrement à ce condamné qu'il a été condamné pour ces faits, que c'est inadmissible et qu'il n'est pas question qu'il se remette dans les conditions de les recommencer, en prenant une nouvelle femme, en ayant de nouveau de jeunes enfants, et ainsi de suite.

C'est un mécanisme de contrôle socio-judiciaire qui nous paraît justifié comme étant premier dans ce dispositif.

Nous apprécions aussi toutes les dispositions qui vont permettre aux juges de l'application des peines de répondre directement à l'inobservation des mesures de contrôle et des obligations dans ce domaine. Cela va permettre au juge de l'application des peines de prendre, d'office ou sur réquisition du procureur de la République, une décision immédiate d'incarcération, parce que les obligations n'auraient pas été respectées.

Si nous disons que nous y sommes favorables, c'est parce que la procédure qui existe actuellement pour d'autres peines est tout à fait insatisfaisante. En effet, en ce qui concerne le sursis avec mise à l'épreuve, nous faisons un rapport à la juridiction correctionnelle selon lequel la personne ne respecte pas ses obligations. Ce rapport est rédigé et transmis, le procureur de la République audience, avec les délais d'audiencement, et le tribunal arrive, trois, quatre, cinq ou six mois, voire un an après, pour décider s'il y a lieu ou non de sanctionner cette inobservation.

La procédure, qui est instaurée par le suivi socio-judiciaire, de réponse rapide par le juge de l'application des peines, avec, bien entendu, des garanties procédurales et un appel possible, sans compter que cette mesure est exécutoire par provision, nous paraît aller dans le bon sens d'une réponse adaptée et la plus rapide possible à l'inobservation d'obligations par des délinquants ou criminels qui sont dangereux ou qui peuvent l'être.

Nous apprécions aussi dans ce projet (et j'en resterai là pour ce qui est des compliments) le côté "coordination" entre médecins et juges, et également entre la juridiction et le juge de l'application des peines.

Il faut savoir que, du fait du fonctionnement sectorisé des juridictions, il y a une assez grande coupure dans le traitement des dossiers. L'affaire arrive devant le tribunal, celui-ci rend une décision et il peut alors se passer des délais de trois, quatre, cinq ou six mois, voire d'un an dans des cas aberrants, avant que le juge de l'application des peines compétent au regard de la loi soit saisi officiellement de la décision et puisse donc commencer à avoir connaissance des faits qui sont reprochés, convoquer la personne et entamer un suivi, sans compter (j'en parlerai tout à l'heure) le temps que nous devons mettre pour faire suivre réellement le dossier par les travailleurs sociaux que nous avons sous notre autorité.

J'en resterai donc là avec les compliments, parce que je souhaite faire un certain nombre de remarques sur le texte. Ce ne sont pas des remarques négatives, mais il s'agit de dangers qui nous paraissent présents dans le texte et qui pourraient avoir quelques conséquences fâcheuses.

Premièrement (et je serai rapide sur ce plan), la délinquance ou la criminalité à laquelle s'adresse la peine en question est très diversifiée de par les dangerosités que présentent les individus. Le seul point commun entre toutes ces infractions, c'est le traumatisme que subit la victime. Qu'il s'agisse d'un père incestueux ou d'un violeur de femmes adultes, la victime de ces abus sexuels présente des traumatismes assez voisins. Pour autant, en termes de prévention de la récidive, les auteurs de ces faits présentent des dangerosités tout à fait différentes.

Il s'ensuit que nous sommes tout à fait favorables à la souplesse du texte, qui permet à la juridiction de fond de ne pas être obligée de prononcer un suivi socio-judiciaire ni l'injonction de soins, mais bien de réserver ces dispositifs aux gens qui apparaissent les plus dangereux, et non pas d'adopter une systématisation qui aurait le risque de banaliser cette peine vis-à-vis de tous les intervenants, y compris de l'auteur des faits.

A travers la lecture du texte, il y a aussi un certain nombre de questions de connaissance de la réalité du traitement judiciaire et pénitentiaire qui apparaissent. L'Assemblée nationale a débattu de l'opportunité de réductions de peine, de libérations conditionnelles ou d'autres aménagements de peine pour ces condamnés, avec la double idée qu'il faudrait que la personne fasse des démarches positives à l'intérieur de la prison (parce que tout le monde sent bien qu'il a intérêt à entreprendre des démarches si cela lui est nécessaire) et qu'il serait également nécessaire, d'un autre côté, que des aménagements puissent se faire en cours d'exécution de peine.

Nous pensons que le fait d'inciter aux soins et à un comportement positif par des mesures d'aménagement, qui sont d'ailleurs toujours facultatives et laissées à l'appréciation du juge de l'application des peines sous le contrôle du procureur de la République, n'est pas un luxe choquant et constitue au contraire un outil important de prévention de la récidive.

Si on peut dire à une personne : "monsieur, vous avez des troubles de comportement, mais en faisant des efforts réels" (bien entendu, tout le travail des experts et du juge va consister à voir jusqu'où cette incitation de soins est respectée, utile et réelle), "il peut y avoir un éventuel aménagement de peine", de toute façon, il faut savoir que cet aménagement reste extrêmement marginal quand on voit les chiffres : il n'y a en effet que 5 % des condamnés pouvant prétendre à la libération conditionnelle qui en bénéficient et, là-dessus, il y a un certain nombre de personnes qui ne sont pas des délinquants sexuels.

La réalité pénitentiaire est également assez méconnue. Elle est dramatique, et je ne parle pas de la surpopulation carcérale ni des conditions matérielles de détention. Le 1er février 1994, a été votée une loi qui avait été qualifiée de "loi sur la perpétuité réelle" et qui a prévu que des délinquants condamnés à un certain nombre de peines seraient mis dans des établissements spécialisés. C'est ce que rappelle le projet de loi actuel. Eh bien sachez que l'administration pénitentiaire a décidé que tous les établissements seraient considérés comme spécialisés, par décret, et ce pour une raison toute simple : elle n'a pas les moyens de mettre sept ou huit mille détenus dans des établissements effectivement spécialisés. L'élargissement initial de la loi de 1994 à tous les délinquants sexuels a donc faussé le jeu pour l'administration pénitentiaire.

Or sachez que la plupart des établissements pour peine n'ont pas d'équipes médicales spécialisées. Les SMPR, dans lesquels a beaucoup travaillé le docteur Balier, sont principalement dans des maisons d'arrêt. Il peut donc y avoir des établissements qui comptent trois à quatre cents détenus avec des infractions de ce type (Caen, Casabianda, Mozac), où on n'a que des psychiatres vacataires qui viennent, quand le ministère de la Santé arrive à en recruter, pour traiter les pathologies aiguës, mais certainement pas pour entreprendre un travail de fond, avec une équipe spécialisée.

Il est important de percevoir cette réalité. Tout cela pour dire que, si vous donnez des objectifs (vous allez bientôt parler du budget du ministère de la Justice et aussi du budget du ministère de la Santé), il faut que les moyens viennent à l'appui de ces objectifs.

Je peux vous parler du centre de détention de Mozac. Ma collègue y a passé des mois sans que l'hôpital spécialisé qui est chargé du suivi arrive à recruter quelqu'un qui vienne faire des vacations minimum dans cet établissement. Il y a bien cela en jeu derrière. Il ne s'agit pas de dire à un détenu : "si vous ne vous soignez pas, on considérera que vous êtes dangereux et on ne vous fera pas sortir" et, dans le même temps, ne pas faire d'offre de soins.

Il reste deux questions. La première est la suivante : fallait-il créer une nouvelle peine ? En tant que juristes, conservateurs par essence puisque nous sommes là pour conserver le droit dans l'état où il est, nous avons toujours un petit haussement d'épaules en disant : "fallait-il à nouveau légiférer ?" Nous pensons toujours que, par rapport à ce problème, pour donner les outils qui figurent dans ce texte et que nous approuvons, une simple réforme du sursis avec mise à l'épreuve suffisait, même s'il y aurait eu effectivement une moins bonne lisibilité politique, en modifiant les délais et les conditions de révocation et en précisant l'obligation de soins.

Nous ne sommes pas là pour faire ce choix. C'est le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif qui sont là pour le faire et nous le respectons, mais nous tenions quand même à le dire.

Il reste la question des moyens. Tout à l'heure, j'entendais avec beaucoup de plaisir mes collègues du parquet dire combien nous étions démunis. Je vais donc vous donner deux chiffres pour vous faire comprendre la situation : il y a 177 juges de l'application des peines en postes budgétaires à l'heure actuelle (sachant qu'il y a deux ou trois créations de poste par an) qui sont présents sur une centaine de juridictions. Cela signifie qu'il y a au moins 80 tribunaux de grande instance où nos collègues font cela en plus du reste, et non pas forcément prioritairement, parce qu'il y a d'autres priorités dans une juridiction. Parallèlement, nous avons environ 850 travailleurs sociaux travaillant en milieu ouvert et susceptibles de suivre les cas (les chiffres ont un peu augmenté puisqu'il y a eu quelques recrutements ces dernières années).

Or nous suivons, à nous tous, 160 000 mesures par an. Il suffit de faire un ratio. Ce sont des chiffres de l'administration pénitentiaire et non pas des chiffres "maison" : je vous donne mes sources bien volontiers...

M. le PRESIDENT .- Et la commission apprécie.

M. FAUCHER .- Vous comprendrez vite que nous sommes obligés de faire des choix de non-suivi de dossiers, c'est-à-dire que nous passons notre temps, nous, juges de l'application des peines, à définir des priorités auprès des travailleurs sociaux et à dire : "on va suivre ces dossiers-ci et non pas ces dossiers-là".

Il est évident que l'introduction d'une peine nouvelle avec des exigences (que nous comprenons bien), au nom de la société, de réel suivi et de réel attachement à ce que va faire l'individu sur des périodes fort longues (elles peuvent atteindre cinq ou dix ans, c'est-à-dire que ce ne sont pas des suivis socio-judiciaires très faciles) va demander du temps et de l'énergie, sans compter toute la mise en oeuvre qui va consister à créer des dynamiques, à l'intérieur de la juridiction, entre les parquets, les juges du siège et les juges de l'application des peines qui en font partie, et également entre les juges de l'application des peines, les médecins coordonateurs, les médecins experts et les médecins traitants. Cela va demander un investissement important dont je ne suis pas sûr que nous avons bien les moyens aujourd'hui.

Il reste (je vous l'ai fait communiquer), un document détaillant nos propositions sur le texte, si bien que je n'insisterai pas sur ces propositions de modification. Il s'agit pour la plupart de propositions de modification qui sont plus relatives à la forme, afin de mettre le présent texte en cohérence avec les textes déjà existants.

Je ferai simplement deux ou trois remarques à ce sujet.

Premièrement, il a été instauré par l'Assemblée nationale un amendement qui introduit la nécessité d'une double expertise dans un certain nombre de dispositions pour prononcer l'injonction de soins ou pour que le juge de l'application des peines puisse la prononcer. Je peux vous dire que nous n'aurons pas les moyens en experts pour le faire. Certes, à Paris, dans la région parisienne ou dans les grandes villes, on pourra faire quelque chose, mais en ce qui me concerne, à Poitiers, je ne sais pas si je pourrai systématiquement faire appel à deux experts, car il faut qu'ils puissent être disponibles, qu'ils acceptent les mesures et qu'ils ne soient pas les médecins traitants du SMPR, ce qui complique un peu les choses.

Il est clair que mes collègues de Tulle, de Bergerac, de Périgueux ou de la Rochelle, où il y a un centre de détention, pour ne parler que de la région dans laquelle je suis, ne trouveront pas le nombre d'experts suffisants. On risque donc de multiplier les expertises à tous crins sans en avoir les moyens humains. On peut toujours espérer, au moyen d'une formation, développer ce travail de médecine légale, mais, pour l'instant, nous n'avons pas ces moyens.

Enfin, je souhaite revenir sur un certain nombre de mesures dont nous ne voyons pas forcément l'utilité dans ce cadre.

Je commencerai par les articles 19 bis et 19 ter qui ont été introduits par l'Assemblée nationale et qui visent à renforcer le dispositif de l'article 722, 5ème alinéa, lui-même introduit par la loi du 1er février 1994. Les articles 19 bis et 19 ter du projet de loi visent à rendre obligatoire la mesure d'expertise par trois experts, dans certains cas, en exigeant une expertise préalable avant toute réduction de peine pouvant introduire une libération immédiate non pas de quelqu'un qui entre dans le cadre du suivi socio-judiciaire mais de toute personne condamnée pour une infraction de nature sexuelle.

Cela doit représenter 2 000 à 3 000 expertises supplémentaires sur l'année, et il est clair que si l'on banalise la mesure expertale par rapport à ces mesures de réduction de peine, on risque de démobiliser tout le monde, les experts et les juges, sur l'utilité de l'expertise. Or nous croyons qu'une expertise peut avoir du sens et être utile, et nous ne pensons pas que le renforcement de l'article 722, 5ème alinéa, par les articles 19 bis et 19 ter du projet de loi soit utile. Nous proposons la suppression de ces deux articles, qui engendreront plus de complications pour le juge et les experts que de contraintes pour le condamné.

Il reste un article qui n'a pas été abordé : l'article 763-10, qui est présent dans l'article 5 du projet, qui prévoit les rapports entre le juge des enfants et le juge de l'application des peines et qui fixe le principe selon lequel le juge des enfants et le tribunal pour enfants ou la chambre spécialisée des mineurs à la cour d'appel ont les compétences du juge de l'application des peines, du tribunal et des appels correctionnels pour les majeurs. Cela dit, il fixe une barrière, qui est celle des 21 ans.

Si le tribunal pour enfants prononce un suivi socio-judiciaire, à partir de 21 ans, le juge des enfants est automatiquement dessaisi et ne pourra plus suivre, et c'est en conséquence le juge de l'application des peines qui récupère le dossier.

Nous pensons que cette barrière n'est pas une bonne chose. Tout d'abord, il n'est pas aberrant d'imaginer l'hypothèse de quelqu'un dont le suivi socio-judiciaire va s'arrêter dans le courant de la 21ème année. Il n'apparaît donc pas utile de dire a priori qu'il y a un changement d'interlocuteur entre les juges et les travailleurs sociaux.

Nous préférons un dispositif plus souple qui consisterait à dire que le juge des enfants est compétent, puisque c'est une juridiction des mineurs qui a prononcé le suivi et que, s'il l'estime nécessaire, il peut se dessaisir au profit du juge de l'application des peines quand la personne est devenue majeure. Cela permet de bien gérer une certaine cohérence. Le juge de l'application des peines est alors saisi par le juge des enfants si la mesure doit continuer fort longtemps et si l'on a affaire à une problématique de majeurs

On peut penser au cas suivant : une cour d'assises de mineurs condamne quelqu'un (cela arrive assez régulièrement), le mineur condamné sort quatre ou cinq ans après sa majorité et il est clair que le collègue juge des enfants saisira le juge d'application des peines. Mais si c'est un suivi socio-judiciaire prononcé à titre de peine principale, le problème peut se poser.

Nous proposons donc de supprimer un membre de phrase, ce qui nous semble de nature à régler la difficulté que nous signalons.

Je terminerai par un dernier problème qui n'a été abordé ni dans le projet initial, ni dans le texte de l'Assemblée nationale. Il s'agit d'un problème qu'en tant que juges de l'application des peines, nous rencontrons au quotidien : quand commence la mesure ? Nous passons notre temps à chercher quand commence et quand finit une mesure.

Jusqu'en 1994, parce que les choses n'étaient pas claires, si vous aviez pris vingt juges de l'application des peines et leur aviez posé une unique question à ce sujet, vous auriez eu droit à de très longs débats pour savoir quand commence et quand finit une mesure.

Depuis le nouveau code pénal, certaines dispositions ont précisé quand commençait une mesure et quand elle finissait. Mais, dans le projet de loi, il n'est pas précisé quand commence la peine de suivi socio-judiciaire, notamment quand elle est prononcée à titre de peine principale. Quand elle est prononcée à titre de peine complémentaire avec une peine d'emprisonnement, il n'y a pas de problème : le texte dit en effet que lorsque la privation de liberté est terminée, le suivi socio-judiciaire commence.

Mais quand la personne est libre et qu'elle est condamnée à une peine de suivi socio-judiciaire à titre de peine principale, il est important que soit fixé le début de ce suivi pour savoir, d'une part, quand il va se terminer et, d'autre part, quand on va pouvoir commencer à rencontrer l'intéressé.

Nous faisons donc une proposition cohérente avec le sursis de mise à l'épreuve en disant : "dès que la décision est exécutoire" , mais il faut que ce soit inscrit dans la loi, sans quoi on aura la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui existait au préalable et qui précise : " en l'absence de dispositions particulières, si ce n'est pas quand la peine est exécutoire, c'est quand la peine est définitive" , ce qui implique un délai de deux mois. Vous comprendrez bien qu'il peut être parfois urgent de ne pas attendre les deux mois pour intervenir judiciairement et sur le plan socio-éducatif et pour rappeler la personne à ses obligations.

J'en ai terminé, Monsieur le Président.

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