B. L'ADOPTION DE L'EURO NE LÈVE PAS TOUTES LES INCERTITUDES MONÉTAIRES

L'adoption de l'euro suppose celle d'une politique monétaire commune et la définition d'une politique de change.

Les orientations de ces deux politiques ont donné naissance à des débats parfois passionnés. Une lecture attentive du Traité, la logique de la construction entreprise, ainsi que son esprit, permettent de les aborder avec sérénité.

1. Quelle politique monétaire pour l'Europe ?

a) L'impact d'une politique monétaire unique sur les conditions monétaires de chaque Etat

Le constat d'une relative hétérogénéité des conditions économiques en Europe et les développements théoriques relatifs aux fonctions de réaction des politiques monétaires ont fait naître des incertitudes sur l'orientation de la future politique monétaire de la BCE.

Au terme de considérations assises sur la "règle de Taylor", on peut en effet observer que la future politique monétaire commune se traduira, pour certains, par une hausse des taux d'intérêt à court terme, et pour d'autres par une détente de ces taux.


La "règle de Taylor"

La règle dite de Taylor est utilisée pour estimer les déterminants des taux d'intérêt et par conséquent le niveau souhaitable et probable des taux d'intérêt en tant que cible que devrait se fixer une Banque centrale.

Selon cette règle, les déterminants des taux d'intérêt sont le taux d'inflation, l'écart du PIB à sa tendance de moyen terme et l'écart d'inflation par rapport à une cible.

Dans sa contribution à un prochain rapport de la délégation pour la planification du Sénat, l'OFCE examine ce que pourrait être la politique monétaire de la BCE si elle était fixée sur le fondement de ces déterminants.

L'étude de l'OFCE indique ce que serait les taux à court terme dans chaque pays européen si la règle de Taylor était observée de la même manière.

Les résultats pour chacun des principaux pays sont indiqués dans le tableau ci-après :

Règle de Taylor en Europe en 1998

Allemagne

3,45

Autriche

3,45

Belgique

3,3

France

2,4

Italie

3,8

Espagne

4,95

Pays-Bas

5,65

Portugal

5,45

Irlande

9,7

Source : calculs OFCE

On peut observer des écarts importants par rapport à la situation réelle, la dispersion naturelle des taux d'intérêt étant plus forte que la dispersion observée.

A supposer que la BCE conduise une politique monétaire pour l'ensemble de la zone fondée sur une fonction de réaction inspirée de la règle de Taylor, les taux d'intérêt à court terme serait en Europe de 3,7 %.

Cependant, cette perspective ne doit pas être exagérée en même temps que ses effets ne doivent pas être excessivement redoutés.

Cette perspective ne doit pas être exagérée dans la mesure où la BCE est appelée à mettre en oeuvre une politique monétaire réellement européenne, c'est-à-dire adaptée aux réalités économiques de l'ensemble de la zone euro. Il faudra donc veiller à ce que chaque gouverneur ne "cherche pas à pondérer" à l'excès la situation de son propre pays. La définition d'agrégats européens s'impose dans cette perpective. Elle justifie aussi pleinement qu'un dialogue s'instaure entre le Conseil de l'euro et la BCE.

Les effets d'une communautarisation de la politique monétaire ne doivent pas donner naissance à de trop vives inquiétudes.

Le relèvement des taux d'intérêt à court terme qu'elle laisse présager pour certains pays est minime. Il pourrait s'accompagner d'une baisse du niveau des taux d'intérêt à long terme et favoriser les ajustements des pays pour lesquels les conditions monétaires en sortiront détendues.

b) Les objectifs de la politique monétaire

Un débat doit être récusé, même si certains s'en offusquent, celui de la mission imposée à la BCE de rechercher la stabilité des prix.

Il n'est pas sérieux de considérer qu'une politique monétaire axée sur un autre objectif -l'inflation ?- puisse apporter un quelconque bienfait à l'Europe. On voit mal en quoi la politique monétaire pourrait régler les problèmes structurels sur lesquels vient buter la croissance. On voit également mal comment une politique monétaire visant la stabilité des prix pourrait faire comme si ces problèmes structurels n'existaient pas, et n'étaient pas de nature à provoquer des enchaînements inflationnistes.

Il est de la responsabilité des autres agents économiques -partenaires sociaux, Etat-, d'apporter les réponses adaptées aux problèmes structurels qu'ils rencontrent.

Le vrai problème posé par la politique monétaire ne résulte pas de la mission qui lui est attribuée, mais, à l'évidence, des conditions dans lesquelles cette mission est réalisée. On peut craindre que les interventions d'une banque centrale soient inappropriées, soit par excès de laxisme, soit par excès de rigorisme. Mais rien ne permet de craindre que ce risque pèsera davantage avec la BCE qu'avec n'importe quelle autre banque centrale.

Mais, comme rien n'indique qu'il pèsera moins. La nécessité d'un dialogue entre la BCE et les institutions politiques de la zone euro (le Conseil, mais aussi le Conseil de l'euro et les parlements nationaux) s'affirme de manière absolue. Le rôle des parlements nationaux doit être d'autant plus affirmé qu'ils sont seuls en mesure de traduire des réalités nationales spécifiques.

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