N° 413

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 29 avril 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, portant diverses dispositions d'ordre économique et financier,

TOME I

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur Général.

EXAMEN DES TITRES I, III, IV ET V

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René Régnault, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ .) : 727, 781, et T.A. 115.

Sénat
: 373 et 408 ( 1997-1998)

Politique économique.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Hétérogène par nature, ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier regroupe des dispositifs qui pourraient faire l'objet de textes autonomes. Trois séries de dispositions peuvent ainsi être distinguées :

- celles relatives à la simplification administrative,

- celles relatives au plan français de passage à l'euro, accompagnées d'un perfectionnement de notre législation sur les marchés financiers ;

- la troisième série de dispositions concerne des sujets divers, dont l'autonomie se borne le plus souvent à un seul article et qui ont donc toute leur place dans un DDOEF. Le gouvernement a regroupé certaines de ces dispositions éparses en deux titres, le titre III, relatif au secteur public et aux procédures publiques, et le titre IV, relatif à la protection de l'environnement et à la santé publique. En réalité toutefois, les articles contenus dans ces deux titres sont dénués de liens entre eux.

I. TITRE I - DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE

Ces propositions sont le fruit des réflexions menées par le gouvernement en vue de faciliter la vie des PME et des artisans. Elles se fondent sur un rapport du député du Nord, Dominique Baert.

Les mesures proposées sont libérales, puisqu'il s'agit de réduire les formalités administratives qui frappent les entreprises.

Votre rapporteur remarque que le projet de DDOEF de 1997 1( * ) comportait certaines mesures identiques ou proches de celles contenues dans ce titre I :

la déclaration unique d'embauche (article 21) ;

l'harmonisation de l'assiette des contributions dues par les employeurs (articles 28-1997 et 1-1998).

Votre commission n'a pas de remarques particulières à formuler sur ce dispositif, qu'elle juge excellent d'une façon générale.

Elle profite du débat ouvert par l'article 11 sur la TVA pour rappeler son attachement à deux mesures non prises à ce jour : la possibilité pour les collectivités locales d'opter pour l'assujettissement de leurs déchetteries à la TVA ; et l'engagement de négociations communautaires afin que le bois de chauffage des réseaux de chaleur puisse bénéficier du taux réduit.

II. TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ADAPTATION DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE ET À LA MODERNISATION DES ACTIVITÉS FINANCIÈRES EN VUE DE LA TROISIÈME PHASE DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE

Le titre II constitue le troisième volet
du débat européen de ce printemps, en vue de permettre à la France d'adopter la monnaie unique dès le 1er janvier 1999.

Il vient ainsi compléter la loi modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au Système européen de banques centrales adoptée définitivement par le Sénat le 29 avril, et la résolution de votre commission des finances que le Sénat a bien voulu adopter le 23 avril sur la recommandation de la Commission des communautés européennes relative à l'engagement de la troisième phase de l'Union économique et monétaire. Ce titre II est traité en détail dans le tome II du présent rapport par notre collègue Philippe Marini. Votre rapporteur en mentionne ici les grandes lignes pour être complet sur la présentation de ce projet de loi.

Toutefois, de nombreuses dispositions du titre II n'ont pas de lien direct avec le passage à l'euro. Elles sont issues des débats relatifs à la modernisation de la gestion financière pour compte de tiers et à la législation de l'épargne.

A. LE PLAN DE PASSAGE À L'EURO

Le plan français de passage à l'euro est établi sur le principe du "ni-ni" entre 1999 et 2002 : ni obligation (de conversion), ni interdiction.

Les principales dispositions du DDOEF concernant ce plan sont les suivantes :

- conversion de la comptabilité du capital social et des déclarations fiscales des entreprises ;

- autorisation de cotation des instruments financiers en euros, adaptation des systèmes de règlement-livraison, substitution des indices " euro " aux indices " franc " et continuité des contrats ;

- conversion des dettes négociables en euros, en particulier celle de l'Etat ;

- possibilité d'indexer les nouvelles émissions (de l'Etat notamment), sur l'inflation afin d'alléger la charge de la dette publique. Cette disposition a rencontré l'hostilité de la Banque de France ;

- passage des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) à l'euro ;

- extension de l'euro à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Ces dispositions, de nature technique, sont destinées à permettre de convertir les grands mouvements financiers en euros dès 1999.

B. MODERNISATION DES ACTIVITÉS FINANCIÈRES

Un certain nombre de dispositions du projet de DDOEF sont relatives aux marchés financiers. Ces dispositions sont les suivantes :

- irrévocabilité des opérations de règlement-livraison de titres (art. 18) et modification des règles de transfert de propriété (art. 19) ;

- définition législative de l'appel public à l'épargne (art. 25) et établissement d'un corpus de règles propres aux investisseurs "qualifiés" et aux "cercles restreints d'investisseurs" ;

- création de nouveaux types d'OPCVM (art. 27 à 29) ;

- rachat par une société de ses propres actions (art. 30), dispositif décidé sur la base du rapport de M. Bernard Esambert ;

- modification du processus de décision au sein du Conseil des marchés financiers (art. 32) ;

- extension de la procédure de retrait obligatoire aux certificats d'investissement et fusion obligatoire des certificats d'investissement et des certificats de droits de vote (art. 33).

III. TITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES AU SECTEUR PUBLIC ET AUX PROCÉDURES PUBLIQUES

Sous ce titre sont regroupés quatre articles sans lien entre eux.

L'article 35 est relatif au schéma directeur de desserte gazière . Il a pour but de permettre la desserte des zones non desservies actuellement par Gaz de France. Ce dispositif écorne le monopole de Gaz de France et a suscité l'ire de ses salariés. Il se substitue au dispositif voté dans le cadre du DDOEF de 1996 2( * ) et qui n'a pas trouvé à s'appliquer faute de décret d'application. L'Assemblée nationale l'a modifié dans un sens plus protecteur du monopole de GDF, d'une part, en supprimant la liberté pour les communes non desservies de faire appel à l'opérateur de leur choix, et, d'autre part, en prévoyant que les nouveaux opérateurs autorisés à distribuer le gaz devront être détenus à 30 % au moins par l'Etat ou des établissements publics. Votre commission considère que la difficulté à faire jouer la concurrence pour les collectivités ou leurs groupements est de nature à entraver la desserte du territoire. Elle vous proposera donc d'étendre aux collectivités locales cette condition de détention de 30 %.

L'article 36 est relatif à l'ouverture du capital d'Air France . Il organise notamment un échange d'actions contre des baisses de salaires. La décision de ne pas privatiser complètement Air France avait provoqué le départ de son précédent président Christian Blanc. Cet article suscite aujourd'hui une forte hostilité des pilotes. Votre commission ne peut que rappeler son attachement à la privatisation intégrale 3( * ) , toute solution intermédiaire ne pouvant que mener à une impasse.

L'article 37 peut s'analyser comme l'ouverture au secteur privé de la société nationale des poudres et explosifs, qui souhaite constituer une société commune avec la société britannique "Royal Ordnance".

L'article 38 est relatif à un toilettage juridique des règles du versement de transport, sans modification de son régime sur le fond. Cet article est au demeurant identique à l'article 47 du projet de 1996.

IV. TITRE IV - DISPOSITIONS FISCALES ET FINANCIÈRES RELATIVES À LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT ET À LA SANTÉ PUBLIQUE

Ce titre comprend trois articles sans lien entre eux.

L'article 39 est relatif à une modification du calcul de la puissance fiscale des véhicules particuliers . Il est consécutif à la remise au Parlement d'un rapport gouvernemental demandé à l'initiative de votre commission. Celle-ci s'est impliquée depuis plusieurs années dans le débat sur une fiscalité plus rationnelle des carburants. Il faut noter que le dispositif proposé n'a pas d'incidence sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers. En revanche, il en a sur les recettes des collectivités locales, en particulier celles des départements, via la "vignette". Votre commission est favorable à ce dispositif, qui devrait encourager l'utilisation des carburants les moins polluants. Toutefois, conformément à une position constante, elle restera attentive à d'éventuels transferts de recettes entre les départements et demandera, le cas échéant, qu'un dispositif vienne limiter ce transfert.

L'article 40 est relatif à la responsabilité civile et à l'assurance des propriétaires de navires pour les dommages résultant de la pollution par les hydrocarbures.

L'article 41 crée une taxe sur les achats de viande pour financer l'élimination des farines animales non conformes aux normes communautaires. Jugeant qu'il n'est pas équitable que cette charge repose sur la petite distribution, votre commission présentera un amendement tendant à éviter cet effet.

V. TITRE V - DISPOSITIONS DIVERSES

Ce titre comprend six articles entre lesquels le gouvernement n'a pu trouver de point commun.

L'article 42 est relatif au paiement des impôts par virement ou prélèvement automatique.

L'article 43 est relatif au recensement, sur six mois, des porteurs de créances sur la Russie tsariste. Un compte d'affectation spéciale a été créé et doté à cette fin dans la loi de finances pour 1998.

L'article 44 a pour objet de valider une délibération de la fondation nationale des sciences politiques relative à son budget. Cette disposition figurait déjà à l'article 72 du projet de DDOEF de 1997. Votre commission ne s'oppose pas à cette validation, mais elle ne peut que critiquer les dysfonctionnements qui l'ont rendu nécessaire.

L'article 45 crée un nouveau prélèvement sur l'Association de gestion du fonds des formations en alternance. Le caractère récurrent de ce type de prélèvement démontre à l'évidence que la cotisation demandée aux entreprises à ce titre est trop élevée.

L'article 46 limite l'avantage fiscal tiré de l'amortissement des biens donnés en location par une société de personnes . Cette limitation ne sera pas applicable à certaines opérations agréées par le ministre du budget relatives à des équipements lourds, amortissables sur une durée au moins égale à 8 ans. Il s'agit, notamment, d'épargner les navires de commerce. Votre rapporteur rappelle à ce sujet que la commission des finances s'est toujours montrée favorable à une législation tendant à attirer l'épargne vers le financement des navires de commerce, afin de renforcer la flotte de commerce française qui s'est dangereusement réduite depuis vingt ans. Elle peut difficilement se satisfaire d'un dispositif qui ne les avantage pas, mais se contente de ne pas les pénaliser . C'est pourquoi elle vous proposera un amendement tendant à tenir compte du prix de revient effectif des biens acquis pour le calcul de l'amortissement, afin de permettre l'acquisition de navires d'occasion. Elle vous proposera en outre de supprimer le plafond de 20 % du résultat imposable au-delà duquel les associés ne sont plus autorisés à imputer les pertes dans la mesure où cette disposition apparaît aussi inutile qu'inapplicable.

L'article 47 est relatif à un abaissement du seuil d'autorisation des cinémas multiplexes.

VI. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale n'a pas apporté de modifications très substantielles aux dispositions originelles de ce projet de DDOEF. En revanche, elle a adopté de nombreux articles additionnels (28 au total), ouvrant des débats sur des thèmes absents du projet d'origine.

Quatre volets nouveaux ont ainsi été ouverts :

- un important volet collectivités locales , avec cinq articles nouveaux (46 bis , 48, 50, 52 et 56) ;

- des dispositions relatives au logement (articles 4 bis , 4 ter , 31 bis , 38 bis , 38 ter , 38 quater , 38 quinquies et 53) ;

- des dispositions disparates relatives aux questions financières , mais ne concernant pas le titre II (articles 42 A, 55, 59, 60 et 62) ;

- un volet concernant à la fois l' aménagement du territoire et les questions agricoles ou agro-alimentaires (articles 41 bis , 49 et 51).

De nouvelles dispositions diverses ont par ailleurs été adoptées.

A. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX COLLECTIVITÉS LOCALES

Les députés ont souhaité adopter un certain nombre de dispositions relatives aux collectivités locales, le plus souvent hors l'initiative de leur commission des finances et parfois contre l'avis du gouvernement. Il en a été ainsi de la création d'une taxe communale sur les pylônes de téléphonie mobile (article 46 bis ), calquée sur la taxe sur les pylônes électriques acquittée par EDF. Cette proposition offre une recette nouvelle aux communes concernées qui, d'après les calculs de votre rapporteur, pourrait être de l'ordre de 350 millions de francs. Toutefois, cette taxe n'est pas sans inconvénient : elle est peu compatible avec les principes de la baisse des charges des entreprises et de l'aménagement du territoire défendus par votre commission. En effet, les opérateurs hésiteront désormais à implanter des antennes ou pylônes dans les communes qui en sont dépourvues pour le moment, en particulier lorsque la population à desservir sera peu nombreuse.

L'avis du gouvernement a également été négatif sur une proposition de la commission des finances de l'Assemblée nationale créant une possibilité de déroger à l'obligation d'établir un budget annexe pour les services de distribution d'eau potable et d'assainissement pour les communes de moins de 500 habitants (article 48). Votre commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet article, qui facilite la gestion des petites communes, mais nuit à la transparence du prix de l'eau.

D'autres dispositions significatives ont fait l'objet à l'Assemblée nationale d'un débat moins polémique :

à l'initiative du gouvernement, l'assujettissement des poids lourds de plus de 12 tonnes à la taxe à l'essieu en application d'une directive européenne que la France n'avait pas encore transposée (article 50). Ce dispositif, qui entraîne la suppression de la vignette et du droit de timbre pour ces véhicules, fait l'objet d'une compensation aux départements ;

à l'initiative de M. René Dosière, les députés ont voté un dispositif de coordination entre la loi du 7 mars 1998 relative au fonctionnement des conseils régionaux et le code général des impôts. Il s'agit notamment de l'application de la procédure dite du "49-3 régional" (article 52) ;

à l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement consensuel permettant aux communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale de transférer à ce dernier la propriété (et les obligations d'entretien) des édifices cultuels (article 58).

B. LES DISPOSITIONS RELATIVES AU LOGEMENT

L'Assemblée nationale a également ouvert un volet "logement", ce qui est devenu traditionnel dans les projets portant DDOEF.

Ce volet porte essentiellement sur deux thèmes :

le logement locatif privé avec la prolongation du régime de l'amortissement "Périssol", applicable aux logements locatifs neufs à usage de résidence principale. Le gouvernement a annoncé son intention de réformer ce système, mais cette réforme étant encore en chantier, il préfère éviter une rupture dans les opérations, et a donc donné son accord à la prorogation de six mois proposée par la commission des finances (article 11 bis ). Votre commission approuve cette prolongation, en attendant d'examiner le nouveau dispositif. Toutefois, votre rapporteur demandera au gouvernement des engagements de calendrier précis sur ce nouveau système. S'il était présenté trop tardivement, les opérations de construction des logements locatifs privés pourraient être entravées.

Par ailleurs, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat verra sa compétence étendue aux transformations de locaux agricoles en logements dans les zones de revitalisation rurale (article 38 bis ), selon un dispositif voté à l'unanimité du Sénat après un avis favorable de votre commission au cours du débat sur la loi de finances pour 1998, et annulé par le Conseil Constitutionnel comme étant un "cavalier budgétaire" ;

le logement locatif public. Il s'agit, pour l'essentiel, de compléments à des dispositifs existants. Ainsi, les sociétés d'économie mixte pourront bénéficier du taux réduit de la TVA sur les acquisitions de terrains à bâtir (article 11 ter ). Les locataires de SEM souhaitant acquérir leur logement dans le cadre de la loi relative à l'habitat de 1994 bénéficieront du même régime fiscal que les locataires d'organismes HLM placés dans la même situation (article 38 quinquies ).

L'Assemblée nationale a souhaité également aligner le statut des sociétés anonymes coopératives d'HLM sur les sociétés anonymes d'HLM (articles 38 ter et 38 quater ).

C. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX QUESTIONS FINANCIÈRES.

Des dispositifs très disparates peuvent être regroupés sous cette rubrique. Il s'agit notamment :

de l'extension du régime juridique des scissions aux caisses de crédit municipal (article 42 A). Ce dispositif a été accepté sans débat par l'Assemblée nationale ;

de la modification du régime des prélèvements sociaux sur les options sur actions accordées dans le cadre de plans d'options de souscription ou d'achat d'actions (stock-options). A l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale est revenue sur un dispositif voté à l'initiative de la commission des affaires sociales du Sénat dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, et qui soumet les plus-values sur options levées avant cinq ans aux cotisations sociales. Elle a limité le prélèvement aux entreprises de plus de 15 ans à la date de l'attribution des options (article 55). Votre commission approuve la démarche retenue par l'Assemblée nationale, mais juge arbitraire et inéquitable de réserver le traitement favorable aux entreprises de moins de quinze ans. Elle vous proposera donc une extension à toutes les entreprises. Mais, fidèle à sa démarche, elle vous proposera également d'accroître la transparence des attributions d'options par un article additionnel ;

du renforcement de la lutte contre le blanchiment des capitaux (article 59), en créant des contrôles relatifs aux méthodes de blanchiment empruntant les canaux de l'investissement immobilier ;

de la prolongation de la mise à disposition de fonctionnaires auprès de la CNP Assurances SA (article 60) ;

enfin, de la validation des opérations de recapitalisation de la Compagnie du bâtiment et des travaux publics (article 62). Sur ce dossier, qui concerne à la fois le traitement des crises bancaires et l'octroi de la garantie de l'Etat, votre commission ne peut que répéter, d'une part, qu'elle considère que les faillites bancaires doivent être possibles, sauf à encourager l'irresponsabilité de leurs dirigeants (ce que les anglo-saxons appellent "l'aléa moral") et, d'autre part, qu'il est anormal dans un Etat de droit que les services d'un ministère puissent engager l'argent du contribuable sans aucune information ni autorisation législative.

D. LES DISPOSITIONS RELATIVES AU MONDE RURAL, À L'AGRICULTURE ET À L'AGRO-ALIMENTAIRE

Trois articles, dépourvus de tout lien entre eux, traitent de problèmes relatifs au monde rural et agricole. Ils viennent s'ajouter à l'article 41, relatif à la taxe dite "d'équarrissage" en vue d'éliminer les farines animales non conformes à la réglementation européenne.

Il s'agit des articles 41 bis , 49 et 51. L'article 41 bis étend les compétences du fonds de gestion de l'espace rural. Il reprend le dispositif de l'article 75 de la loi de finances pour 1998, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil Constitutionnel comme n'ayant pas d'incidence budgétaire.

L'article 49 autorise la publicité pour les boissons alcoolisées sous forme de dons ou de vente d'objets publicitaires sur les lieux de production ou de distribution. Voté à l'unanimité par l'Assemblée, cet article reprend un dispositif contenu dans un décret du 29 mars 1993 annulé par le Conseil d'Etat pour défaut de base légale. Il a été voté après que l'Assemblée eut rejeté une proposition de revenir à une autorisation plus large de la publicité commerciale en faveur des boissons alcooliques, qui aurait été contraire à la loi Evin.

L'article 51 aménage les conditions d'assujettissement des entreprises agricoles à l'impôt sur le bénéfice réel.

E. AUTRES DISPOSITIONS

Quatre autres dispositions adoptées par l'Assemblée nationale méritent d'être signalées.

L'article 54 crée une fonction d'assistant spécialisé auprès des Cours d'appel et tribunaux de grande instance. Voté à l'initiative du gouvernement à la demande du Garde des Sceaux, Mme Elisabeth Guigou, cet amendement a pour objet de renforcer les services judiciaires en charge de la grande délinquance financière. Votre commission ne peut qu'être favorable sur ce principe, tout en regrettant qu'une disposition de cette nature n'ait fait l'objet d'un examen ni par le Conseil d'Etat, ni par les commissions des lois.

Voté également à l'initiative du gouvernement, l'article 57 aligne les conditions de promotion et de nomination des agents des douanes ayant accompli un acte de bravoure, sur celles des fonctionnaires de police placés dans la même situation.

Proposé par la commission des finances, l'article 58 modifie le régime de la taxe perçue sur les artisans bateliers au profit de la Chambre nationale de la batellerie artisanale.

Enfin, voté à l'initiative du gouvernement, l'article 61 comble une carence de la loi de finances pour 1998 sur l'entrée en vigueur du relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour dépenses d'hospitalisation de long séjour et de cure.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES
À LA SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE
ARTICLE PREMIER

Harmonisation de l'assiette des contributions dues par les employeurs
au titre de la formation professionnelle continue

Commentaire : le présent article vise à aligner l'assiette de deux cotisations spécifiques dues par les employeurs au titre de la formation professionnelle sur celle des cotisations de sécurité sociale. Ainsi sera parachevé le mouvement d'harmonisation engagé par les articles 105, 106 et 107 de la loi n°95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social.

I. L'ÉTAT ACTUEL DU DROIT


Depuis le 1 er janvier 1996, l'assiette des contributions dues par les employeurs au titre de la formation professionnelle continue est alignée sur celle des cotisations de sécurité sociale, à l'instar de la taxe d'apprentissage et de la participation à l'effort de construction. Cette assiette n'est plus celle de la taxe sur les salaires, mais celle des cotisations de sécurité sociale. A la notion de salaire 4( * ) , s'est donc substituée, que ce soit dans le code du travail, le code général des impôts ou le code de la construction et de l'habitation, celle de rémunérations 5( * ) . Cette mesure a contribué à la simplification des formalités administratives mises à la charge des entreprises, et notamment des plus petites d'entre elles.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à compléter et surtout à parachever, au plan législatif 6( * ) , le mouvement d'harmonisation engagé par la loi précitée du 4 février 1995 en alignant l'assiette de deux cotisations spécifiques à la charge des employeurs au titre de la formation professionnelle et qui n'avaient pas été mentionnées lors de ladite harmonisation. Il s'agit de l'article L.931-20 du code du travail qui institue une contribution spécifique de 1 % au titre du congé individuel de formation et du bilan de compétences des salariés sous contrat à durée déterminée et de l'article L.954 du même code qui fixe à un pourcentage ne pouvant être inférieur à 2 % la contribution spécifique destinée à financer la formation professionnelle des salariés intermittents du spectacle.

Votre rapporteur vous propose d'adopter ces dispositions telles qu'amendées et complétées au plan rédactionnel par l'Assemblée nationale. Elles figuraient déjà dans l'article 28 du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier déposé le 2 avril 1997 à l'Assemblée nationale. En outre, bien que la notion de rémunération soit plus large que celle de salaire, à laquelle elle se substitue désormais, l'incidence financière de cette mesure devrait être, d'après les indications qui lui ont été confirmées par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, faible, voire négligeable, pour les entreprises (de l'ordre de quelques millions de francs au total).

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2

Suppression de l'autorisation préalable
en matière de télétransmission de factures

Commentaire : le présent article tend à supprimer l'autorisation préalable en matière de télétransmission de factures. Désormais, l'administration rédigera un cahier des charges que les entreprises désirant télétransmettre leurs factures devront respecter. Ces entreprises devront simplement souscrire une déclaration contenant les données techniques propres à chaque système.

I - LE DISPOSITIF ACTUEL PRÉVOIT L'AUTORISATION PRÉALABLE PAR L'ADMINISTRATION DE LA TÉLÉTRANSMISSION DES FACTURES


Pour éviter les fraudes au paiement de la TVA, l'administration fiscale impose à tout assujetti la délivrance de factures pour tous biens livrés ou services rendus ainsi que leur conservation.

Ayant à gérer une masse considérable de documents papiers, les entreprises ont souhaité développer la télétransmission des factures.

C'est pourquoi l'article 47 de la loi de finances rectificative pour 1990, devenu l'article 289 bis du Code général des impôts a autorisé la transmission de factures par voie télématique.

Trois cas sont à distinguer :

- les entreprises qui veulent recourir à la télétransmission des factures déposent une demande d'autorisation auprès de l'administration fiscale. A compter de la réception de la demande, l'administration dépose d'un délai de six mois pour se prononcer, délai qui peut être prorogé de trois mois si nécessaire ;

- si l'entreprise souhaite modifier le système soumis à autorisation, elle doit le faire savoir à l'administration préalablement à sa mise en oeuvre. A défaut d'une réponse dans un délai de deux mois, la modification est considérée comme acceptée ;

- les contribuables qui entendent utiliser un système déjà autorisé doivent en faire la déclaration auprès de l'administration fiscale au plus tard 30 jours avant sa mise en oeuvre. A l'expiration de ce délai, l'administration est réputée avoir donné son autorisation.

Toutefois, la procédure imposée par l'administration fiscale est jugée encore trop lourde pour les entreprises puisque seulement 24 systèmes de télétransmission ont été autorisés, pour la facturation de 236 entreprises.

II - LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le rapport remis par M. Dominique Baert à Mme Marylise Lebranchu, Secrétaire d'Etat aux PME, au Commerce et à l'Artisanat prône une simplification des mesures administratives qui pèsent sur les entreprises. Parmi les "dix commandements" de la simplification administrative, deux mesures concernent l'article 289 bis de Code général des impôts. En effet, le rapport préconise à la fois de faciliter les téléprocédures et d'éviter les autorisations ou les agréments préalables.

Prenant acte de ces remarques, le gouvernement propose donc une modification de l'article 289 bis du code général des impôts en remplaçant la procédure d'autorisation préalable par le système de la déclaration.

Le présent article modifie tout d'abord le II de l'article 289 bis du code général des impôts. Désormais, les entreprises qui veulent recourir à la télétransmission des factures ou modifier de manière substantielle le dispositif existant n'ont plus à déposer une demande d'autorisation. Il leur suffit d'en faire la déclaration auprès de l'autorité administrative selon des modalités et un modèle de déclaration définis par arrêté du ministre chargé du budget. Cet arrêté définira le cahier des charges que devront respecter les entreprises.

Le dispositif est donc doublement assoupli : non seulement les déclarations ont remplacé les autorisations, mais elles sont obligatoires seulement dans le cas d'une modification substantielle alors que l'ancien système prévoyait une demande d'autorisation pour toute modification. Votre rapporteur tient toutefois à faire remarquer que la notion de modification substantielle est très subjective.

Le présent article modifie également l'alinéa 2 du paragraphe III de l'article 289 bis du code général des impôts en précisant que la liste séquentielle de tous les messages émis et reçus ainsi que leurs anomalies éventuelles peut être conservées sur support papier, mais également sur support informatique.

Enfin, le présent article modifie les troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas du paragraphe III de l'article 289 bis du code général des impôts afin d'adapter au nouveau système de déclaration les suites à donner aux contrôles inopinés des agents de l'administration sans modifier les règles qui encadrent le droit de la défense et la nature des contrôles effectués.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3

Harmonisation des dates de dépôt
des principales déclarations professionnelles

Commentaire : le présent article vise à fixer, au plus tard au 30 avril, les dates de dépôt des principales déclarations fiscales professionnelles.

Cette disposition constitue la traduction législative d'une mesure destinée à " faciliter les rendez-vous fiscaux de l'entreprise " qui avait été préconisée par M. Dominique Baert, député, dans le rapport remis en octobre 1997 à Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Le présent article a pour effet d'harmoniser les dates de dépôt des principales déclarations professionnelles suivantes :

- déclaration des commissions, courtages, ristournes et honoraires (art. 240 du code général des impôts) ;

- déclaration des droits d'auteur ou d'inventeur (art. 241 du code général des impôts) ;

- déclaration des bénéfices industriels et commerciaux des entreprises individuelles imposables d'après le régime du réel normal ou simplifié, de résultats des exploitants agricoles placés sous un régime réel d'imposition et de résultats des personnes exerçant une activité non commerciale placée sous le régime de la déclaration contrôlée (art. 175 du code général des impôts) ;

- déclaration de résultats des entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés, lorsqu'aucun exercice n'est clos au cours d'une année (art. 223 du code général des impôts) ;

- déclaration pour la taxe d'apprentissage (art. 229 du code général des impôts) ;

- déclaration pour la participation à la formation professionnelle continue des entreprises de 10 salariés et plus (art. 235 ter J du code général des impôts) ;

- déclaration pour la participation à la formation professionnelle continue des entreprises de moins de 10 salariés (art. 235 ter KD du code général des impôts) .

Par ailleurs, votre rapporteur tient à indiquer que deux décrets actuellement en préparation et qui seront publiés après l'adoption du présent projet de loi opéreront une harmonisation identique au profit de :

- la déclaration de régularisation de TVA (art. 242 sexies de l'annexe II du code général des impôts) et la déclaration relative à l'investissement obligatoire dans la construction (art. 161 de l'annexe II du code général des impôts) ;

- la déclaration annuelle concernant l'ensemble des paiements et opérations sur valeurs mobilières (art. 49 D de l'annexe III du code général des impôts).

On peut par ailleurs souligner que cette mesure, qui n'aura aucune conséquence sur les finances publiques, officialisera une pratique suivie depuis plusieurs années par le ministre des finances et tendant déjà à reporter, à titre gracieux, le dépôt de la plupart de ces déclarations au 30 avril.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification

ARTICLE 3 bis (nouveau)

Harmonisation des délais concernant les obligations fiscales
liées à la cession ou à la cessation d'activité

Commentaire : cet article tend à porter de trente à soixante jours le délai de déclaration pour les PME de la taxe sur la valeur ajoutée en cas de cession ou de cessation d'activité afin de l'harmoniser avec celui concernant la déclaration de bénéfice.

I - LE DISPOSITIF ACTUEL


L'article 201 du Code général des impôts fixe les dispositions spéciales concernant les déclarations de plus-values des contribuables en cas de cession, de cessation ou de décès.

Ainsi, il dispose que  " dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, ou d'une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. "

Cet article précise par ailleurs les délais dont disposent les contribuables pour faire parvenir à l'administration soit la déclaration de leurs plus-values lorsqu'ils sont imposés au forfait, soit la déclaration de leur bénéfice réel accompagnée d'un résumé de leur compte de résultat dans les autres cas.

Jusqu'en 1987, les contribuables disposaient de trente jours pour effectuer cette démarche. Toutefois, l'article 6 de la loi n °87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières a porté de trente à soixante jours le délai de régularisation de ces deux types de déclaration.

II - LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Cet allongement des délais ne concernait jusqu'à présent que la seule déclaration de bénéfices. Les déclarations de recettes imposées à tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée obéissaient à un régime différent.

Ainsi, l'article 287 du Code général des impôts disposait que " en cas de cession ou de cessation d'une activité professionnelle, les redevables sont tenus de souscrire dans les trente jours la déclaration [...] ".

Le présent article tend à modifier cette disposition afin d'harmoniser les délais de déclaration de plus-values ou de bénéfice réel d 'une part et de recettes d'autres part. Cette mesure vise à simplifier les obligations fiscales des entreprises en évitant la multiplication de délais différents.

Elle n'a toutefois pas vocation à intéresser toutes les entreprises. Le texte voté par l'Assemblée nationale précise que le délai de déclaration des recettes est porté à soixante jours uniquement pour les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition. Cette limitation du champ d'application de la mesure proposée par le présent article s'explique par les modalités de paiement de la TVA pour les entreprises soumises au régime réel simplifié.

En effet, ces entreprises, des PME pour la plupart, paient la TVA sous forme d'acomptes trimestriels calculés à partir du montant de TVA payé l'année précédente. Une déclaration de régularisation est faite une fois par an, qui nécessite une récapitulation de toutes les opérations de l'année. Or, en cas de cession ou de cessation, le dispositif actuel prévoit que les redevables sont tenus de souscrire une telle déclaration dans les 30 jours. Afin de leur donner plus de temps pour réaliser cette opération assez lourde, le présent article élargit le délai de déclaration à 60 jours.

En revanche, une extension du délai n'est pas justifiée pour les entreprises soumises au régime réel normal. En effet, celles-ci comptabilisent au jour le jour toutes leurs opérations et font une déclaration mensuelle de TVA. En cas de cession ou de cessation, elles n'ont donc pas de difficulté à déclarer dans un délai de 30 jours le montant dû de TVA.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

Simplification des dispositions relatives aux régimes d'imposition

Commentaire : le présent article a pour objet d'autoriser les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et placés sous le régime du forfait d'opter, s'ils le souhaitent, pour le régime normal d'imposition, et, en conséquence, de bénéficier de la franchise d'impôt sur les plus-values acquises à la date de l'option.

Les modalités concrètes de déclaration du résultat varient selon la taille des entreprises : les plus importantes sont soumises au régime de l'évaluation réelle normale ; les autres sont soumises à des obligations moins astreignantes. En effet, les règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux impliquent que le chef d'entreprise soit entouré d'une équipe de comptables et de fiscalistes, ce qu'un petit artisan ne peut pas toujours se permettre.

C'est pourquoi les petites entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas un plafond fixé par la loi sont soumises au régime du forfait qui les dispense de tenir une comptabilité.

Toutefois, le souci des pouvoirs publics est d'inciter les petites entreprises à renoncer au régime du forfait et à se doter d'une véritable comptabilité. Il s'agit pour l'administration de mieux cerner la réalité des bénéfices de ces entreprises.

Pour les entreprises, l'existence d'une comptabilité est un instrument indispensable de gestion. En outre, bien que le forfait soit généralement avantageux pour le contribuable, il peut aussi présenter de sérieux inconvénients.

En effet, si en principe le forfait ne prend pas en compte les plus-values d'actifs, il ignore en revanche les pertes en capital ainsi que les déficits d'exploitation. Par là, ce mode d'évaluation peut se révéler très rigoureux pour les forfaitaires quand on songe que près de la moitié des personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés sont fiscalement déficitaires et que la taxation des plus-values dans les régimes de bénéfice réel est le plus souvent modérée.

Enfin, le contribuable soumis au forfait peut voir son forfait remis en cause et il n'est pas à l'abri d'un examen d'ensemble de sa situation fiscale personnelle visant à comparer ses revenus forfaitaires avec le montant apparent de ses disponibilités.

La première méthode utilisée par l'administration fiscale pour inciter les petites entreprises à renoncer au forfait est de ne pas relever les limites du forfait. En effet, ces dernières n'ayant pas été modifiées depuis 1965, un bon nombre d'entreprises dépassent mécaniquement chaque année le seuil du forfait.

L'administration peut également inciter les entreprises à opter pour le régime de l'évaluation réelle en assortissant cette option d'un certain nombre d'avantages fiscaux.

Les entreprises ont ainsi déjà la possibilité d'opter pour le régime réel simplifié. Le présent article propose de les autoriser à opter pour le régime réel normal.

On peut toutefois se demander si les entreprises y trouveront un intérêt dès lors qu'elles bénéficient déjà de la faculté d'opter pour le régime réel simplifié.

I - LE DROIT EN VIGUEUR

A.LE RÉGIME DU FORFAIT


Les toutes petites entreprises exerçant une activité industrielle ou commerciale et ne réalisant qu'un chiffre d'affaires modeste sont dispensées de tenir une véritable comptabilité et de se livrer aux calculs savants du résultat imposable selon les lois de la science fiscale. Leur bénéfice est déterminé forfaitairement une fois tous les deux ou trois ans à partir de rudiments de comptabilité.

1. Les limites du forfait

Sous réserve d'exclusions, liées à la forme juridique de l'entreprise ou à la nature des opérations effectuées, le régime du forfait est le régime de droit commun applicable aux entreprises individuelles dont le chiffre d'affaires annuel TTC n'excède pas :

- 500.000 F si l'activité de l'entreprise est la vente de marchandises, l'exploitation d'hôtels, de meublés, de restaurants ou de cafés ;

- 150.000 F s'il s'agit d'un prestataire de services.

2. Évaluation et fixation du forfait

Le bénéfice forfaitaire correspond au bénéfice que l'entreprise peut produire normalement. Il s'agit donc d'un bénéfice approximatif , évalué par l'agent des impôts à partir des éléments qui sont à sa disposition : déclaration annuelle fournie par le contribuable, qualité du fonds, emplacement, marges habituelles du secteur d'activité... Il utilise également les monographies professionnelles, nationales ou régionales.

La discussion du forfait vise à la fois le bénéfice imposable et le chiffre d'affaires soumis à la TVA. L'évaluation faite par l'agent des impôts est notifiée au contribuable qui dispose de 30 jours pour accepter ou formuler ses observations. A défaut d'accord amiable, c'est la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui détermine le montant du bénéfice forfaitaire.

La notion de bénéfice forfaitaire s'oppose à la reconnaissance d'un déficit d'exploitation : au mieux l'administration considère le résultat comme égal à zéro ; si les résultats sont déficitaires, le contribuable a intérêt à renoncer au forfait .

Une fois fixé, le forfait est valable pour deux années et peut être reconduit pour une troisième année. Sauf exception, le forfait ainsi établi ne peut être remis en cause. Cette sécurité est fortement appréciée par les exploitants. Enfin, en l'absence de dénonciation, les forfaits font l'objet d'une reconduction tacite pour une durée d'un an renouvelable.

3. Obligations comptables et déclaratives des forfaitaires

Les obligations comptables imposées au contribuable relevant du régime du forfait sont réduites au minimum
. Le Code du commerce dispense en effet les commerçants relevant du forfait de tenir une comptabilité d'engagement et de présenter des comptes annuels. Ils ne sont en conséquence astreints qu'à la tenue d'une comptabilité de trésorerie . En cours d'année, la tenue d'un seul registre est imposée :

- registre des achats, appuyé des factures et de toutes autres pièces justificatives, pour ceux qui achètent en vue de revendre ;

- livre-journal des recettes pour les prestataires de services.

A la fin de l'année, le contribuable doit adresser à l'administration, avant le 16 février, une déclaration spéciale (imprimé n° 951 M) contenant les renseignements nécessaires à leur identification et à la fixation de leur forfait de bénéfice et de chiffre d'affaires (montant des achats et des ventes, détail des frais généraux, valeur du stock, détail des immobilisations).

4. Atténuations d'impôt accordées aux forfaitaires

Le bénéfice normal ne tient pas compte des revenus exceptionnels. En conséquence, les plus-values sont en principe exonérées (article 151 septies du CGI), à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans.

Par ailleurs, en vue d'alléger les charges des petits contribuables dans les limites compatibles avec le maintien des conditions de la concurrence, l'article 282 du CGI a prévu en leur faveur, des dispositions particulières aboutissant à un abandon ou à une réduction de la TVA leur incombant .

La TVA n'est ainsi pas acquittée lorsque son montant annuel n'excède pas 1.350 F avant déduction de la taxe ayant grevé les biens amortissables (franchise en impôt).

Lorsque le montant annuel de la TVA avant déduction pour investissement est supérieur à 1.350 F et n'excède pas 5.400 F, l'impôt exigible est réduit d'une somme égale au tiers de la différence entre 5.400 F et le montant de la TVA exigible au titre de l'année civile (décote générale).

Enfin, lorsque le montant annuel de la TVA due avant déduction pour investissement est compris entre 1.350 F et 20.000 F, l'impôt exigible est réduit par application d'une décote, pour les redevables inscrits au répertoire des métiers ou au registre de la chambre nationale de la batellerie artisanale qui justifient que la rémunération de leur travail et de celui des personnes qu'elles emploient représente plus de 35 % du chiffre d'affaires global annuel tous droits et taxes compris (décote spéciale).

B. ACTUELLEMENT, LES CONTRIBUABLES RELEVANT DU FORFAIT PEUVENT OPTER POUR LE RÉGIME RÉEL SIMPLIFIÉ

1. La faculté d'opter pour le régime réel simplifié


Actuellement, l'article 302 septies A du code général des impôts autorise les entreprises soumises au régime du forfait à opter, si elles le souhaitent, pour le régime réel simplifié . L'option doit être notifiée à l'administration avant le 1 er février de la première année au titre de laquelle les entreprises désirent appliquer ce régime.

Pour rappel, le régime du réel simplifié s'applique de plein droit aux entreprises dont le chiffre d'affaires annuel, hors taxes, se trouve compris entre le plafond du forfait et le plancher du réel normal, c'est-à-dire :

- chiffre d'affaires compris entre 500.000 F (TTC) et 5.000.000 F (HT) pour les entreprises de vente de marchandises, les hôtels, les loueurs en meublé, les restaurants et les cafés ;

- chiffre d'affaires compris entre 150.000 F (TTC) et 1.500.000 F (HT) pour les autres entreprises (prestataires de services).

Les contribuables ayant opté pour le régime réel simplifié sont soumis à des obligations déclaratoires plus lourdes, même si elles restent simplifiées par rapport au régime réel normal :

La déclaration des résultats dans le régime réel simplifié

La déclaration de résultats doit être faite sur un imprimé spécial n° 2031. A cette déclaration, doivent être joints un certain nombre de tableaux composant la liasse fiscale. Cette liasse est cependant plus sommaire que dans le régime réel normal. Elle ne comprend que quatre tableaux annexes :

- un bilan abrégé ;

- un compte simplifié de résultat fiscal, dégagé à partir du bénéfice brut, des frais généraux, des amortissements et des provisions ;

- un tableau des immobilisations et des amortissements ;

- un relevé des provisions.

En particulier les entreprises n'ont pas à remplir l'état n° 2058 A (rectifications extra-comptables).

Les entreprises sont cependant soumises aux règles comptables de droit commun, semblables à celles appliquées pour le régime normal. Toutefois, depuis 1984, la tenue d'une comptabilité " super-simplifiée " qui se rapproche d'une comptabilité de caisse est possible. Mais dans ce cas, l'entreprise ne peut pas constituer de provisions, ce qui peut être un grave inconvénient pour sa gestion prévisionnelle.

La déclaration des résultats doit être déposée avant le 1 er avril ou le 16 avril selon les cas.

En matière de taxes sur le chiffre d'affaires, les entreprises relevant du régime réel simplifié n'ont à remplir que des déclarations abrégées.

Enfin, l'option des forfaitaires pour le régime simplifié doit être exercée simultanément en matière de TVA et d'impôt sur le revenu, en vertu d'un arrêt du Conseil d'Etat du 6 février 1981.

2. Les incitations fiscales à la renonciation au forfait

• En contrepartie, les entreprises qui exercent l'option sont, en vertu de l'article 39 octodecies du CGI, autorisées à réévaluer en franchise d'impôt les éléments d'actifs non amortissables : fonds de commerce, droit au bail, terrain. Les entreprises peuvent par là se prémunir contre une éventuelle taxation des plus-values attachées à ces éléments d'actifs au taux de droit commun.

En effet, le franchissement du plafond du forfait entraîne la soumission de l'entreprise au droit commun d'imposition des plus-values. Une entreprise qui serait près de franchir le seuil aura donc tout intérêt à ce que la plus-value résultant d'une éventuelle cession de ses actifs soit calculée d'après la valeur réévaluée et non d'après la valeur d'acquisition initiale.

Cette disposition ne s'applique pas aux entreprises placées de plein droit sous le régime simplifié.

• Par ailleurs, afin d'inciter les contribuables soumis au forfait à opter pour un régime de bénéfice réel, le législateur a prévu, en 1975, l'institution de centres de gestion agréés pour les aider à remplir leurs obligations fiscales et à gérer leur entreprise.

Les adhérents à ces organismes bénéficient, sous certaines conditions et dans certaines limites, d'avantages fiscaux qui consistent en :

- un abattement de 20 % sur le montant de leur bénéfice imposable , dans la limite de 701.000 F. Cette faculté est en revanche interdite aux contribuables relevant du forfait, ce qui les incite à opter pour le régime de l'évaluation réelle simplifiée.

- une déduction plus importante de la rémunération versée au conjoint dans les entreprises individuelles ;

- une réduction d'impôt, plafonnée à 6.000 F, destinée à compenser les frais de tenue de comptabilité pour les petits contribuables dont le chiffre d'affaires n'excède pas les limites du forfait.

• Enfin, la franchise et les décotes en matière de TVA (cf. supra) sont applicables aux redevables placés par option sous le régime simplifié d'imposition.

II - LE DISPOSITIF PROPOSE

A. LE PRÉSENT DISPOSITIF PROPOSE D'AUTORISER LES ENTREPRISES RELEVANT DU FORFAIT À OPTER POUR LE RÉGIME RÉEL NORMAL


Le présent article propose d'ouvrir aux forfaitaires la faculté d'opter pour le régime normal d'imposition .

Le gouvernement prévoit de fixer par décret en Conseil d'Etat les modalités réglementaires d'application de cette faculté.

Les contribuables ayant exercé l'option seraient en conséquence soumis aux obligations déclaratives correspondantes qui peuvent être assez lourdes.

La déclaration des résultats dans le régime réel normal

Le régime du bénéfice réel normal implique la tenue d'une comptabilité complète conforme au Plan comptable général ainsi que la présentation de tous les documents comptables et fiscaux qui doivent accompagner la déclaration de résultats.

La déclaration de résultats doit être faite sur un imprimé spécial n° 2031. La liasse que les contribuables doivent joindre à cette déclaration des résultats est particulièrement lourde et compliquée. Elle comprend ainsi un certain nombre de tableaux, les uns étant de nature comptable (bilan, compte de résultat, tableau des immobilisations, amortissements, provisions) ; les autres de nature fiscale (état n° 2058 A de détermination du résultat fiscal, déficits et provisions non déductibles, plus-values et moins-values).

En plus de ces imprimés normalisés, les entreprises doivent joindre un certain nombre d'autres documents :

- état explicitant le calcul des provisions de caractère fiscal ;

- état de suivi des valeurs fiscales ;

- état d'affectation des voitures de tourisme...

La déclaration des résultats doit parvenir à l'administration :

- avant le 1 er avril si l'exercice comptable coïncide avec l'année civile ;

- avant le 1 er mars dans les autres hypothèses.

Lorsque la déclaration n'est pas adressée dans les délais, l'entreprise encourt, outre certaines amendes fiscales, le risque de voir son bénéfice évalué d'office par l'administration. Aussi bien a-t-elle intérêt, si certains renseignements lui font défaut, à établir dans les délais une déclaration provisoire qui sera complétée dès que la situation définitive sera connue.

En contrepartie, l'option pour le régime réel normal emporterait les mêmes avantages fiscaux que l'option pour le régime réel simplifié : réévaluation en franchise fiscale des immobilisations non amortissables, abattement sur bénéfice et réduction d'impôt en cas d'adhésion à un centre de gestion agréé.

En outre, les députés ont adopté un amendement tendant à permettre à un forfaitaire qui opterait pour le régime réel normal de continuer à bénéficier de la franchise ou de la décote de TVA.

Selon la fiche d'impact annexée au présent projet de loi, 100.000 entreprises seraient concernées.

Néanmoins, comme l'écrit le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, " on peut douter [du succès réel de cette mesure de souplesse] auprès des entrepreneurs individuels qui ne retireront aucun avantage particulier de la préférence donnée au régime normal par rapport au régime simplifié d'imposition ".

B. MESURE DE COORDINATION EN MATIÈRE DE BÉNÉFICES NON COMMERCIAUX


Les personnes qui perçoivent des bénéfices non commerciaux ou des revenus assimilés sont placées :

- soit sous le régime de la déclaration contrôlée 7( * ) du bénéfice net ;

- soit sous le régime de l'évaluation administrative 8( * ) du bénéfice imposable (articles 101 à 102 du CGI).

- soit sous le régime déclaratif spécial 9( * ) lorsque le montant annuel des recettes n'excède pas 100.000 F.

Le régime de la déclaration contrôlée s'applique à titre obligatoire, notamment :

- aux contribuables dont le montant annuel des recettes excède 175.000 F ;

- aux contribuables qui optent pour le régime réel simplifié TVA pour l'imposition de leur chiffre d'affaires (article 302 septies A quater du CGI).

Le présent article prévoit dans son paragraphe IV d'étendre cette dernière obligation à tout contribuable qui a opté pour un régime réel.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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