B. RÉFORMER L'IMPÔT SUR LE REVENU

Le ministre de l'Économie et des Finances admet la nécessité d'une réforme de l'impôt sur le revenu. En septembre dernier, il a déclaré sur France Inter, " Dans les années qui viennent ", il faut que " la réflexion soit non seulement avancée mais que l'action soit mise en oeuvre. Il y a une mise à plat [ ] qui est certainement nécessaire et il me semble que c'est un chantier auquel il faut qu'aujourd'hui les parlementaires, notamment, s'attaquent et réfléchissent ".

C'est en vain que l'on chercherait dans le présent projet de budget des traces de cette préoccupation pourtant, semble-t-il, encouragée par le Premier Ministre, lorsqu'il affirme que " notre fiscalité souffre autant de sa structure déséquilibrée que de son niveau excessif ".

La conjoncture est pourtant favorable. L'occasion était bonne de " remettre à plat " un système fiscal, à la fois dissuasif pour l'effort et les compétences, et de moins en moins cohérent.

1. Une fiscalité qui décourage

Le poids de l'impôt sur le revenu ne peut simplement être apprécié par des chiffres bruts, qu'il s'agisse de son produit ou du prélèvement qu'il représente en pourcentage du produit national.

Les valeurs absolues doivent être mises en perspective avec les valeurs relatives. La France a fait le choix de l'Union européenne ; elle a fait le pari de l'Euro. Le poids de l'impôt s'évalue donc aussi, relativement, par comparaison à la situation chez nos principaux partenaires et concurrents.

a) L'alourdissement de l'impôt sur le revenu

Le projet de budget prévoit, afin d'éviter un accroissement de la pression fiscale qui serait lié à des hausses purement nominales de revenus, de relever les tranches de la hausse des prix ( hors tabac) prévue pour 1998, soit 0,8 %.

Cette opération traditionnelle ne suffit pas, lorsqu'elle intervient dans un contexte de reprise économique, à empêcher l'alourdissement de la pression fiscale : une simple indexation sur les prix permet à l'État, par le jeu de la progressivité de l'impôt, de toucher les dividendes de l'augmentation de pouvoir d'achat des Français.

Telle est bien la raison par laquelle s'explique la hausse attendue du produit de l'impôt sur le revenu, indépendamment de la hausse de la pression fiscale qui résulte du solde net des mesures discrétionnaires, effectivement défavorable du fait de la modification du régime du quotient familial.

L'impôt sur le revenu devrait rapporter en 1999 315,7 milliards de francs , soit un surcroît de recettes de 16,2 milliards de francs par rapport aux estimations du produit révisé de l'impôt pour 1998.

Cette croissance de 5,4% doit être comparée aux quelque 3,8% de croissance du PIB en valeur prévue par le gouvernement. Dès lors que l'impôt sur le revenu croît presqu'une fois et demie plus vite que la production, on doit s'attendre à une augmentation de sa part dans le produit national, qui passe de 3,52 à 3,58% du PIB.

Certes, si l'on retranche les 3,9 milliards de francs résultant de la modification du régime du quotient familial, le produit de l'impôt sur le revenu n'est plus que de 311,8 milliards de francs mais le taux de croissance reste avec 4,1%, supérieur à celui de la croissance en valeur du PIB.

Certains se félicitent du caractère " fortement dynamique " de l'impôt sur le revenu en période de reprise de la croissance économique ; mais on peut aussi s'inquiéter, et tel est le cas de votre commission, de cette volonté de faire jouer à plein ce mécanisme de dividende fiscal, alors que le niveau de prélèvements obligatoires a déjà atteint dans notre pays un des niveaux les plus élevés de l'Union Européenne.

b) Des effets dissuasifs persistants

Au handicap que constitue ce poids, globalement trop lourd, de l'impôt à tous les niveaux, il faut ajouter les effets pervers d'un barème trop progressif à ses deux extrémités.

La progressivité est trop forte à l'entrée du barème : les taux marginaux effectifs des prélèvements affectant les personnes disposant de faibles ressources ne peuvent que décourager la reprise de l'activité. Longtemps, la perte de certaines allocations a rendu la reprise d'un emploi peu intéressante pour le salarié bénéficiaire du RMI. La situation actuelle, sans doute plus satisfaisante que celle décrite par le rapport de la commission présidée par M. Ducamin à la fin de 1995, n'est pas encore optimale, ne serait-ce que parce que le maintien de la décote aboutit, inévitablement, à une zone de progressivité très élevée.

Le rapport de la commission d'études des prélèvements obligatoires présidée par M. Ducamin déjà cité, souligne, à cet égard, qu'une " réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu, qui repose sur une baisse des taux moyens et un élargissement corrélatif de l'assiette, doit inclure une diminution significative du taux marginal le plus élevé "

Au moment où le nouveau Chancelier allemand entreprend une réforme conduisant à une baisse de l'impôt à tous les niveaux du barème, il faut se demander si l'on peut, durablement, avoir, dans notre pays, un barème plus progressif que chez nos partenaires européens. Trappe à chômage à l'entrée du barème, compte tenu des effets des prestations sociales sous conditions de ressources, possible exode des cerveaux pour les tranches les plus élevées, pourraient bien constituer des handicaps graves pour l'économie et la société françaises.

2. Un système de moins en moins cohérent

Le code des impôts ne s'est pas fait en un jour et les incohérences que votre commission veut souligner, ne datent pas d'aujourd'hui.

Mais force est toutefois de constater que le gouvernement n'a pas seulement interrompu le processus d'allégement du barème mais aussi celui de rationalisation et de simplification entrepris, courageusement, par son prédécesseur.

Les mesures contenues dans le présent projet de loi de finances ne peuvent prétendre relever d'un processus de rationalisation. L'élimination des niches qu'il propose, au nom d'une justice abstraite, est-elle vraiment équitable ? On solde un passé, certes contestable, mais sans préparer l'avenir. Car ce ne sont pas quelques niches ponctuelles qu'il faut éliminer, mais le système fiscal lui-même , avec ses poisons et ses délices , qu'il faut réformer .

a) Le jeu de la règle et des exceptions

Toujours plus de contraintes, toujours plus d'exceptions . Telle semble être la fatalité du système fiscal français et, en particulier, du régime de l'impôt sur le revenu.

Au début des années 70, un sociologue, M. Michel Crozier, avait, considérant les dérives bureaucratiques de l'administration française, parlé du jeu de la règle et du passe-droit , en faisant observer que le rôle du chef dans l'administration était précisément de savoir écarter l'application de la règle pour accorder le " passe-droit ".

Sur ce plan, les choses ont - au moins faut-il l'espérer - dû changer. En revanche, on peut se demander si la même logique ne se retrouve pas, mutatis mutandis , dans notre système fiscal.

Comment ne pas constater que, surtout lorsqu'il s'agit d'impôt sur le revenu, on ne fixe une règle que pour y apporter, parfois immédiatement, une multitude d'exceptions.

Ce jeu de la règle et des exceptions ne résulte pas seulement de la volonté de soigner des populations dignes d'intérêt ; il procède, également, d'une préférence de structure pour les régimes fiscaux combinant règles rigoureuses et exceptions nombreuses .

(1) Le souci constant de traiter les cas particuliers

La complexité que chacun regrette dans notre système fiscal, et qui explique à la fois l'épaisseur du code des impôts et son caractère peu lisible, tient largement de la propension, bien française, à ne voir que des cas particuliers.

Il ne s'agit pas seulement de volonté de satisfaire tel ou tel groupe, telle ou telle clientèle, par une sorte d'infinie sollicitude pour les cas particuliers ; la logique est plus profonde et résulte plutôt d'un certain perfectionnisme fiscal : chaque situation est particulière et mérite un traitement sur mesure . D'où cette tendance à préférer les costumes fiscaux sur mesure aux cotes mal taillées, et donc à multiplier les exceptions à la règle.

Un certain nombre de mesures contenues dans la présente loi de finances constitue une manifestation caractéristique de penchant pour la différenciation des régimes. A la limite, on se trouve sans points de repères pour apprécier la légitimité du statu quo ou du changement de la situation relative de telle ou telle catégorie de contribuables.

On ne peut qu'être perplexe devant les argumentations de casuistique fiscale développées par le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale au sujet des deux " mesures d'accompagnement " de l'actualisation du barème : le régime des déductions supplémentaires pour frais professionnels des journalistes rebaptisées " allocation pour frais d'emploi " et la situation des bénéficiaires de demi-parts à caractère non familial au regard de l'abaissement du plafond de l'avantage fiscal conféré par leur régime particulier de quotient familial.

Où finit la distinction légitime fondée sur des critères objectifs et rationnels, où commence la discrimination attentatoire au principe d'égalité devant la loi, dont la méconnaissance est régulièrement sanctionnée par le juge constitutionnel ? L'importance prise au cours de cette première lecture à l'Assemblée par les supputations des uns et des autres sur ce que pourrait être l'attitude de Conseil Constitutionnel face au texte, est très significative de cette focalisation du débat sur la question des exceptions légitimes .

A force de vouloir opérer des distinctions de plus en plus fines de façon à coller à chaque situation particulière, les assemblées ont paradoxalement réduit leur liberté de manoeuvre dans le vote de l'impôt. La problématique des exceptions s'étant constitutionnalisée, le Parlement ne dispose plus que d'une compétence conditionnelle, sous la haute surveillance du Conseil Constitutionnel.

Dans le cas présent, les risques de censure ne sont pas négligeables, sans que, pourtant, les discriminations proposées soient, a priori, illégitimes. Mais, si votre commission relève ces difficultés comme autant de signes de l'impasse dans laquelle s'est engagé notre système fiscal, elle estime, compte tenu de sa position favorable au statu quo , tant en matière de quotient familial que de déductions professionnelles supplémentaires, qu'elle n'a pas à entrer dans le débat.

Les deux novations évoquées plus haut lui paraissent en effet inopportunes ou sans objet .

Votre commission des finances est vigoureusement opposée pour des raisons qu'elle va exposer, à toute diminution des avantages actuellement accordés aux familles et votre rapporteur général demandera de maintenir le plafond à son niveau actuel de 16.380 francs .

D'autre part, en ce qui concerne les déductions supplémentaires pour frais professionnels des journalistes , votre rapporteur général estime que, compte tenu des risques juridiques que comporte le dispositif du projet de loi de finances, étant donné, également, l'insatisfaction des principaux intéressés face à la solution qui leur est proposée, le plus sage est de reconduire un dispositif analogue à celui adopté l'année dernière, reportant d'un an le début du processus d'abaissement du plafond. On trouverait ainsi le temps de trouver une solution réellement satisfaisante ou, espérons le sans y croire, de concevoir une vraie réforme de l'impôt sur le revenu.

(2) La préférence pour les systèmes sous haute pression fiscale nominale

D'une façon générale, on sent bien que pour les auteurs du présent budget, le code des impôts n'est pas seulement le moyen de rassembler des ressources mais également un instrument privilégié d'interventionnisme économique . Sans doute ne sont-ils, à cet égard, ni les premiers ni les seuls.

Selon la commission d'étude des prélèvements obligatoires déjà citée, " le niveau jugé élevé des taux d'imposition a entraîné la floraison de mécanismes en tous genres ( ..)qui entachent gravement la progressivité, provoquent des ruptures d'égalité entre les contribuables car seuls les plus avertis bénéficient de ces mécanismes et peuvent avoir des effets pervers sur le fonctionnement de l'économie ". Sans aller jusqu'à proscrire tout mécanisme d'incitation fiscale, votre commission n'en considère pas moins que, dans la perspective d'une baisse générale des prélèvements, leur objet doit être réservé à quelques situations très spécifiques en évitant l'arbitraire et de trop nombreuses distorsions.

Tels ne sont manifestement pas les principes qui inspirent la politique que traduit le présent budget. A la différence de la plupart de ses prédécesseurs, ce gouvernement préfère prélever plus ; soit, et il l'affiche volontiers, c'est pour redistribuer plus, soit, et ceci n'est pas toujours explicitement revendiqué, c'est pour, en accordant des avantages fiscaux, faire bénéficier ses mesures interventionnistes de l'effet de levier dû au différentiel de pression fiscale.

La tentation est forte
, alors, selon les objectifs du moment, de manipuler les boutons et de modifier constamment les paramètres, au détriment de la nécessaire stabilité de la règle fiscale.

Bref, plus de changements et, surtout, plus de prélèvements pour plus de redistribution ; pourtant, les uns pénalisent l'effort et les autres peuvent , au delà d'un certain niveau, sinon décourager du moins provoquer des transferts occultes, éventuellement critiquables sur le plan de la justice ou de l'efficacité.

Le projet de loi de finances pour 1999 nous offre un nouvel exemple de cette attitude qui fait préférer un barème élevé assorti de possibilités d'exonération à un allégement du barème : le doublement du crédit d'impôt mis en place l'année dernière pour les travaux à domicile. Votre commission des finances, évidemment favorable aux objectifs poursuivis, aurait préféré que les quelque 2 milliards de francs au moins, que va coûter cette mesure, soient affectés à des baisses d'impôts plutôt qu'à un crédit d'impôt . On remarque que l'alternative à cette mesure n'est pas un allégement du barème mais une baisse - qu'il n'est pas facile de négocier à Bruxelles - de la TVA sur les travaux à domicile. Pour bien montrer, s'il en était besoin, que le Gouvernement et sa majorité ne peuvent pour l'instant du moins se résoudre à diminuer le poids de l'impôt sur le revenu.

b) Un décalage croissant avec nos principaux concurrents

La nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne vient d'annoncer une vaste réforme fiscale qui souligne encore si besoin était le décalage existant entre le système fiscal français et celui de ses principaux concurrents.

Plus encore que les modalités elles-mêmes, c'est la méthode et la priorité politique accordée à la question de l'impôt sur le revenu qu'il faut considérer, de la part d'un gouvernement idéologiquement proche de celui aujourd'hui aux affaires en France...

Le premier geste de M. Schroeder a été d'annoncer une réforme de l'impôt sur le revenu. Il y a là un signe politique, qui témoigne de l'importance de la question en Allemagne. Au demeurant, pendant la campagne, l'ancienne majorité avait également promis des réformes fiscales de grande ampleur, comportant un allégement net de 30 milliards de DM.

Le plan de M. Schroeder, qui s'étale en 1999 et 2002 prévoit 54 milliards de DM d'allégement bruts compensés partiellement par 40 milliards de DM de recettes consécutives à la suppression de régimes fiscaux dérogatoires .

Deux points méritent d'être soulignés :

1. il comprend, en contrepartie de l'élévation du seuil d'imposition et d'une diminution des taux, 58 mesures de financement dites " d'élargissement des bases de calcul fiscales ", qui s'apparentent à des mesures d'élimination de " niches fiscales " : l'on retrouve donc la démarche globale du plan du gouvernement de M. Juppé ;



2. il associe mesures fiscales et familiales, puis que les allocations familiales sont sensiblement augmentées.

LA RÉFORME FISCALE ALLEMANDE :

L'ÉLARGISSEMENT DES BASES DE CALCUL FISCALES

I. MESURES CONCERNANT LES RÈGLES RÉGISSANT L'IMPÔT SUR LE REVENU ET L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (33.788 MILLIONS DE DM)

A. MESURES POUR LIMITER LES RECETTES EXONÉRÉES (2.129 MILLIONS DE DM)

Ex : suppression de l'exonération des indemnités allant jusqu'à 36.000 DM suite à la rupture du contrat de travail par l'employeur (900 millions de DM)

B. MESURES POUR RÉINTÉGRER DANS LA BASE IMPOSABLES LES GAINS RÉSULTANT D'OPÉRATIONS D'ALIÉNATION (780 MILLIONS DE DM)

Ex : allongement des délais de 2 à 5 ans pendant lesquels les gains réalisés suite à la vente d'un terrain sont considérés comme spéculatifs (500 millions de DM)

C. MESURES VISANT L'OBJECTIVATION DES CONSTATS DE GAINS (19.135 MILLIONS DE DM)

Ex : Suppression des déductions spécifiques pour amortissement en faveur des PME et de la déduction pour l'amortissement-épargne en faveur des PME (1.313 millions de DM)

Ex : limitation de la déduction des pertes par leur report (600 millions de DM)

D. MESURES VISANT À SUPPRIMER LES RÈGLES SPÉCIFIQUES RELATIVES À DES REVENUS PARTICULIERS (4.636 MILLIONS DE DM)

Pour les revenus d'exploitations agricoles et forestières (381 millions de DM)

Ex : suppression de l'exonération pour les exploitants agricoles et forestiers de la somme forfaitaire de 2.000 DM pour les célibataires et de 4.000 DM pour les couples (250 millions de DM)

Pour les revenus tirés de l'exploitation commerciale et industrielle (315 millions de DM)

Ex : suppression de l'exonération pouvant aller jusqu'à 60.000 DM des gains liés à l'aliénation d'exploitation (250 millions de DM)

Pour les travailleurs indépendants (340 millions de DM)

Ex : suppression de l'exonération pouvant aller jusqu'à 60.000 DM des gains liés à l'aliénation d'exploitation (140 millions de DM)

Pour les revenus des capitaux (3.600 millions de DM)

Ex : division par deux du montant de la tranche exonérée en faveur des épargnants (3.600 millions de DM)

E. MESURES POUR LIMITER L'AVANTAGE FISCAL LIÉ AUX DÉPENSES PARTICULIÈRES (943 MILLIONS DE DM)

Ex : diminution de l'aide à l'accession à la propriété (763 millions de DM)

F. MESURES TARIFAIRES (6.285  MILLIONS DE DM)

Ex : suppression de la taxation à un taux égal à la moitié du taux moyen qui résulterait d'une application de l'impôt à l'ensemble des revenus concernant des ressources extraordinaires (comme les revenus tirés de l'aliénation )

II. LES MESURES CONCERNANT L'IMPÔT SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES (1.220 MILLIONS DE DM)

Ex : suppression de la déduction par les employeurs des frais de voyage et de déménagement de leurs salariés (450 millions de DM)

III. MESURES AFIN DE RENFORCER L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE D'IMPOSITION (5.000 MILLIONS DE DM)

Programme d'action contre la criminalité économique et la fraude fiscale (5.000 millions de DM)

 

Première phase

1.01.1999

Deuxième phase

1.01.2000

Troisième phase

1.01.2002

Allocations familiales (Kindergeld)

passe de 220 DM à 250 DM

-

de 250 DM
à 260 DM

IR : tranche exonérée

passe de 12.360 DM à 13.020 DM

de 13.020 DM à
13.500 DM

de 13.500 DM
à 14.000 DM

IR : taux d'impôt minimal

passe de 25,9 % à 23,9 %

de 23,9 % à 22,9 %

de 22,9 % à 19,9 %

IR : taux maximal

-

passe de 53 % à 51 %

de 51 % à 48,5 %

IS des PME : taux maximal

passe de 47 % à 45 %

de 45 % à 43 %

-

Allègement total

14 Mrd DM intégralement compensés

16 Mrd DM intégralement compensés

24 Mrd DM dont 14 compensés et 10 "d'allègement net"



On note que si le taux très élevé de la première tranche diminue de deux points passant de 25,9 à 19,9%, celui de la tranche la plus élevée passerait de 53 à 48,5%.

La comparaison partielle de deux systèmes fiscaux est toujours délicate ; mais la tendance est incontestable : un gouvernement social - démocrate fait de la baisse de l'impôt sur le revenu sa priorité.

Le gouvernement français peut-il ne pas en tenir compte ? Sa réponse mérite d'être exposée : " Nous avons la même volonté d'abaisser les impôts sur les ménages pour soutenir la croissance, mais chacun prend l'impôt qui est le plus adéquat en la matière " , a déclaré, fin octobre, sur LCI, le secrétaire d'État au budget, Christian Sautter.

Pour le gouvernement, la situation d'un pays à l'autre n'est pas la même. En Allemagne, l'impôt sur le revenu pèse aussi lourdement que la TVA dans les prélèvements obligatoires, alors qu'en France il ne devrait rapporter que 315 milliards contre 830 milliards de francs pour la TVA. Il estime donc logique que, dans le même souci, celui d'aider les ménages, l'Allemagne commence à alléger l'impôt sur le revenu, alors que la France compte d'abord faire un effort de baisse de TVA.

Votre commission insiste sur le fait que le déséquilibre, n'est pas si important, si l'on prend en compte toutes les composantes de l'imposition du revenu. En additionnant le produit de l'impôt sur le revenu à ceux de la CSG et du RDS - qui font partie de l'impôt sur le revenu même si ces contributions sont prélevées à la source, ce qui est, d'ailleurs, également le cas de l'impôt sur le revenu en Allemagne - on arrive à des montants moins déséquilibrés, puisque le total de la fiscalité du revenu atteint presque 629 milliards de francs.

Au demeurant, la baisse de la TVA en reste au niveau des pieuses intentions et fait partie des " figures obligées " auxquelles le gouvernement se sent tenu pour ne pas sembler tourner le dos trop vite à ses engagements électoraux.

De toute façon, ce qui importe, c'est la méthode et la tendance : lier , d'une part, la réduction des niches fiscales à l'allégement et donc à la simplification du barème, pour la méthode ; accepter de diminuer les taux de toutes les tranches , y compris, celui de la tranche la plus élevée qui passe nettement en dessous de 50%, pour la tendance. En l'état actuel des choses, ce plan semble effectivement un bel exemple de cohérence, dont l'on ferait bien de s'inspirer de ce coté du Rhin.

c) Fiscalité et prestations sociales : la transparence nécessaire

Lorsque les revenus de transfert et de remplacement représentent plus de 35% contre 23% en 1970, on ne peut plus considérer notre système fiscal indépendamment du régime des prestations sociales.

Une vision d'ensemble est donc nécessaire notamment du point de vue des seuils - actuellement uniquement fondés sur le critère d'imposabilité - et du problème plus général de la non imposition des prestations sociales.

Votre commission estime que cette situation, sans doute dans l'ensemble justifiée, doit néanmoins être examinée de près dans la mesure où le jeu combiné des règles fiscales et sociales peut aboutir à des discriminations non justifiées.

Sur ce point, il semble nécessaire de procéder à un recensement des aides existantes, qui constitue le préalable à l'effort de réflexion auquel invite, notamment, le Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics. Cet organisme, que préside le premier président de la Cour des comptes, souligne le caractère " à la fois complexe, injustifié et injuste " , de l'appréciation des conditions de ressources.

Il existe, ainsi, quatre prestations familiales versées sous conditions de ressources : l'allocation jeune enfant (APJE), le complément familial (CF), l'allocation parent isolé (API) et l'allocation de rentrée scolaire (ARS). " or, selon le rapport , pour ces seules quatre prestations, on ne compte pas moins de deux plafonds de ressources, deux systèmes différents pour la prise en compte des ressources et deux systèmes pour la prise en compte de la taille du foyer ", une variété de seuils qui " rend le dispositif d'aides illisible pour les bénéficiaires " et qui, en outre est " injustifié " .

Le comité souhaite dans cette perspective l'unification du mode d'évaluation des ressources, la création d'un " revenu social référent unique ". Mais il va plus loin. Pour lui, " les prestations sociales et notamment les prestations familiales constituent bien un revenu au sens civiliste classique (une somme d'argent provenant d'une source permanente d'une manière périodique) : rien ne justifie donc leur exclusion du champ de l'impôt 51( * ) "

Votre commission considère que, si cette position est manifestement trop abrupte, la question mérite d'être soulevée et qu'elle n'est actuellement sans solution satisfaisante que parce que le système actuel est trop progressif à l'entrée dans le barème.

La fiscalisation des allocations familiales est inconcevable dans les conditions actuelles car elle entraînerait un surcroît d'imposition pour un nombre considérable de familles modestes : quelque 2,1 millions de foyers, it 7 % dans la seule métropole, perdraient en moyenne 0,7 % de leur revenu disponible, indique le rapport Thélot susmentionné. En outre, jusqu'à 320.000 foyers qui ne le sont pas deviendraient imposables, ce qui leur ferait perdre " du même coup un certain nombre d'avantages lorsqu'ils sont salariés dans certaines grandes entreprises, ou lorsqu'ils accèdent à certains services publics locaux ". L'avis de non-imposition est devenu un passeport pour l'attribution ou le niveau de nombreuses prestations sociales.

Ce qui est certain, selon votre commission des finances, c'est que, "compte tenu des initiatives prises au plan local, personne, comme le faisait remarquer le rapport La Martinière ne peut prétendre en détenir un état complet et à jour. Elles comportent des conséquences perverses au point de vue social : l'existence de trappes à pauvreté leur est due dans une très large mesure. "

En termes à la fois macro que micro économiques, fiscalité et prestations sociales sont étroitement interdépendantes. La question est maintenant qu'après la multiplication des prestations et la diversification de leur origine à laquelle on a assisté, on puisse clarifier la situation et établir une transparence sans laquelle il n'est pas de vraie justice.

3. Les impératifs : une vue d'ensemble et une vision d'avenir

L'impôt sur le revenu doit être réformé en profondeur. Le Gouvernement le reconnaît mais ne le fait pas dans ce budget . Or le contexte favorable actuel, - dont on souhaite qu'il perdure mais qui est soumis à de nombreuses incertitudes -, était l'occasion d'engager la modernisation tant attendue de notre système fiscal.

Sans perspective d'ensemble s'agissant des mesures strictement fiscales, ce budget est aussi dépourvu de vision d'avenir. Prendre aux familles dites riches pour donner aux familles modestes, est une politique à courte vue contraire aux besoins démographiques du pays. On ne peut sur ce sujet que rejoindre les propos du président de la République, lorsqu'il a déclaré, à la fin de juin dernier devant l'UNAF : " La politique familiale ne saurait être de droite ou de gauche ; elle doit être familiale  ... elle cesse d'être familiale quand elle commence à dépendre d'une redistribution entre les familles ".

a) Un budget sans vision d'ensemble de l'impôt sur le revenu

La commission ne voit d'abord dans certaines mesures relatives à l'impôt sur le revenu contenues dans le présent projet de loi de finances que la juxtaposition de mesures ponctuelles éminemment contestables, dès lors qu'elles ne prennent pas place dans un plan général de modernisation de l'impôt sur le revenu .

Le démantèlement des " niches " fiscales est légitime, mais seulement dans le cadre d'une réforme générale. Il se conçoit comme un des aspects d'un processus de modernisation, dont l'autre volet est la clarification d'un système fiscal particulièrement opaque. Le Gouvernement en fait un moyen d'augmenter le rendement de l'impôt ; il devrait en faire le résultat d'une vaste opération de simplification, qui tendrait à rapprocher l'architecture de notre fiscalité des personnes de celle existant chez nos principaux partenaires de la zone Euro.

Il y a des situations acquises, qui sans constituer des droits, doivent être respectées ; il peut être légitime d'y porter atteinte mais, progressivement, dans le contexte d'un réaménagement de structure. Votre commission ne prend pas parti sur le fond, car c'est d'abord une question de méthode.

Votre rapporteur général, cohérent avec sa position de principe, vous propose par un amendement en seconde partie de la loi de finances de reprendre le processus interrompu pour 1997 et 1998 en prévoyant, sur le modèle du plan établi par le Gouvernement de M. Juppé, un aménagement du barème et la décote pour l'imposition des revenus des années 1999, 2000, 2001 et 2002.

La réforme proposée comporte :

- un relèvement progressif de la tranche à taux zéro qui passerait de 26.100 F pour les revenus de 1998 à 29.000F pour les revenus de 1999, montant qui serait porté progressivement à 40.000 F pour les revenus de 2002.

- un abaissement du plafond de la troisième tranche de 146.320 francs à 135.000 francs, pour les revenus de 1999, montant qui serait progressivement porté à 101.000 francs pour les revenus de 2002 ;

- un élargissement de la quatrième tranche qui irait pour les revenus de 1999, de 135.000 à 211.000 francs (le plafond pour 1998 est de 238.080 francs), montant progressivement porté à 143.500 francs revenus de 2002 ;

- un abaissement du plafond de la cinquième tranche, de 293.600 francs à 275.000 francs, montant progressivement porté à 233.000 francs pour les revenus de 2002

Par ailleurs, à l'issue de la réforme, c'est à dire pour les revenus de 2002, les taux des trois premières tranches sont allégés d'un point, les taux des trois suivantes étant allégés de deux points .

Le montant de la décote est abaissé à 2500 francs pour les revenus de 1999 (contre 3.300 francs pour les revenus de 1998) et progressivement diminué pour être supprimé pour les revenus de 2002.

b) Les familles ponctionnées

Cette politique de suppression des " niches " est d'autant plus critiquable qu'elle se double de la remise en cause brutale du régime actuel du quotient familial.

En 1997, le Gouvernement avait décidé la mise sous conditions de ressources les allocations familiales. La mesure a pris effet pour les versements de mars 1998.

Cette nouvelle politique a eu pour conséquence de priver quelque 386.000 familles, qui toutes n'étaient pas " aisées ", de tout ou partie de leurs allocations.

Les protestations auxquelles a donné lieu la mesure, ont conduit le Gouvernement à un revirement radical dans la méthode mais l'objectif reste le même.

Les sommes prélevées sur certaines familles ne leur sont pas rendues : la suppression de la condition de ressources et donc le rétablissement des allocations familiales pour tous sont en effet compensés par l'abaissement du plafond de l'avantage fiscal résultant de la demi-part de 16.380 à 11.000 francs

On note, également, que la recette de 3,9 milliards de francs provient d'une part, du prélèvement supplémentaire sur les familles ayant des enfants à charge à concurrence de 3,2 milliards de francs et, d'autre part, pour le solde, des effets de la réduction du plafond de la déduction des pensions versées aux enfants majeurs ou de celle de l'abattement auquel donnent droit les enfants mariés ou ayant eux-mêmes des enfants et rattachés au foyer fiscal des parents.

Pour votre commission des finances, la mesure est, d'abord, critiquable dans son principe.

Il est certain que l'on assiste à un virage capital dans la politique française de la famille . Au delà du procédé employé - mise sous conditions de ressources ou abaissement du plafond du quotient familial -, on cesse de faire de la famille l'objet d'une politique de redistribution horizontale, entre contribuables avec et sans charges de famille.

Désormais, il est clair que l'on prend à certaines familles pour donner à d'autres les moyens dont elles ont besoin pour élever leurs enfants . Ce changement pourrait se révéler funeste aussi bien pour la démographie que pour l'économie françaises

Certes, la plupart des pays n'accordent pas d'avantages fiscaux proportionnels au revenu et se contentent d'offrir des abattements nettement moins avantageux que le système du quotient familial. Mais, la comparaison suppose que soient pris en compte tous les paramètres et, en particulier, la progressivité de l'ensemble du barème.

La nouvelle politique familiale n'est pas seulement une redistribution entre familles " riches " et familles " pauvres " ; elle doit s'interpréter aussi comme une moindre redistribution entre foyers avec et sans enfants . Enfin, indirectement, cette politique doit s'analyser comme un alourdissement de la fiscalité pesant sur les cadres et donc comme un facteur supplémentaire de pénalisation des " capacités ", de ceux qui par leur compétence et leurs efforts sont à l'origine d'une bonne part du dynamisme de l'économie française.

Globalement, votre commission des finances tient à souligner, sur un plan technique, au-delà des questions de principe évoquées plus haut :

1. que, si le nouveau régime atténue largement les effets de seuil , et peut donc être considéré comme techniquement préférable, il entérine une diminution des ressources consacrées à la famille, q ui se traduit par une hausse du poids et de la progressivité de l'impôt pour les cadres ;

2. qu'il y aura, à l'issue de cette réforme, selon les indications fournies par le rapport de l'Assemblée nationale, presque deux fois plus de " perdants " - 425.000 - que de " gagnants " qui sont au nombre de 225.000 ;

3. que le nouveau dispositif renforce les avantages reconnus aux parents isolés , au risque de favoriser encore la situation des couples non mariés par rapport à ceux qui le sont.

4. qu'il y a, en quelque sorte, une double peine pour les familles , puisque, pour les familles pénalisées, ce sont les revenus de la même année 1998, qui supporteront à la fois le surcroît d'impôt et l'arrêt dix mois sur douze des allocations familiales ;

5. qu'il y a des " perdants " absolus qui sont les couples avec un enfant ne percevant pas d'allocations familiales et les couples avec des enfants compris entre 20 et 26 ans , c'est à dire entre les âges auxquels prennent respectivement fin les allocations familiales et le bénéfice de la demi-part supplémentaire.

En définitive, il faut se poser des questions de fond - notre politique familiale est-elle bien orientée et a-t-on raison de ne pas aider et même de moins aider le premier enfant ? - mais aussi des questions de technique : les mécanismes fiscaux comme le quotient familial - auxquels les Français sont à juste titre attachés - n'ont-ils pas des limites voire des effets pervers ? Dans un monde où la famille est devenue, hélas, éminemment mobile, se décompose et heureusement quelquefois se recompose, ne faut-il pas examiner sans a priori d'autres solutions, qui seront d'autant plus facile à trouver qu'elles s'inscriront dans le processus d'allégement de la pression fiscale sur le revenu que souhaite ardemment votre commission des finances ?

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" Less is more ", [" Moins, c'est plus "] cet aphorisme d'un architecte de la première moitié de ce siècle mériterait d'être médité en matière de fiscalité, en général, et d'impôt sur le revenu, en particulier.

Le minimalisme est aujourd'hui en vogue, certes ; mais s'il y a une vérité profonde dans cette formule, ce n'est pas seulement parce que les Français veulent payer moins d'impôts, ce qui serait trop simple ; le sens réel de la formule est qu'il faut un système fiscal plus simple, plus fonctionnel, moins sophistiqué. Trop d'impôt tue l'impôt, on le sait ; mais trop d'exceptions, dissout la règle, qui perd alors efficacité et légitimité . Il faut savoir en revenir aux choses simples affirmait en substance une publicité. En matière fiscale, c'est sans doute impossible. Soit. La complexité du code des impôts est le reflet de la diversité des situations réelles.

Maintenant, les gouvernements successifs n'ont-ils pas cédé trop facilement aux démons du perfectionnisme fiscal ? Au fil du temps, le code des impôts n'est-il pas devenu une sorte d'usine à gaz fiscale , dont le rendement diminue au fur et à mesure que l'on rajoute des tuyaux ? La pression fiscale est nominalement forte mais elle diminue à mesure que l'on multiplie les dérivations. Plus les circuits sont compliqués, plus les " pertes en ligne " sont importantes, plus le système devient opaque et donc comporte des risques d'injustices.

Une " mise à plat " est indispensable. Le gouvernement le dit aujourd'hui après avoir interrompu celle qu'avait engagée son prédécesseur. On aimerait le croire. Si le processus reprend, tant mieux ; mais, peut-on prélever mieux quand on ne veut pas prélever moins ?

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