PJL loi de finances pour 1999

MARINI (Philippe)

RAPPORT GENERAL 66 (98-99), Tome I - COMMISSION DES FINANCES

Table des matières




N° 66

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès verbal de la séance du 19 novembre 1998.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1999, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME I

LE BUDGET DE 1999

ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 (1998-1999).


Lois de finances.

INTRODUCTION

Le projet de loi de finances pour 1999 est le premier "budget de l'euro" pour la France. Ce n'est toutefois pas sa dimension principale, car ses priorités sont d'ordre purement interne.

Fondé sur une hypothèse de croissance optimiste, mais qui n'est pas en soi très élevée (la fin des années 80 a été bien meilleure), ce projet de loi de finances encourt deux reproches.

Le premier est de ne pas permettre, malgré des recettes en forte expansion, une stabilisation du poids de la dette publique dans le produit intérieur brut. Certes, la France s'achemine vers cette stabilisation, mais elle ne l'accomplira pas dès 1999. Or, après presque vingt ans de progression continue, il aurait été nécessaire de saisir la première occasion de commencer à lever cette hypothèque sur les générations futures, ainsi que l'ont fait la quasi-totalité de nos partenaires européens.

Le deuxième est de fonder exclusivement l'assainissement financier de la France sur la situation conjoncturelle, et non sur d'indispensables réformes de structure. A cet égard, ce n'est pas tant l'hypothèse de croissance qui est en cause, que le fait que le gouvernement en fasse entièrement dépendre l'amélioration de nos finances publiques.

Après avoir examiné les hypothèses économiques qui le sous-tendent, le présent rapport analyse l'équilibre du projet de loi de finances en solde, en recettes et en dépenses. Il élargit ensuite son horizon à l'ensemble des administrations publiques, vision indispensable à l'appréciation de la situation de la France en Europe. Il formule enfin un certain nombre de propositions sur les réformes à entreprendre pour assainir durablement nos finances publiques.

CHAPITRE PREMIER

LA CROISSANCE ET LES INCERTITUDES

La prévision économique est un art de plus en plus difficile, les outils du prévisionniste paraissant soumis à une obsolescence rapide du fait de la survenance de nouvelles réalités économiques.

Les modèles macro-économiques ont été de précieux réducteurs d'incertitude. Fondés sur l'utilisation d'études économétriques aptes à mettre en relation certaines évolution avec diverses variables explicatives, ils ont contribué à préciser les problématiques et à asseoir les prévisions.

Mais, outre que les grands modèles disponibles ont toujours nécessité qu'on pose, pour les utiliser, des hypothèses " hors-modèle ", il semble que, sous l'effet d'évolutions économiques majeures, les relations économétriques, qui en constituent le squelette, se soient de plus en plus distendues :

Dans un monde devenu très interdépendant l'incapacité de la plupart des modèles à dépasser le cadre national constitue une première infirmité.

Dans un monde où les sphères réelle et financière, cette dernière en expansion instable, s'entremêlent, l'absence de capacité à modéliser avec efficacité les événements financiers est évidemment un handicap de taille.

Enfin, dans un monde où les comportements évoluent et se modifient rapidement, le recours à la " série longue " ne garantit plus contre la contestation de l'instrument.

C'est évidemment lorsque le contexte économique est agité que le modèle est le plus fragile et la prévision tout particulièrement difficile. Et c'est bien un tel contexte qui se présente à l'orée de 1999. Aux crises des pays émergents, du Japon, de la finance, s'ajoutent le retournement escompté du cycle américain et un événement monétaire et financier majeur, l'avènement de l'euro.

Dans ces conditions, il est bien périlleux de prévoir quelle tournure prendra l'économie française en 1999. Mais il est encore plus périlleux de faire comme si une prévision donnée allait se vérifier.

Il est sage de garder à l'esprit les aléas qui pourraient constituer autant d'écueils sur lesquels viendrait se heurter la prévision du gouvernement. Nul ne souhaite évidemment que ces aléas se réalisent. Bien au contraire, la croissance économique est nécessaire pour résorber les difficultés du pays. Mais il faut conserver la lucidité indispensable à la formulation d'une bonne politique économique. Dans ce contexte, la pertinence de nos outils de politique économique et tout particulièrement de nos méthodes budgétaires ne paraît pas établie.

Regards sur 1998

Ressources et emplois de biens et services

en milliards de francs et en pourcentage de variation t/t-1

 

En volume

En valeur

 

1998

 
 

1998

 
 
 

T1

T2

1997

Acquis1998

T1

T2

1997

Acquis 1998

Produit intérieur brut

992,4

998,8

3.889,8

 

2.081,1

2.102,6

8.127,6

 

en % t/t-1

0,7

0,6

2,3

2,5

0,8

1,1

3,3

3,2

Importations

320,7

322,2

1.206,3

 

494,8

496,4

1.853,3

 

en % t/t-1

2,5

0,5

7,7

6,7

2,3

0,3

9,5

7,0

Total des ressources

1.313,1

1.321,0

5.096,0

 

2.575,0

2.598,9

9.980,9

 

en % t/t-1

1,2

0,6

3,6

3,5

1,1

0,9

4,4

3,9

Consommation finale des ménages


590,6


596,7


2.315,5

 


1.243,2


1.257,6


4.858,3

 

en % t/t-1

0,7

1,0

0,9

2,9

0,7

1,2

2,0

3,2

Consommation finale des adm.

188,3

189,1

747,3

 

404,2

408,1

1.595,3

 

en % t/t-0,3

0,3

0,4

1,2

1,1

0,3

1,0

2,3

2,1

FCBF totale

194,3

196,2

756,9

 

356,8

360,6

1.389,0

 

en % t/t-1

1,9

1,0

0,0

3,4

1,6

1,1

1,2

3,6

Exportations

338,0

336,7

1.287,6

 

573,3

572,0

2.169,2

 

en % t/t-1

0,8

- 0,4

12,5

4,7

0,9

- 0,2

14,3

5,5

Variations de stocks

1,9

2,2

- 9,3

 

- 2,5

0,6

- 30,9

 

Total des emplois

1.313,1

1.321,0

5.096,0

 

2.575,0

2.598,9

9.980,9

 

en % t/t-1

1,2

0,6

3,6

3,5

1,1

0,9

4,4

3,9

La croissance du PIB au premier trimestre 1998 a été proche de 3 % en rythme annuel sous l'effet d'un dynamisme à peu près maintenu de la consommation des ménages et, en voie d'accélération, de l'investissement des entreprises.

Autrement dit, la demande intérieure compense les effets défavorables du commerce extérieur sur la croissance. En effet, les importations ont augmenté sensiblement plus vite que les exportations au premier semestre même si leur progression se ralentit. Ces dernières se sont même contractées de 0,2 % au deuxième trimestre, alors qu'à la même période elles s'accroissaient en 1997 de 6,6 %. Le tassement du commerce mondial consécutif à la crise traversée par nombre de pays est à l'oeuvre dans l'économie française.

A l'issue du premier semestre l'acquis de croissance -qui mesure ce que serait la croissance annuelle d'une variable économique si celle-ci restait au cours du reste de l'année à son dernier niveau observé- s'élève à 2,5 % en volume. La réalisation d'une croissance de 3,1 % pour l'année en cours suppose donc une accélération de l'activité au cours du second semestre.

Les prévisions de l'INSEE rendent, de fait, compte d'une accélération de la croissance au troisième trimestre suivie d'une légère inflexion à la fin de l'année. Au quatrième trimestre, le rythme de la croissance annuelle décélérerait, passant à 2,5 %.

A l'aube de 1999, l'acquis de croissance ne serait plus que de 1 %.

I. LES HYPOTHESES DE CROISSANCE

La prévision de croissance pour 1999 associée par le gouvernement au projet de loi de finances s'élève à 3,8 % en valeur , résultat d'une progression en volume de 2,7 % et d'une augmentation du prix du produit intérieur brut de 1,1 %.

Equilibre des ressources et emplois de biens et services

(en milliards de francs et en indices)

 

1996

1997

1998

1999

 

Valeur aux prix courants

Indice
de
volume

Valeur aux prix courants

Indice de volume

Valeur aux prix courants

Indice de volume

Valeur aux prix courants

Ressources

 
 
 
 
 
 
 

Produit intérieur brut

7.871,7

102,2

8.137,1

103,1

8.495,9

102,7

8.821,4

Importations

1.692,2

107,9

1.848,0

108,3

1.996,1

105,2

2.130,9

TOTAL DES RESSOURCES

9.663,9

103,2

9.985,1

104,1

10.492,0

103,1

10.952,3

Emplois

 
 
 
 
 
 
 

Consommation finale des ménages

4.763,5

100,7

4.857,3

103,1

5.052,9

102,7

5.256,8

Consommation finale des administrations

1.559,0

101,1

1.593,7

101,8

1.650,7

101,7

1.704,7

Formation brute de capital fixe

1.372,1

100,2

1.388,1

103,8

1.457,5

104,2

1.534,2

dont :

 
 
 
 
 
 
 

Sociétés et E.I. (1)

765,6

99,9

763,6

105,7

816,9

105,7

872,1

Ménages hors E.I. (1)

351,1

99,8

362,2

100,4

368,0

102,0

379,1

Administrations publiques

227,5

100,1

230,1

102,3

238,2

102,8

247,3

Administrations privées

5,1

101,7

5,2

102,3

5,4

102,8

5,6

Institutions de crédit et assurances

22,9

118,8

27,0

106,3

29,1

102,8

30,2

Variations de stocks

- 28,3

 

- 22,5

 

2,2

 

6,1

Exportations

1.897,7

113,0

2.168,5

106,8

2.328,7

104,2

2.450,4

TOTAL DES EMPLOIS

9.563,9

103,2

9.985,1

104,1

10.492,0

103,1

10.952,3

dont :

 
 
 
 
 
 
 

Demande totale hors stocks

9.592,3

103,1

10.007,6

103,8

10.489,8

103,1

10.946,2

Demande intérieure totale

7.666,2

100,8

7.816,6

103,3

8.163,3

102,8

8.501,8

Demande intérieure hors stocks

7.694,6

100,7

7.839,1

103,0

8.161,2

102,8

8.495,8

Pour le Produit Intérieur Brut Marchand :

1996 : Indice de volume : 101,1 - Indice de prix : 101,3

1997 : Indice de volume : 102,4 - Indice de prix : 101,1

1998 : Indice de volume : 103,3 - Indice de prix : 101,2

1999 : Indice de volume : 102,8 - Indice de prix : 101,1

(1) E.I. : Entrepreneurs individuels.

Source : Rapport économique, social et financier. Projet de loi de finances pour 1999

Décomposition du supplément de croissance prévu pour 1999

 

En milliards de francs

En %

Emplois

 
 

Consommation des ménages

+ 203,9

+ 4

Consommation des administrations

+ 54

+ 3,3

Formation brute de capital fixe

+ 76,7

+ 5,3

dont :

 
 

Sociétés et E.I.

+ 55,2

+ 6,8

Ménages

+ 11,1

+ 3

Autres

+ 10,4

+ 3,8

Variations de stocks

+ 4

+ 2,8

Exportations

+ 121,7

+ 5,2

Total

+ 460,3

+ 4,4

Ressources

 
 

PIB

+ 325,5

+ 3,8

Importations

+ 134,8

+ 6,8

Total

+ 460,3

+ 4,4

La croissance serait soutenue par une forte progression de la demande intérieure qui augmenterait de 4,1 %. Le PIB s'accroîtrait sur un rythme un peu inférieur, de 3,8 %, du fait d'une pénétration accentuée des biens importés avec une croissance des importations de 6,8 %, plus rapide que celle de la production nationale. La variation des exportations serait moins importante, mais toutefois positive. Elles progresseraient de 5,2 % si bien que la contribution à la croissance du commerce extérieur serait un peu défavorable.

Le tableau suivant récapitule l'évolution de la structure des grandes composantes du PIB.

Principales contributions à la croissance du PIB

Taux de croissance annuel moyen en %

 

1995

1996

1997

1998

1999

Consommation des ménages

0,9

1,1

0,4

1,9

1,6

Consommation des administrations

0,0

0,5

0,2

0,4

0,3

Formation brute de capital fixe totale

0,4

- 0,2

0,0

0,6

0,7

Dont : sociétés et EI

0,3

0,0

0,0

0,5

0,5

Variations de stocks

0,4

- 0,6

0,1

0,3

0,0

Commerce extérieur

0,3

0,5

1,4

- 0,1

- 0,1

Dont : exportations

1,3

1,3

3,1

1,8

1,2

importations

- 1,0

- 0,7

- 1,7

- 1,9

- 1,3

PIB

2,0

1,3

2,2

3,1

2,7

Source : Rapport économique, social et financier. Projet de loi de finances pour 1999.

Dans un contexte de ralentissement de l'activité économique marqué par un infléchissement du rythme de croissance, passant de 3,1 % en 1998 à 2,7 % en 1999, le scénario économique retenu pour l'an prochain est analogue à celui de 1998 et prolonge la rupture alors constatée par rapport à 1997.

Si, en 1997, l'essentiel de la croissance est venu du commerce extérieur avec un dynamisme sans précédent des exportations, le relais pris en 1998 par la demande intérieure continuerait de produire ses effets en 1999 d'une façon très légèrement atténuée. Symétriquement, la contribution à la croissance du commerce extérieur faiblement négative en 1998 demeurerait telle en 1999, sans changement.

A. UNE CONTRIBUTION DU COMMERCE EXTÉRIEUR À LA CROISSANCE MODÉRÉMENT NÉGATIVE

Comme en 1998, le scénario économique du gouvernement retient une contribution à la croissance du commerce extérieur négative. En un mot, le solde du commerce extérieur, qui resterait très largement positif, se dégraderait toutefois un peu sous l'effet d'une progression des importations (+ 6,8 %) plus rapide que celle des exportations (+ 5,2 %).

Il est instructif de mettre ces données en perspective.

Pour cela, on peut d'abord se reporter aux évolutions récentes des importations et des exportations.


En ce qui concerne les importations, le tableau ci-après en rappelle les évolutions depuis 1997 en distinguant les variations de leur volume et celle de leurs prix.

Variation des importations

(en %)

 

1997

1998

1999

Volume

7,9

8,3

5,2

Prix

1,2

- 0,3

1,5

Total

9,2

8

6,8

On peut alors souligner qu'en 1999 on attend une nette baisse de la croissance du volume des importations qui ne progresserait qu'à hauteur des 2/3 de leur variation en 1998, mais également une progression sensible des prix des biens importés. Au total, le ralentissement du rythme d'accroissement des importations en valeur nominale se traduirait par une augmentation inférieure de seulement 0,15 point par rapport à celle enregistrée en 1998.

Quant aux exportations, un tableau analogue leur est consacré ci-après :

Variation des exportations

(en %)

 

1997

1998

1999

Volume

13

6,8

4,2

Prix

1,1

0,5

1

Total

14,2

7,3

5,2

Il en ressort qu'entre 1997 et 1999 le rythme annuel de progression des exportations serait divisé par presque trois, mais surtout que la progression nominale des exportations en 1999, retenue dans la prévision du gouvernement, proviendrait pour beaucoup d'une hypothèse de prix plus favorable qu'en 1998.

Moyennant un maintien du rythme de croissance des prix des produits exportés au niveau atteint en 1998, la progression nominale des exportations ne serait que de 4,7 % l'an prochain, l'excédent extérieur s'en trouvant diminué de 11,5 milliards de francs, soit 0,13 point de PIB en moins.

On peut également mettre en perspective les données du commerce extérieur avec quelques grandes variables économiques.

S'agissant des importations, il est utile de mettre en rapport la variation de leur volume et celui du PIB.

 

1997

1998

1999

Variation 99/98 en %

Variation des importations en volume

7,9

8,3

5,2

- 37,3

Variation du PIB en volume

2,2

3,1

2,7

- 12,9

Dans l'ensemble, on peut observer une asymétrie entre les variations des rythmes de croissance du PIB et des importations . Autrement dit, il n'y a pas de parallélisme rigoureux entre les inflexions de l'activité économique intérieure et les évolutions du volume des importations qu'on peut constater. La très forte augmentation des importations en 1997 doit être gardée à l'esprit, même si elle a pu être considérée comme très atypique. Elle démontre en tout cas que des "accidents" peuvent survenir, même si la reprise de l'activité économique en 1997 a pu contribuer à expliquer la variation des importations cette année là.

En tout cas, on peut relever que la modération du rythme de croissance en volume des importations escomptée en 1999 suppose, de leur part, un infléchissement plus important que celui de l'activité intérieure. A son tour, ce résultat est conditionné par l'exactitude des hypothèses posées sur l'évolution des prix des importations en 1999 qui, dans le scénario du gouvernement, passeraient d'une baisse en 1998 (- 0,3 %) à une hausse de 1,5 % en 1999.

S'agissant des exportations, il faut les mettre en rapport avec la demande étrangère.

 

1997

1998

1999

Variation des exportations en volume

13

6;8

4,2

Variation du commerce mondial en volume

10,1

7,3

5,3

Variation de la demande adressée à la France

9,4

7,3

5,4

La croissance du commerce mondial serait divisée par 2 entre 1997 et 1999 et la demande adressée à la France connaîtrait un sort semblable. La baisse du volume des exportations décrite dans les budgets économiques apparaît cohérente avec ces hypothèses qui restent à évaluer.

B. LA DEMANDE INTÉRIEURE, UN PEU MOINS DYNAMIQUE QU'EN 1998, EXPLIQUE L'INTÉGRALITÉ DE LA CROISSANCE ESPÉRÉE EN 1999

Passage de la croissance en volume du PIB
entre 1998 et 1999
(1)

Croissance du PIB en 1998

3,1

Ecart entre la consommation des ménages en 1998 et 1999

- 0,3

Ecart entre la FBCF en 1998 et 1999

+ 0,1

dont sociétés et entreprises individuelles

0

Ecart entre la contribution au PIB des variations de stocks en 1998 et 1999

- 0,2

Croissance du PIB en 1999

2,7

(1) Les arrondis ont été corrigés sur les variations de stocks.

Le tableau ci-dessus démontre que la baisse du rythme de la consommation des ménages en volume et celle de la contribution des stocks à la croissance expliqueraient le ralentissement de la croissance en 1999 alors que l'investissement connaîtrait un dynamisme à peu près inchangé (+ 0,1 point de PIB).

La hausse de la consommation des ménages serait continue.

La croissance de la consommation des ménages passerait de 3,1 % à 2,7 % en volume de 1998 à 1999. Exprimée en valeur, la progression de la consommation des ménages resterait stable en 1999.

Le comportement de consommation des ménages serait " grosso modo " le reflet de l'évolution de leur revenu disponible brut dont le tableau ci-dessous rappelle l'évolution depuis 1995.

Evolution en termes réels* du revenu disponible des ménages
(en moyenne annuelle en %)

Taux de croissance annuel

 

Contribution croissance du RDB

1995

1996

1997

1998

1999

 

1995

1996

1997

1998

1999

2,2

0,9

1,6

3,0

2,9

Revenus d'activité dont

1,7

0,7

1,3

2,4

2,3

2,1

1,0

1,7

3,0

2,7

Salaires bruts

1,1

0,5

0,9

1,6

1,4

2,4

0,6

1,5

3,2

3,2

EBE 1 des ménages (y compris EI²)

0,6

0,1

0,4

0,8

0,8

 
 
 
 
 

Transferts nets dont

0,1

- 0,3

0,3

- 0,2

- 0,3

1,7

1,7

2,0

2,1

1,2

Prestations sociales

0,6

0,6

0,7

0,8

0,4

2,4

4,1

1,7

4,3

3,1

Impôts et cotisations dont

- 0,5

- 0,9

- 0,4

- 1,0

- 0,7

2,5

3,4

- 3,5

- 20,8

0,9

Cotisations sociales

- 0,3

- 0,4

0,4

2,4

- 0,1

2,3

5,0

7,6

29,5

4,5

Impôts y compris CSG et RDS

- 0,2

- 0,5

- 0,8

- 3,3

- 0,6

11,5

1,0

8,1

7,2

6,6

Intérêts, dividendes et div. nets

0,8

0,1

0,6

0,6

0,6

2,6

0,4

2,2

2,8

2,5

Revenu disponible brut

2,6

0,4

2,2

2,8

2,5

*Calculé en utilisant le déflateur de la consommation des ménages dans les comptes aux prix de l'année précédente.

1. EBE : Excédent brut d'exploitation

2. EI : Entrepreneurs individuels

Source : INSEE, Direction de la prévision

Les gains de pouvoir d'achat des ménages seraient un peu moins importants en 1999 qu'en 1998 (2,5 % contre 2,8 %). La progression des revenus d'activité serait un peu inférieure au rythme observé l'an passé (+ 2,9 % contre + 3 %). Cela résulterait d'une croissance du pouvoir d'achat du taux de salaire par tête de 1,2 %, contre 1,3 % en 1998, combinée à une croissance du nombre des emplois de 1,3 %.

Evolution du taux de salaire horaire et du salaire moyen par tête
(entreprises non financières non agricoles)

(en moyenne annuelle en %)

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Taux de salaire horaire en valeur

4,4

3,3

2,5

2,5

2,6

2,7

2,3

2,8

Salaire moyen par tête :

 
 
 
 
 
 
 
 

- en valeur

4,0

2,8

2,5

2,3

2,6

2,8

2,2

2,5

- en pouvoir d'achat

1,5

0,5

0,4

0,6

0,6

1,6

1,3

1,2

Source : INSEE, Direction de la prévision

Evolution de l'emploi (en moyenne annuelle et en milliers)

 

1997

1998

1999

- Emploi marchand salarié

+ 84

+ 229

+ 230

dont RTT

 

+ 2

+ 54

- Emploi non marchand

+ 26

+ 80

+ 93

- Emploi non salarié

- 39

- 28

- 23

- Emploi total

+ 69

+ 282

+ 300

Source : Rapport économique, social et financier. Projet de loi de finances pour 1999.

On doit relever l'absence d'effet notable de la réduction du temps de travail (RTT) sur la variation du salaire par tête, alors que le scénario du gouvernement fait l'hypothèse d'un effet de la RTT sur le volume de l'emploi de 54.000 unités l'an prochain, ce qui suppose qu'une proportion non négligeable des salariés serait concernée par les accords prévus par la loi.

Si cette hypothèse ne se vérifiait pas, la croissance de l'emploi marchand salarié serait ramenée à 178.000 salariés contre 229.000 en 1998, soit une inflexion d'un quart du rythme de progression de l'emploi salarié, un peu supérieure à celle de la croissance du PIB.

La progression des créations d'emplois non marchands doit être soulignée : de 26.000 en 1997, leur nombre passerait à 80.000 en 1998 et à 93.000 en 1999. Ainsi, les effets cumulés de la RTT et des politiques de subventionnement des emplois non marchands expliqueraient près de 50 % des créations d'emplois en 1999 , après avoir contribué à la création de 29 % des emplois en 1998.

Hors ces mesures, les créations d'emplois se seraient élevées en tendance à 200.000 en 1998 et 153.000 en 1999, soit une évolution à peu près conforme à la réduction du rythme de croissance attendue l'an prochain.

La formation du pouvoir d'achat du revenu des ménages appelle une observation pour souligner l'amplification en 1999 de l'effet défavorable pour les ménages des "transferts nets" qui illustre en affichage l'orientation restrictive donnée à la gestion des finances sociales.

On doit constater la poursuite de la croissance des prélèvements opérés sur le revenu des ménages qui, après s'être accrus de 4,3 % en 1998, augmenteraient encore de 3,1 % en 1999. Cette perspective, au terme de laquelle la pression "fiscalo-sociale" sur les ménages s'accroîtrait, mais moins que l'an passé, est elle-même dépendante dans son ampleur de la capacité à maîtriser le rythme de progression des prestations sociales.

On doit noter qu'en la matière, la prévision du gouvernement s'accompagne d'une progression du volume des prestations sociales de 1,2 %, qu'on peut utilement rapprocher de la croissance des dépenses sociales versées par l'Etat qui serait de 3,5 % en 1999. On doit regretter une telle distorsion entre le sort des prestataires de l'Etat et celui des autres prestataires sociaux.

Pour conclure, il faut enfin noter que le rythme de croissance de la consommation des ménages tel qu'il est prévu -une augmentation un peu supérieure, 2,7 % contre 2,5 %, à celle du pouvoir d'achat de leur revenu- est tributaire d'une légère diminution du taux d'épargne qui reculerait de 0,2 point, passant de 14,3 à 14,1 %.

En ce qui concerne la demande des entreprises , la prévision du gouvernement n'en escompte une légère inflexion en 1999 que du fait des variations des stocks dont la contribution à la croissance en 1998 serait importante (+ 0,3 point de PIB) pour s'annuler ou presque en 1999.

Stocks et activité

Dans la définition qu'en donne le système élargi de comptabilité nationale, "les stocks comprennent tous les biens autres que les biens de capital fixe, détenus à un moment donné par les unités productrices résidentes".

Dans les comptes de patrimoine des secteurs institutionnels, le montant des stocks est estimé à 1.600,2 milliards de francs pour 1997, en hausse de 3,4 milliards de francs par rapport à 1996.

Les stocks constituent une production non vendue. Leur niveau résulte donc d'un décalage entre l'offre et la demande de produits. Lorsque celle-ci augmente moins que celle-là, le niveau des stocks s'accroît mécaniquement puis se résorbe à mesure que les producteurs s'adaptent à la demande.

Mais, si les variations de stocks résultent de la croissance, elles l'influencent aussi. Les phénomènes de déstockage amortissent la croissance, elles l'influencent aussi. Les phénomènes de déstockage amortissent la croissance de l'activité dès lors que la progression de la demande peut être satisfaite par la production déjà réalisée que sont les stocks.

A ces relations mécaniques, il faut ajouter deux phénomènes qui revêtent une certaine actualité. Le niveau des stocks ne dépend en effet pas que de réglages automatiques ; il résulte aussi de comportements des entreprises. A ce propos il convient de souligner :

- que les entreprises ont adopté ces dernières années un comportement de plus en plus marqué de réduction de leurs stocks, popularisé sous la dénomination de politique de "zéro stock" ou encore de "flux tendus" ; ce comportement structurel pourrait expliquer la tendance au déstockage observée sur moyenne période ;

- et, surtout, que le niveau jugé souhaitable des stocks dépend de l'appréciation que se forment les entreprises d'une série de variables économiques.

Celles-ci peuvent être objectives : le coût financier de détention des stocks dépend du niveau du coût de l'argent. Elles peuvent être plus conjecturales lorsqu'il s'agit d'estimer la croissance future de la demande ou encore l'évolution prévisible du prix de vente dans leurs secteurs d'activités.

Les relations entre les stocks et l'activité empruntent donc deux voies :

- les stocks contribuent, par leur variation, à expliquer le rythme de croissance ;

- le rythme de croissance escompté et la valeur attendue des biens expliquent les variations des stocks.

Ni les perspectives des prix, ni les perspectives de croissance en 1999 ne justifient en effet une augmentation des stocks des entreprises.

L'investissement des entreprises progresserait, quant à lui, en 1999 comme en 1998, de 5,7 % en volume. La référence à 1998 est toutefois problématique puisque la probabilité d'une augmentation de l'investissement des entreprises très supérieure aux prévisions pour 1998 est grande. L'investissement des entreprises s'est en effet accru de près de 10 % en rythme annuel au cours du premier semestre.

Si ce rythme devait se maintenir, l'augmentation des capacités de production qui en résulterait pourrait déboucher sur une détente des taux d'utilisation des capacités de production dans un contexte placé par ailleurs sous le signe d'une inflexion de la croissance.

L'hypothèse du gouvernement sur l'évolution de l'investissement des entreprises est en effet fondée sur la bonne orientation des anticipations de demande et de la profitabilité des entreprises, mais aussi sur une certaine saturation des capacités installées.

II. UNE PRÉVISION SOUMISE À D'IMPORTANTS ALÉAS

Les incertitudes qui entourent la prévision du gouvernement sont évidemment liées au contexte international qui pourrait voir s'étendre et s'approfondir les déséquilibres qu'affrontent diverses zones économiques. Mais la prévision du gouvernement qui illustre une certaine incapacité de la France à s'inscrire durablement dans une trajectoire de croissance soutenue est également tributaire d'un desserrement des freins internes à la croissance. Or, les pesanteurs économiques n'ayant pas toutes été levées, l'essor de l'économie française semble sous forte contrainte.

A. L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL

1. La croissance dans le monde

a) La crise asiatique et ses prolongements

A l'aube de l'année 1999, la très forte dégradation de l'environnement international observée à partir des événements survenus en Asie en 1997 fait craindre un approfondissement des crises au terme duquel l'Europe verrait son redémarrage économique compromis.

La crise asiatique a, en quelque sorte, ouvert le bal suivie par la mise en évidence d'une série de déséquilibres économiques touchant divers ensembles régionaux.

Dans le rapport économique, social et financier, seuls les effets de la crise asiatique ont fait l'objet de la part du gouvernement d'une évaluation systématique.

Impact international de la crise asiatique


Ecarts par rapport à un scénario sans crise


Crise dans les pays émergents d'Asie

Crise au Japon

Total

Baisse des taux obligataires et détente monétaire

Impact global de la crise
(y.c. baisse du prix du pétrole)

 

1998

1999

1998

1999

1998

1999

1998

1999

1998

1999

Niveau du PIB (en %)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Etats-Unis

- 0,5

- 0,7

- 0,3

- 0,7

- 0,8

- 1,4

0,3

0,6

- 0,4

- 0,7

Union européenne

- 0,5

- 0,8

- 0,4

- 0,9

- 0,9

- 1,7

0,3

0,8

- 0,6

- 0,8

Allemagne

- 0,6

- 1,0

- 0,5

- 1,1

- 1,1

- 2,1

0,4

1,0

- 0,6

- 1,0

France

- 0,5

- 0,8

- 0,3

- 0,9

- 0,8

- 1,7

0,2

0,7

- 0,5

- 0,9

Niveau des prix (en %)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Etats-Unis

- 0,8

- 1,6

- 0,3

- 1,3

- 1,1

- 2,9

0,3

1,2

- 0,9

- 1,8

Union européenne

- 0,5

- 1,0

- 0,2

- 0,8

- 0,7

1,8

0,0

0,3

- 0,7

- 1,6

Allemagne

- 0,3

- 1,0

- 0,1

- 0,6

- 0,4

- 1,6

0,0

0,3

- 0,3

- 1,4

France

- 0,2

- 0,6

- 0,2

- 0,7

- 0,4

- 1,3

0,0

0,1

- 0,5

- 1,3

Les effets des crises sur la demande adressée à la France et sur la compétitivité-prix de la production nationale estimés à 0,8 point de PIB par an sont compensés partiellement par la baisse des taux obligataires et monétaires qui est associée à la réorienation des capitaux consécutive à la crise.

De 0,2 point de PIB en 1998, cet effet favorable passe à 0,5 point de PIB en 1999.

Faute d'informations détaillées sur cet exercice de variante, il n'est pas possible d'en faire une lecture totalement satisfaisante.

Au total, la croissance française serait affectée à hauteur de 0,5 point en 1998 et de 0,4 point en 1999.

L'impact de la crise est donc significatif : il se traduit par une augmentation du chômage de 0,7 point à l'horizon de 1999 et par une dégradation du solde public de 0,6 point de PIB à ce même horizon.

Il faut observer que selon la variante l'impact de la crise se réduirait un peu en 1999. Ce résultat n'est pas conforme avec celui d'une autre variante réalisée par l'OFCE à l'aide du modèle MIMOSA qui met en évidence le maintien en 1999 d'un effet d'ailleurs plus négatif à son niveau de 1998.

On peut observer aussi que, contrairement à ce qui est souvent dit la crise asiatique toucherait plus l'Europe que les Etats-Unis, ceux-ci profitant de la dépréciation du dollar.

Enfin, l'impact de la détente des conditions monétaires, dont la pérennité reste à démontrer, apparaît très fort et, curieusement plus élevé en Europe qu'aux Etats-Unis.

En tout état de cause, la variante doit être étendue à d'autres crises, celle que traverse la Russie et celle à l'oeuvre en Amérique centrale et du Sud. D'une variante réalisée par l'OFCE comportant une croissance nulle en Amérique latine et une récession contenue en Russie, il ressort comme le démontre le tableau ci-dessous que la baisse du rythme de la croissance mondiale associée à un tel scénario aurait des effets beaucoup plus importants.

Impact de la crise selon le modèle Mimosa

Ecart au compte central

 

1997

1998

1999

PIB en %

 
 
 

Etats-Unis

- 0,2

- 1,3

- 2,3

Japon

- 0,4

- 1,8

- 2,8

Union européenne

- 0,3

- 0,9

- 1,7

Dragons

- 0,7

- 7,0

- 13,4

Autre Asie

- 2,3

- 8,6

- 12,5

Amérique latine

0,0

- 2,2

- 4,5

Moyen-Orient Maghreb

- 1,0

- 4,5

- 7,9

CEI

0,0

- 3,0

- 6,4

Monde

- 0,5

- 2,2

- 3,7

Prix de la consommation en %

 
 
 

Etats-Unis

0,0

- 0,6

- 1,3

Japon

0,1

0,1

- 0,2

Union européenne

0,0

- 2,2

- 3,7

Chômage en point

 
 
 

Etats-Unis

0,1

0,5

1,1

Japon

0,1

0,5

0,9

Union européenne

0,1

0,3

0,7

Solde public en point de PIB

 
 
 

Etats-Unis

- 0,1

- 0,3

- 0,6

Japon

- 0,1

- 0,2

- 0,4

Union européenne

- 0,1

- 0,3

- 0,6

Taux d'intérêt à court terme en point

 
 
 

Etats-Unis

- 0,3

- 0,8

- 1,0

Japon

- 0,3

- 0,6

- 0,9

Union européenne

- 0,3

- 0,7

- 1,0

Source : OFCE, modèle Mimosa

b) L'économie américaine à un tournant ?

La situation économique des Etats-Unis est, depuis trois ans, l'objet de conjectures sur les modalités du ralentissement de l'activité américaine. Ces conjectures ont jusqu'alors été toujours déjouées par la poursuite d'une croissance sur un rythme dynamique. Mais elles restent cependant plus que jamais en débat.

La question traditionnellement posée est celle de savoir si les Etats-Unis vont connaître un retournement brutal du cycle haussier entamé en 1992 ou si, au contraire, ils seront en mesure de réussir un "atterrissage en douceur", avec un ralentissement de la croissance autour de 1,5 à 2 % mais sans récession.

Il faut probablement commencer par répondre à une autre question, celle de savoir ce que signifierait pour le monde une poursuite de l'expansion américaine par rapport à un scénario de ralentissement économique.

(1) Une expansion continue depuis 1992, favorable à l'économie des partenaires

Sur cette dernière question, il faut observer que l'essor économique des Etats-Unis s'est accompagné d'un soutien apporté à l'économie mondiale . Celui-ci a emprunté trois canaux principaux : la progression des importations américaines a été beaucoup plus rapide que celle des exportations si bien que, le déficit extérieur des Etats-Unis se creusant, le commerce extérieur américain a provoqué un effet de relance keynésienne sur ses partenaires ; l'appréciation du dollar nourrie d'anticipations favorables a renforcé la compétitivité des partenaires des Etats-Unis et a assis la reprise observée chez eux, et particulièrement en Europe, à partir des échanges extérieurs ; les perspectives de profitabilité des entreprises américaines ont enclenché une appréciation des actifs qui s'est propagée internationalement et a exercé des effets de richesse.

(2) Une expansion fragile

Mais cette expansion s'est poursuivie dans un contexte d'accumulation des déséquilibres si bien que son maintien supposerait aujourd'hui sans doute plus d'inconvénients qu'un freinage maîtrisé.

Le taux d'épargne des agents économiques américains, sauf l'Etat, est presque nul et, en tout cas, très insuffisant pour couvrir le financement de la croissance américaine. Il s'ensuit que le "reste du monde" est, de fait, appelé à financer l'essor américain. La croissance américaine a donc eu pour effet de divertir l'épargne des partenaires de leurs propres économies vers l'économie américaine. Ce phénomène aurait pu se traduire par une tension sur les taux d'intérêt si l'offre d'épargne mondiale était restée stable et si les politiques monétaires avaient été distribuées autrement. En outre, une telle tension serait sûrement advenue si les prêteurs n'avaient pas anticipé une amélioration de la rentabilité de leurs investissements. Jusqu'à présent, ces tensions qui, compte tenu de l'ampleur des déséquilibres, pourraient être très vives ne se sont pas produites. Le financement du déficit extérieur américain par l'Europe et le Japon a été gagé par les hauts niveaux d'épargne de ces deux zones. Les politiques monétaires se sont orientées de telle sorte que la croissance américaine ne soit pas endiguée par la politique de la Banque centrale des Etats-Unis mais que l'écart de taux entre les Etats-Unis et le Japon et l'Europe respectivement, favorise le dollar. La rentabilité des placements aux Etats-Unis s'est nourrie de cette dernière donnée mais aussi d'un maintien d'une croissance élevée des profits des entreprises américaines.

Toutefois, les sources d'un déséquilibre profond n'ont pas été taries . Le creusement du déficit extérieur américain s'est poursuivi et accéléré, ce qui a eu pour conséquence de fragiliser le dollar et de créer les conditions d'une hausse des taux d'intérêt. Les besoins de financement associés à la reprise de l'économie européenne et à la crise du système bancaire japonais ont fait le reste et pourraient accentuer la dépréciation de la devise américaine. La perspective d'une érosion de la profitabilité des entreprises américaines pourrait hâter et amplifier ce processus. Il est très important de ce point de vue de rappeler deux faits :

- l'extension éventuelle de la crise en Amérique centrale et du sud pourrait avoir des effets considérables sur les Etats-Unis en raison des liens commerciaux qu'ils entretiennent avec les pays de cette zone,

- si, jusqu'à présent, la croissance américaine s'est déroulée dans un climat combinant forte diminution du chômage -celui-ci est, aux Etats-Unis, proche de son niveau "naturel"- et maintien d'une inflation modérée, la hausse des coûts salariaux pourrait s'accélérer du fait de pénuries sectorielles de main d'oeuvre ; la profitabilité des entreprises américaines en serait affectée.

(3) Une correction souhaitable sous certaines conditions

On peut en conclure que le ralentissement de l'économie américaine serait plutôt une bonne nouvelle pour le monde . Certes, il affecterait, toutes choses égales par ailleurs, la croissance mondiale. Mais, il débarrasserait l'horizon d'un certain nombre de nuages très menaçants et il permettrait une allocation des ressources plus favorables à la croissance en Europe.

Il reste à souligner combien il importe que le ralentissement américain soit maîtrisé . Il serait évidemment très dangereux que survienne une spirale défavorable faite d'inflation, de hausse des taux monétaires, de dépréciation du dollar et de récession. Or, une telle spirale n'est pas à exclure compte tenu de l'instabilité dans laquelle est entrée l'économie américaine. Des agents économiques très endettés ont probablement trop compté sur l'abondance des financements extérieurs et sur la poursuite de la valorisation de leur patrimoine. Si une correction sensible devait modifier cette donne, l'on pourrait assister à une contraction nette de l'activité américaine qui a dans un passé proche (1991) connu la récession. La question serait alors d'évaluer la capacité des politiques économiques à contrecarrer un tel phénomène et les conséquences de celui-ci sur l'économie mondiale.

Il est à cet égard heureux que les Etats-Unis aient profité du cycle haussier traversé par leur économie pour regagner des marges de manoeuvre budgétaires. Cependant, celles-ci ne doivent pas être surestimées. Selon les données de l'OCDE, le solde financier des administrations centrales américaines devrait rester négatif en 1998 (- 1 point de PIB) et se creuser un peu en 1999 (- 1,3 point de PIB). Si les Etats-Unis ne sont pas bornés dans leur politique budgétaire par une quelconque limite institutionnelle, à l'inverse de la situation prévalant en Europe du fait du "pacte de stabilité et de croissance", ils n'ont pas regagné des marges telles qu'une relance keynésienne serait à leur portée.

On peut ajouter que celle-ci pourrait se heurter à un resserrement de la politique monétaire. Jusqu'à présent, la Banque centrale américaine s'est montrée plutôt accommodante mais si les risques inflationnistes s'intensifiaient -ce qui pourrait provenir d'une inflation importée consécutive à la baisse du dollar ou d'une inflation par les coûts du fait de goulots d'étranglement- une autre politique monétaire pourrait s'ensuivre.

Il ne faut donc pas attendre trop des capacités de réaction des politiques économiques aux Etats-Unis.

Dès lors, il est légitime de s'interroger sur l'impact d'un fort ralentissement de l'économie américaine, plus accusé que celui décrit par la prévision du gouvernement associée au projet de loi de finances (3,4 % de croissance en 1998, puis 1,9 % en 1999).

Elle se traduirait d'abord par une amplification de la baisse de nos exportations et donc par une chute de l'excédent de notre commerce extérieur plus marquée que dans le scénario du gouvernement.

Même si les exportations françaises vers les Etats-Unis représentent une proportion faible de l'ensemble (6,6 %), les effets d'un ralentissement marqué de l'activité économique aux Etats-Unis affecteraient certains de nos importants partenaires commerciaux.

Dans cette hypothèse, la mesure dans laquelle nous serions touchés dépendrait de l'évolution de la parité du dollar. Il faudrait alors surveiller très attentivement la politique monétaire de la Banque centrale européenne et veiller à une bonne coordination de ses interventions avec celle de la Banque centrale américaine.

Mais, l'on doit redouter qu'un autre mécanisme ne s'enclenche avec une poursuite et une amplification de la correction de la valeur des actifs. Les effets d'une telle correction sont sans doute moins redoutables en Europe continentale que dans le monde anglo-saxon du fait d'un moindre développement des capitalisations boursières. Mais, deux phénomènes doivent être soulignés :

- D'une part, les crises financières peuvent susciter des réactions en chaîne imprévisibles.

A cet égard, l'exposition des banques mais aussi des entreprises non financières aux risques doit être soigneusement évaluée. De ce point de vue, si, selon les acteurs de marché, les bilans sont à la fois lisibles et point trop inquiétants, les engagements "hors-bilan" sont insuffisamment transparents.

- D'autre part, le développement des capacités de financement des diverses économies européennes s'est bien entendu accompagné d'engagements extérieurs qui pourraient se trouver compromis par un atterrissage non maîtrisé de l'économie américaine. La profitabilité des entreprises européennes en serait affectée et leurs plans d'investissement déjà remis en cause par une inflexion plus marquée des exportations et de l'activité de leurs filiales étrangères pourraient pâtir encore d'une dégradation anticipée de leurs profits.

2. La parité du dollar

La prévision du gouvernement est tributaire d'une hypothèse sur la parité du dollar, selon laquelle celui-ci vaudrait en moyenne 6 francs au cours de l'année à venir. Compte tenu de la parité de la devise américaine constatée ces derniers mois, une telle hypothèse paraît pour le moins incertaine même si la volatilité des mouvements de capitaux dans un contexte de déséquilibres financiers en cascade est de nature à déjouer les perspectives les plus probables.

Néanmoins, plusieurs facteurs pourraient se conjuguer pour amplifier la baisse de la valeur externe de la monnaie américaine.

L'émergence de l'euro, à partir du 1 er janvier prochain, dont la perspective n'est pas pour rien dans l'évolution récente du dollar, pourrait se traduire par une appréciation de la monnaie européenne par rapport au dollar. En la matière, beaucoup dépendra de la politique monétaire européenne qui sera conduite par la Banque centrale européenne (BCE) et, notamment, du rôle que seront en mesure de jouer les gouvernements pour influencer les orientations de la politique de change de la BCE.

Il reste cependant clair que le sort de la parité de l'euro demeure pour une part entre les mains des prêteurs internationaux, privés ou institutionnels, qui pourraient pratiquer des arbitrages de nature à accroître la valeur de la monnaie européenne. On songe en particulier à un possible réaménagement des réserves de change des banques centrales au détriment du dollar.

L'adoption de l'euro est, il ne faut pas en douter, un événement considérable susceptible de modifier profondément le système monétaire international.

Cette observation est tout particulièrement vrai dans l'horizon court. La crédibilité économique de la zone euro est, pour les financiers, très supérieure à celle des Etats-Unis au moment même où la monnaie unique européenne se constitue :

les perspectives de croissance paraissent meilleures en Europe qu'aux Etats-Unis que les observateurs jugent en phase de retournement de leur cycle économique ;

la balance extérieure de la zone euro est excédentaire alors que les Etats-Unis doivent financer un déficit considérable ;

la stabilité des prix semble acquise en Europe alors que l'écart entre la croissance effective et le potentiel de croissance aux Etats-Unis continue d'y entretenir la crainte d'une certaine résurgence de l'inflation.

L'impact d'une dépréciation du dollar est présenté dans le tableau suivant à partir d'une simulation réalisée à l'aide du modèle Mimosa de l'Observatoire français des conjonctures économiques.

Dépréciation de 5 % du dollar

(Ecart en % au compte central)

 

1999

2000

PIB en %

 
 

Etats-Unis

0,3

0,6

Japon

- 0,4

- 0,8

Union européenne

- 0,5

- 0,7

Prix de la consommation en %

 
 

Etats-Unis

0,2

0,3

Japon

0,0

0,0

Union européenne

- 0,2

- 0,6

Balance courante en point de PIB

 
 

Etats-Unis

- 0,1

0,0

Japon

0,1

0,0

Union européenne

- 0,1

0,0

Chômage en taux

 
 

Etats-Unis

- 0,1

- 0,2

Japon

0,1

0,2

Union européenne

0,2

0,3

L'hypothèse d'une dépréciation du dollar de 5 % se traduit par une réduction du taux de croissance d'environ ½ point dès 1999. Ces effets peuvent être multipliés par 2 si la baisse de la valeur du dollar devait atteindre 10 % et ainsi de suite, linéairement.

Compte tenu de l'hypothèse retenue dans le cadre des "budgets économiques", un dollar à 6 francs et des perspectives rappelées ci-dessus, il y a tout lieu de redouter une évolution significative défavorable à la croissance devant entraîner une correction des estimations en cours d'année.

B. LES ALÉAS INTERNES

C'est la vigueur de la demande intérieure qui, dans le scénario du gouvernement, justifie une croissance de 2,7 %.

Compte tenu du climat international, cette prévision peut apparaître optimiste. Mais, un paradoxe doit être souligné: située dans une perspective de moyen terme et confrontée aux difficultés économiques et sociales rencontrées par notre pays, une croissance de 2,7 % apparaît très insuffisante et doit être considérée comme un assez piètre résultat.

Elle traduit le maintien d'un certain nombre de freins internes au dynamisme économique, dont chacun est susceptible, s'il se resserre même faiblement, d'exercer un effet défavorable sur le rythme de croissance effectif.

1. Une performance en réalité moyenne

L'économie française, comme d'ailleurs la quasi-totalité des économies de l'Europe continentale, a accumulé ces dernières années un retard de croissance dont les origines sont à trouver dans de multiples facteurs, certains conjoncturels, d'autres, probablement les plus influents, structurels.

Ces retards se sont traduits par des déséquilibres financiers -le "solde conjoncturel" des finances publiques a été négatif- et par des problèmes sociaux avec un maintien du chômage à un très haut niveau.

Il est nécessaire de combler les déficits de croissance observés dans le passé en installant l'économie sur une tendance dynamique durable.

Dans cette perspective, la prévision d'une croissance de 2,7 % l'an prochain, si du fait des désordres internationaux mais aussi de la vulnérabilité des fondements économiques internes peut apparaître optimiste, constitue en fait un résultat médiocre. L'espoir d'une croissance durablement élevée lié aux perspectives pour 1998 ne paraît pas résister à l'essoufflement de la croissance dans le reste du monde.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'environnement formé par la combinaison des politiques monétaire et budgétaire est "a priori" plutôt favorable à une accélération de l'activité. La réduction du déficit budgétaire qui doit être poursuivie et peut l'être dans un meilleur climat qu'hier a suscité les effets attendus : l'adoption de l'euro qui lève bien des hypothèques si elle ne résout pas tous les problèmes et, surtout, la détente si longtemps attendue des conditions financières et monétaires.

Dans ce contexte, la diminution du taux de croissance en 1999 est une mauvaise nouvelle. Elle vient conforter le diagnostic selon lequel des freins existent à une forte croissance en France qui font obstacle à une amplification du cycle haussier de l'activité.

Les diagnostics portés par les économistes sur le niveau de la croissance potentielle dans notre pays apportent un éclairage théorique utile.

La croissance potentielle

Le taux de croissance potentielle est celui qui serait atteint sans poussée inflationniste si les facteurs de production -le travail et le capital pour l'essentiel- étaient normalement utilisés.

La mesure de la croissance potentielle suppose que soient résolues des questions importantes, comme celle du niveau normal d'utilisation des facteurs ou encore celle du niveau de leur productivité.

S'agissant par exemple du facteur travail, la mesure de la croissance potentielle dépend de l'idée qu'on se fait d'une utilisation normale du facteur travail disponible. La population active détermine quantitativement les disponibilités. Mais la question des facteurs déterminant qualitativement l'utilisation "normale'" de la population active doit aussi être réglée. La réponse donnée à cette question suppose en général des études économétriques approfondies qui dévoilent le moment où l'utilisation de la population active commence à engendrer des tensions inflationnistes ou des tensions salariales.

On remarquera en incidente que l'une et l'autre de ces deux conditions ne sont pas entièrement assimilables -tensions salariales et inflationnistes ne vont de pair qu'à partage inchangé des gains de productivité entre profits et salaires.

Mais, surtout, ayant observé que l'évaluation du taux de chômage nécessaire pour que lesdites tensions soient contenues est variable en fonction de multiples paramètres, le coût du travail bien sûr mais aussi la qualité de la main d'oeuvre ou encore l'organisation des relations de travail, on en conclura qu' un bas niveau de croissance potentielle est synonyme de viscosités économiques . Or, les différentes études disponibles paraissent démontrer que, dans ce domaine, notre pays bute sur une croissance potentielle de l'ordre de 2,5 % l'an pour le ministère de l'économie et des finances et d'un niveau encore très inférieur pour l'OCDE (1,9 %) et le FMI (2,2 %).

Dans ces conditions, il ne serait guère étonnant que l'économie française ne puisse s'inscrire sur une trajectoire durablement dynamique. Il s'ensuivrait que, sauf à s'en donner vraiment les moyens, nous ne pourrions à l'avenir rattraper rapidement les pertes de croissance accumulées dans un passé récent sous l'effet de chocs conjoncturels et de la nécessité de rétablir notre situation financière.

2. La dynamique de l'emploi en question

L'un des adjuvants importants de la croissance serait une nouvelle dynamique de l'emploi. De fait, les "budgets économiques" retiennent comme perspective la poursuite du phénomène d'enrichissement de la croissance en emplois. Sa tendance spontanée toutefois s'affaiblirait. Mais, le compte économique pour 1999 retrace les effets de la RTT et des emplois-jeunes qui lui permettent de se poursuivre et de s'amplifier.

Ainsi, chaque point de croissance représenterait 111.000 emplois en 1999 contre 91.000 en 1998. Hors créations d'emplois non marchands et effets supposés de la RTT, l'enrichissement de la croissance en emplois se retournerait un peu, le nombre d'emplois créés par point de croissance revenant de 64.516 en 1998 à 56.666 en 1999. Ces estimations ne doivent pas être considérées comme exactes à l'unité près mais elles délivrent un message clair : malgré le ralentissement des gains de productivité du travail, la dynamique de l'emploi dans le secteur marchand demeure faible. Cette situation appelle des réformes centrées sur la question de l'emploi marchand alors que jusqu'à présent le gouvernement s'est contenté de promouvoir l'emploi non-marchand et un partage du travail à risques.

On ne sait encore quelle sera l'efficacité de la démarche du gouvernement. Jusqu'à présent, elle a rencontré un certain succès avec les emplois-jeunes. Mais ce succès est trompeur car les coûts de ces emplois ont été dissimulés. Ils seront pleinement ressentis lorsque, sous la pression, ces emplois devront être soit pérennisés avec les coûts financiers et économiques que cela suppose, soit simplement abandonnés avec les coûts sociaux que cela entraînera.

Quant aux effets de la réduction du temps de travail, les travaux de la commission d'enquête du Sénat en ont clairement démontré l'ambiguïté, ce que confirme l'expérimentation en cours, voire sous certaines hypothèses, la nocivité.

Il est donc tout à la fois simplificateur et hasardeux de présenter comme un succès et un fait acquis l'augmentation des créations d'emplois qui jusqu'à présent résulte essentiellement de la progression des emplois non-marchands.

En revanche, l'essoufflement de la progression des créations d'emplois marchands doit être souligné. L'enrichissement de la croissance en emplois est venu pour beaucoup du développement du travail à temps partiel et des emplois plus ou moins précaires prenant la forme de l'intérim ou des contrats à durée déterminée.

Population active occupée : le nombre d'intérimaires augmente de moitié en deux ans

 

Mars 1994

Mars 1995

Mars 1996

Mars 1997

Mars 1998

Population active occupée (milliers)

Ensemble

22.022

22.344

22.482

22.430

22.705

Hommes

12.396

12.561

12.611

12.552

12.661

Femmes

9.626

9.793

9.881

9.878

10.064

Population d'actifs occupés à temps partiel (en %)

Ensemble

14,7

16,5

15,6

16,6

17,1

Hommes

4,5

5,0

6,2

5,4

5,6

Femmes

27,8

28,8

29,6

30,9

31,0

Statut des emplois (milliers)

Non salariés

3.057

3.005

2.902

2.864

2.802

Salariés

18.965

19.339

19.561

19.586

19.904

dont :

-Intérimaires

-CDD

-Apprentis

-Contrats aidés

210

614

185

395

267

752

194

442

273

290

219

451

330

849

234

417

413

906

257

405

Durée habituelle de travail des salariés (heures par semaine)

Temps complet

39,9

39,9

39,8

39,9

39,7

Temps partiel

22,4

22,6

22,7

22,6

22,9

On peut sans doute se féliciter de l'amélioration du nombre des emplois mais on doit souligner la fragilité du phénomène et ne pas dissimuler qu'il engendre l'insatisfaction d'un grand nombre des salariés comme en témoigne le tableau ci-dessous.

Taux de sous-emploi parmi les emplois à temps partiel

(en %)

 

Mars 1994

Mars 1995

Mars 1996

Mars 1997

Mars 1998

Ensemble

37,4

37,5

38,2

39,5

38,5

Hommes

47,5

51,0

50,9

51,6

51,5

Femmes

35,3

34,9

35,3

36,8

35,6

Près de 40 % des salariés à temps partiel s'estiment en situation de sous-emploi : 1.475.000 salariés employés à temps partiel ont le sentiment d'être sous-employés. C'est sans doute parce que le temps partiel est pour beaucoup subi mais aussi parce que le gouvernement y est défavorable que les budgets économiques n'en retracent pas la poursuite de l'essor.

En tout cas, ce tableau de l'emploi n'oppose pas seulement les chômeurs aux personnes employées. Il offre une gradation beaucoup plus subtile avec au moins trois strates : le chômage, le sous-emploi et le plein emploi.

Ce panorama qui pourrait être enrichi de la population des emplois aidés ou subventionnés et administrés donne une image plus fidèle du marché du travail à la française que les statistiques sur le taux de chômage.

Il est donc urgent d'apporter à ce marché du travail les réformes nécessaires. Ce qu'avait proposé avec pertinence le président Christian Poncelet en proposant une diminution du coût du travail non qualifié doit être à la fois salué et suivi d'effet .

On sent bien par ailleurs que le retour à la confiance des ménages qui conditionne beaucoup leur consommation à travers leur comportement d'épargne pourrait se ressentir d'un retournement, même marginal, de l'emploi et être affecté par l'absence de traitement en profondeur de la précarité de l'emploi. Or, un tel traitement suppose au préalable des réformes structurelles destinées à assurer une meilleure "employabilité" de la population active.

C'est de cette façon que serait soutenue une dynamique de création d'emplois marchands qui est seule à même de résoudre durablement le problème du chômage en France.

CHAPITRE II

L'ÉQUILIBRE DU PROJET DE LOI
DE FINANCES POUR 1999

Le gouvernement prévoit pour 1999, 74,5 milliards de francs de recettes supplémentaires, qui seraient engendrées par la croissance de l'économie. La ventilation prévue par le présent projet en serait la suivante :

37 milliards de francs de dépenses supplémentaires,

16,1 milliards de francs d'aménagement de droits sur les recettes fiscales pour réduire les prélèvements obligatoires,

21,3 milliards de francs de réduction du déficit budgétaire.

Votre commission prend acte de la volonté du gouvernement de réduire le déficit.

Le déficit serait ainsi ramené de 257,9 milliards de francs dans la loi de finances 1998, à 236,5 milliards de francs en 1999.

Toutefois, l'expérience des années passées montre que le déficit se creuse très fortement lorsque la croissance ralentit ou que survient la récession, et qu'il n'est pas réduit avec assez de fermeté dans les périodes de croissance. Le présent projet de loi ne déroge pas à cette règle qui est en fait celle de la facilité.

En outre, cet effort est entouré d'aléas importants. En effet, d'une part, l'équilibre proposé se fonde sur un surcroît de recettes volatiles, sensibles à la conjoncture, alors que les dépenses en augmentation sont, le plus souvent, de lourdes charges de structures, difficiles, voire impossibles à réduire en cas de besoin. D'autre part, selon une tendance poursuivie depuis 1997, l'Etat fonde ses espoirs de rééquilibrage des finances publiques sur les autres administrations publiques (collectivités locales, sécurité sociale, organismes divers d'administration centrale).

I. INTRODUCTION : LES TROIS PRÉSENTATIONS DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE

Une bonne compréhension de l'équilibre proposé nécessite sa présentation sous trois formes :

- celle de l'article d'équilibre

- celle, synthétique, de l'ordonnance de 1959

- celle, détaillée, qui met en évidence les dépenses réelles du budget de l'Etat.

1. La présentation de l'article d'équilibre

Sous forme simplifiée, l'article d'équilibre résulte du tableau suivant :

(en millions de francs)

 

Ressources brutes

Dépenses brutes ou plafonds de charges

Soldes

Budget général

(hors remboursements et dégrèvements)

C.A.S. (comptes d'affectation spéciale)

Budgets annexes

1.752.213

(1.445.543)

50.006

105.241

1.991.879

(1.685.209)

46.563

105.241

 

Total opérations définitives

1.907.460

 
 

Solde opérations définitives (A)

 

2.143.683

- 236.223

Total opérations temporaires (C.S.T.)

380.029

380.358

 

Solde opérations temporaires (B)

 
 

- 329

Total général

2.287.489

2.524.041

 

Solde général (A + B)

 
 

- 236.552

L'article d'équilibre fait apparaître les opérations définitives (budget général, budgets annexes, comptes spéciaux du Trésor) et leur solde, puis les opérations temporaires des comptes spéciaux du Trésor et leur solde.

L'intérêt de cette présentation est de montrer le volume total des flux transitant par l'Etat, que ce soit de façon temporaire (opérations d'une durée infra-annuelle et prêts), ou définitive. L'Etat encaissera 2.287 milliards de francs en 1999, et décaissera 2.524 milliards de francs, soit 28,6 % du PIB.

2. La présentation synthétique

Cette présentation révèle trois différences essentielles avec la précédente :

- les opérations définitives des comptes d'affectation spéciale ne sont présentées qu'en solde (ce qui minore le "volume" du budget) ;

- les opérations des budgets annexes ne sont retracées ni dans le total des ressources ni dans celui des dépenses puisqu'elles sont, par construction, équilibrées en ressources et en emplois ;

- les dépenses du budget général sont présentées nettes des dépenses d'ordre et des recettes d'ordre, liées à la gestion de trésorerie de l'Etat ainsi que des remboursements et dégrèvements d'impôts.


 

LFI 1998

(MdF)

PLF 1999

(MdF)

Variation

(%)

A. Titre I (hors dépenses et recettes d'ordre)

238,3

240,7

+ 1,0

B. Budgets civils

Titre II

Titre III

Titre IV

Titres V et VI

Sous-total B

4,4

559,4

464,1

72,2

1.348,4

4,5

607,2

495,2

78,0

1.425,7

+ 2,4

+ 6,6

+ 6,7

+ 8,1

+ 2,2

C. Défense

Titre III

Titres V et VI

Sous-total C

157,3

81,0

238,3

157,5

86,0

243,5

+ 0,1

+ 6,2

+ 2,2

D. Total des charges du budget général A+B+C)

1.586,7

1.669,2

+ 5,2

E. Solde des comptes spéciaux du Trésor

+ 4,6

- 3,1

n.s

F. Total des Charges (D+E)

1.591,3

1.666,1

+ 4,7

G Recettes nettes

1.333,4

1.429,5

+7,2

H. Solde général (G-F)

- 257,9

- 236,6

n.s.

Cette présentation laisse apparaître une hausse sensible du budget de l'Etat, en recettes (+ 7,2 %) comme en dépenses (+ 4,7 %).

Ceci est en grande partie lié à la réintégration dans le budget général de recettes et de dépenses qui auraient dû y figurer mais n'y figuraient pas (pensions de la Poste, certaines rémunérations des services du ministère de l'économie et des finances), ou provenant de comptes spéciaux du trésor (prêt à taux zéro). Certaines dépenses, présentées comme des rebudgétisations, sont toutefois entièrement nouvelles, comme la compensation de la suppression de la part régionale des droits de mutation à titre onéreux (8,6 milliards de francs) au ministère de l'intérieur(dotation générale de décentralisation). La présentation du gouvernement peut être jugée tendancieuse sur ce dernier point.

Également présentée comme une rebudgétisation, l'abaissement de l'avantage résultant du quotient familial procure une recette en réalité nouvelle, de 3,9 milliards de francs. On ne peut en effet qualifier de "rebudgétisation" ce qui n'est que la contrepartie (non homothétique d'ailleurs) 1( * ) de la suppression d'une pénalisation aussi récente que la mise sous condition de ressources des allocations familiales.

3. Les dépenses réelles

Charges budgétaires avant correction des changements de périmètre :
les agrégats et leur taux d'évolution

(en milliards de francs)

 


LFI 1997


Exécution 1997*


LFI 1998

PLF 1999 à structure constante


PLF 1999

Evolution 1999/1998

1.- Dépenses nettes du budget général

1.582,00

1.590,96

1.600,48

1.639,60

1.685,21

+ 5,29 %

2.- Pour mémoire : dépenses d'ordre relatives à la dette


17,98


17,38


13,81


16,00


16,00

 

Opérations définitives des comptes d'affectation spéciale :

 
 
 
 
 
 

3.-dépenses

53,29

87,28

61,02

51,33

45,56

 

4.-charge nette

- 3,47

- 1,98

0,04

0,50

- 3,44

 

5.- Charges définitives (=1+3)

1.635,29

1.678,24

1.661,51

1.690,93

1.731,77

+ 4,23 %

6.-Charge nette des opérations temporaires

2,77

- 0,34

4,56

0,33

0,33

 

Charges du budget de l'Etat (présentation du tableau d'équilibre)

 
 
 
 
 
 

A.-Budget général + charge nette des comptes spéciaux du Trésor (=1+4+6)


1.581,30


1.588,64


1.605,08


1.640,43


1.682,10


+ 4,80 %

B.-Charges définitives + charge nette temporaire (=1+3+6)


1.638,06


1.677,90


1.666,07


1.691,26


1.732,10


+ 3,96 %

Charges du budget de l'Etat (en termes de dette nette)

 
 
 
 
 
 

C.- Budget général - dépenses d'ordre + charge nette des comptes spéciaux du Trésor
(=1-2+4+6) ( Présentation du PLF )



1.563,32



1.571,26



1.591,27



1.624,42



1.666,09



+ 4,70 %

D.- Charges définitives - dépenses d'ordre + charge nette temporaire (=1-2+3+6)


1.620,08


1.660,52


1.652,25


1.675,26


1.716,10


+ 3,86 %

* Hors FMI et hors fonds de concours (égaux à 64,5 milliards de francs en 1997). Dépenses nettes du budget général y compris fonds de concours : 1.655,44 milliards de francs.

Cette présentation, développée par la commission des finances de l'Assemblée nationale depuis plusieurs années, permet de mettre en évidence les divers agrégats qui reflètent, tous, l'ensemble des dépenses de l'Etat.

II. UN EFFORT DE RÉDUCTION DU DÉFICIT INSUFFISANT ET INCERTAIN

A. UN EFFORT INSUFFISANT

1. Un déficit globalement réduit mais qui reste à un niveau inacceptable

Depuis 1992, la France s'est habituée à un déficit de l'Etat excédant chaque année les 200 milliards de francs. Il conviendrait pourtant de se souvenir du choc qu'avait provoqué le dépassement de cette somme lors de l'exécution 1992. Votée en déficit de 91 milliards de francs, la loi de finances s'était exécutée à -236,3 milliards de francs. Depuis, aucun déficit n'est redescendu sous ce montant, et le déficit prévu pour 1999 (à -236,5 milliards de francs) n'est pas inférieur à celui de 1992.

Depuis 1980, la tendance au creusement du déficit dans les périodes de conjoncture difficile a rarement été contrebalancée par une ferme réduction dans les périodes plus favorables. Le présent projet de budget est conforme à cette politique de la facilité.

2. Un effort pour parvenir à l'équilibre primaire, insuffisant toutefois pour stabiliser la part de la dette publique dans le PIB

Pour la première fois depuis 1991, l'Etat retrouve une situation d'équilibre primaire 2( * ) , à un niveau toutefois beaucoup plus élevé, puisqu'en 1991 l'équilibre primaire s'était établi à environ 135 milliards de francs tandis qu'il s'établirait en 1999 à environ 235 milliards de francs (soit 100 milliards de francs de plus) : le retour à cet équilibre s'est largement fait par une hausse des charges de la dette.

Sur le graphique suivant, l'écart entre les deux courbes figure le déficit primaire de l'Etat :



Mais, si l'équilibre primaire est indispensable pour stabiliser la dette publique, il n'est toutefois pas toujours suffisant. C'est le cas en 1999 : l'effort de réduction du déficit proposé ne suffira pas à stabiliser le poids de la dette publique dans le produit intérieur brut, à l'inverse des politiques budgétaires menées par la quasi-totalité de nos partenaires de l'Union européenne 3( * ) . Pour parvenir à ce résultat, il aurait en effet été nécessaire de réduire le déficit des administrations publiques à 2,2 % (et non 2,3 %), et donc le déficit de l'Etat à 2,6 % (et non 2,7 %) 4( * ) .

De fait, et en retenant comme réalistes les hypothèses du gouvernement, le déficit budgétaire prévu pour 1999, 236,5 milliards de francs, aggraverait légèrement le poids de la dette publique, de 0,54 point de PIB. Les hypothèses du gouvernement pour l'ensemble des administrations publiques conduisent à un accroissement de la dette publique de 58,2% à 58,7% du PIB (voir encadré), ce qui est, du reste, une amélioration par rapport aux hypothèses du DOB (de 58,3 à 58,8%). Toutefois, l'objectif de stabilisation de la dette publique à terme, qui était au coeur du discours du gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire a disparu des objectifs du projet de loi de finances.

La dérive de la dette publique en 1999
telle qu'elle résulte du projet de loi de finances

Le gouvernement évalue pour 1998 le poids de la dette publique à 58,2 % du PIB, soit, pour un PIB de 8.496 milliards de francs, une dette de 4.944,67 milliards de francs.

Il évalue la croissance en valeur à 325 milliards de francs, le PIB passant de 8.496 milliards de francs à 8.821 milliards de francs en 1999.

Les hypothèses de déficit des administrations publiques qu'il se fixe sont dans la ligne du débat d'orientation budgétaire, soit :

Etat =

Sécurité sociale =

ODAC =

Collectivités locales =

- 2,38 % du PIB =

+ 0,15 % du PIB =

+ 0,10 % du PIB =

+ 0,15 % du PIB =

- 236,5 milliards de francs

+ 13,2 milliards de francs

+ 8,8 milliards de francs

+ 13,2 milliards de francs

Administrations publiques =

- 2,28 % du PIB =

201,3 milliards de francs

Comme le poids des déficits publics dans la croissance nominale en 1999 serait supérieur à celui de la dette publique dans le PIB en 1998, le poids de la dette dans le PIB 1999 s'aggraverait. En effet, les déficits publics 1999 représenteraient 61,9 % de la croissance nominale, alors que le poids initial de la dette publique serait de 58,2 % du PIB en 1998.

Il en résulterait un léger alourdissement de la dette publique (au sens du traité sur l'Union européenne), qui passerait de 58,2 % à 58,34 % du PIB, de la façon suivante :

Dette 1999 =

dette 1998 +

intérêts dette 1998 5( * ) +

déficit primaire, soit :

5.145,97 =

4.944,67 +

316,5 +

(201,3 - 316,5)

Dans son dossier de presse, le gouvernement se fixe toutefois un objectif de poids de la dette publique dans le PIB en 1999 de 58,7 %, résultat qui ne semble pas cohérent avec le calcul précédent. L'écart entre l'aggravation de la dette résultant des seuls déficits publics et l'aggravation totale estimée en 1999 est de 31,96 milliards de francs. Il s'explique par des flux de créances/dettes des administrations, comptabilisés en trésorerie et non dans le budget. En effet, la dette publique au sens du traité sur l'Union européenne est une dette brute : si par exemple le Trésor ou les collectivités locales émettent un emprunt en 1999, il sera comptabilisé dans la dette, même si la somme correspondante reste dans les caisses des administrations. La direction de la prévision a observé par le passé que ces flux de trésorerie aggravaient en fin d'année la dette brute d'environ 30 milliards de francs. Mais cette somme ne correspond pas à un endettement net.

La dette pourrait être considérée comme stabilisée dès 1999 en négligeant cet effet, donc si la dérive de 0,14 points de PIB liée aux déficits était neutralisée. La suppression de cet écart équivaudrait à une réduction supplémentaire des déficits publics de 12,35 milliards de francs, ce qui parait possible compte-tenu du surcroît de recettes réelles (hors inflation) attendu en 1999 pour l'Etat par le gouvernement : 53 milliards de francs.

En réduisant cet écart, les déficits publics atteindraient environ 189 milliards de francs, soit 2,14% du PIB. Ce chiffre correspond à peu près au solde stabilisant la dette publique de 2,2 % pour 1999, déterminé par la direction de la prévision en vue du débat d'orientation budgétaire.

Ce renoncement à stabiliser la dette publique alors que les hypothèses du gouvernement rendraient possible un telle politique est fortement critiquable, car chacun sait que la dynamique de l'endettement est très difficile à endiguer lorsque la conjoncture est difficile.

Votre commission rappelle qu'en 1980, l'Etat n'était pas endetté et que les administrations publiques l'étaient peu.

Alors que le vieillissement de la population et les charges de retraites qui en découlent alourdissent considérablement le fardeau des générations futures, est-il admissible de ne pas tout faire pour stabiliser, puis réduire, la dette publique ?

3. Une réduction du déficit à l'égard de la loi de finances initiale pour 1998 peut correspondre à une dégradation par rapport à son exécution probable.

Enfin l'effort de réduction du déficit proposé pour 1999 doit, en novembre 1998, être apprécié au regard de l'exécution probable de la loi de finances actuellement en vigueur et non plus, comme ce pouvait être le cas en avril dernier, uniquement au regard de la loi telle qu'elle a été votée.

En effet, comme en 1997, l'exécution de la loi de finances bénéficie des facilités offertes par la bonne tenue de l'économie française, situation inconnue de 1991 à 1996 sous des gouvernements de sensibilités diverses. Pour le projet de loi de finances, le gouvernement a révisé ses prévisions de recettes pour 1998 de 16,6 milliards de francs. Les surprises pourraient être meilleures encore.

Ainsi, le 15 octobre dernier, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a fait état d'une exécution budgétaire très convenable, avec des dépenses maîtrisées (même si, comme souvent, cette maîtrise s'obtient au détriment des dépenses en capital) et des recettes en augmentation sensible.

La situation budgétaire au 31 août 1998

Le solde budgétaire

Le solde budgétaire s'établit à -293,5 milliards de francs à la fin août 1998, soit une amélioration de 24,8 milliards de francs par rapport à celui enregistré l'année dernière à la même date (- 318,3 milliards de francs).

Les recettes du budget général

Sur les huit premiers mois de l'année, les recettes nettes du budget général s'élèvent à 887,2 milliards de francs. Par rapport à la même période de 1997, la croissance des recettes fiscales nettes s'établit à 3,6 %.

Les dépenses du budget général

A la fin août 1998, les dépenses du budget général s'établissent à 1.077,9 milliards de francs contre 1.068,8 milliards de francs à la fin août 1997, soit une augmentation de 0,9 %.

Situation à fin août

 

Août 1997

Août 1998

Evolution (%)

Dépenses ordinaires

963,4

986,3

+ 2,4

Dépenses en capital

105,4

91,6

- 13,1

Dépenses du budget général

1.068,8

1.077,9

+ 0,9

Recettes fiscales nettes

891,9

924,2

+ 3,6

Recettes non fiscales

77,2

95,7

+ 24,0

Recettes du budget général (hors fonds de concours)

797,2

849,8

+ 6,6

Solde des CST*

Fonds de concours*

- 88,0

41,5

- 102,8

37,4

- 9,4

Solde général d'exécution

- 318,3

- 293,5

 

* Solde tendant à s'annuler en fin d'année.

Fonds de concours compris, les recettes progressent de 5,8 %, tandis que les dépenses sont relativement stables à 0,9 %.

Le profil d'exécution du budget ayant tendance à être le même d'année en année, on peut considérer que, hors nouvelles mesures discrétionnaires (allégements d'impôt, dépenses nouvelles), la tendance observée d'amélioration du déficit va se poursuivre jusqu'à la fin de l'année.

La loi de finances pour 1998 prévoyait un déficit de 257,9 milliards de francs, en amélioration de 9,8 milliards de francs par rapport à l'exécution 1997 (-267,7 milliards de francs). Or, à fin août, l'écart est de 24,8 milliards de francs (soit 15 milliards de francs de mieux). A politique inchangée, si on suppose que le solde des comptes spéciaux du Trésor prévu est respecté, le déficit d'exécution pourrait s'établir à -208,35 milliards de francs.

Extrapolation de l'exécution budgétaire 1998
en fonction des tendances relevées fin août

 

Exécution 1997

A fin août 1998

Extrapolation 1998

Dépenses du budget général

1.654,4

+ 0,9 %

1.669,3

Solde des CST

+ 1,5

-

- 4,6

Recettes nettes du budget général

1.385,2

+ 5,8 %

1.465,5

Déficit

- 267,7

-

- 208,4

Cette hypothèse n'a rien d'absurde. En effet, en 1997, les dépenses du budget général ont progressé de 0,8 % par rapport à 1996. Or, à fin août, l'exécution faisait apparaître une progression de 0,7 %. De la même façon, les recettes ont progressé de 3 % par rapport à 1996. A fin août, elles progressaient de 2,6 % ; une bonne partie du surcroît final étant imputable à l'effet de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.

Votre rapporteur général rappelle que les prévisions associées au projet de loi de finances font d'ores et déjà état :

d'une progression de 16,6 milliards de francs de recettes nettes totales par rapport à la loi de finances initiale ;

d'une réduction de 2,6 milliards de francs de la charge nette de la dette, par rapport à la prévision de 234,8 milliards de francs.

Dans ces conditions, la réalisation en 1999 d'un déficit de 236,5 milliards de francs ne peut apparaître comme un effort significatif, sous réserve, naturellement, que le gouvernement ne dépense pas dès 1998 une partie des plus-values fiscales attendues 6( * ) .

B. UN EFFORT INCERTAIN

Bien qu'insuffisant, l'effort proposé par le gouvernement pour réduire le déficit n'en demeure pas moins incertain, car il repose sur plusieurs paris qui doivent tous être gagnés pour réussir.

1. Un accroissement des dépenses rigides, financé par un surcroît de recettes volatiles, et qui laisse subsister un déficit de fonctionnement important

Les principales augmentations de recettes sont les suivantes (PLF 1999/LFI 1998 révisée)

TVA nette

+ 23,0 milliards de francs

impôt sur le revenu

+ 16,2 milliards de francs

impôt sur les sociétés

+ 12,4 milliards de francs

TIPP

+ 4,7 milliards de francs

ISF

+ 3,6 milliards de francs

recettes non fiscales

+ 19,9 milliards de francs

En contrepartie, les principaux postes de dépenses en augmentation sont les suivants (PLF 1999/LFI 1998)

charges liées à la fonction publique civile et militaire

+ 20,9 milliards de francs 7( * )

emplois-jeunes

+ 7,5 milliards de francs

accroissement de la charge de la dette

+ 2,4 milliards de francs

Si l'impôt sur le revenu est une recette relativement peu sensible à la croissance de l'année de sa perception, cela est déjà moins vrai de l'impôt sur les sociétés. Et il n'en est pas de même de la TVA ou de la TIPP. Ces deux impôts, très sensibles à l'état de la demande intérieure du moment, forment 60 % des recettes de l'Etat L'ISF est, quant à lui, très sensible à la valeur des patrimoines à la fin de l'année précédente.

Or, la situation des valeurs mobilières a été très contrastée au cours des derniers mois.

Face à des augmentations de recettes relativement sensibles à la situation économique, le gouvernement devra financer des augmentations de dépenses souvent très rigides, pratiquement impossibles à comprimer dans un délai rapide, notamment les charges de la fonction publique.

C'est pourquoi il ne pourrait pas ajuster les augmentations de dépenses qu'il a prévues aux augmentations réelles des recettes qui seront constatées en 1999.

Cette rigidité aggravée de la structure des dépenses transparaît dans la présentation du budget sous la forme appliquée aux collectivités locales, et qui laisse apparaître un déficit de fonctionnement élevé, quoiqu'en réduction sensible (à 68,7 milliards de francs en 1999 contre 98,8 milliards de francs en 1998).

Tableau du budget en actions de fonctionnement et d'investissement

(en milliards de francs)

 

Dépenses

 

Recettes

Section de fonctionnement

LFI 1998

PLF 1999

Section de fonctionnement

LFI 1998

PLF 1999

1. Charges à caractère général

63,1

64,5

1. Produits de gestion courante (recettes non fiscales)


134,7


161,2

- Matériel et fonctionnement civils

39,8

43,3

 
 
 

- Fonctionnement des armées

23,3

21,1

 
 
 

2. Charges de personnel

610,7

652,1

2. Impôts et taxes (recettes fiscales)

1.448,2

1.533,3

- RCS civiles

372,8

389,4

 
 
 

- RCS militaires

80,5

82,8

 
 
 

- Pensions civiles et militaires

157,5

179,9

 
 
 

3. Autres charges de gestion courante


546,5


566,9

 
 
 

- Pouvoirs publics

4,4

4,5

 
 
 

- Subventions aux EPA

52,8

48,2

 
 
 

- Interventions

464,1

495,2

 
 
 

- Subventions d'investissement

17,0

18,6

 
 
 

- Garanties (titre I)

1,6

1,5

 
 
 

- Divers (titre I)

1,9

2,0

 
 
 

- CST (hors affectation des recettes de privatisation


4,6


- 3,1

 
 
 

4. Charges financières

248,7

253,3

3. Produits financiers

20,3

22,0

- Intérêts bruts de la dette

248,7

253,3

- Recettes liées à la dette

13,8

16,0

 
 
 

- Intérêts sur prêts du Trésor

6,5

6,0

5 Charges exceptionnelles

0,0

0,0

4. Produits exceptionnels

0,0

0,0

6. Dotations aux amortissements et provisions


0,0


0,0

5. Reprises sur amortissements et provisions


0,0


0,0

7. Reversements sur recettes

233,1

248,5

 
 
 

- Prélèvements CEE

91,5

95,0

 
 
 

- Prélèvements collectivités locales

141,6

153,5

 
 
 
 
 
 

Déficit section de fonctionnement

98,8

68,7

TOTAL

1.702,0

1.785,2

 

1.702,0

1.785,2

 

Dépenses

 

Recettes

Section d'investissement

LFI 1998

PLF 1999

Section d'investissement

LFI 1998

PLF 1999

1. Dépenses d'investissement

159,1

167,9

Déficit section de fonctionnement

- 98,8

- 68,7

- Equipement civil

78,1

81,9

 
 
 

- Equipement militaire

81,0

86,0

 
 
 
 
 
 

Cessions d'immobilisations financières


28,0


17,5

2. Dépenses opérations financières

375,0

299,7

Ressources d'emprunt

604,9

518,8

- Remboursements d'emprunts (et autres charges en trésorerie)


347,0


282,2

 
 
 

- Participations (dotations en capital)

28,0

17,5

 
 
 

- Autres immobilisations financières (désendettement)


0,0


0,0

 
 
 

TOTAL

534,1

476,6

 

534,1

467,6

Source : Direction du budget

La pertinence de la distinction entre section de fonctionnement et section d'investissement laisse apparaître une différence importante de conception budgétaire entre le gouvernement français et certains Etats européens ou non.

Ainsi, le gouvernement considère que :

" La distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'équipement ne repose aujourd'hui sur aucune base juridique s'imposant au gouvernement, ni sur aucun fondement méthodologique validé par les comptables nationaux. Cette présentation purement comptable et sans portée réelle n'est donc pas reprise par le gouvernement, qui souligne que, pour la première fois depuis des années, le budget de l'Etat sera en excédent hors charges de la dette ."

Si l'on peut admettre qu'il n'existe aucune méthodologie validée aujourd'hui pour une présentation de cette nature, on ne peut toutefois pas affirmer de façon radicale qu'elle ne repose sur aucune base juridique. En effet, s'il n'existe pas de prescription contraignante en la matière, le paragraphe 3 de l'article 104 C du traité sur l'Union européenne prévoit que dans sa grille d'analyse relative au déficit et dette publics excessifs, la Commission examine notamment " si le déficit public excède les dépenses publiques d'investissement ". Cela suppose naturellement que les Etats membres présentent des comptes de nature à fournir cette information.

En outre, l'exemple de certains pays étrangers montre que la France souffre d'un certain retard méthodologique, lié au vieillissement de l'ordonnance organique de 1959.

Ainsi, en Allemagne , l'article 115 de la loi fondamentale prévoit que l'endettement contracté au cours d'une année ne doit pas excéder l'investissement. Le budget 1999, élaboré par le précédent gouvernement, prévoyait le respect de cette "règle d'or" (57,5 milliards de deutschmark d'investissements pour 56,2 milliards de deutschmark de déficit).

Au Royaume-Uni , le gouvernement travailliste a déposé un projet de "code pour la stabilité budgétaire et fiscale" (code for fiscal stability), sorte de loi de finances programmatique pour les cinq prochaines années.

Les prévisions budgétaires des années 1997-1998 à 2003-2004 y sont présentées en section de fonctionnement et section d'investissement (dépenses courantes et dépenses en capital), la section courante devant connaître un excédent croissant de 5 milliards de livres en 1998-1999 à 14 milliards de livres en 2003-2004.

Deux principes sont sous-jacents à cette méthode :

- " la règle d'or : au cours du cycle économique prévu par la loi le gouvernement n'empruntera que pour investir et non pour financer les dépenses courantes ; et

- la dette publique appréciée en proportion du revenu national sera maintenu à un niveau stable et prudent
" 8( * ) .

Dans sa présentation sur internet du budget 1998/1999, le ministre des finances du Québec se réjouit que :

" Le gouvernement cesse d'emprunter pour "l'épicerie" :

- Il y a quatre ans, le gouvernement devait emprunter pour payer 4,1 milliards de dollars de dépenses courantes ou "dépenses d'épicerie". Aujourd'hui, toutes les dépenses courantes sont payées comptant et le gouvernement enregistre un premier surplus depuis vingt ans.

- Fini de reporter sur les jeunes le fardeau des dépenses actuelles
."

2. Une amélioration du déficit appuyée sur la conjoncture et non sur des réformes : la persistance d'un déficit structurel élevé

Le maintien de charges de structure trop lourdes par rapport au potentiel de recettes à moyen terme se lit aussi dans la persistance d'un déficit structurel encore trop élevé (1,8 % du PIB), soit 159 milliards de francs.

1. Méthode de calcul du solde structurel

Le solde structurel des administrations publiques est calculé en retranchant du solde effectif un solde "conjoncturel", mesurant l'impact mécanique du cycle conjoncturel sur l'évolution des dépenses et des recettes.

Le calcul du solde conjoncturel repose sur une estimation de l'écart entre le PIB effectif et son niveau potentiel ("output gap"). Pour corriger les recettes des effets de la conjoncture, on retient des élasticités au PIB de moyen terme, pour la plupart proches de l'unité. Au sein des dépenses publiques, seules sont corrigées les dépenses induites par le chômage (dépenses d'indemnisation + RMI + dépenses liées à l'emploi hors allégements de charges) 9( * ) .

2. Le solde structurel selon les organisations internationales

La plupart des institutions intéressées par le suivi des politiques budgétaires (gouvernements, OCDE, Commission européenne, FMI) ont développé leurs propres outils.

Quelle que soit la méthode choisie, le "solde structurel" est toujours calculé de façon indirecte, et constitue un résidu. La démarche revient en effet à déduire du solde effectif des administrations publiques une correction (le "solde conjoncturel") mesurant l'impact sur les recettes et sur les dépenses publiques de l'écart entre le niveau effectif du PIB et son niveau potentiel (ou tendanciel).

a) Calcul d'output gap

La première source d'écarts entre les estimations de solde structurel réside dans le calcul de l'output gap. Les soldes structurels calculés par l'OCDE, le FMI ou par la Direction de la prévision sont basés sur la détermination d'un potentiel d'activité estimé à partir d'une fonction de production. La Commission européenne se distingue en utilisant une technique de filtrage.

b) Détermination du solde conjoncturel

Une fois choisie la situation conjoncturelle de référence, il reste à déterminer le périmètre des recettes et des dépenses publiques qui doivent être corrigées de l'impact "mécanique" des fluctuations cycliques de l'activité.

En ce qui concerne les recettes des administrations publiques, le FMI corrige la conjoncture de l'ensemble des postes, tandis que la Commission européenne, l'OCDE (1) et la Direction de la prévision excluent les recettes non fiscales de cette correction. La plupart des institutions internationales se réfèrent aux élasticités des recettes au PIB calculées en 1990 par l'OCDE (Chouraqui et alii, 1990). Ces estimations ont été partiellement remises à jour par l'OCDE en 1995, et sont depuis reprises par les services de la Commission européenne.

Le champ des dépenses publiques censées répondre automatiquement aux fluctuations conjoncturelles est nettement plus restreint : seules les dépenses d'indemnisation du chômage (soit 2,4 % des dépenses publiques françaises en 1996) font l'objet d'une correction par les organisations internationales. La charge retenue par le Direction de la prévision est légèrement plus large, incluant certaines dépenses de la politique de l'emploi.

Pour calculer un taux de chômage cohérent avec le sentier de croissance pris comme référence et déterminer la part conjoncturelle des dépenses de chômage, l'OCDE, la Commission et la Direction de la prévision recourent à la méthode dite du "coefficient d'Okun" dont les estimations varient d'une institution à l'autre. Le FMI retient, quant à lui, comme référence le taux de chômage structurel (NAWRU) cohérent avec son scénario de croissance potentielle.

(1) Cependant, avant 1995, l'OCDE retenait pour le poste (autres recettes" une élasticité unitaire (Chouraqui et alii, 1990).

Le solde structurel des administrations publiques met en quelque sorte en balance des recettes et des dépenses permanentes, hors de l'influence de la conjoncture. L'existence d'un déficit structurel témoigne de ce que l'Etat "vit au-dessus de ses moyens".

Le rapport économique, social et financier (page 143), synthétise parfaitement l'alternative qui se présente pour réduire le déficit structurel :

" Pour diminuer durablement le besoin de financement des administrations publiques, ce qui correspond à une amélioration du solde structurel, il est nécessaire, soit d'augmenter de manière permanente les recettes (mais ceci alourdit encore le taux des prélèvement obligatoires), soit de freiner les dépenses par rapport à la croissance moyenne de la richesse nationale. Le solde structurel est par exemple amélioré lorsque le montant des intérêts payés par l'Etat diminue du fait de la réduction de la part de la dette dans le PIB. De la même façon, une maîtrise forte des dépenses liées à la sécurité sociale améliore le solde structurel des administrations publiques ."

Pour 1999, le solde structurel des administrations publiques françaises s'améliorerait de 0,2 point, à 1,8 % du PIB, ce qui représente un excès de dépenses de 159 milliards de francs .

La lente amélioration du déficit structurel depuis 1997

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Déficit structurel

- 4,6

- 4,0

- 2,6

- 2,2

- 2,0

- 1,8

Déficit conjoncturel

- 1,1

- 0,9

- 1,5

- 0,8

- 0,9

- 0,5

Alors que de 1994 à 1997, le déficit structurel s'était réduit en moyenne de 0,8 point par an, le gouvernement n'a pas poursuivi cette tendance, ne réduisant ce déficit que de 0,2 point par an depuis.

En revanche, alors que la composante conjoncturelle du déficit était restée assez mal orientée de 1994 à 1997 (plus d'1 % du PIB en moyenne) ; elle est en voie d'amélioration sensible depuis.

Ce constat témoigne de l'appui excessif que le gouvernement prend sur l'amélioration de la situation économique, et de l'insuffisance de l'effort d'adaptation des dépenses au potentiel de recettes publiques (un relèvement des prélèvements obligatoires étant exclu). Ceci entache la réduction du déficit d'une forte sensibilité à la conjoncture.

3. La réduction du déficit de l'ensemble des administrations publiques ne repose pas sur les efforts de l'Etat

Une incertitude supplémentaire provient du pari que prend le gouvernement sur le résultat des administrations publiques autres que l'Etat. Contrairement à la tendance poursuivie jusqu'en 1996, l'assainissement de l'ensemble de nos finances publiques repose en grande partie sur les équilibres, voire les excédents, des collectivités locales, de la sécurité sociale et des organismes divers d'administration centrale (en particulier la CADES).



Cette tendance s'accentue pour 1999, puisque la réduction à - 2,3 % du PIB du déficit public au sens du traité sur l'Union européenne repose sur un excédent de 0,4 % des administrations publiques autres que l'Etat.

Objectifs de solde des administrations publiques en 1999 (% du PIB)

Solde des administrations publiques (total)

- 2,3 %

Etat

- 2,7 %

Collectivités locales

+ 0,15 %

Sécurité sociale

+ 0,1 %

Organismes divers d'administrations centrales

+ 0,15 %

Ce pari est risqué. Si d'aventure la sécurité sociale, les collectivités locales et les ODAC connaissaient en 1999, non pas un léger excédent, mais un léger déficit (0,1 point de PIB chacun), ce qui est plausible, la France se retrouverait en situation de déficit public excessif (3 %) au regard du traité sur l'Union européenne.

Une très légère évolution de la situation (détérioration de la conjoncture, dérapage des dépenses de maladie, excès de charges des collectivités locales...) porterait ainsi un coup très dur à l'échafaudage du gouvernement.

A cet égard, il convient de rappeler que l'article 5 du règlement n° 2466/97 du Conseil du 7 juillet 1997, relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, prescrit que le Conseil examine " si l'objectif budgétaire à moyen terme [...] offre une marge de sécurité pour assurer la prévention d'un déficit excessif ." Pour 1999, ce ne semble pas être le cas. Pour que cela le soit "à moyen terme", le gouvernement devra proposer des efforts supplémentaires pour l'Etat.

III. UNE ABSENCE DÉLIBÉRÉE DE MAÎTRISE DES DÉPENSES DU BUDGET GÉNÉRAL

Partie intégrante de la stratégie du gouvernement avec la réduction du déficit de l'Etat et la diminution du poids des prélèvements obligatoires, la progression de la dépense publique, fixée à 36,9 milliards de francs, est destinée, en principe, à contribuer au financement des priorités affichées par celui-ci : " l'emploi, la justice sociale et l'amélioration de la vie quotidienne ".

Cette augmentation se décompose en :

20,9 milliards de francs, résultant mécaniquement de la hausse des prix estimée en moyenne annuelle, hors tabac, par le gouvernement à 1,3 % 10( * ) ;

• 16 milliards de francs correspondant à la croissance des dépenses de 1 % en volume voulue par le gouvernement afin de financer lesdites priorités.

Cette progression contribuera à rigidifier la structure de la dépense publique et comporte par ailleurs de sérieux risques de dérive. Les priorités ainsi définies se traduisent en effet par une montée en charge fortement progressive qui pèsera inévitablement sur l'élaboration de la loi de finances pour 2000.

A. UN OBJECTIF POLITIQUE : ACCROÎTRE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN VOLUME

1. L'accroissement de 1% en volume de la dépense publique

Dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 1999, le gouvernement indique que " les dépenses du budget général se montent à 1.623,6 milliards de francs à structure constante soit une progression en volume de 1%, compte tenu d'une évolution prévisionnelle des prix estimée à 1,3 % ".

L'augmentation des dépenses est au total de 2,3 %, soit prés de deux fois le niveau de l'inflation prévue en 1999.

Par ailleurs, il apparaît d'ores et déjà prévisible que l'augmentation des prix sera en 1999 inférieure à ce chiffre de 1,3 %, et cela dans une proportion de 0,2 à 0,3 point.

Par voie de conséquence, la progression en volume des dépenses du budget général risque d'en être d'autant augmentée et supérieure au chiffre de 1% avancé par le gouvernement.

2. Un choix qui ne semble pas susciter l'enthousiasme de la commission des finances de l'Assemblée nationale

Par delà les querelles quant à l'appréciation du niveau réel de la progression des dépenses du budget général en fonction de l'indicateur retenu, c'est l'appréciation que la commission des finances de l'Assemblée nationale porte sur l'évolution de la dépense publique en 1999 qui retient l'attention.

En effet, la volonté du gouvernement d'accroître les dépenses du budget général de 1% en volume n'apparaît pas totalement partagée par celle-ci, et notamment son rapporteur général qui, nonobstant les affirmations du gouvernement tient à y déceler une " augmentation contenue des charges de l'Etat " au terme d'une démonstration particulièrement précise et argumentée 11( * ) .

Celle-ci lui permet de conclure que " compte tenu d'une prévision d'inflation établie à 1,3%, dans le présent projet de loi de finances, le montant des charges de l'Etat en 1999 12( * ) , considéré dans le périmètre de 1998, serait quasiment stabilisé, avec une progression limitée à 0,2 % . Ce constat objectif et indiscutable conduit à relativiser quelque peu les appréciations tendancieuses qui courent ça et là sur un prétendu dérapage, voire une supposée explosion de la dépense publique.".

Ce jugement semble traduire de la part de l'Assemblée nationale 13( * ) une moindre dilection pour la dépense publique que celle affichée par le gouvernement.

B. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES DU BUDGET GÉNÉRAL DE 36,9 MILLIARDS DE FRANCS

1. A structure constante une augmentation de 36,9 milliards de francs

A structure constante, les dépenses du budget général s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 1999 à 1.623,6 milliards de francs contre 1.586,7 milliards de francs en 1998. Cette progression de 36,9 milliards de francs représente une hausse de 2,3 % qui est presque deux fois supérieure à l'inflation.

Par ailleurs, si l'on prend en compte le solde des comptes spéciaux du Trésor qui est passé d'une charge nette de 4,6 milliards à un produit net de 3,1 milliards 14( * ) , la hausse totale des charges est de 29,2 milliards, soit une progression de 1,83 %.


 

LFI 1998

PLF 1999
à structure
constante


Variations
en %

PLF 1999
y compris rebudgétisation

A/Dette publique et garanties

238.308

240.729

1,0 %

 

dont dette publique nette

234.842

237.247

1,0 %

 

B/Budgets civils

 
 
 
 

Pouvoirs publics

4.395

4.502

2,4 %

 

Moyens des services

569.371

581.690

2,2 %

607.200

Interventions publiques

464.117

481.146

3,7 %

495.200

Dépenses civiles en capital

72.211

72.004

- 0,3 %

78.000

Total

1.110.094

1.139.342

2,6 %

 

C/Budget militaire

 
 
 
 

Dépenses ordinaires (y compris pensions)

157.264

157.524

0,2 %

 

Dépenses militaires en capital

81.003

86.000

6,2 %

 

Total

238.267

243.524

2,2 %

 

Total budget général (A+B+C)

1.586.670

1.623.595

2,3 %

 

D/Solde des comptes spéciaux du Trésor

4.600

- 3.114

 
 

Total des charges (A+B+C+D)

1.591.270

1.620.481

n.s.

1.666.091

Recettes nettes totales

1.333.387

1.396.882

 

1.429.539

Solde général

- 257.882

 
 

- 236.552

2. 45,6 milliards de francs de rebudgétisations

Outre ces dépenses calculées à structure constante, il convient également de prendre en compte 45,6 milliards de charges rebudgétisées (auxquelles s'imputent 37,2 milliards de recettes) qui correspondent principalement aux fonds de concours alimentant les services financiers, aux pensions des fonctionnaires de la Poste ou à des dépenses qui figuraient dans la loi de finances pour 1998 au sein de comptes spéciaux du Trésor.

Cette intégration présentée par le gouvernement comme une volonté de transparence, correspond en réalité aux " recommandations " formulées en ce sens par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision du 30 décembre 1997 relative à la loi de finances pour 1998 15( * ) .

Dans ce cadre, les dépenses civiles du titre III progressent de 6,6 % (607,2 milliards) en raison de l'intégration de 14,8 milliards de francs au titre des pensions de La Poste, et celles du titre IV de 6,7 %, notamment du fait de la "rebudgétisation"de l'allocation de parent isolé (4,2 milliards de francs).

De même, en raison de 6 milliards de francs de rebudgétisations sur les dépenses civiles en capital (titre V), celles-ci augmentent de 8,3 %. Cette augmentation ne compense cependant que partiellement la forte baisse des dépenses en capital des comptes d'affectation spéciale : - 34,8 %, soit 27 milliards de francs contre 41,4 milliards de francs en 1998.

Les " opérations exceptionnelles " du projet de Loi de Finances pour 1999

(en millions de francs)


Sections

Total des opérations exceptionnelles


Titre III


Titre IV


Titre V


Titre VI

Environnement

1.768

 

145

 

1.623

 
 
 
 
 
 

Charges communes

15.372

14.822

550

 
 
 
 
 
 
 
 

Services communs et finances

11.249

10.720

 

529

 
 
 
 
 
 
 

Industrie

447

 

4

 

443

 
 
 
 
 
 

Santé et solidarité

4.233

 

4.233

 
 
 
 
 
 
 
 

Urbanisme et logement

3.940

 

510

 

3.430

 
 
 
 
 
 

Intérieur et décentralisation

8.600

 

8.600

 
 

Total des budgets civils

45.609

25.542

14.042

529

5.496

(Source : Ministère de l'Economie)

C. LE RENFORCEMENT DU POIDS DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

1. Une apparente stabilité

L'examen des principaux postes de dépenses et de leur évolution semble refléter une très légère diminution du poids relatif des dépenses ordinaires 16( * ) par rapport aux dépenses en capital, rompant en cela avec une tendance lourde des budgets de ces dernières années.

2. Une analyse par titre plus nuancée

La comparaison à structure constante des différents titres démontre cependant la fragilité d'une telle évolution. En effet :

la progression limitée à 2,4 milliards de francs des charges financières issues de la dette (+ 1 %) est liée au bas niveau des taux d'intérêt 17( * ) , soit à des raisons exogènes, indépendantes de la volonté du gouvernement ( " effet prix ") ; a contrario, le financement du déficit budgétaire et de divers engagements de l'Etat contribue à accroître mécaniquement les charges de 12,5 milliards de francs (" effet volume ") ;

Réponse au questionnaire de la commission des finances :
la charge de la dette en 1999

L'estimation de la charge de la dette pour 1999 de 237,2 milliards de francs tient compte de plusieurs paramètres :

1. Un effet volume , lié au financement du déficit de l'exercice (236,6 milliards de francs) et de divers engagements de l'Etat pour 9 milliards de francs : les émissions correspondantes entraînent une progression tendancielle des charges de la dette de près de 12,5 milliards de francs.



2. Des effets prix :

il faut d'une part prendre en compte les gains de refinancement des titres longs : la dette à taux fixe arrivant à échéance en 1998 est refinancée à des conditions de taux plus avantageuses ce qui permet d'engranger en 1999 une économie nette de plus de 7,5 milliards de francs ;

a contrario la hausse anticipée de taux courts devrait se traduire par un surcoût net de 1,7 milliard de francs en 1999 de la charge des intérêts des BTF.

3. De la politique de gestion active de la dette : à travers des opérations de rachats et d'échanges, elle permet également de dégager des économies en tirant profit des opportunités qu'offre l'orientation des marchés financiers . A titre d'exemple, l'opération d'échange sur l'Ecu conduite le 15 avril 1998, sur une enveloppe de plus de 60 milliards de francs, permet de dégager une économie nette de 17,7 milliards de francs en 1999.

Au total la progression des charges de la dette est de 2,4 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.

(Source : Ministère de l'économie).

les charges de personnel civil hors rebudgétisations progressent de 3,6 % contre 2,2 % pour l'ensemble du titre III, en raison du coût de l'accord salarial dans la fonction publique (14,8 milliards de francs en 1999) ; les crédits de fonctionnement des services n'augmentent en conséquence que de 1,1 % ;

• l'augmentation de 3,7 % des dépenses civiles du titre IV résulte de la mise en oeuvre des priorités politiques du gouvernement notamment en matière sociale ou économique ; elles se révéleront particulièrement lourdes pour les finances publiques dans les prochaines années ;

• les dépenses civiles en capital baissent de 0,3 %
tandis que la progression des dépenses militaires en capital de 6,2 %, soit 86 milliards de francs ne correspond qu'au strict respect des dispositions de la loi de programmation ; par ailleurs il convient de rappeler que ces dépenses militaires en capital sont très régulièrement affectées en cours d'année par des mesures de régulation budgétaire . Ainsi le décret d'avance du 21 août 1998 a fait financer la hausse de 3,8 milliards de francs des rémunérations militaires au sein du titre III par l'annulation de 3,85 milliards de crédits militaires sur les titres V et VI.

D. LE SOUCI DU GOUVERNEMENT : FINANCER SES PRIORITÉS

1. La diversité des priorités du gouvernement

Comme l'indique le gouvernement, il s'agit d'une " augmentation maîtrisée des dépenses lui permettant par ailleurs de financer ses priorités ".

Les budgets ainsi déclarés prioritaires sont au nombre de onze ! 18( * )

- Ville

- Environnement

- Justice

- Enseignement supérieur

- Santé, solidarité

- Enseignement scolaire

- Logement

- Emploi

- Culture

- Jeunesse et sport

- Sécurité publique

+ 32,4 %

+ 14,8 %

+ 5,6 %

+ 5,5 %

+ 4,5 %

+ 4,1 %

+ 4 %

+ 3,9 %

+ 3,5 %

+ 3,4 %

+ 3 %

La diversité et le nombre de ces ministères " prioritaires " conduisent cependant à relativiser l'effort entrepris en la matière par le gouvernement.

Ainsi les deux budgets connaissant en 1999 la plus forte augmentation, celui de la ville et celui de l'environnement, représentent respectivement 0,06% et 0,13% de l'ensemble des dépenses du budget général tandis que l'accroissement de leurs crédits budgétaires, fixé à 526 millions de francs, correspond à seulement 1,4% de la hausse totale des dépenses du budget général pour 1999.

2. Les véritables priorités budgétaires: les interventions sociales et les rémunérations publiques

L'examen des principaux postes de dépenses du budget général conduit à avoir une autre approche des priorités du gouvernement. Celles-ci sont en réalité de deux ordres et représentent un montant de dépenses de près de 50 milliards de francs.

a) les priorités en matière d'interventions : 25 milliards de francs

la loi sur les 35 heures : le " coût brut budgétaire " de cette loi est estimé à 7 milliards par le gouvernement dont 3,5 milliards à la charge de l'Etat ; le reliquat est financé par les régimes de Sécurité sociale selon des modalités qui restent encore à définir. A cette somme s'ajoutent 200 millions de francs de crédits destinés aux aides au conseil.

• le dispositif des "emplois-jeunes". Le gouvernement évoque un coût total de 14,3 milliards de francs en 1999. Celui-ci est en réalité de 15,932 milliards au total, compte tenu des sommes également prises en charge par les budgets de l'éducation nationale, de l'outre-mer et de l'intérieur.

• la loi relative à la lutte contre l'exclusion . Le coût budgétaire en 1999 est de 5,4 milliards conformément au chiffrage effectué par votre commission 19( * ) .

b) les rémunérations publiques : 26,25 milliards de francs

le coût de l'accord salarial du 10 février 1998 est en 1999 de 14,8 milliards pour le budget de l'Etat.

• les mesures catégorielles , les transformations d'emploi, le " GVT-solde " : 5,6 milliards de francs.

• la dérive spontanée des pensions de la fonction publique : 5,85 milliards de francs.

On peut ainsi relever que le coût en 1999 de l'accord salarial dans la fonction publique, soit 14,8 milliards de francs est supérieur au montant des crédits consacrés par le budget de l'emploi au plan "emplois-jeunes" pour cette même année (14,3 milliards).

E. LA POURSUITE DE LA "RIGIDIFICATION" DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

1. La position contradictoire du gouvernement

Dans le rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire de juin 1998, le gouvernement avait en effet regretté que " la structure des dépenses publiques de l'Etat se soit rigidifiée au fil des ans " . A l'appui de cette affirmation il avait cité les trois principaux postes de dépenses de l'Etat (fonction publique, intérêts de la dette et interventions pour l'emploi).

Il avait relevé que ceux-ci représentaient en 1998 88% des recettes fiscales nettes, contre 57% en 1990. Or ces postes de dépenses ne sont en 1999 aucunement concernés par une éventuelle limitation de la progression de la dépense publique, notamment pour ce qui concerne les rémunérations publiques 20( * ) qui passent de 56,4 % des recettes fiscales nettes de l'Etat en 1998 à 56,8 % pour 1999.

Part des recettes fiscales nettes consacrées aux charges de la dette, aux dépenses de fonction publique et aux interventions pour l'emploi

(source : Ministère de l'économie)

2. L'analyse de la progression des dépenses par la commission des finances

Le projet de loi de finances pour 1999 n'infléchit pas le mouvement de rigidification de la dépense publique naguère dénoncé par le gouvernement.

En effet, si l'on examine l'augmentation de 36,9 milliards de francs des dépenses du budget général au vu des trois postes de dépenses jugés particulièrement rigides par le gouvernement, on constate que, arithmétiquement, l'intégralité de la progression correspond à la hausse des dépenses d'intervention en matière d'emploi, de la charge de la dette ainsi qu'à la progression des rémunérations publiques. C'est-à-dire des dépenses de structure.

Les véritables priorités du gouvernement

L'accroissement de la charge nette de la dette

+ 2,4 milliards de francs

La dérive spontanée des pensions

+ 5,85 milliards de francs

L'accord salarial dans la fonction publique

+ 9,5 milliards de francs

coût 1998 : 5,3 milliards de francs ;

coût 1999 : 14,8 milliards de francs.

Les mesures catégorielles , les transformations d'emploi, le " GVT-solde "

+ 5,6 milliards de francs

L'exclusion

+ 4,3 milliards de francs

crédits en 1998 ; 1,1 milliard de francs ;

crédits en 1999 : 5,4 milliards de francs.

Les 35 heures

+ 0,7 milliard de francs

crédits en 1998 : 3 milliards de francs (provision prélevée sur les crédits de la ristourne dégressive fusionnée qui ont été sous évalués et devront être complétés en collectif 1998) ;

crédits en 1999 : 3,7 milliards de francs (outre 3,5 milliards mis à la charge de la Sécurité sociale sans fondement juridique).

Les emplois-jeunes

+ 7,582 milliards de francs

crédits en 1998 ; 8,35 milliards de francs ;

crédits en 1999 : 15,932 milliards de franc.

Le plan étudiant

+ 0,9 milliard de francs

Au total

36,8 milliards de francs

F. DE SÉRIEUX RISQUES DE DÉRIVE BUDGÉTAIRE POUR L'AVENIR

1. Une montée en charge fortement progressive des projets prioritaires du gouvernement

Les projets prioritaires du gouvernement se caractérisent, au plan budgétaire, par une montée en charge rapide qui jouera pleinement lors de l'élaboration des prochains budgets :

a) la loi contre les exclusions : 9,4 milliards de francs en 2000

Son coût est en 1998 de 5,4 milliards de francs.

Il augmentera de 4 milliards de francs d'ici l'année prochaine. Cela représente un coût en année pleine de 10 milliards de francs ainsi que votre commission l'avait démontré lors de l'examen de ce projet de loi.



Le financement du projet de loi d'orientation
relatif à la lutte contre les exclusions.

Dans l'avis n°478 (1997-1998) présenté au nom de la Commission des finances, notre collègue Jacques Oudin a rappelé qu'en dépit du consensus existant sur la nécessité d'agir plus efficacement contre les exclusions, la contrainte financière s'imposait dans ce domaine comme ailleurs.

A ce titre il a tenu à procéder à un chiffrage précis et détaillé de ce texte : son coût budgétaire est de 15,9 milliards de francs sur trois ans pour l'Etat et se caractérise par une montée en charge fortement progressive : 1,1 milliard en 1998, 5,4 milliards en 1999 et 9,4 milliards en 2000 ; soit un coût en année pleine de prés de 10 milliards de francs.

Il a également relevé les incertitudes tenant à son mode de financement
qui doit en principe, d'après le ministre de l'emploi et de la solidarité, s'effectuer dans le cadre d'un redéploiement général sur l'ensemble du budget de l'Etat. Compte tenu cependant, du coût en année pleine de ce texte, ainsi que du caractère potentiellement inflationniste d'un certains nombre de ses dispositions, il a été conduit à douter sérieusement de la réalité ainsi que du caractère effectif de ces redéploiements : " ce raisonnement repose sur un pari dont on ne peut que souhaiter le succès mais qui reste à nos yeux assez audacieux ".

b) le plan " emplois-jeunes " : 32 milliards de francs à compter du 1er janvier 2001

Ce coût est calculé sur la base d'un objectif fixé par le gouvernement de 350.000 emplois crées, d'un coût unitaire à la charge du budget de l'emploi de 92 000 FF par an.

A ce titre, votre commission tient à relever que le coût de ce projet pour 1999 est d'ores et déjà minoré par le gouvernement. Les crédits figurant au budget de l'emploi pour 1999, soit 13 ,8 milliards de francs (hors 380 millions de francs transférés vers le budget de l'outre-mer) ne permettent de financer que le " stock " qui existera au 1 er janvier 1999 21( * ) .

L'enveloppe budgétaire actuelle telle qu'elle figure dans le projet de loi de finances ne permettra pas de financer à compter du 1 er janvier prochain le recrutement des 100.000 nouveaux emplois-jeunes qui correspondent à l'objectif que s'est fixé le gouvernement pour 1999.

Il y a en effet pour 1999 une sous-évaluation du coût de ce dispositif que l'on peut estimer à près de 4,5 milliards de francs
sur la base d'une montée en charge linéaire et progressive de ces 100.000 nouveaux emplois-jeunes.

Coût budgétaire des emplois-jeunes dans le
projet de loi de finances pour 1999

(en millions de francs)

Budget

Montant (en millions de francs)

Observations

Emploi (chapitre 44-01)

13.795

Crédits de rémunération

 

125

Mesures d'accompagnement

 

13.920

 

Enseignement scolaire

 
 

Chapitre 36-71

976,5

Financement de 56.600 emplois-jeunes (moyens nouveaux)

Chapitre 36-10

8

Formation des emplois-jeunes (CNED)(moyens nouveaux)

Chapitre 43-02

78,6

Financement de 3.000 emplois-jeunes (moyens nouveaux)

 

1.063,1

 

Enseignement supérieur (chapitre 36-11


6,9

Rémunération de 400 emplois jeunes-docteurs (moyens nouveaux)

Outre-Mer (chapitre 44-03)

445

dont 380 millions de francs en provenance du budget de l'emploi

Intérieur

 
 

Chapitre 31-96

275,8

8.250 adjoints de sécurité
en PLF 1998

Chapitre 34-41

221,8

et 7.600 en PLF 1999

 

497,6

 

TOTAL

15.932,6

 
c) les 35 heures : coût brut budgétaire de 7 milliards de francs en 1999

Ce coût brut a été déterminé par le gouvernement sans que celui-ci n'en fournisse les éléments de calcul.

Par ailleurs, la moitié de cette dépense a été mise à la charge des régimes de Sécurité sociale de façon arbitraire et sans aucun fondement légal, puisque tout allégement de charges sociales doit, conformément à la loi du 25 juillet 1994, être intégralement compensé par l'Etat. En l'espèce, cela n'est pas le cas.

De même, on peut continuer à s'interroger sur les conditions de financement de ce dispositif en loi de finances pour 1998 : la provision prévue pour un montant de 3 milliards de francs avait alors été prélevée, ainsi que l'avait dénoncé votre commission, sur les crédits consacrés au financement de la " ristourne dégressive fusionnée " qui avaient alors été manifestement sous-évaluées. De ce fait, nonobstant les déclarations contraires du gouvernement à l'époque, il lui appartiendra de pallier cette sous-estimation volontaire, et cela lors du prochain collectif budgétaire de 1998. En effet, le gouvernement prévoit, au titre du financement de cette ristourne, des dépenses à hauteur de 41,5 milliards de francs alors que seulement 38,77 milliards de francs de crédits avaient été prévus dans le projet de loi de finances initiale 22( * ) .

Par ailleurs, votre rapporteur tient à rappeler que la Commission des affaires sociales avait estimé le coût brut des 35 heures à 13,5 milliards en première année et à 36 milliards en deuxième année et cela sur la base de 450.000 emplois crées 23( * ) .

d) l'accord salarial dans la fonction publique : 23,3 milliards de francs en 2000

Le coût annuel total de l'accord salarial dans la fonction publique sera pour l'Etat de 23,3 milliards de francs en 2000, en progression de 8,5 milliards de francs par rapport à 1998.

Il aura par ailleurs des effets induits sur la fonction publique territoriale et hospitalière estimés à 7,7 milliards de francs en 1999.

Le coût de l'accord salarial du 10 février 1998

(En milliards de francs)

 

Coûts annuels supplémentaires par rapport à l'année précédente

Coûts annuels totaux

 

en 1998

en 1999

en 2000

en 1998

en 1999

en 2000

I - Fonction publique de l'Etat

 
 
 
 
 
 

Revalorisation du point

4,3

6,7

5,8

4,3

11

16,8

Mesures d'accompagnement (dont points uniformes et points différenciés)

1,0

(0,4)

2,8

(1,8)

2,7

(2,0)

1,0

(0,4)

3,8

(2,2)

6,5

(4,2)

Total

5,3

9,5

8,5

5,3

14,8

23,3

II - Fonction publique territoriale

Total

2,2

4,3

3,5

2,2

6,5

10,0

III - Fonction publique hospitalière

Total

1,8

3,4

2,8

1,8

5,2

8,0

Total trois fonctions publiques

9,3

17,2

14,8

9,3

26,5

41,3

Source : Rapport sur les rémunérations publiques - PLF 1999

Cet accord se traduit en effet par un accroissement du pouvoir d'achat des fonctionnaires qui vient ainsi conforter une tendance lourde de ces dernières années ainsi que le relève d'ailleurs lui-même le gouvernement : " Entre 1990 et 1998 , la rémunération moyenne 24( * ) des fonctionnaires de l'Etat a progressé en moyenne de 5,0 % par an, soit, compte tenu de l'inflation hors tabac, 3,2 % de gains de pouvoir d'achat en moyenne par an, soit plus de 28 % de gain cumulé sur huit ans. Pour 1998, la progression prévue est de 4,2 %, soit une augmentation de 3,4 % en francs constants ".

e) Le plan social étudiant : 7,2 milliards de francs sur quatre ans

Ce plan consiste en 1999 à abonder les crédits du budget de l'enseignement supérieur de 833,27 millions de francs principalement au titre de la revalorisation des bourses.

Il doit être mis en place pour une durée de quatre ans, et son coût total est évalué à plus de 7 milliards de francs.

2. Des projets annoncés mais non financés par le projet de loi de finances pour 1999

On peut en outre s'interroger sur la mise en place et, partant, l'impact budgétaire de la création du fonds exceptionnel d'aménagement des lycées qui prévoit d'accorder sur 4 ans une somme de 4 milliards de francs de prêts à taux zéro aux régions. Par ailleurs il est également envisagé de recruter 14.000 adultes supplémentaires dans ces établissements selon des modalités encore inconnues.

De même le ministère de la santé a annoncé la mise en place au cours de l'année 1999 du projet de loi instaurant une couverture médicale universelle (CMU ). Or son coût était estimé par le gouvernement à 5 milliards de francs par an : à défaut de figurer dans le présent projet de loi de finances, il devra donc être nécessairement financé par un collectif budgétaire en 1999.

3. L'explosion programmée des retraites de la fonction publique

Cette réflexion a déjà été entamée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1998, au cours duquel votre rapporteur général avait souligné que " les charges de pension sont amenées à progresser, au cours des années à venir, dans des proportions considérables " . De même lors du Débat d'orientation budgétaire de juin 1998 votre commission avait tenu à ce que soient prises " rapidement les mesures nécessaires pour faire face au choc démographique des années à venir, c'est à dire réformer les régimes de retraite, en particulier les régimes publics. "

Il est en effet urgent que le gouvernement agisse en ce domaine. Plus l'action à entreprendre sera réalisée tôt, plus elle sera efficace et moins elle sera douloureuse.

Dans cette perspective les réflexions actuellement menées en ce domaine par le Commissariat Général au Plan devraient contribuer à la clarification du débat, notamment en ce qui concerne l'intérêt pour les régimes publics d'un allongement de la durée de cotisation ainsi que son utilité pour les consolider financièrement.

a) La situation démographique du régime de retraite de la fonction publique d'État

Dès 2000, et surtout à compter de 2005 la situation démographique du régime de retraite de la fonction publique se dégrade fortement.

Evolution du rapport démographique

Années

1995

2000

2005

2010

2015

Taux de croissance

Retraités de droit direct

828.308

956.711

1.126.718

1.318.503

1.491.840

+ 80,1 %

Cotisants 1

2.081.689

2.081.689

2.081.689

2.081.689

2.081.689

 

Rapport démographique

2,51

2,18

1,85

1,58

1,40

- 44,6 %

Régime général

1,75

1,69

1,72

1,57

1,37

- 21,7 %

1. Par convention la population active est considérée comme stable sur la période considérée,

Source : Direction du budget

b) les perspectives d'évolution financière

Les différents constats existant en la matière insistent tous sur la question de la soutenabilité budgétaire de ces évolutions et, partant, sur leurs implications en terme d'équité et de solidarité intra-générationnelle.

(1) D'après les chiffres du Commissariat général au Plan (rapport Briet de 1995), la croissance serait "rapide et cumulative".

 

1995

2005

2015

Montant des prestations retraite (en milliards, à francs constants)

108

153

226

Hausse des taux de cotisation nécessaire pour maintenir l'équilibre du régime des fonctionnaires

+ 1,3

+ 10,7

+ 20,6

Hausse nécessaire pour équilibrer le régime général

+ 0,6

+ 0,9

+ 4

(2) Pour la Direction du Budget (chiffrage de 1997) :

Le surcoût est estimé en 2010 à 79 milliards de francs, en francs constants, et serait financé à moins de 10 % par la croissance des cotisations. Le reliquat soit près de 90 % serait à la charge de l'Etat .

(3) Pour la Cour des Comptes qui le souligne régulièrement dans ses rapports notamment sur l'exécution des budgets, " l'évolution des charges de pension constitue une hypothèque sérieuse pour les budgets futurs .
c) un effort de clarification est indispensable

Il est indispensable avant de procéder à toute réforme en ce domaine de disposer d'un " état des lieux " précis et incontestable faisant notamment apparaître pour mieux les distinguer les versements de l'Etat en sa qualité d'employeur ainsi que la subvention d'équilibre que, de fait, celui-ci verse en tant que garant de l'équilibre financier du système et, partant, de sa pérennité.

Il serait opportun, dans le respect des dispositions organiques applicables en ce domaine, de pouvoir disposer au sein du budget de l'Etat d'un compte spécifique des pensions. Une première étape semble avoir été franchie avec la présentation dans le rapport sur les rémunérations publiques joint au projet de loi de finances pour 1999 d'un compte simplifié des pensions en 1997.

Ce compte simplifié contribue à faire ressortir deux éléments, d'une part que " les recettes sont principalement composées de contributions venant des employeurs qui assurent 84,23 % de l'ensemble des recettes, dont prés de 71 % à la charge du seul budget de l'Etat ".

Et d'autre part, il met en évidence " l'effort budgétaire de l'Etat. On peut calculer un taux de cotisation patronale implicite en rapportant cet effort budgétaire net à la masse salariale indiciaire. En 1997, ce taux s'établit à 39,01 % pour les fonctionnaires civils et à 101,71 % pour les militaires, soit 47,15 % pour l'ensemble des ressortissants du code des pensions civiles et militaires de retraite de l'Etat. Il devrait atteindre, dès 1998, 47,62 % et s'établirait à 51,2 % à l'horizon 2002 ".

Compte simplifié 1997

 

En millions de francs

Evolution par rapport à 1996

I. Emplois

 
 

Pensions

164.494

+ 3,48 %

-dont civils hors PTT

97.621

+ 4,37 %

- dont La Poste

13.626

+ 3,58 %

- dont France Télécom

8.356

+ 3,85 %

- dont militaires

44.891

+ 1,46 %

Transferts

22.030

+ 0,43 %

- dont compensation généralisée

12.848

+ 5,34 %

- dont compensation spécifique

8.752

- 6,30 %

- dont titulaires sans droits

430

- 9,31 %

Total emplois

186.524

+ 3,12 %

II. Ressources

 
 

Cotisations salariales (retenues pour pension)

29.416

+ 1,83 %

Contributions employeurs (hors Etat)

25.549

+ 2,20 %

- dont contribution établissements publics

4.520

- 3,98 %

- dont remboursement La Poste

12.883

+ 1,30 %

- dont contributions au titre des pensionnés de France Télécom

8.146

+ 6,89 %

Sous-total (hors contribution Etat)

54.965

+ 2,02 %

Solde : charge nette pour l'Etat

131.559

+ 3,60 %

Total ressources

186.524

+ 3,12 %

La reconstitution des ressources et des emplois du régime des fonctionnaires civils de l'Etat et des militaires permet de mettre en évidence l'effort budgétaire net de l'Etat . On peut calculer un taux de cotisation patronale implicite en rapportant cet effort budgétaire net à la masse salariale indiciaire. En 1997, ce taux s'établit à 39,01 % pour les fonctionnaires civils et à 101,71 % pour les militaires, soit 47,15 % pour l'ensemble des ressortissants du code des pensions civiles et militaires de retraite de l'Etat.

Il devrait atteindre, dès 1998, 47,62 % (39,78 % pour les fonctionnaires civils et 98,90 % pour les militaires) et s'établirait à 51,2 % à l'horizon 2002, soit 44,5 % pour les seuls fonctionnaires civils et 92,1 % pour les militaires.

(source : rapport sur les rémunérations publiques-PLF 1999)

IV. DES RECETTES EN EXPANSION

A. LA CROISSANCE ATTENDUE DES RECETTES POUR 1999 DONNE UNE MARGE DE MANOEUVRE AU GOUVERNEMENT

1. D'importants surcroîts de recettes attendus

Le projet de loi de finances pour 1999 est élaboré dans des conditions très favorables , tenant à la fois aux recettes supplémentaires acquises en 1998 et à des prévisions de croissance relativement optimistes au regard des évolutions prévisibles de la conjoncture internationale.

La loi de finances pour 1998 prévoyait une augmentation des recettes totales du budget de l'Etat de 43 milliards de francs, soit une progression de 3,5 % par rapport aux estimations révisées de 1997, dont 3,1 % d'augmentation pour les recettes fiscales nettes. Cette anticipation était fondée sur une prévision de croissance de l'économie française plus élevée, estimée à 4,2 % en valeur.

Selon les évaluations révisées, les recettes du budget général 25( * ) s'élèveraient à 1.350,1 milliards de francs en 1998, soit 16,7 milliards de francs de mieux que les prévisions de recettes de la loi de finances 26( * ) .

Le projet de loi de finances pour 1999 intègre ces prévisions de recettes supplémentaires.

Par ailleurs, la prévision de croissance de l'économie française est estimée à 3,8 % en valeur pour 1999, soit 2,7 % en volume et 1,1 % en évolution des prix du PIB (1,3 % pour les prix à la consommation).

Au total, l'évolution "spontanée" des recettes fiscales expliquera donc l'essentiel de l'évolution des recettes du budget général en 1999.


Par rapport à la loi de finances pour 1998, les recettes fiscales nettes devraient en effet progresser de 85,1 milliards de francs, dont 11,6 milliards de francs supplémentaires du fait de la révision de recettes en 1998 et 73,5 milliards de francs en 1999 dont 71,1 milliards de francs du fait de l'évolution "spontanée" des recettes. Les recettes fiscales nettes devraient donc progresser de 5 % en 1999.

En dehors de ces évolutions, les modifications seront réduites : divers facteurs (incidence en 1999 de mesures prises dans des lois de finances précédentes) réduiront les recettes fiscales de 2,7 milliards de francs alors que les mesures du projet de loi de finances pour 1999 alourdiront les recettes fiscales de 8 milliards de francs.

Les recettes du budget général : de la loi de finances pour 1998 au projet de loi de finances pour 1999

 

1998 (LFI)

1998 (révisé)

PLF1999

Ecart de recettes de PLF99/révisé 98

Ecart de recettes de PLF99/LFI 98

recettes fiscales nettes

1448,2

1459,8

1533,3

73,5

85,1

dont rebudgétisation 27( * )

0

0

10,9

10,9

10,9

recettes non fiscales (hors recettes d'ordre)

141,2

144,9

167,2

22,3

26

dont rebudgétisation

0

0

21,7

21,7

21,7

prélèvements sur recettes

-256

-254,6

-271

-16,4

-15

recettes totales

1333,4

1350,1

1429,5

79,4

96,1

recettes totales (hors rebudgétisation)

1333,4

1350,1

1396,9

46,8

63,5

Les recettes totales du budget général devraient progresser de 96 milliards de francs par rapport aux estimations de la loi de finances pour 1998 (+ 7,2%) et de 79,4 milliards de francs par rapport aux estimations révisées (+5,8%).

Recettes supplémentaires en 1999 par rapport au budget révisé de 1998 (hors rebudgétisations): 55,6 milliards de francs dont 71,1 milliards de francs de surcroît de recettes fiscales nettes dû à la croissance 28( * )

TVA nette

+ 30 milliards de francs

Impôt sur les sociétés net

+ 16,3 milliards de francs

Impôt sur le revenu

+ 13,3 milliards de francs

Autres impôts directs

+ 7,7 milliards de francs

Enregistrement

+ 5 milliards de francs

TIPP

+ 2 milliards de francs

Remboursements et dégrèvements

-3,2 milliards de francs

TOTAL évolution spontanée des recettes fiscales

+71,1 milliards de francs

Autres facteurs et aménagements de droits

+2,36 milliards de francs

Rebudgétisations de recettes fiscales

-2,1 milliards de francs

Recettes non fiscales

+0,6 milliards de francs

Prélèvements sur recettes

-16,4 milliards de francs

TOTAL GENERAL

+55,6 milliards de francs

2. Une évaluation risquée

L'accroissement des recettes fiscales en 1998 et 1999 est la condition sine qua non de la réalisation des objectifs fixés par le projet de loi de finances. Or, les incertitudes pesant sur la croissance sont facteurs d'inquiétude en ce domaine.

Au delà des pronostics sur la réalisation de la croissance, qui sont par définition hasardeux, il est utile de rappeler des facteurs certains, tirés des expériences passées.

Et ces expériences d'exécution budgétaire sont éclairantes : depuis 1990, seules les années 1994 et 1997 ont connu un écart positif entre les recettes fiscales attendues et les recettes effectivement réalisées . A contrario, les années 1985 à 1989 avaient constamment enregistré des plus-values de recettes.

Tableau n° 1 : Ecart entre prévisions et réalisations
pour les recettes fiscales nettes de l'Etat 29( * )

Prévision LFI

1985

1986

1987

1988

1989

recettes fiscales nettes attendues

910 534

954 932

1 010 964

1 058 848

1 142 174

recettes fiscales nettes effectives

915 779

978 622

1 042 910

1 099 788

1 167 136

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

recettes fiscales nettes attendues

1 211 456

1 293 860

1 335 386

1 321 142

1 236 603

1 305 876

1 401 100

1 395 200

recettes fiscales nettes effectives

1 205 606

1 228 315

1 215 609

1 209 102

1 254 434

1 301 681

1 359 578

1 416 600

Il résulte clairement de ce tableau qu'une césure s'est instaurée à partir de 1990 quant à la réalisation des prévisions de la loi de finances en recettes.

Ce changement s'explique essentiellement par la modification de la situation économique de la France, modification bien plus structurelle que conjoncturelle : la diminution de l'inflation ne permet plus de voir gonfler artificiellement les recettes et se déprécier les dépenses, d'autre part la croissance ralentit depuis le début des années 1990, ce que les gouvernements n'ont pas toujours pris en compte.

Par ailleurs, seule l'année 1995 a vu ses moins-values de recettes fiscales compensées par des recettes non fiscales et la surévaluation des prélèvements sur recettes en loi de finances initiale.

Tableau n° 2 : Ecarts entre prévisions et réalisations de recettes totales de 1991 à 1997

 

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Recettes nettes totales attendues

1 209 501

1 244 742

1 212 917

1 171 299

1 228 173

1 281 037

1 296 400

recettes nettes totales effectives (hors fonds de concours)

1 169 303

1 161 698

1 149 190

1 217 664

1 231 441

1 276 079

1 320 700

Augmentation de recettes réelle (hors fonds concours)

2,39%

-0,65%

-1,08%

5,96%

1,13%

3,62%

3,50%

Croissance attendue

5,4%

5,05%

5,5%

3,4%

5,1%

4,9%

3,5%

Croissance réalisée

4,1%

3,3%

1,1%

4,4%

3,7%

2,7%

3,4%

Ce tableau montre clairement que depuis 1991, les prévisions de croissance ont toujours été supérieures à la réalité, sauf en 1994, ce qui explique en grande partie les moins-values de recettes du budget général.

B. L'INCIDENCE DES MESURES DU PROJET DE LOI DE FINANCES SERA LIMITEE

1. Dans le souci d'afficher une stabilité de la pression fiscale, le gouvernement a surévalué le montant des "rebudgétisations"

Afin de ne pas confondre la hausse très importante du produit fiscal entre la loi de finances pour 1998 et le projet de loi de finances pour 1999 (+ 85 milliards de francs) avec un alourdissement de la pression fiscale, il faut mettre en valeur la progression spontanée des recettes et raisonner à structure constante.

Ce raisonnement à structure constante doit toutefois être particulièrement rigoureux.

D'après les documents annexés à la loi de finances, hors effet des "rebudgétisations", 63,5 milliards de francs de recettes supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 1998 se répartiront comme suit :

- 74,2 milliards de francs de recettes fiscales nettes supplémentaires,

- 4,3 milliards de francs de recettes non fiscales supplémentaires

- les prélèvements sur recettes progresseraient en revanche de 15 milliards de francs dont 11,5 milliards de francs au profit des collectivités locales (10,8 milliards au titre de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle) et 3,5 milliards de francs au profit de l'Union européenne.

Au total, le montant des "rebudgétisations" annoncées (10,9 milliards de francs) conduirait à des recettes fiscales nettes à 1522,4 milliards de francs, soit une diminution de 200 millions de francs par rapport à l'évolution spontanée des recettes fiscales .

Un examen plus précis des "rebudgétisations" doit toutefois être réalisé.

En effet, un certain nombre de "rebudgétisations" 30( * ) correspondent effectivement à la transformation d'une recette affectée à un compte spécial du trésor en recette du budget général (ex : rebudgétisation du fonds de soutien aux hydrocarbures) ou à la réintégration de recettes d'un fonds de concours (ex: rebudgétisation des charges de pension de la Poste) ou encore à la budgétisation de recettes affectées à un ministère (ex : compte de rémunérations accessoires du cadastre, compte de rémunérations accessoires des hypothèques).

Ces modifications s'expliquent essentiellement par le souhait de se conformer à des décisions du Conseil constitutionnel (réintégration de fonds de concours) et aux observations de la Cour des Comptes (rémunérations accessoires), dans un souci de sincérité budgétaire.

Cependant, deux opérations de "rebudgétisation" sont abusivement qualifiées comme telles.

En effet, la baisse du plafond par demi-part de l'avantage fiscal procuré par le quotient familial devrait accroître le produit de l'impôt sur le revenu de 3,9 milliards de francs. Bien que cette augmentation de la pression fiscale pesant sur les ménages soit réelle, elle est qualifiée de "rebudgétisation" car elle serait la contrepartie de deux décisions : la fin de la mise sous condition de ressources des allocations familiales (6,7 milliards de francs de dépenses supplémentaires pour la sécurité sociale) et la prise en charge par l'Etat de l'allocation de parent isolé (4,2 milliards de francs).

Il va de soi que toutes ces actions n'ont rien de commun : il ne s'agit pas d'un transfert de prélèvements (ce qui aurait pu être le cas s'il s'était agi de compenser une diminution des cotisations familiales par le plafonnement du quotient familial), mais bien d'une augmentation des prélèvements obligatoires, que celle-ci soit "compensée" ou non par des dépenses supplémentaires en faveur des familles 31( * ) .. On ne saurait en outre confondre le budget général et celui de la Sécurité sociale...

D'autre part, le relèvement de 1 à 4,8 % de la taxe sur les cessions de droits sociaux pour les sociétés à prédominance immobilière , pour 4,9 milliards de francs serait la contrepartie partielle de la prise en charge par l'Etat de l'allégement des droits de mutation à titre onéreux (8,6 milliards de francs) qui étaient versés au profit des collectivités locales. Or, il s'agit de deux mesures fiscales très différentes, qui ne touchent pas les mêmes contribuables et qui augmentent in fine la pression fiscale de l'Etat.

2. La pression fiscale sera légèrement alourdie en 1999 mais l'essentiel de la progression des impôts proviendra d'une évolution spontanée des recettes

Compte tenu de ces observations, il est possible de rectifier la présentation des recettes du projet de loi de finances.

Les recettes du budget général : de la loi de finances pour 1998 au projet de loi de finances pour 1999 (après rectification)

 

1998 (LFI)

1998 (révisé)

PLF1999

Ecart de recettes de PLF99/révisé 98

Ecart de recettes de PLF99/LFI 98

recettes fiscales nettes

1448,2

1459,8

1533,3

73,5

85,1

dont rebudgétisation

0

0

2,1

2,1

2,1

recettes non fiscales (hors recettes d'ordre)

141,2

144,9

167,2

22,3

26

dont rebudgétisation

0

0

21,7

21,7

21,7

prélèvements sur recettes

-256

-254,6

-271

-16,4

-15

recettes totales

1333,4

1350,1

1429,5

79,4

96,1

recettes totales (hors rebudgétisation)

1333,4

1350,1

1405,7

55,6

72,3

Ce tableau laisse apparaître que hors "rebudgétisations", les recettes fiscales nettes seront de 1.531,2 milliards de francs dans le projet de loi de finances . Or, les recettes fiscales nettes avant prise en compte des aménagements de droits s'élèvent à 1.525,2 milliards de francs. Les mesures du projet de loi de finances aboutissent donc à un léger accroissement de la pression fiscale de l'Etat (+ 6 milliards de francs) contrairement à la présentation initialement faite par le gouvernement, qui annonçait une stabilisation totale des prélèvements fiscaux par rapport à 1998.

Cette progression de la fiscalité est toutefois très modeste en pourcentage du PIB (moins de 0,1 %).

La plupart des impôts connaissent une évolution "spontanée" significative en raison des anticipations de croissance, alors que les mesures de la loi de finances portent sur des montants modestes.

L'impôt sur le revenu passe de 299,5 milliards de francs en évaluation révisée à 315,7 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1999, soit une progression de 5,4 %. Cependant les mesures de la loi de finances pour 1999 alourdiront l'impôt de 1,3 milliard de francs seulement (+0,4 %). Le reste de l'augmentation résulte pour 13,2 milliards de francs de l'évolution spontanée des recettes et pour 1,6 milliard de francs de divers facteurs intervenant en 1999 (suppression de réductions d'impôts, instauration d'un crédit d'impôt pour les dépenses d'entretien dans les résidences principales).

A la suite de l'examen par l'Assemblée nationale, l'impôt sur le revenu a été allégé de 300 millions de francs (200 millions de francs de crédit d'impôt pour l'entretien de la résidence principale et 100 millions de francs pour la demi-part de quotient pour les invalides, anciens combattants et personnes seules ayant un enfant majeur de moins de 27 ans). La progression, hors effet spontané des recettes, est donc réévaluée à 1 milliard de francs.

L'impôt sur les sociétés brut passe de 223 milliards de francs en évaluation révisée à 232,4 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1999. L'impôt net progresse de 182 milliards de francs (évaluation révisée pour 1998) à 194,4 milliards de francs, soit une progression de 6,8%. Cependant, les effets de la loi de finances pour 1999 seront limités à une progression de 900 millions de francs.

Toutefois, à la suite de l'examen par l'Assemblée nationale, l'impôt sur les sociétés est alourdi de 1.450 millions de francs en raison d'un durcissement du régime des sociétés mères-filles pour 1.550 millions de francs (rétablissement de la taxation des dividendes de la fille à la mère supprimée en 1993) et d'un allégement de 100 millions de francs pour les sociétés d'assurance mutuelle. Au total, l'impôt est donc alourdi de 2,3 milliards de francs, hors progression spontanée des recettes.

Par ailleurs :

Le principal allégement, s'agissant des impôts d'Etat, concerne la TVA , qui devrait toutefois progresser de 808 milliards de francs en 1998 à 830,9 milliards de francs en 1999, soit une hausse de 2,8 % (la hausse est particulièrement significative si on la compare aux estimations de la loi de finances pour 1998 : + 6,8 %). Les allégements portent sur 4,8 milliards de francs, alors que les effets de l'évolution spontanée sont évalués à 27,2 milliards de francs.

Suite à l'examen par l'Assemblée nationale, la TVA est allégée de 910 millions de francs (dont 710 millions de francs pour les achats de terrains à bâtir, 100 millions de francs pour les opérations de collecte séparative et 100 millions de francs pour certains établissements touristiques). Les allégements sont donc portés à 5,7 milliards de francs.

Les augmentations d'impôts prévues par la loi de finances sont relativement ciblées :

L'impôt de solidarité sur la fortune
progresse de 32 % par rapport à l'évaluation révisée de 1998, pour atteindre 14,9 milliards de francs. Les mesures de la loi de finances pour 1999 comptent pour la moitié de cette augmentation (2 milliards de francs).

La taxe intérieure sur les produits pétroliers progresse de 3,4 % pour atteindre 160,1 milliards de francs. Les mesures du projet de loi de finances entraînent un alourdissement de l'impôt de 1,6 %, soit 2,6 milliards de francs. L'examen à l'Assemblée nationale n'a permis d'alléger la TIPP que de 33 millions de francs en raison de diverses mesures sur les carburants propres.

Les droits d'enregistrement progressent de 3,7 % (5,7 milliards de francs) au titre des mesures du projet de loi de finances pour 1999, pour atteindre 160,6 milliards de francs. Cette progression résulte pour l'essentiel (4,9 milliards de francs) du relèvement de la taxe sur les cessions de droits sociaux pour les sociétés à prépondérance immobilière. Cette mesure est présentée comme une contrepartie de la suppression de la taxe régionale pour l'acquisition d'immeubles d'habitation.

Suite à l'examen par l'Assemblée nationale, les mutations à titre gratuit par décès seront toutefois allégées de 200 millions de francs en raison de la majoration de l'abattement pour les droits de succession entre conjoints . Par ailleurs, la suppression de la mesure gouvernementale sur l'assurance-vie (+ 500 millions de francs) est intégralement compensée par le prélèvement sur les compagnies d'assurance-vie. En revanche les prélèvements sur les bons anonymes sont majorés de 250 millions de francs.

Les recettes non-fiscales progresseront de 26 milliards de francs par rapport à la loi de finances pour 1998, mais de 4,3 milliards de francs hors rebudgétisations (pensions de La Poste, suppression du prélèvement au profit des fonds de concours au titre de l'article 6 de la loi du 31 juillet 1949). Cette progression correspond approximativement à l'évaluation révisée des recettes non-fiscales pour 1998. L'évaluation pour 1999 traduit une stabilité globale résultant de mouvements en sens contraire des recettes non fiscales.

Les prélèvements sur recettes atteindront 271 milliards de francs en 1999, soit 15 milliards de francs de plus que dans la loi de finances pour 1998.

Les prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités locales atteindront 176 milliards de francs. Hors effet de l'évolution spontanée, elles progresseront de 10,8 milliards de francs, résultant d'une diminution de 2 milliards de francs au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle et de la dotation globale de fonctionnement et d'un prélèvement nouveau de 11,8 milliards de francs au titre de la compensation de la suppression de la part salariale de taxe professionnelle.

Suite à l'examen par l'Assemblée nationale, les prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités locales augmentent de 250 millions de francs supplémentaires (dont 240 millions de francs pour l'indexation des concours aux collectivités locales), soit une progression totale de 11,25 milliards de francs.

Les prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des communautés européennes atteindront 95 milliards de francs, soit une progression de 3,5 milliards de francs par rapport à la loi de finances pour 1998, résultant entièrement d'une évolution spontanée.

C. UNE BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES ?

Le gouvernement annonce une réduction progressive du taux des prélèvements obligatoires, interrompue depuis 1993. Pour cela, il part d'un point "haut", le taux de prélèvements en 1997.

(en points de PIB)

Impôts et cotisations perçus par

1997

1998

1999

Etat

15,7

15,4

15,3

dont impôts

15,2

15,0

14,9

ODAC

0,6

0,6

0,5

Administrations de sécurité sociale

21,6

21,7

21,8

dont cotisations sociales

18,7

16,8

16,7

Administrations publiques locales

7,2

7,1

7,0

Union européenne

1,1

1,1

1,1

Total prélèvements obligatoires

46,1

45,9

45,7

Ce tableau laisse supposer une diminution progressive des prélèvements obligatoires depuis 1997.

Cependant, le rapport économique, social et financier attaché au projet de loi de finances omet d'indiquer les conséquences des dispositions portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier décidées par le gouvernement dès juillet 1997 . D'après le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution du budget pour 1997, l'effet de ces dispositions peut être estimé à 22,8 milliards de francs en 1997, soit 0,28 points de PIB. Il apparaît donc que, hors effet des mesures d'alourdissement de la pression fiscale décidées en cours d'année, le taux de prélèvements obligatoires aurait été de 45,82% du PIB en 1997. La réduction des prélèvements obligatoires en 1998 n'a donc de réalité qu'en faisant abstraction des alourdissements d'impôts en 1997.

De surcroît, en 1998, le gouvernement a choisi d'abandonner la réforme de l'impôt sur le revenu engagée par la loi de finances pour 1997. Cet abandon lui a permis de conserver un supplément de produit de 16,14 milliards de francs.

La loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier : un contre-exemple

L'effet de la loi du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier s'élève à 22,8 milliards de francs sur les 27,3 milliards de francs de produit fiscal supplémentaire pour l'impôt sur les sociétés. Sans cette loi, les recettes fiscales auraient été très légèrement inférieures aux prévisions de la loi de finances (-1,5 milliard de francs).

En l'absence de relèvement de l'impôt sur les sociétés, le solde d'exécution des recettes de l'Etat aurait également été satisfaisant , car très supérieur à l'exécution de 1996 et très proche des prévisions de la loi de finances initiale.



Ce constat est bien différent de celui fait par l'audit des finances publiques remis le 21 juillet 1997, qui chiffrait à 17 milliards de francs les pertes de recettes fiscales nettes pour l'Etat en fin d'année.


L'amélioration du solde budgétaire s'est faite au prix d'une forte croissance des recettes (+ 40,7 milliards de francs) qui a plus que compensé la croissance des dépenses (+13,3 milliards de francs). Ainsi, l'amélioration du solde budgétaire n'est pas due à une contraction des dépenses mais à un alourdissement significatif des recettes alimentant le budget général .

Dans un contexte de reprise de la croissance économique (la croissance réalisée s'élève à 3,4% contre 2,7% en 1996), le choix d'accroître les prélèvements obligatoires a été fait au détriment d'une plus forte maîtrise de la dépense . Or, cette maîtrise, difficile en période de ralentissement économique, du fait du rôle contra-cyclique des dépenses, est tout à fait souhaitable lorsque la conjoncture s'améliore. C'est ce raisonnement simple et logique qui sous-tend les propositions de votre rapporteur général pour le présent projet de loi de finances.

La réduction annoncée des prélèvements obligatoires pour 1999 n'est pas entachée des mêmes approximations que celle de 1998
.

Il est exact de dire que les prélèvements vont baisser .

Toutefois, cette diminution est modeste dans le contexte de forte croissance économique attendue par le gouvernement et relativement à la situation des cinq dernières années: le taux de prélèvements obligatoires ne fera que rejoindre exactement le taux de 1996 (45,7%) et donc annuler la forte hausse de 1997.



De plus, la baisse des prélèvements ne résulte que très partiellement du projet de loi de finances pour 1999.

Les mesures du PLF 1999 aboutissent en effet aux modifications suivantes :

- la pression fiscale de l'Etat progresse de 6 milliards de francs (cf. supra) ;

- les recettes non-fiscales de l'Etat progressent de 5,45 milliards de francs ;

- les prélèvements sur recettes progressent de 10,8 milliards de francs.

Pour mesurer les diminutions effectives d'impôts, il faut tenir compte de l'allégement de 8,6 milliards de francs des droits de mutation à titre onéreux perçus par les collectivités locales. Cet allégement se traduit en dépense par une augmentation à due concurrence de la dotation globale de décentralisation (5,3 milliards de francs pour les régions et 3,3 milliards de francs pour les départements).

Au total, les impôts locaux sont donc allégés de 15,8 milliards de francs en 1999, correspondant à un allègement de 7,2 milliards de francs de la taxe professionnelle et à un allègement de 8,6 milliards de francs des droits de mutation à titre onéreux.

Les allégements d'impôts décidés par la loi de finances pour 1999 s'élèvent donc à environ 10 milliards de francs correspondant à un allégement de la fiscalité locale de 15,8 milliards de francs et à un alourdissement de la pression fiscale de l'Etat de 6 milliards de francs.

Les allégements d'impôts effectifs en 1999 , c'est-à-dire prenant en compte les mesures antérieures ayant un impact sur l'année 1999, s'élèvent à près de 16 milliards de francs correspondant à cet allégement d'impôts de 10 milliards et à l'effet de décisions antérieures pour 5,7 milliards de francs.

Il serait donc faux de présenter la loi de finances pour 1999 comme ayant pour incidence, à elle seule, de diminuer de 16 milliards de francs les prélèvements obligatoires.


CHAPITRE III

L'ANALYSE DES FINANCES PUBLIQUES AU REGARD DES ENGAGEMENTS EUROPÉENS DE LA FRANCE

Le projet de loi de finances pour 1999 se place dans un contexte juridique nouveau : celui de la mise en circulation de la monnaie unique, l'euro, et de l'entrée en vigueur des stipulations du traité sur l'Union européenne qui en découlent pour les politiques des finances publiques.

Loin de restaurer des marges de manoeuvre de gestion budgétaire, la mise en place de la monnaie unique renforce les contraintes d'une discipline indispensable à sa réussite.

Celle-ci nécessite ainsi que chaque Etat fournisse, avant le 1er mars, un programme de stabilité conforme au pacte de stabilité et de croissance signé à Amsterdam en juin 1997.

Votre rapporteur général rappelle que le Sénat a voté, le 23 avril 1998, a une très forte majorité 32( * ) , une résolution de votre commission aux termes de laquelle il est notamment demandé au gouvernement 33( * ) :

"- d'élaborer et mettre en oeuvre un programme de stabilité pleinement conforme à nos engagements européens et au rôle de notre pays en Europe ;

- ... de produire à l'appui du projet de loi de finances de l'année le programme de stabilité notifié par lui et, au moins une fois par an, une présentation des programmes des autres Etats membres
".

Pour 1999, ce programme de stabilité ne sera rendu public qu'à la fin de l'année 1998, ce qui peut paraître une anomalie 34( * ) , dans la mesure où, tout en ayant débattu du financement de la sécurité sociale, de celui de l'Etat et, dans une large mesure, de celui des collectivités locales dans le cadre du débat sur la loi de finances, le Parlement n'aura eu en fait aucun débat synthétique sur l'ensemble des finances publiques, ni a fortiori sur le programme de stabilité que le gouvernement notifiera à la Commission. Or tout dans les progrès de l'intégration européenne indique que les gouvernements seront bien davantage liés par leurs engagements à l'égard de leurs partenaires de l'euro qu'ils ne le sont à l'égard des majorités parlementaires qui les soutiennent .

Un tel débat est donc désormais capital.

I. LA FRANCE, "MAUVAIS ÉLÈVE" DE L'EUROPE

A. UNE POLITIQUE DES FINANCES PUBLIQUE SOUS SURVEILLANCE

L'union monétaire européenne impose aux Etats adoptant la monnaie unique, en particulier les onze -dont la France- qui la mettront en commun dès 1999, une discipline budgétaire forte, à laquelle la France a adhéré, à Maastricht en 1991, puis à Amsterdam en 1997. Il convient d'en rappeler les dispositifs principaux pour comprendre dans quel cadre normatif s'insèrent le présent projet de loi de finances et ses successeurs.

L'encadré ci-après rappelle les éléments relatifs à cette question figurant dans le rapport de votre commission sur le passage à la troisième phase de l' Union économique et monétaire. 35( * )


Un renforcement des contraintes encadrant la politique budgétaire : de l'article 104 C du traité au règlement 1467/97 du 7 juillet 1997

L'article 104 C et l'une des dispositions importantes introduites par le traité sur l'Union européenne puisqu'il a posé une règle communautaire d'encadrement des politiques budgétaires conduites par les Etats membres. Cet article vise fondamentalement à combattre les déficits publics excessifs et à fonder la discipline budgétaire imposée aux Etats membres au nom de l'Union économique et monétaire.

Destiné à entrer en vigueur de façon progressive à mesure que se déroulerait le cheminement de l'union monétaire, l'article 104 C a été complété par le règlement 1467/97 du 7 juillet 1997 qui constitue l'un des trois piliers du pacte de stabilité et de croissance.

1. L'article 104 C du traité sur l'Union européenne

a) Une application par étapes

L'article 104 C organise la surveillance et la lutte contre ce que l'usage a désigné du nom de " déficits excessifs ".

Divisé en 14 chapitres, son application a été conçue comme évolutive dans le temps à mesure des progrès réalisés sur la voie de l'unification monétaire en Europe. L'article 109 E du traité prévoit ainsi que l'article 104 C, à l'exception des paragraphes 1, 9, 11 et 14 s'applique dès le début de la deuxième phase de l'Union économique et monétaire qui a commencé le 1er janvier 1994 et que les paragraphes 1, 9, et 11 s'applique dès le début de la troisième phase , c'est-à-dire le 1er janvier 1999 lors de l'instauration de l'euro.

Il faut souligner que les paragraphes 9 et 11 ne s'appliqueront qu'aux Etats ayant adopté l'euro, les Etats "hors euro" étant cependant soumis au paragraphe 1 dès cette date.

Le paragraphe 1 de l'article 104 C comporte une injonction aux Etats membres d'éviter les déficits publics excessifs.

Les paragraphes 9 et 11 complètent la procédure de l'article 104 C en introduisant deux nouvelles étapes.

Le paragraphe 9 introduit la faculté laissée au Conseil de l'Union européenne de mettre en demeure un Etat en déficit excessif de prendre des mesures correctrices.

Le paragraphe 11 donne au Conseil la faculté de prononcer une série de sanctions contre un Etat qui ne se serait pas conformé à cette mise en demeure.

Il faut aussi souligner que c'est le traité sur l'Union européenne lui-même qui a organisé le renforcement des pouvoirs du Conseil sur la politique budgétaire des Etats membres après l'adoption de la monnaie unique et non pas le "pacte de stabilité et de croissance" signé à Amsterdam.

Le renforcement de la discipline budgétaire résulte donc, pour l'essentiel, de l'adoption de la monnaie unique, et n'est pas suspendu à l'approbation du traité d'Amsterdam.

b) L'édiction de règles de "discipline budgétaire"

Les règles posées par l'article 104 C et précisées par le protocole n° 5 annexé au traité concernent la situation globale des finances publiques appréhendée à travers les dettes publiques et les besoins de financement des administrations publiques.

Aux termes du dispositif de l'article 104 C, paragraphe 2, la discipline budgétaire est censée avoir été respectée en tant qu'elle intéresse les déficits publics si le rapport entre ceux-ci, qu'ils soient prévus ou effectifs, ne dépasse pas 3 % du PIB. Si tel n'est pas le cas, un manquement à la discipline budgétaire n'est pour autant pas nécessairement établi. Autrement dit, le dépassement de la valeur de 3 % du PIB ne constitue pas automatiquement un fait "d'indiscipline budgétaire" . Deux cas de figure alternatifs sont envisagés. Ils permettent tous deux de décerner un label de bonne conduite budgétaire, même si le critère quantitatif évoqué ci-dessus n'est pas atteint :

si le rapport entre le déficit public et le PIB a diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de 3 % du PIB ;

si le dépassement de la valeur de référence n'est qu' exceptionnel et temporaire et que le rapport entre le déficit public et le PIB reste proche de 3 %.

On peut donc énoncer qu'un déficit public excessif est, au sens du traité, un déficit public excédant 3 % du PIB ou un déficit public d'une valeur éloignée de 3 % du PIB, ou encore un déficit public un peu supérieur à 3 % du PIB si le dépassement de cette valeur ne peut être considéré comme exceptionnel et temporaire ou comme s'inscrivant dans un processus de diminution substantielle et constante du rapport du déficit public dans le PIB.

Lorsque le déficit public d'un Etat ne dépasse pas 3 % du PIB, il est réputé respecter la norme de discipline budgétaire relative au niveau de son déficit public. Toutefois, même si un Etat membre respecte ce critère, la Commission est habilitée à élaborer un rapport et à transmettre son avis au Conseil si elle estime qu'il y a un risque de déficit excessif dans cet Etat membre (article 104 C, paragraphe 3, second alinéa).

En ce cas, le Conseil ne pouvant que décider s'il y a ou non déficit public excessif, le paragraphe 6 de l'article 104 C ne lui ouvrant pas la faculté de décider qu'il y a un risque de déficit public excessif, l'avis de la Commission ne peut que servir de support à une décision du Conseil constatant l'inexistence d'un déficit public excessif.

Une incertitude subsiste sur le fait de savoir si un Etat membre qui respecte strictement la règle des 3 % obtient de ce fait la garantie d'être considéré comme budgétairement discipliné.

L'article 104 C organise la surveillance communautaire des déficits publics des Etats membres mais aussi du montant de leur dette publique (paragraphe 2 de l'article 104 C). Il indique en effet que la discipline budgétaire suppose le respect des critères précisés ci-dessus relatif au rapport du déficit public dans le PIB, mais aussi des critères suivants qui concernent la dette publique . La discipline budgétaire est respectée si le rapport entre la dette publique dans le PIB ne dépasse pas une valeur de référence fixée à 60 % par le protocole n° 5 annexé au traité. Dans le cas contraire, la discipline budgétaire n'est pas respectée à moins que ledit rapport "ne diminue suffisamment et approche de 60 % à un rythme satisfaisant ".

Cependant, la question se pose de savoir quelles sont les conséquences du non-respect de critère relatif à la dette publique. Précisons qu'elle se pose dans le cadre d'une lecture littérale du traité mais que la coutume ne semble ni infirmer ni confirmer cette lecture.

L'article 104 C du traité énonce en effet que si un Etat membre ne satisfait pas les critères relatifs au déficit public et (ou) à la dette publique, la Commission élabore un rapport (paragraphe 3). En revanche, lorsque le même article donne mission à la Commission d'adresser un avis au Conseil (paragraphe 5) sur la base duquel celui-ci décide s'il y a ou non déficit excessif (paragraphe 6), il ne vise pas autre chose que l'existence d'un déficit excessif (ou d'un risque de déficit excessif).

Or, un déficit excessif n'est pas une dette excessive . Dans ces conditions, il apparaît loisible de considérer que sans que cet Etat soit réputé budgétairement discipliné -la Commission peut (paragraphe 3) élaborer un rapport à ce sujet- un Etat qui connaîtrait une dette excessive ne pourrait être l'objet de la part du Conseil d'aucune autre décision prise dans le cadre de l'article 104 C . Seule, dans ce cadre là, la Commission pourrait agir en élaborant un simple rapport.

Cette interprétation à la lettre n'est évidemment pas la seule possible. Mais il faut admettre qu'elle s'inscrit dans un contexte d'une pratique communautaire où le critère de dette publique n'apparaît pas comme le plus fondamental des deux critères de finances publiques.

Un débat s'est ouvert opposant les tenants d'une appréciation stricte des règles de discipline budgétaire à ceux favorables à une interprétation souple de ces règles. Si la lettre même du traité donne plutôt raison à ces derniers en ce qu'elle admet quelques écarts par rapport aux valeurs arithmétiques fixées dans le protocole n° 5 annexé au traité, force est de reconnaître que celui-ci ne laisse pourtant que de faibles marges aux Etats membres.

Si le déficit public d'un Etat membre peut dépasser la valeur de référence de 3 % du PIB sans pour autant être considéré comme excessif, il n'en doit pas moins, pour échapper à cette qualification, satisfaire des critères exigeants.

D'abord, le traité impose qu'il prenne une valeur proche de 3 % du PIB. Aucune définition précise de ce qu'est une valeur proche de 3 % du PIB n'est donnée par le texte. Mais, on peut inférer de la pratique récente de la Commission suivie par le Conseil que cette valeur ne saurait être éloignée de plus de quelques dixièmes de points de PIB de la valeur de 3 %.

Ensuite, il faut que ce dépassement soit, soit exceptionnel et temporaire, soit inscrit dans un processus d'ajustement budgétaire caractérisé par une réduction substantielle et constante du rapport du déficit public dans le PIB.

Une source d'assouplissement aurait pu provenir de la rédaction du paragraphe 6 de l'article qui prévoit que pour décider s'il y a ou non déficit excessif le Conseil entreprend une "évaluation globale".

Il est toutefois difficile de concilier cette marge d'appréciation laissée au Conseil avec la rigueur des règles posées par le paragraphe 2 de l'article. On doit en outre indiquer que manquent des indications sur la méthode d'évaluation globale que devrait suivre le Conseil.
Sans doute s'agit-il de prendre en considération tous les éléments pertinents pour juger de la situation des finances publiques d'un Etat et, en particulier, leur évolution sur moyenne période. Mais on conviendra que cela est un peu vague.

Peut-être alors pourrait-on considérer que le paragraphe 3 de l'article est susceptible d'apporter un peu de précision quant à la méthode d'évaluation globale que devrait suivre le Conseil. Il y est en effet indiqué que lorsqu'elle élabore un rapport en cas de déficit ou de dette excessifs, la Commission examine " si le déficit public excède les dépenses publiques d'investissement " et " tient compte de tous les autres facteurs pertinents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l'Etat membre ".

Si tel était le cas, le Conseil bénéficierait d'une marge d'appréciation tout à fait considérable. Car, si l'élaboration d'un rapport par la Commission suppose que celle-ci ait au préalable pris acte que l'Etat membre se trouve en situation de déficit ou de dette publics excessifs, le Conseil pourrait lui, à la lumière d'une évaluation globale conduite sur les bases indiquées ci-dessus, requalifier le déficit public de cet Etat et, en un mot, l'absoudre.

Dans les faits, le Conseil n'a jusqu'à présent pas usé de cette marge d'appréciation.

2. La troisième phase de réalisation de l'Union monétaire : la mise en oeuvre complète de l'article 104 C et le règlement 1467-97 du 7 juillet 1997


a) La mise en oeuvre complète de l'article 104 C

La troisième phase de réalisation de l'Union monétaire qui commencera le 1 er janvier 1999 sera caractérisée par l'entrée en vigueur des paragraphes 1, 9 et 11 de l'article 104 C et du règlement 1467-97 du 7 juillet 1997.

Le paragraphe 1 de l'article 104 C édicte une obligation faite à tous les Etats membres, celle d'éviter à compter du 1 er janvier 1999 les déficits excessifs.

Le paragraphe 9 permet au Conseil de mettre en demeure un Etat qui ne donnerait pas suite à ses recommandations de prendre, dans un délai déterminé, les mesures visant à la réduction du déficit.

Le paragraphe 11 pose le principe de sanctions en précisant que le Conseil peut décider d'appliquer à un Etat qui ne respecterait pas ses mises en demeure -celles du paragraphe 9- les mesures suivantes :

la publication d'informations supplémentaires avant l'émission de titres publics ;

inviter la Banque européenne d'investissement -BEI- à revoir sa politique de prêts à l'égard de cet Etat ;

effectuer des dépôts sans intérêt auprès de la Communauté ;

imposer des amendes d'un montant approprié.

Ces clauses entrent en vigueur dès le 1 er janvier 1999. Les paragraphes 9 et 11 s'appliquent aux Etats ayant adopté l'euro.

b) Le règlement 1467/97 du 7 juillet 1997 : deuxième pilier du pacte de stabilité et de croissance

Il en va de même pour les dispositions du règlement 1467-97 qui viennent préciser ces derniers paragraphes tandis que les autres dispositions de ce règlement s'appliquent à l'ensemble des Etats membres.

Ce règlement forme l'un des trois piliers du pacte de stabilité et de croissance décidé lors du Conseil européen d'Amsterdam de juin 1997 vise à "accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs" . Ses dispositions doivent être appréciées au regard du troisième pilier du pacte que constitue la résolution du Conseil européen relative au pacte de stabilité et de croissance adoptée le 17 juin 1997 lors du sommet d'Amsterdam.

Le règlement qui entrera en vigueur le 1 er janvier 1999 a d'abord pour objet d'accélérer la procédure dite des déficits excessifs.

Mais l'accélération de la procédure n'est pas le seul objet d'un règlement qui ambitionne aussi de la clarifier
.

Deux éléments sont concernés : la définition de ce qu'est un déficit excessif et le mécanisme des sanctions.

L'article 2 précise en effet d'abord à quelles conditions un déficit peut n'être pas excessif s'il est considéré comme exceptionnel et temporaire . Il faut pour cela qu'il résulte "d'une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'Etat membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière de ses administrations publiques" ou qu'il soit "consécutif à une grave récession économique".

Le paragraphe 2 de l'article précise qu'une récession se produit lorsque le PIB réel de l'Etat membre "enregistre une baisse annuelle d'au moins 2 %".

Le paragraphe 3 du même article apporte une certaine atténuation à la rigueur de la règle précédente. Il invite en effet le Conseil à tenir compte " dans son évaluation globale, des observations éventuelles de l'Etat membre concerné, lui indiquant qu'une baisse annuelle du produit intérieur brut de moins de 2 % en termes réels est néanmoins exceptionnelle, eu égard à d'autres éléments d'information allant dans le même sens ...". Ceux-ci sont, en particulier, " le caractère soudain de la récession ou la baisse cumulative de la production par rapport à l'évolution constatée dans le passé ".

Cependant, dans la résolution d'Amsterdam citée plus haut, les Etats se sont engagés à ne pas invoquer le bénéfice de cette dernière disposition lorsque la baisse annuelle du PIB réel serait inférieure à 0,75 %.

En ce qui concerne les sanctions , dont on rappelle qu'elles ne s'appliquent qu'aux Etats ayant adopté la monnaie unique européenne, l 'article 11 indique que lorsque des sanctions sont décidées contre un Etat membre, le Conseil doit, "en principe", exiger avant tout que cet Etat "effectue un dépôt non porteur d'intérêts".

L'article 12 encadre le pouvoir du Conseil en précisant les règles de calcul des dépôts.

Le montant du premier dépôt comprend un élément fixe égal à 0,2 % du PIB et un élément variable égal à un dixième de la différence entre le déficit exprimé en points de PIB et la valeur de référence (3 % du PIB).

Les dépôts supplémentaires sont, quant à eux, égaux à cette différence.

En tout état de cause, les dépôts annuels ne peuvent excéder 0,5 % du PIB de l'Etat concerné.

L'article 13 précise que ces dépôts sont, "en principe" convertis en amende" dans les deux années suivant la décision d'imposer la constitution du dépôt "si le déficit excessif n'a pas été corrigé.

L'article 14 et l'article 15 prévoient des mesures d'abrogation par le Conseil de ses décisions de sanction.

Pour ce qui est des sanctions des premier et deuxième tirets du paragraphe 11 36( * ) , le Conseil peut les abroger si l'Etat a accompli des progrès sensibles même s'ils sont insuffisants pour corriger son déficit excessif.

Ce n'est que s'il est décidé que le déficit excessif a été corrigé que le Conseil peut, et doit, lever toutes les sanctions prononcées par lui. Il est cependant prévu qu'en ce cas les amendes ne sont pas remboursées à l'Etat fautif.

L'article 16 précise enfin le sort des dépôts et des amendes infligés aux Etats. Les dépôts sont constitués auprès de la Commission. En outre, il précise que les intérêts sur ces dépôts et les amendes font partie des ressources du budget général des Communautés européennes.

Ils sont répartis entre les Etats membres n'étant pas en situation de déficit excessif, au prorata de leur part dans le PNB des Etats membres éligibles.

B. UNE SITUATION D'APPARENCE FLATTEUSE

La situation des finances publiques françaises est saine lorsqu'on l'aborde d'un double point de vue :

- celui de l'évolution du déficit public, qui se réduit plus vite que celui de nos partenaires ;

- celui du niveau de la dette publique dans le PIB, inférieure aux 60 % prévus par le traité, avec 58,7 % prévus pour 1999.

L'évolution des déficits publics prévus par les gouvernements de l'Union européenne
(sauf Luxembourg)

 

1998

1999

Variation/1998

France

- 2,9 %

- 2,3 %

+ 0,6

Allemagne

- 2,5 %

- 2,0 %

+ 0,5

Autriche

- 2,3 %

- 2,2 %

+ 0,1

Italie

- 2,5 %

- 2,0 %

+ 0,5

Grèce

- 2,2 %

- 2,1 %

+ 0,1

Portugal

- 2,2 %

- 2,0 %

+ 0,2

Espagne

- 2,2 %

- 2,0 %

+ 0,2

Belgique

- 1,7 %

- 1,7 %

0

Pays-Bas

- 1,6 %

- 1,2 %

+ 0,4

Royaume-Uni

- 0,6 %

- 0,3 %

+ 0,3

Finlande

0,3 %

0,3 %

0

Suède

0,5 %

0,5 %

0

Danemark

1,1 %

0,9 %

- 0,2

Irlande

- 1,5 %

- 1,1 %

+ 0,4

C. UNE RÉALITÉ PLUS CONTESTABLE AU REGARD DE L'ESPRIT DE NOS ENGAGEMENTS

Certes, la France n'est en situation de déficit excessif ni au regard du critère de déficit, ni au regard du critère de dette.

Toutefois, la présentation du gouvernement qui fait état d'un côté de la variation de la variation (l'évolution du déficit) et de l'autre du stock (la dette), est assez spécieuse. Mieux vaut simplement observer la variation du stock, raisonnement tout de même plus solide.

La situation se présente alors différemment, quelle que soit la source d'information 37( * ) .

La dérive des dettes publiques dans l'Europe des quinze
(sauf Luxembourg) selon l'OCDE (1998/1999) % du PIB

 

1998

1999

Evolution

Finlande

53,4

54,6

+ 1,2

France

58,9

59,5

+ 0,6

Allemagne

60,7

60,5

- 0,2

Autriche

64,8

64,4

- 0,4

Pays-Bas

69,5

68,9

- 0,6

Espagne

68,5

67,5

- 1,0

Royaume-Uni

52,1

50,5

- 1,6

Portugal

63,4

61,9

- 2,5

Italie

118,5

116,0

- 2,5

Grèce

108,2

105,6

- 2,6

Belgique

118,4

115,4

- 3,0

Suède

74,5

71,1

- 3,4

Danemark

57,3

53,2

- 4,1

Irlande

57,0

50,3

- 6,7

Moyenne

72,5

71,4

- 1,1

La France est l'un des six pays de l'Union européenne à satisfaire le critère de dette publique issu du traité de Maastricht (dette publique brute inférieure à 60 % du produit intérieur brut).

Toutefois, elle fait partie des deux seuls Etats (de l'Union comme des 11 premiers participants à la monnaie unique) à conserver une dérive positive de sa dette.

Seule la Finlande selon l'OCDE, pays ayant intégré l'Union récemment, se place plus mal que la France. Et encore, le poids de la dette publique en Finlande est-il sensiblement inférieur à ce qu'il est en France. Selon la Commission (tableau ci-dessous), seul le Luxembourg se place moins bien, à un niveau de dette considérablement inférieur toutefois.

Cette situation témoigne que la France a adopté une gestion laxiste et peu convergente de ses finances publiques. Cette attitude est d'autant moins acceptable pour ses partenaires que les efforts à accomplir par les Etats les plus endettés sont particulièrement importants, alors que les marges de manoeuvre d'un pays comme la France sont relativement plus grandes.

Penser que la France puisse se singulariser longtemps de cette façon est un leurre. Elle sera rappelée à l'ordre par ses partenaires, car le respect de la discipline commune en matière de finances publiques est une des conditions essentielles de la réussite de l'Euro, cette réussite conditionnant elle-même le bien-fondé des hypothèses de prospérité préservée que formule le gouvernement pour notre pays.

Cette situation témoigne également que la France a adopté une gestion imprudente du budget de l'Etat. Car ce mauvais résultat en matière de dette serait encore pire s'il ne reposait pas sur l'hypothèse d'une gestion très rigoureuse (et excédentaire) des finances sociales et locales. Si d'aventure les résultats de la sécurité sociale et des collectivités territoriales n'étaient pas aussi bons que prévu en 1999, la dangerosité de la gestion de l'Etat apparaîtrait dans toute son ampleur.

Besoin ou capacité de financement des administrations publiques
de l'Union européenne

(en % du PIB)

 

1999

2000 à politiques inchangées

Irlande

+ 3,4

+ 4,6

Danemark

+ 2,6

+ 2,9

Luxembourg

+ 2,0

+ 2,0

Finlande

+ 1,8

+ 2,1

Suède

+ 1,4

+ 2,3

Royaume-Uni

+ 0,1

- 0,2

Belgique

- 1,2

- 1,0

Pays-Bas

- 1,4

- 0,6

Espagne

- 1,6

- 1,3

Portugal

- 2,0

- 1,8

Autriche

- 2,1

- 1,9

Grèce

- 2,1

- 1,9

Allemagne

- 2,2

- 2,2

France

- 2,3

- 1,9

Italie

- 2,3

- 2,0

Union européenne

- 1,4

- 1,2

Euro 11

- 1,9

- 1,7

La dérive des dettes publiques dans l'Europe des quinze
selon la Commission européenne (1998-2000)

(% PIB-points de PIB)

 

1998

1999

2000

Ecart

Luxembourg

7,1

7,5

7,7

+ 0,6

France

58,3

58,6

58,3

0

Allemagne

61,3

61,0

60,7

- 0,6

Autriche

64,0

63,6

62,8

- 1,2

Royaume-Uni

51,5

49,9

48,5

- 3,0

Portugal

57,4

55,3

53,7

- 3,7

Espagne

67,7

66,0

63,6

- 4,1

Grèce

108,7

107,0

104,2

- 4,5

Finlande

52,9

50,2

48,3

- 4,6

Pays-Bas

68,6

66,6

63,7

- 4,9

Belgique

117,2

113,7

110,1

- 7,1

Italie

118,8

115,3

111,7

- 7,1

Danemark

58,8

54,3

49,8

- 9,0

Suède

74,0

69,5

63,8

- 10,2

Irlande

53,3

44,1

34,4

- 18,9

Union européenne

70,3

69,0

67,3

- 3,0

Euro 11

73,8

72,5

70,9

- 2,9

II. LE PARI DU RETOUR DE LA SÉCURITÉ SOCIALE A UNE SITUATION EXCEDENTAIRE

A. UN RÉTABLISSEMENT SPONTANÉ DES COMPTES SOCIAUX

L'équilibre emploi-ressources de l'ensemble des régimes obligatoires de base entrant dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale fait apparaître un excédent des opérations courantes de 3,4 milliards de francs pour 1999. Cet excédent fait suite à un déficit de - 11,2 milliards de francs en 1998 et à un déficit de - 33,9 milliards de francs en 1997.



La participation du régime général de sécurité sociale à ce redressement apparaît décisive, compte tenu de son importance relative. En effet, ce régime sert 100 % des prestations familiales, 79 % des prestations d'accidents du travail, 82 % des prestations d'assurance maladie et 45 % des prestations de retraite.

Le régime général de sécurité sociale, qui n'a plus connu de situation excédentaire depuis 1989, reviendrait d'un déficit maximal de - 67,4 milliards de francs en 1995 à un léger excédent de 352 millions de francs en 1999 .

Cette amélioration tendancielle résulte d'un effet de ciseaux entre les recettes et les dépenses, qui a déjà permis une amélioration du fonds de roulement du régime général de 20 milliards de francs en 1997, comme en 1998.

L'an prochain, les recettes évolueraient globalement de + 2,7 % et les dépenses de 1,6 %. Cet écart de 1,1 point, appliqué à une masse de 1.300 milliards de francs, ramène le déficit de 13,3 milliards de francs en 1998 à l'équilibre pour 1999.

Toutefois, ainsi que le souligne le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, " la prudence oblige toutefois à relativiser la signification de ce solde précis de + 352 millions de francs, compte tenu des masses en jeu. Le solde reste obligatoirement entaché d'une marge d'incertitude importante, bien supérieure à celle propre aux recettes d'une part, aux dépenses d'autre part . Une erreur de prévision de un millième sur les recettes et sur les dépenses (une prévision aussi précise est déjà un très bon résultat), conduit ainsi à une variation du solde de plus ou moins 2.600 millions de francs ."

Au-delà de cette réserve d'ordre statistique, la sincérité des comptes tendanciels du régime général appelle des critiques plus graves.

B. DES HYPOTHÈSES AUDACIEUSES

Essentielle pour l'évolution du produit des cotisations, la prévision d'une croissance de la masse salariale de + 4,3 % en 1999 apparaît optimiste. Cette croissance résulterait d'une progression de l'emploi égale à celle de 1998, soit + 1,8 %, et d'une accélération de la hausse du salaire par tête, soit + 2,5 % en 1999 contre + 2,2 % en 1998. L'amélioration de l'emploi suppose la réalisation de la prévision de croissance de l'économie. Quant à la hausse du salaire moyen par tête, elle apparaît compromise par la réduction du temps de travail. Si l'impact final de cette réforme reste controversé, il ne fait guère de doute qu'elle se traduira dans l'immédiat par une modération salariale de la part des entreprises. Pour fixer les idées, précisons qu'un point de masse salariale en moins entraîne un manque à gagner de l'ordre de 9 milliards de francs pour le régime général .

Le point le plus contestable de la projection tendancielle présentée par le Gouvernement est l'hypothèse d'évolution des dépenses d'assurance maladie. En effet, le compte tendanciel table sur un retour de ces dépenses en 1999 à un taux de croissance modéré de + 2,6 % et non pas sur la prolongation du taux de + 3,4 % désormais prévu pour 1998. Le taux d'évolution spontané des dépenses de la branche maladie se trouve ainsi, par construction, identique au taux d'évolution volontairement fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 1999 . Cette hypothèse aboutit à vider de son sens la notion même de compte tendanciel.

Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale souligne ce fait : " C'est pour la maladie que ce compte a clairement la nature d'un objectif ambitieux . Il est difficile d'en apprécier la validité tant que ne sont pas connues les mesures destinées à permettre de l'atteindre.

On peut cependant rappeler les ordres de grandeur suivants. Les comptes de 1998 présentent un dérapage des dépenses maladie à hauteur de 6 milliards de francs environ par rapport aux objectifs de l'ONDAM voté. La poursuite à l'identique de ce dérapage, en 1999, porterait les dépenses 12 milliards de francs au-dessus du niveau retenu dans le compte 1999 présenté dans ce rapport, soit un total à résorber de 18 milliards de francs sur les 15 mois qui restent à courir.


Ainsi, en confondant objectif d'évolution et évolution tendancielle, le gouvernement minimise l'effort de maîtrise des dépenses nécessaire.

C. UNE CONTRIBUTION DÉTERMINANTE DES RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES DE RETRAITE

Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances fait état d'un excédent de l'ensemble des administrations de sécurité sociale de 0,15 point de PIB en 1999. Ce pourcentage correspond à un montant de 13 milliards de francs, sensiblement supérieur à la somme des soldes de trésorerie des régimes obligatoires de base inclus dans le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit 3,4 milliards de francs.

Le champ des administrations de sécurité sociale en comptabilité nationale inclut, outre les régimes obligatoires de base, les régimes complémentaires, les régimes d'assurance chômage et les "organismes dépendant des assurances sociales", c'est-à-dire essentiellement les établissements hospitaliers.

Le détail des prévisions qui conduisent le Gouvernement à avancer un excédent des administrations de sécurité sociale de 0,15 point de PIB en 1999 n'a pas été communiqué à votre rapporteur général.

Toutefois, l'UNEDIC a récemment rendu publique la prévision d'un excédent de 1 milliard de francs pour l'an prochain. Par ailleurs, le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale du mois de septembre prévoit en 1999 un déficit de 1,7 milliard de francs pour l'AGIRC, mais un excédent de 14,2 milliards de francs pour l'ARRCO.

L'excédent prévu de 13 milliards de francs en 1999 pour l'ensemble des administrations de sécurité sociale paraît donc a priori cohérent avec ces diverses prévisions. Il repose principalement sur le rétablissement financier des régimes complémentaires de retraite, à la suite des accords du 25 avril 1996 qui ont réduit les prestations et accru les cotisations.

III. UNE HYPOTHÈSE D'EXCÉDENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES QUI NE TIENT PAS COMPTE DES CHARGES NOUVELLES IMPOSÉES PAR L'ETAT

A. COMMENT LES COLLECTIVITÉS LOCALES PEUVENT-ELLES DÉGAGER UNE CAPACITÉ OU UN BESOIN DE FINANCEMENT ?

Le champ des administrations publiques prises en compte pour le calcul des critères de convergence du traité sur l'Union européenne comprend les collectivités locales.

Pourtant, les budgets locaux sont votés "à l'équilibre". Dès lors, comment les collectivités locales peuvent-elle être en mesure de dégager soit un besoin, soit une capacité de financement ?

En premier lieu, il convient de rappeler que ce sont les " administrations publiques locales " qui sont recensées. Leur définition ne se limite pas aux collectivités locales. Elle englobe également, d'une part, les organismes qui émanent des départements et des communes , tels que les syndicats communaux et départementaux ou les régies et, d'autre part, les organismes divers d'administration locale , les ODAL, dont la longue liste comprend par exemple les caisses des écoles, les crèches, les chambres de commerces et d'industrie ou encore les lycées et collèges.

Ainsi, l'ensemble des administrations publiques locales n'est pas lié par l'impératif d'équilibre des budgets locaux.

En second lieu, selon les information recueillies par votre rapporteur général auprès du ministère de l'économie et des finances, l'INSEE et la direction de la prévision "retraitent" les dépenses et les recettes des collectivités locales pour passer du système comptable local aux normes de la comptabilité nationale.

Dans le système comptable local, le montant des "recettes réelles" (produit de la fiscalité directe locale, dotation de l'Etat, produit des emprunts, etc.) est égal au montant des "dépenses réelles" (frais de personnel, investissements directs, remboursements d'emprunts, etc.). En revanche, pour l'Etat, les remboursements de dette et les emprunts interviennent uniquement comme modalités de financement du déficit budgétaire.

Pour passer de la comptabilité locale à la comptabilité nationale, chaque dépense ou recette est considérée soit comme une "opération non financière" (frais de personnel, recettes fiscales, etc.), soit comme une "opération financière" (remboursement et produit des emprunts, flux nets de créances et de trésorerie, etc.). Le solde des opérations financières, égal au solde des opérations non financières, est appelé "capacité de financement".

Par conséquent, une collectivité locale est réputée dégager une capacité de financement dès lors que ses "ressources non financières" sont supérieures à ses "dépenses non financières" ou, ce qui est équivalent, dès lors que ses "dépenses financières" sont supérieures à ses "ressources financières" 38( * ) .

B. LE GOUVERNEMENT A ÉTABLI SA PROJECTION POUR 1999 EN PROLONGEANT LES TENDANCES DE LA PÉRIODE RÉCENTE

La situation financière des collectivités locales s'est considérablement améliorée depuis le milieu des années 90. Alors qu'elles dégageaient un besoin de financement en 1995 et 1996 (- 15 et - 17,2 milliards de francs), elles sont devenues excédentaires de 17,4 milliards de francs en 1997, soit 0,22 % du produit intérieur brut.

Les prévisions du gouvernement envisagent une consolidation de cette situation excédentaire en 1998 et en 1999, à 0,15 % du produit intérieur brut.

L'amélioration de la situation financière des collectivités locales est attribuée par le gouvernement au contexte macro-économique favorable , marqué par le ralentissement de l'inflation, la baisse des taux d'intérêt, la reprise du marché immobilier et donc des droits de mutation à titre onéreux et la modération salariale.

Dans ce contexte, c'est principalement le dynamisme des recettes qui est à l'origine de la situation très favorable des collectivités locales . En effet, celles-ci ont cru plus vite que les dépenses. Alors que ces dernières augmentent en moyenne de 2,4 % par an depuis 1990 (3,4 % en 1997, 1,6 en 1996), les recettes ont progressé de plus de 5 % par an ces dernières années (5,6 % en 1996, 5,7 % en 1997, 2,8 % en moyenne depuis 1990). Au sein des recettes, les recettes fiscales ont été particulièrement dynamiques .

En fait, le résultat, retraité en comptabilité nationale, de la gestion des administrations locales traduit tout simplement le fait qu'elles dégagent un autofinancement substantiel, affecté à la couverture partielle de leurs investissements, principe de base d'une saine gestion que l'Etat ne s'applique pas à lui-même...

C. L'ESSOUFFLEMENT DES FACTEURS DE L'ASSAINISSEMENT DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Les facteurs de l'assainissement de la situation financière des collectivités locales identifiés par le gouvernement atteignent leurs limites aujourd'hui. En conséquence, il n'est pas exclu que la situation financière des collectivités locales traverse une nouvelle zone de turbulences :

- la baisse des taux d'intérêt atteint un palier . Une poursuite de la baisse des taux français n'est en outre pas forcément possible car elle rendrait plus difficile la convergence des participants à l'euro chez lesquels les taux restent à des niveaux élevés ;

- la modération des dépenses de ces dernières années touche à sa fin . S'agissant des dépenses de fonctionnement, les conséquences des accords salariaux dans la fonction publique du 10 février 1998 seront redoutables.

Coût de l'accord salarial dans la fonction publique du 10 février 1998
s'agissant de la fonction publique territoriale

(en milliards de francs)

 

Fonction publique territoriale

 

Coûts annuels supplémentaires

par rapport à l'année précédente

Coûts annuels totaux

 

en 1998

en 1999

en 2000

en 1998

en 1999

en 2000

Revalorisation du point

1,5

2,4

2,0

1,5

3,9

5,9

Mesures d'accompagnement

(dont points uniformes et points différenciés)

0,6

(0,3)

1,9

(1,1)

1,5

(0,9)

0,6

(0,3)

2,5

(1,4)

4,0

(2,3)

Total

2,2

4,3

3,5

2,2

6,5

10,0

Quant à l'investissement, son redressement aurait du se confirmer en 1999. Toutefois, la hausse des traitements des agents des collectivités locales ne permettra pas aux collectivités locales de bénéficier pleinement de leurs efforts d'assainissement et de gestion active de leur dette. Sauf à se résigner à recourir à nouveau à l'endettement ou à accroître la pression fiscale, le dynamisme de l'investissement pourrait connaître un coup d'arrêt.

- la tendance au tassement des recettes devrait se confirmer car les taux des impôts directs locaux connaissent une évolution modérée. Depuis 1990, la baisse continue du rythme de croissance du produit de la fiscalité locale tient plus à la baisse du rythme d'évolution des taux d'imposition qu'à celui des bases imposables, qui ont elles augmenté entre 1996 et 1997.

Source : Rapport Bourdin, Observatoire des finances locales, 8 juillet 1998

De plus, l'augmentation des concours budgétaires de l'Etat aux collectivités locales ne permettra vraisemblablement pas de compenser les effets de l'accroissement des dépenses et de la baisse du produit de la fiscalité directe.

Les mesures relatives aux finances locales contenues dans le projet de loi de finances pour 1999 tendent à montrer que le gouvernement n'a pas pris la mesure de l'importance de la contribution des collectivités locales au respect des critères de convergence du traité sur l'Union européenne et, plus largement, à la croissance de l'économie française.

CHAPITRE IV

PROPOSITIONS POUR UN BUDGET DE RESPONSABILITÉ ET DE CONFIANCE

Votre commission ne propose pas de rejeter le présent projet de loi de finances, car il n'est pas tel qu'il ne puisse être amélioré. Au fond, il encourt deux reproches fondamentaux :

- il ne réduit pas le déficit suffisamment pour commencer à stabiliser la dette publique et amorcer sa décrue ;

- il s'appuie de façon excessive sur les espérances conjoncturelles, en ne proposant pas les mesures d'ajustement structurel de nature à prévenir les dérapages (et par voie de conséquence, il ne peut entamer de véritable réforme fiscale, notamment relative à l'impôt sur le revenu, bien que le gouvernement soit lui-même conscient de sa nécessité).

Les propositions de votre commission tendent à redresser ces deux travers, qui peuvent avoir tendance à s'entretenir l'un l'autre.

Ces propositions s'articulent en cinq points :

- réduire le déficit pour stabiliser la dette publique et préserver les générations futures ;

- porter l'effort sur les dépenses de structure récurrentes, à savoir les dépenses de fonctionnement et d'intervention ;

- proposer une réduction raisonnable des prélèvements pour 1999, et amorcer une réforme pour les années ultérieures ;

- conserver aux collectivités locales leur rôle de moteur de l'investissement public, par une préservation de leur autonomie ;

- enfin, en synthèse de cet ensemble, rénover nos méthodes budgétaires pour accroître la crédibilité de la loi de finances dans le cadre des engagements européens de la France.

I. CONTRIBUER À STABILISER LA DETTE PUBLIQUE DÈS 1999

A. UNE RÉDUCTION DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE DE 14 MILLIARDS DE FRANCS

L'entrée en vigueur de l'euro, le 1er janvier 1999 pour la France, conduit votre rapporteur général à rappeler les engagements que le présent gouvernement a souscrits à Amsterdam en juillet 1997. Le programme de stabilité de la France devra notamment prévoir "l'objectif à moyen terme d'une position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire ainsi que la trajectoire d'ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif concernant l'excédent, le déficit des administrations publiques et l'évolution prévisible du ratio d'endettement de l'Etat".

Un déficit de l'Etat de plus de 230 milliards de francs et de 2,7 % du PIB ne peut convaincre d'une telle orientation à moyen terme.

En particulier, il apparaît impératif d'amorcer la décrue du poids de la dette publique dans le PIB, décrue qui peut engager une diminution du poids des charges d'intérêt dans le budget.

Pour ce qui concerne la part de l'Etat dans l'augmentation de la dette publique, et en tenant pour acquis les bons résultats prévus pour les autres administrations publiques, une réduction d'une douzaine de milliards de francs du déficit proposé pourrait suffire 39( * ) . Votre commission vous propose, par sécurité, de porter cette réduction supplémentaire à 14 milliards de francs , cette somme correspondant à l'affectation au déficit public de l'effet d'un point de croissance nominale 40( * ) (sur les 3,8 prévus) sur les recettes de l'Etat.

B. UNE RÉDUCTION MODÉRÉE DES PRÉLÈVEMENTS EN PREMIÈRE PARTIE

Votre commission souhaite maintenir sa confiance dans l'économie française, et ne propose donc pas de réestimer l'évolution spontanée des recettes dans l'article d'équilibre.

En revanche, elle ne pourra accepter un certain nombre de prélèvements nouveaux proposés par le gouvernement ou par l'Assemblée nationale. Il en est ainsi par exemple du prélèvement de 5 milliards de francs sur les fonds propres des caisses d'épargne alors que leur réforme n'a pas encore été discutée, de l'abaissement du plafond des effets du quotient familial sur l'impôt sur le revenu, de l'aggravation des prélèvements sur les sociétés ou de certaines mesures d'accompagnement de la taxe professionnelle.

Au total, sous réserve de l'examen détaillé par votre commission puis par le Sénat de cette première partie, la dégradation des recettes liée au refus de certaines mesures nouvelles pourrait atteindre une douzaine de milliards de francs.

Bien que l'objectif de réduction des prélèvements obligatoires reste au coeur des préoccupations de votre commission, celle-ci ne proposera pas d'aller au-delà pour l'exercice 1999, par esprit de responsabilité. La réduction des prélèvements doit succéder à l'assainissement de nos finances publiques et non pas le précéder. Les conditions ne sont pas encore réunies, notamment en termes de possibilités de réduction des dépenses, pour proposer dès 1999 une vaste réforme fiscale.

C. UNE RÉDUCTION DES CHARGES DE STRUCTURE

Pour atteindre l'objectif de réduction du déficit proposé de 14 milliards de francs, compte tenu d'une diminution prévisonnelle des recettes de l'ordre de 12 milliards de francs, une réduction des dépenses d'environ 26 milliards de francs est nécessaire.

Cette proposition n'a rien de déflationniste. Le gouvernement propose en effet une augmentation des dépenses de 37 milliards de francs. Votre commission ne propose donc pas de réduire leur niveau par rapport à l'exercice en cours, mais d'y affecter une moindre proportion des fruits de la croissance prévus pour 1999.


Evolution spontanée des recettes par rapport à la loi de finances pour 1998
(en milliards de francs)

Ventilation des augmentations de recettes par rapport à la loi de finances pour 1998
(en milliards de francs)

 
 
 

Propositions

 
 
 

du gouvernement

de votre commission

Recettes

74,5

Dépenses

36,9

10,8

 
 

Réduction du déficit

21,3

35,3

 
 

Allégements de prélèvements

10,6

22,6

 
 

Effet 1999 de mesures d'allé-gements décidées antérieurement

5,8

5,8

Total

74,5

Total

74,5

74,5

Votre commission ne propose pas au Sénat un exercice aisé de réduction des dépenses budgétées.

En effet, le plus facile est de pratiquer une réduction des dépenses d'investissement, car elles sont flexibles. Ce type de réduction, auquel les gouvernements procèdent par annulations de crédits, est le plus habituel. Or votre commission souhaite préserver l'investissement public, de l'Etat comme des collectivités locales, car il est porteur d'avenir, et seul justiciable d'un financement par endettement.

L'analyse de notre situation budgétaire montre qu'il est nécessaire de s'attaquer au déficit structurel et au déficit de fonctionnement, ce qui passe par une réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention, dépenses plus rigides, structurelles. Les alléger nécessite des réformes en profondeur.

Sur ce thème aussi, il est possible d'invoquer les travaux d'Amsterdam de juillet 1997. Le gouvernement y a souscrit une recommandation du Conseil 41( * ) , où il est notamment précisé : "dans la plupart des Etats membres, il est souhaitable que la préférence soit donnée à une réduction des dépenses plutôt qu'à une augmentation de la pression fiscale globale, en tenant compte, le cas échéant, des relations entre les systèmes de transferts sociaux et le système fiscal. Dans ces Etats membres, il convient de privilégier les mesures structurelles pour mieux maîtriser les dépenses relatives à la consommation publique, aux pensions des régimes publics, aux soins de santé, aux mesures passives relatives au marché du travail et aux subventions".

Bien entendu, la France pourrait se considérer hors de la "plupart des Etats membres", mais la situation de ses déficits publics par rapport à ses partenaires ne plaide pas en ce sens.

Votre commission proposera donc une réduction des dépenses de structure (titres III et IV) témoignant de sa volonté de voir aboutir une réforme de l'Etat, qui passe par une meilleure gestion des effectifs publics et la mise en oeuvre urgente d'une réforme des retraites publiques destinée à en alléger le poids sur les générations futures.

II. LA NÉCESSAIRE RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES

La stabilisation en francs constants des dépenses de l'Etat, pour en réduire le poids dans la richesse nationale, reste plus que jamais un impératif de saine gestion des finances publiques.

En effet, ainsi que votre rapporteur général l'a déjà rappelé, afin d'inverser la dérive de la dette publique, il est indispensable d'améliorer le solde primaire du budget de l'Etat et, partant, d'opérer une action forte sur les dépenses.

Une tentative en ce sens avait été entamée en 1997 mais elle n'a malheureusement pas été reconduite en 1998 et ne le sera pas pour 1999. Le gouvernement affiche en effet un objectif de " progression maîtrisée des dépenses de l'Etat de 1 % en volume " qui correspond à une progression de 2,3% en valeur soit un niveau presque deux fois supérieur à l'inflation.

A. LE POSTULAT DU GOUVERNEMENT : "UNE MEILLEURE EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE PUBLIQUE"

1. Un objectif affiché de 31 milliards de francs d'économies

Le gouvernement réalise en effet des économies et des redéploiements estimés à 30,9 milliards de francs 42( * ) soit au total une " marge de manoeuvre " de 31 milliards.

Les économies, principalement au titre de la révision des services votés, s'élèvent à 14,5 milliards de francs et portent à hauteur de 11,1 milliards de francs sur les services civils. Les redéploiements sous forme d'ajustements négatifs ou de mesures non-reconduites, représentent 16,4 milliards de francs dont 14,3 milliards de francs pour les budgets civils.

Le montant des économies et des redéploiements (30,9 milliards de francs) que le gouvernement déclare avoir réalisé est supérieur à la progression des dépenses résultant de la simple hausse des prix, soit 20,9 milliards de francs. Cela signifie que le gouvernement a réduit de 9 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1999 les crédits issus de la simple reconduction de décisions prises dans le précédent projet de loi de finances.

2. Deux exemples d'économies ponctuelles

a) Le " recentrage " de certains dispositifs d'aide à l'emploi

Les crédits du budget de l'emploi consacrés aux contrats-emploi-solidarité (CES) ont été " recentrés " selon la formule de Madame le Ministre de l'emploi, c'est à dire en réalité diminués de 1,7 milliard de francs et ceux destinés aux contrats initiative emploi (CIE) réduits de 3,6 milliards de francs. Par ailleurs les crédits consacrés aux préretraites sont passés de 11,3 à 6,8 milliards de francs.

b) La baisse des effectifs du Ministère de l'économie

Si les effectifs budgétaires civils de la fonction publique restent en 1999 à un niveau identique à 1998 (1.681.577) c'est en raison de 2.358 créations de postes compensées par autant de suppressions.

Il est donc possible, en allant au delà, de réduire les effectifs nets de la fonction publique sans pour autant perturber le bon fonctionnement des services publics, comme le Ministère de l'économie en donne lui-même l'exemple : " les efforts de rationalisation, certaines mesures de simplification fiscale et administrative, et la réorganisation des services permettent une baisse de 0,4 % des effectifs budgétaires, soit 695 emplois, qui traduisent les progrès de productivité du ministère (budget des services communs et financiers) " 43( * ) .

Sur le plan des principes et de la méthode, le gouvernement ne peut donc plus s'opposer systématiquement à la réduction des dépenses et affirmer qu'elles correspondent à des économies que le Ministre de l'économie qualifie un peu familièrement et hâtivement de " café du commerce " 44( * ) . En effet, il en réalise lui-même, pour des montants significatifs et cela même sur des budgets réputés " sensibles ".

Il n'y a donc pas de fatalité de la hausse de la dépense publique.

3. Une nécessité : la réduction de la masse des rémunérations publiques

Les dépenses de rémunération publique représenteront en 1999 le premier poste de dépenses de l'Etat et s'établissent au-dessus du seuil de 650 milliards de francs, soit le tiers des dépenses du budget général (32,7 %). Elles représentent par ailleurs 85,27 % des des dépenses de fonctionnement du titre III.

Une diminution de la dépense publique passe donc nécessairement par une action forte sur ce poste de dépenses et cela de deux manières différentes :

a) une action globale sur les départs à la retraite ou les rémunérations

Une simulation réalisée à la demande de votre commission montre en effet l'impact budgétaire important et rapide d'une telle action.

Quelles seraient les économies budgétaires à attendre pour 1999 et les cinq années suivantes de mesures telles que :

- le non-remplacement total des départs à la retraite,

- le remplacement d'un départ sur deux,

- le gel des effectifs,

- le gel des salaires (hors GVT) au niveau de 1998 ?

Economies budgétaires par rapport à un scénario de stabilité des effectifs (en Mds F de dépenses en moins par rapport à l'année précédente)

1999

2000

2001

2002

2003

Cumul
1999-2003

Non remplacement total des départs à la retraite pendant 5 ans

10,6

10,9

11,3

11,6

12

166

Remplacement d'un départ sur deux pendant 5 ans

5,3

5,4

5,7

5,8

6

83

Gel des effectifs

-

-

-

-

-

-

Gel des salaires hors GVT (*) au niveau de 1998

4,3

7,9

-

-

-

53,1

(*) Gel des mesures de nature salariale de l'accord du 10 février sauf les mesures prises en 1998. Aucune hypothèse de revalorisation salariale au-delà de 1999.

(Source : ministère de l'économie)

b) Un exemple sectoriel : le cas de l'éducation nationale

Il ressort des informations communiquées par le Ministère de l'éducation nationale, s'agissant des dépenses de rémunération publique pour 1999 :

*qu'il serait possible de réaliser des économies au sein de l'enseignement scolaire , par la diminution des recrutements de moitié: en cette hypothèse, 12.288 recrutements de personnels stagiaires ne seraient pas effectués, soit une économie d'environ 530 millions de francs ;

De même si l'on ne procédait au remplacement que d'un départ à la retraite sur deux, pour les personnels enseignants comme non enseignants, 607 emplois d'enseignants et 675 emplois de non enseignants seraient en 1999 ainsi supprimés (1.282 emplois au total), soit une économie de 225,5 millions de francs en année pleine.

*que s'agissant de l'enseignement supérieur,
seul un départ à la retraite sur deux de personnels enseignants et non enseignants pourrait être remplacé. Cela représenterait 16.078 emplois : 5.628 de personnels enseignants du premier degré, 5.250 personnels enseignants du second degré, 3.630 personnels non enseignants et 1.570 enseignants du secteur privé. L'économie ainsi réalisée serait de 949,15 millions de francs.

La commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels enseignants et non enseignants de l'Education nationale dont le Sénat vient de prendre l'initiative, permettra d'étudier la faisabilité de tels efforts, en analysant l'évolution des besoins selon la courbe des effectifs scolarisés aux différents niveaux, et selon le taux d'encadrement effectif des élèves ou étudiants.

c) L'exemple américain

Confrontée à une situation similaire, l'administration fédérale américaine a mis en oeuvre une politique drastique de réduction des effectifs de l'administration.



" Le Vice-président Al Gore a mené un effort sans précédent de réduction de la taille du gouvernement fédéral afin de le rendre plus efficace et productif s'inspirant pour cela de l'expérience du secteur privé. Grâce aux efforts ainsi entrepris, l'administration a économisé 137 milliards de dollars au cours des cinq dernières années.

Ainsi le gouvernement a réduit le nombre des employés civils de 316.000 le portant à un effectif le plus faible jamais atteint depuis 35 ans. Presque tous les 14 départements ministériels ont réduit leurs effectifs : seul le ministère de la Justice a accru ses effectifs, en raison de la politique de lutte renforcée contre la criminalité et le trafic de drogue ; de même en raison du recensement décennal le ministère du Commerce intérieur a été épargné par ledit mouvement. "

(source : site Internet de l'administration fédérale américaine)


Bien entendu, chaque pays est confronté à ses contraintes propres, mais il faut rappeler que l'expérience de l'administration démocrate a été réalisée de manière empirique et ne manifeste aucun a priori idéologique...

B. LA NÉCESSITÉ D'ALLER AU-DELÀ

1. Une volonté exprimée lors du débat d'orientation budgétaire

A l'occasion du débat d'orientation budgétaire de juin 1998, M. Alain Lambert alors rapporteur général avait déjà souhaité " réduire les dépenses pour libérer l'avenir " et fait à ce titre un certain nombre de recommandations visant à stabiliser les dépenses à leur niveau de 1998. Il souhaitait concentrer " l'effort sur les composantes les plus rigides: fonction publique, interventions publiques et indirectement, charges de la dette publique, en préservant l'investissement et les budgets régaliens ".

Il avait également tenu à souligner les risques existant en matière de retraite 45( * ) et proposé à ce titre d'allonger la durée de cotisation afin de mieux garantir les droits à retraite des fonctionnaires.

2. L'existence pour 1999 de sérieux risques de dérive budgétaire

Le gouvernement ne s'est pas attaqué aux composantes les plus rigides de la dépense publique. De plus, les projets prioritaires du gouvernement connaissent une montée en charge fortement progressive qui pèsera pleinement sur l'élaboration du prochain budget ainsi que votre rapporteur général l'a souligné lors de l'examen de la progression pour 1999 des dépenses du budget général.

3. L'accroissement de la rigidité de la dépense publique

Dans son rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire de juin 1998 le gouvernement regrettait que " la structure des dépenses de l'Etat se soit rigidifiée au fil des ans "

Il est cependant surprenant de voir le gouvernement ne rien faire pour lutter contre ce phénomène. En effet les trois principaux postes de dépenses du budget général ne sont en aucune façon concernés par une éventuelle limitation de la progression de la dépense publique. Or ces dépenses qui présentent un caractère structurel, représentent en 1998, 88 % des recettes fiscales nettes, contre 57 % en 1990.

A elles seules ces trois composantes contribuent en outre à expliquer, arithmétiquement, la totalité de la hausse de 36,9 milliards de francs pour 1999 de la dépense publique.

C. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Dans ce cadre, votre commission des finances a souhaité proposer un effort significatif de réduction des dépenses civiles 46( * ) d'un montant de 26 milliards de francs environ, en répartissant cette baisse entre :

* des économies ciblées au refus de certains dispositifs proposés par le gouvernement ou à la nécessité de les financer par redéploiement ;

* des économies forfaitaires à hauteur de 1 % des dépenses des titres III et IV des budgets civils et de 5 % sur les parties 4 à 7 du Titre III (" train de vie de l'Etat " : subventions de fonctionnement, matériel, entretien et charges diverses de fonctionnement ).

Ces dernières invitent le gouvernement à faire preuve de volontarisme dans l'effort de réduction des dépenses, en les diminuant de façon significative mais dans une proportion réaliste.

1. Des économies ciblées

a) La suppression des crédits destinés aux 35 heures

Les 3,5 milliards de francs de crédits figurant dans le projet de loi de finances pour 1999 n'apparaissent pas réalistes. Le gouvernement n'indique pas en effet la manière dont ils ont été calculés et ceux-ci apparaissent par ailleurs mal calibrés.

Non seulement la provision de 3 milliards de francs figurant dans la loi de finances pour 1998 n'a pas été entièrement consommée 47( * ) mais eu égard au faible nombre d'accords signés et à la difficulté d'obtenir des chiffres précis s'agissant des emplois sauvés ou préservés, la dotation prévue pour 1999 apparaît inadaptée.

Votre commission tient également à rappeler son étonnement devant la façon dont le montant de la dotation avait été fixée en 1998. Elle avait été prélevée sur les crédits relatifs à la ristourne dégressive fusionnée rendant de ce fait nécessaire leur abondement en loi de finances rectificative pour 1998, malgré les déclarations initiales en sens contraire du gouvernement.

En outre, votre commission tient à relever que si ce dispositif devait produire des effets à la hauteur de l'ambition du gouvernement, la charge budgétaire en serait accrue de manière très substantielle. La commission des affaires sociales en avait ainsi évalué le coût sur la base de 450.000 emplois crées à 13,5 milliards de francs la première année et à 36 milliards de francs la deuxième année.

Au demeurant, la majorité du Sénat a montré son hostilité au caractère contraignant de ce dispositif de réduction du temps de travail.

b) La suppression d'un montant de crédit représentatif des mesures nouvelles concernant les emplois jeunes

Cette mesure proche de celle préconisée l'année dernière consisterait à gager la progression des crédits correspondant aux nouveaux emplois-jeunes par un effort d'économie sur les titres concernés (principalement le titre IV du budget du travail, " interventions en faveur de l'emploi " ).

Si le gouvernement tient à financer les 100.000 nouveaux emplois-jeunes, qui figurent au sein du budget de l'emploi, mais également des DOM-TOM ou de l'enseignement scolaire et supérieur 48( * ) , il doit selon votre commission, réexaminer les dispositifs préexistants et procéder par redéploiement au sein d'une enveloppe globale des aides à l'emploi qui atteint 150 milliards de francs.

Récapitulation des économies proposées au titre des emplois-jeunes

Budget et imputation

Montant (en millions de francs)

Observations

Emploi (chapitre 44-01)

5.114,5

100.000 nouveaux emplois jeunes

Enseignement scolaire public (chapitres 36-71 et 36-10)


984,5


56.600 nouveaux emplois jeunes

Enseignement scolaire privé (chapitre 43-02)


78,6


3.000 nouveaux emplois jeunes

Enseignement supérieur (chapitre 36-11)


6,9


400 emplois jeunes docteurs

c) Les mesures relatives à l'épargne logement et au logement

Il s'agit, d'une part, de reconduire la mesure de réduction à hauteur de 2,1 milliards de francs des primes d'épargne logement qui figurent au budget des charges communes pour protester, comme en 1998, contre le fait que ces primes ne servent plus à financer le logement mais à subventionner un produit d'épargne concurrent de l'épargne contractuelle de moyen terme (assurance-vie notamment). Il s'agit également de conduire une opération de révision des services votés au sein du budget de l'urbanisme et du logement sur les aides personnelles au logement à hauteur de 500 millions de francs, comme le gouvernement l'avait lui-même proposé pour 1998.

d) Les mesures relatives à la Santé et à la Solidarité

Ces mesures visent à " recentrer " les crédits destinés à l'Allocation de parent isolé qui viennent d'être rebudgétisés à hauteur 4,2 milliards. En effet, la Cour des Comptes 49( * ) et la Caisse nationale d'allocations familiales estiment que la notion d'isolement est appréciée de façon trop extensive : elle est versée en fait à de nombreux couples. Ce recentrage pourrait se traduire par une économie estimée forfaitairement à 5 % soit 210 millions de francs.

De même les crédits destinés au RMI (26,4 milliards de francs soit + 4,2 %) seraient réduits forfaitairement de 5 %, soit un montant de 1,32 milliards de francs correspondant à des économies de gestion, à la lutte contre la fraude et à la prise en compte des effets bénéfiques de la croissance dont se prévaut le gouvernement. Par ailleurs, le ministre de l'Emploi a déclaré au cours de son audition par la commission des finances du Sénat qu'il existait " marginalement " des fraudes et que le nombre de bénéficiaires devrait se stabiliser en 1999.

Naturellement, ces économies doivent être réalisées sans porter atteinte aux droits résultant de la législation en vigueur.

e) La réduction des crédits d'action sociale figurant au budget des services généraux du premier ministre (SGPM)

255 millions de francs de crédits figurent au titre V de ce budget sans aucune explication ni justification : ils ont été transférés en provenance du titre III et étaient destinés à accompagner l'accord salarial dans la fonction publique, qui a été signé le 10 février 1998.

f) La suppression des mesures nouvelles concernant les dépenses accidentelles ou éventuelles

Les crédits inscrits au budget des charges communes passent de 545 millions de francs en 1998 à 1,2 milliard de francs en 1999 sans aucune justification. Dans le projet de loi de finances pour 1996 ils représentaient 295 millions de francs et 445 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1997. Cette dérive ne fait l'objet d'aucune explication crédible.

Exécution en lois de finances (en millions de francs)

 

PLF 1996

PLF 1997

PLF 1998

PLF 1999

Chapitre 37-94

 
 
 
 

Crédits initiaux

85

245

285

600

Exécution

141,5

244,4

31,6 1

-

Chapitre 37-95

 
 
 
 

Crédits initiaux

210

200

260

600

Exécution

50,7

45,4

17 1

-

1. Au 30 juin 1998

Source - Direction du budget

g) La suppression des mesures nouvelles au titre de l'indemnité compensatrice versée à la RATP

Les crédits concernant cette indemnité compensatrice s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 1999 à 4,56 milliards de francs en progression de 2 ,8% par rapport à 1998. Il importe de lui conserver son caractère d'indemnité compensatrice et non de la transformer, de fait, en subvention d'équilibre. La suppression ainsi opérée devrait permettre à cette entreprise qui bénéficiera par ailleurs de la croissance prévue pour 1999 du trafic en Ile de France de réaliser des progrès de productivité. On peut également considérer que les recettes commerciales de la RATP seraient augmentées si le gouvernement concentrait ses efforts sur la sécurité plutôt que sur des subventions à l'entreprise publique.

A ce titre, votre rapporteur général tient à rappeler le jugement porté sur ladite augmentation par le rapporteur spécial des crédits des transports terrestres à l'Assemblée nationale : " Cette majoration est malheureusement plus due à un laxisme budgétaire qu'à un financement maîtrisé ".

2. Des économies forfaitaires

a) les modalités de calcul de ces économies forfaitaires

Ces économies portent sur les seuls titres III et IV des budgets civils afin de préserver les dépenses en capital.

Seuls seraient épargnés les ministères de souveraineté, dits parfois "régaliens"
(outre la Défense, il s'agit de l'Intérieur, des Affaires étrangères et de la Coopération et de la Justice), ainsi que ceux en diminution à structure constante, soit  six budgets : l'agriculture, l'aménagement du territoire, les anciens combattants, les routes, les transports aériens et les services généraux du premier ministre.

Le taux de la réduction forfaitaire serait modulé :

*5 % pour le " train de vie de l'Etat
" soit les parties 4 à 7 du titre III (entretien, dépenses de fonctionnement quotidien etc.);

*1 % pour les autres dépenses du titre III ainsi que pour l'ensemble du titre IV.

S'agissant du titre III, cette diminution de 1 % correspond à la volonté de votre commission d'inciter le gouvernement à poursuivre plus avant la réforme de l'Etat et à donner plus de souplesse à ses méthodes de gestion de la fonction publique.


En effet, par comparaison, on peut rappeler qu'une diminution de 1 % des crédits de la masse salariale correspondrait à une réduction pour les budgets civils de 16.816 emplois budgétaires, soit un peu plus du quart des départs annuels à la retraite, qui sont estimés à environ 50.000 à 60.000.

Votre commission souhaite par ailleurs que le gouvernement s'engage dans une révision systématique des structures administratives . Pour ne prendre que cet exemple, faut-il faire éternellement coexister les agences régionales de l'hospitalisation avec les directions départementales mais aussi régionales des affaires sanitaires et sociales, est-il nécessaire de maintenir des échelons départementaux et régionaux de la jeunesse et des sports, est-il utile de conserver des échelons déconcentrés de certains ministères (comme le tourisme) dont les compétences ont été largement transférées aux collectivités territoriales ?

Une poursuite déterminée de la réforme de l'Etat devrait permettre aux gestionnaires de l'administration de mieux utiliser les moyens qui leur sont alloués, et de répartir aux échelons les plus appropriés les crédits de rémunérations, par un pilotage plus fin des embauches, le recours au travail à temps partiel, etc..

Il faut entrer dans une autre logique et faire prévaloir une véritable gestion des ressources humaines de l'Etat, comme l'a demandé votre commission à plusieurs reprises au cours des années passées.

Il s'agit enfin d'inciter à la réalisation d'une réforme urgente : celle des retraites de la fonction publique.

b) Le montant des économies forfaitaires
(1) Les économies forfaitaires au taux de 5 % représenteront plus de 3 milliards de francs

La base taxable est constituée des dépenses de " train de vie " des titres III (c'est à dire hors dépenses de rémunération ou de pension ) soit les parties 4 à 7.

(2) Les économies forfaitaires au taux de 1 % s'élèveront à plus de 8 milliards de francs

La base taxable comprend les dépenses de rémunération (titre III hors " train de vie "), soit les parties 1 à 3, et l'ensemble des dépenses du titre IV.

Il y a donc lieu d'amender les budgets concernés en faisant prévaloir cette logique. Votre commission souligne que ce procédé est le seul qui soit à sa disposition pour manifester sa volonté de voir enfin s'engager une politique de réformes structurelles au sein des administrations civiles.

III. ALLÉGER LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

A. ENGAGER UNE DIMINUTION RÉELLE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

La France connaît l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés de l'Union européenne (46,1 % du PIB en 1997). Des actions volontaristes doivent donc être entreprises :

L'impôt sur le revenu

Il est certain que la combinaison des relèvements d'impôt sur le revenu et du taux de la CSG pour 1998 a conduit à aggraver les prélèvements directs sur les revenus des ménages de plus de 11 milliards de francs en 1998.

La réduction programmée de l'impôt sur le revenu reste donc une priorité.

Or, hors effet de l'évolution spontanée, les mesures du présent projet de loi de finances, revues très légèrement à la baisse suite au vote de l'Assemblée nationale, aboutiront tout de même à un alourdissement d'un milliard de francs de cet impôt.

De surcroît, la baisse du plafond par demi-part de l'avantage fiscal procuré par le quotient familial
(3,9 milliards de francs) sera une nouvelle mesure d'aggravation de la fiscalité pesant sur les familles, après la mise sous condition de ressources des allocations familiales en 1998 (mesure sur laquelle, d'ailleurs, le gouvernement a été contraint de revenir).

L'impôt sur les sociétés

Comme cela a été vu, la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (MUFF) a considérablement accru les charges fiscales directes des entreprises. Elle a porté le taux de l'impôt sur les sociétés à 41,66 %, plaçant la France au troisième rang européen derrière l'Italie et l'Allemagne.

Cet alourdissement a rompu avec la réforme engagée depuis 1985 et qui avait conduit à diminuer l'impôt pesant sur les bénéfices des sociétés de 50 % à 33,1/3 % en 1993.

Il crée un désavantage compétitif pour les entreprises françaises alors que, dans le même temps, la fiscalité des bénéfices distribués et non distribués est allégée en Allemagne et le taux marginal d'imposition est diminué en Grande-Bretagne.

De même, la taxation au taux de droit commun des plus-values à long terme va à contre-courant des législations fiscales de nos principaux partenaires économiques.

Il ne serait donc pas admissible que les nouveaux prélèvements portent encore sur le potentiel économique de notre pays, potentiel qui est, quoi qu'on en dise, un élément clef des prévisions de croissance.

Or, force est de constater que certaines dispositions du présent projet de loi de finances poursuivent l'aggravation de la fiscalité pesant sur les entreprises, notamment la réduction du taux de l'avoir fiscal ou le nouveau régime de cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière. Cette aggravation, qui ne pouvait qu'être modeste compte tenu des hausses antérieures, a toutefois été amplifiée par le passage à l'Assemblée nationale (et notamment le rétablissement de la taxation des dividendes de la fille à la mère supprimée en 1993).

Alléger l'imposition du patrimoine et favoriser l'épargne

L'imposition du patrimoine nuit à la compétitivité de notre pays.

L'ensemble des mesures fiscales présentées dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (élargissement de l'assiette des prélèvements sociaux, augmentation de la CSG, imposition de l'assurance-vie, plafonnement envisagé de l'avoir fiscal) correspondaient à 23 milliards de francs supplémentaires pesant sur les épargnants.

Cette politique de surtaxation de l'épargne méconnaît ses caractéristiques, et notamment le risque de freiner l'investissement et d'assister à des délocalisations de capitaux.

Enfin, le patrimoine lui-même, et notamment le patrimoine "productif", subit une fiscalité déstabilisante : à titre d'exemple, la fiscalité des transmissions d'entreprises est quatre fois plus élevée en France qu'en Allemagne ou en Italie.

De surcroît, l'insécurité juridique devient une caractéristique forte de la politique fiscale en matière de patrimoine et d'épargne, soit exactement le contraire du souhaitable, s'agissant de l'argent mis de côté par les ménages français pour assurer leur avenir.

Le présent projet de loi de finances est un modèle en ce domaine, puisqu'il revient sur toute une série de dispositions fiscales jugées "acquises", notamment en matière d'impôt de solidarité sur la fortune et de droits de mutation à titre gratuit. La suppression de la disposition relative au régime fiscal de l'assurance-vie et son remplacement montre toutefois que cette instabilité fiscale a des limites qu'il convient de ne pas dépasser.

Diminuer le coût du travail en allégeant les charges sur les bas salaires

Le poids des prélèvements obligatoires sur l'économie française ne se limite pas à la seule pression fiscale.

Ainsi, les prélèvements sociaux ont augmenté de manière significative depuis 20 ans (21,6 % du PIB en 1997 contre 18,1 % en 1980) et pèsent particulièrement sur la masse salariale.

Selon une enquête Eurostat 50( * ) sur les coûts du travail dans l'industrie, le coût du travail est nettement plus élevé en France qu'aux Etats-Unis et dans les autres pays européens : pour une base 100 en France, le coût est de 61,5 en Grande-Bretagne, 76,3 aux Etats-Unis et 76,8 en Italie. Grâce à la diminution de leur pression fiscale et sociale, des pays dont le coût du travail était plus élevé que celui de la France en 1980, comme les Pays-Bas, sont désormais plus compétitifs.

De plus, les charges patronales sont particulièrement élevées et non dégressives en France. L'effet dégressif des cotisations patronales n'est pertinent que pour les salaires très élevés, proches de 100.000 francs par mois.

La situation des salariés les moins qualifiés s'est aggravée, puisque dans la loi de finances pour 1998, le gouvernement a choisi de restreindre le dispositif d'allégement de charges pour les bas salaires en limitant le mécanisme de la ristourne dégressive aux salaires inférieurs à 1,3 smic et en plafonnant son montant à 1.213 francs.

Il est parfois objecté que les diverses mesures d'allégement prises ces dernières années n'ont pas eu d'effet sur l'emploi. Mais il faut se placer sur moyenne période et d'un point de vue global : les arbrisseaux d'allégements ponctuels ne doivent pas cacher la forêt d'une tendance à l'alourdissement des prélèvements sur le travail depuis un quart de siècle.

Il est donc urgent de revenir à une politique volontariste d'allégement du coût du travail ainsi que le préconise la proposition de loi du Président Christian Poncelet, votée par le Sénat le 29 juin dernier
.

B. RÉFORMER L'IMPÔT SUR LE REVENU

Le ministre de l'Économie et des Finances admet la nécessité d'une réforme de l'impôt sur le revenu. En septembre dernier, il a déclaré sur France Inter, " Dans les années qui viennent ", il faut que " la réflexion soit non seulement avancée mais que l'action soit mise en oeuvre. Il y a une mise à plat [ ] qui est certainement nécessaire et il me semble que c'est un chantier auquel il faut qu'aujourd'hui les parlementaires, notamment, s'attaquent et réfléchissent ".

C'est en vain que l'on chercherait dans le présent projet de budget des traces de cette préoccupation pourtant, semble-t-il, encouragée par le Premier Ministre, lorsqu'il affirme que " notre fiscalité souffre autant de sa structure déséquilibrée que de son niveau excessif ".

La conjoncture est pourtant favorable. L'occasion était bonne de " remettre à plat " un système fiscal, à la fois dissuasif pour l'effort et les compétences, et de moins en moins cohérent.

1. Une fiscalité qui décourage

Le poids de l'impôt sur le revenu ne peut simplement être apprécié par des chiffres bruts, qu'il s'agisse de son produit ou du prélèvement qu'il représente en pourcentage du produit national.

Les valeurs absolues doivent être mises en perspective avec les valeurs relatives. La France a fait le choix de l'Union européenne ; elle a fait le pari de l'Euro. Le poids de l'impôt s'évalue donc aussi, relativement, par comparaison à la situation chez nos principaux partenaires et concurrents.

a) L'alourdissement de l'impôt sur le revenu

Le projet de budget prévoit, afin d'éviter un accroissement de la pression fiscale qui serait lié à des hausses purement nominales de revenus, de relever les tranches de la hausse des prix ( hors tabac) prévue pour 1998, soit 0,8 %.

Cette opération traditionnelle ne suffit pas, lorsqu'elle intervient dans un contexte de reprise économique, à empêcher l'alourdissement de la pression fiscale : une simple indexation sur les prix permet à l'État, par le jeu de la progressivité de l'impôt, de toucher les dividendes de l'augmentation de pouvoir d'achat des Français.

Telle est bien la raison par laquelle s'explique la hausse attendue du produit de l'impôt sur le revenu, indépendamment de la hausse de la pression fiscale qui résulte du solde net des mesures discrétionnaires, effectivement défavorable du fait de la modification du régime du quotient familial.

L'impôt sur le revenu devrait rapporter en 1999 315,7 milliards de francs , soit un surcroît de recettes de 16,2 milliards de francs par rapport aux estimations du produit révisé de l'impôt pour 1998.

Cette croissance de 5,4% doit être comparée aux quelque 3,8% de croissance du PIB en valeur prévue par le gouvernement. Dès lors que l'impôt sur le revenu croît presqu'une fois et demie plus vite que la production, on doit s'attendre à une augmentation de sa part dans le produit national, qui passe de 3,52 à 3,58% du PIB.

Certes, si l'on retranche les 3,9 milliards de francs résultant de la modification du régime du quotient familial, le produit de l'impôt sur le revenu n'est plus que de 311,8 milliards de francs mais le taux de croissance reste avec 4,1%, supérieur à celui de la croissance en valeur du PIB.

Certains se félicitent du caractère " fortement dynamique " de l'impôt sur le revenu en période de reprise de la croissance économique ; mais on peut aussi s'inquiéter, et tel est le cas de votre commission, de cette volonté de faire jouer à plein ce mécanisme de dividende fiscal, alors que le niveau de prélèvements obligatoires a déjà atteint dans notre pays un des niveaux les plus élevés de l'Union Européenne.

b) Des effets dissuasifs persistants

Au handicap que constitue ce poids, globalement trop lourd, de l'impôt à tous les niveaux, il faut ajouter les effets pervers d'un barème trop progressif à ses deux extrémités.

La progressivité est trop forte à l'entrée du barème : les taux marginaux effectifs des prélèvements affectant les personnes disposant de faibles ressources ne peuvent que décourager la reprise de l'activité. Longtemps, la perte de certaines allocations a rendu la reprise d'un emploi peu intéressante pour le salarié bénéficiaire du RMI. La situation actuelle, sans doute plus satisfaisante que celle décrite par le rapport de la commission présidée par M. Ducamin à la fin de 1995, n'est pas encore optimale, ne serait-ce que parce que le maintien de la décote aboutit, inévitablement, à une zone de progressivité très élevée.

Le rapport de la commission d'études des prélèvements obligatoires présidée par M. Ducamin déjà cité, souligne, à cet égard, qu'une " réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu, qui repose sur une baisse des taux moyens et un élargissement corrélatif de l'assiette, doit inclure une diminution significative du taux marginal le plus élevé "

Au moment où le nouveau Chancelier allemand entreprend une réforme conduisant à une baisse de l'impôt à tous les niveaux du barème, il faut se demander si l'on peut, durablement, avoir, dans notre pays, un barème plus progressif que chez nos partenaires européens. Trappe à chômage à l'entrée du barème, compte tenu des effets des prestations sociales sous conditions de ressources, possible exode des cerveaux pour les tranches les plus élevées, pourraient bien constituer des handicaps graves pour l'économie et la société françaises.

2. Un système de moins en moins cohérent

Le code des impôts ne s'est pas fait en un jour et les incohérences que votre commission veut souligner, ne datent pas d'aujourd'hui.

Mais force est toutefois de constater que le gouvernement n'a pas seulement interrompu le processus d'allégement du barème mais aussi celui de rationalisation et de simplification entrepris, courageusement, par son prédécesseur.

Les mesures contenues dans le présent projet de loi de finances ne peuvent prétendre relever d'un processus de rationalisation. L'élimination des niches qu'il propose, au nom d'une justice abstraite, est-elle vraiment équitable ? On solde un passé, certes contestable, mais sans préparer l'avenir. Car ce ne sont pas quelques niches ponctuelles qu'il faut éliminer, mais le système fiscal lui-même , avec ses poisons et ses délices , qu'il faut réformer .

a) Le jeu de la règle et des exceptions

Toujours plus de contraintes, toujours plus d'exceptions . Telle semble être la fatalité du système fiscal français et, en particulier, du régime de l'impôt sur le revenu.

Au début des années 70, un sociologue, M. Michel Crozier, avait, considérant les dérives bureaucratiques de l'administration française, parlé du jeu de la règle et du passe-droit , en faisant observer que le rôle du chef dans l'administration était précisément de savoir écarter l'application de la règle pour accorder le " passe-droit ".

Sur ce plan, les choses ont - au moins faut-il l'espérer - dû changer. En revanche, on peut se demander si la même logique ne se retrouve pas, mutatis mutandis , dans notre système fiscal.

Comment ne pas constater que, surtout lorsqu'il s'agit d'impôt sur le revenu, on ne fixe une règle que pour y apporter, parfois immédiatement, une multitude d'exceptions.

Ce jeu de la règle et des exceptions ne résulte pas seulement de la volonté de soigner des populations dignes d'intérêt ; il procède, également, d'une préférence de structure pour les régimes fiscaux combinant règles rigoureuses et exceptions nombreuses .

(1) Le souci constant de traiter les cas particuliers

La complexité que chacun regrette dans notre système fiscal, et qui explique à la fois l'épaisseur du code des impôts et son caractère peu lisible, tient largement de la propension, bien française, à ne voir que des cas particuliers.

Il ne s'agit pas seulement de volonté de satisfaire tel ou tel groupe, telle ou telle clientèle, par une sorte d'infinie sollicitude pour les cas particuliers ; la logique est plus profonde et résulte plutôt d'un certain perfectionnisme fiscal : chaque situation est particulière et mérite un traitement sur mesure . D'où cette tendance à préférer les costumes fiscaux sur mesure aux cotes mal taillées, et donc à multiplier les exceptions à la règle.

Un certain nombre de mesures contenues dans la présente loi de finances constitue une manifestation caractéristique de penchant pour la différenciation des régimes. A la limite, on se trouve sans points de repères pour apprécier la légitimité du statu quo ou du changement de la situation relative de telle ou telle catégorie de contribuables.

On ne peut qu'être perplexe devant les argumentations de casuistique fiscale développées par le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale au sujet des deux " mesures d'accompagnement " de l'actualisation du barème : le régime des déductions supplémentaires pour frais professionnels des journalistes rebaptisées " allocation pour frais d'emploi " et la situation des bénéficiaires de demi-parts à caractère non familial au regard de l'abaissement du plafond de l'avantage fiscal conféré par leur régime particulier de quotient familial.

Où finit la distinction légitime fondée sur des critères objectifs et rationnels, où commence la discrimination attentatoire au principe d'égalité devant la loi, dont la méconnaissance est régulièrement sanctionnée par le juge constitutionnel ? L'importance prise au cours de cette première lecture à l'Assemblée par les supputations des uns et des autres sur ce que pourrait être l'attitude de Conseil Constitutionnel face au texte, est très significative de cette focalisation du débat sur la question des exceptions légitimes .

A force de vouloir opérer des distinctions de plus en plus fines de façon à coller à chaque situation particulière, les assemblées ont paradoxalement réduit leur liberté de manoeuvre dans le vote de l'impôt. La problématique des exceptions s'étant constitutionnalisée, le Parlement ne dispose plus que d'une compétence conditionnelle, sous la haute surveillance du Conseil Constitutionnel.

Dans le cas présent, les risques de censure ne sont pas négligeables, sans que, pourtant, les discriminations proposées soient, a priori, illégitimes. Mais, si votre commission relève ces difficultés comme autant de signes de l'impasse dans laquelle s'est engagé notre système fiscal, elle estime, compte tenu de sa position favorable au statu quo , tant en matière de quotient familial que de déductions professionnelles supplémentaires, qu'elle n'a pas à entrer dans le débat.

Les deux novations évoquées plus haut lui paraissent en effet inopportunes ou sans objet .

Votre commission des finances est vigoureusement opposée pour des raisons qu'elle va exposer, à toute diminution des avantages actuellement accordés aux familles et votre rapporteur général demandera de maintenir le plafond à son niveau actuel de 16.380 francs .

D'autre part, en ce qui concerne les déductions supplémentaires pour frais professionnels des journalistes , votre rapporteur général estime que, compte tenu des risques juridiques que comporte le dispositif du projet de loi de finances, étant donné, également, l'insatisfaction des principaux intéressés face à la solution qui leur est proposée, le plus sage est de reconduire un dispositif analogue à celui adopté l'année dernière, reportant d'un an le début du processus d'abaissement du plafond. On trouverait ainsi le temps de trouver une solution réellement satisfaisante ou, espérons le sans y croire, de concevoir une vraie réforme de l'impôt sur le revenu.

(2) La préférence pour les systèmes sous haute pression fiscale nominale

D'une façon générale, on sent bien que pour les auteurs du présent budget, le code des impôts n'est pas seulement le moyen de rassembler des ressources mais également un instrument privilégié d'interventionnisme économique . Sans doute ne sont-ils, à cet égard, ni les premiers ni les seuls.

Selon la commission d'étude des prélèvements obligatoires déjà citée, " le niveau jugé élevé des taux d'imposition a entraîné la floraison de mécanismes en tous genres ( ..)qui entachent gravement la progressivité, provoquent des ruptures d'égalité entre les contribuables car seuls les plus avertis bénéficient de ces mécanismes et peuvent avoir des effets pervers sur le fonctionnement de l'économie ". Sans aller jusqu'à proscrire tout mécanisme d'incitation fiscale, votre commission n'en considère pas moins que, dans la perspective d'une baisse générale des prélèvements, leur objet doit être réservé à quelques situations très spécifiques en évitant l'arbitraire et de trop nombreuses distorsions.

Tels ne sont manifestement pas les principes qui inspirent la politique que traduit le présent budget. A la différence de la plupart de ses prédécesseurs, ce gouvernement préfère prélever plus ; soit, et il l'affiche volontiers, c'est pour redistribuer plus, soit, et ceci n'est pas toujours explicitement revendiqué, c'est pour, en accordant des avantages fiscaux, faire bénéficier ses mesures interventionnistes de l'effet de levier dû au différentiel de pression fiscale.

La tentation est forte
, alors, selon les objectifs du moment, de manipuler les boutons et de modifier constamment les paramètres, au détriment de la nécessaire stabilité de la règle fiscale.

Bref, plus de changements et, surtout, plus de prélèvements pour plus de redistribution ; pourtant, les uns pénalisent l'effort et les autres peuvent , au delà d'un certain niveau, sinon décourager du moins provoquer des transferts occultes, éventuellement critiquables sur le plan de la justice ou de l'efficacité.

Le projet de loi de finances pour 1999 nous offre un nouvel exemple de cette attitude qui fait préférer un barème élevé assorti de possibilités d'exonération à un allégement du barème : le doublement du crédit d'impôt mis en place l'année dernière pour les travaux à domicile. Votre commission des finances, évidemment favorable aux objectifs poursuivis, aurait préféré que les quelque 2 milliards de francs au moins, que va coûter cette mesure, soient affectés à des baisses d'impôts plutôt qu'à un crédit d'impôt . On remarque que l'alternative à cette mesure n'est pas un allégement du barème mais une baisse - qu'il n'est pas facile de négocier à Bruxelles - de la TVA sur les travaux à domicile. Pour bien montrer, s'il en était besoin, que le Gouvernement et sa majorité ne peuvent pour l'instant du moins se résoudre à diminuer le poids de l'impôt sur le revenu.

b) Un décalage croissant avec nos principaux concurrents

La nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne vient d'annoncer une vaste réforme fiscale qui souligne encore si besoin était le décalage existant entre le système fiscal français et celui de ses principaux concurrents.

Plus encore que les modalités elles-mêmes, c'est la méthode et la priorité politique accordée à la question de l'impôt sur le revenu qu'il faut considérer, de la part d'un gouvernement idéologiquement proche de celui aujourd'hui aux affaires en France...

Le premier geste de M. Schroeder a été d'annoncer une réforme de l'impôt sur le revenu. Il y a là un signe politique, qui témoigne de l'importance de la question en Allemagne. Au demeurant, pendant la campagne, l'ancienne majorité avait également promis des réformes fiscales de grande ampleur, comportant un allégement net de 30 milliards de DM.

Le plan de M. Schroeder, qui s'étale en 1999 et 2002 prévoit 54 milliards de DM d'allégement bruts compensés partiellement par 40 milliards de DM de recettes consécutives à la suppression de régimes fiscaux dérogatoires .

Deux points méritent d'être soulignés :

1. il comprend, en contrepartie de l'élévation du seuil d'imposition et d'une diminution des taux, 58 mesures de financement dites " d'élargissement des bases de calcul fiscales ", qui s'apparentent à des mesures d'élimination de " niches fiscales " : l'on retrouve donc la démarche globale du plan du gouvernement de M. Juppé ;



2. il associe mesures fiscales et familiales, puis que les allocations familiales sont sensiblement augmentées.

LA RÉFORME FISCALE ALLEMANDE :

L'ÉLARGISSEMENT DES BASES DE CALCUL FISCALES

I. MESURES CONCERNANT LES RÈGLES RÉGISSANT L'IMPÔT SUR LE REVENU ET L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS (33.788 MILLIONS DE DM)

A. MESURES POUR LIMITER LES RECETTES EXONÉRÉES (2.129 MILLIONS DE DM)

Ex : suppression de l'exonération des indemnités allant jusqu'à 36.000 DM suite à la rupture du contrat de travail par l'employeur (900 millions de DM)

B. MESURES POUR RÉINTÉGRER DANS LA BASE IMPOSABLES LES GAINS RÉSULTANT D'OPÉRATIONS D'ALIÉNATION (780 MILLIONS DE DM)

Ex : allongement des délais de 2 à 5 ans pendant lesquels les gains réalisés suite à la vente d'un terrain sont considérés comme spéculatifs (500 millions de DM)

C. MESURES VISANT L'OBJECTIVATION DES CONSTATS DE GAINS (19.135 MILLIONS DE DM)

Ex : Suppression des déductions spécifiques pour amortissement en faveur des PME et de la déduction pour l'amortissement-épargne en faveur des PME (1.313 millions de DM)

Ex : limitation de la déduction des pertes par leur report (600 millions de DM)

D. MESURES VISANT À SUPPRIMER LES RÈGLES SPÉCIFIQUES RELATIVES À DES REVENUS PARTICULIERS (4.636 MILLIONS DE DM)

Pour les revenus d'exploitations agricoles et forestières (381 millions de DM)

Ex : suppression de l'exonération pour les exploitants agricoles et forestiers de la somme forfaitaire de 2.000 DM pour les célibataires et de 4.000 DM pour les couples (250 millions de DM)

Pour les revenus tirés de l'exploitation commerciale et industrielle (315 millions de DM)

Ex : suppression de l'exonération pouvant aller jusqu'à 60.000 DM des gains liés à l'aliénation d'exploitation (250 millions de DM)

Pour les travailleurs indépendants (340 millions de DM)

Ex : suppression de l'exonération pouvant aller jusqu'à 60.000 DM des gains liés à l'aliénation d'exploitation (140 millions de DM)

Pour les revenus des capitaux (3.600 millions de DM)

Ex : division par deux du montant de la tranche exonérée en faveur des épargnants (3.600 millions de DM)

E. MESURES POUR LIMITER L'AVANTAGE FISCAL LIÉ AUX DÉPENSES PARTICULIÈRES (943 MILLIONS DE DM)

Ex : diminution de l'aide à l'accession à la propriété (763 millions de DM)

F. MESURES TARIFAIRES (6.285  MILLIONS DE DM)

Ex : suppression de la taxation à un taux égal à la moitié du taux moyen qui résulterait d'une application de l'impôt à l'ensemble des revenus concernant des ressources extraordinaires (comme les revenus tirés de l'aliénation )

II. LES MESURES CONCERNANT L'IMPÔT SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES (1.220 MILLIONS DE DM)

Ex : suppression de la déduction par les employeurs des frais de voyage et de déménagement de leurs salariés (450 millions de DM)

III. MESURES AFIN DE RENFORCER L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE D'IMPOSITION (5.000 MILLIONS DE DM)

Programme d'action contre la criminalité économique et la fraude fiscale (5.000 millions de DM)

 

Première phase

1.01.1999

Deuxième phase

1.01.2000

Troisième phase

1.01.2002

Allocations familiales (Kindergeld)

passe de 220 DM à 250 DM

-

de 250 DM
à 260 DM

IR : tranche exonérée

passe de 12.360 DM à 13.020 DM

de 13.020 DM à
13.500 DM

de 13.500 DM
à 14.000 DM

IR : taux d'impôt minimal

passe de 25,9 % à 23,9 %

de 23,9 % à 22,9 %

de 22,9 % à 19,9 %

IR : taux maximal

-

passe de 53 % à 51 %

de 51 % à 48,5 %

IS des PME : taux maximal

passe de 47 % à 45 %

de 45 % à 43 %

-

Allègement total

14 Mrd DM intégralement compensés

16 Mrd DM intégralement compensés

24 Mrd DM dont 14 compensés et 10 "d'allègement net"



On note que si le taux très élevé de la première tranche diminue de deux points passant de 25,9 à 19,9%, celui de la tranche la plus élevée passerait de 53 à 48,5%.

La comparaison partielle de deux systèmes fiscaux est toujours délicate ; mais la tendance est incontestable : un gouvernement social - démocrate fait de la baisse de l'impôt sur le revenu sa priorité.

Le gouvernement français peut-il ne pas en tenir compte ? Sa réponse mérite d'être exposée : " Nous avons la même volonté d'abaisser les impôts sur les ménages pour soutenir la croissance, mais chacun prend l'impôt qui est le plus adéquat en la matière " , a déclaré, fin octobre, sur LCI, le secrétaire d'État au budget, Christian Sautter.

Pour le gouvernement, la situation d'un pays à l'autre n'est pas la même. En Allemagne, l'impôt sur le revenu pèse aussi lourdement que la TVA dans les prélèvements obligatoires, alors qu'en France il ne devrait rapporter que 315 milliards contre 830 milliards de francs pour la TVA. Il estime donc logique que, dans le même souci, celui d'aider les ménages, l'Allemagne commence à alléger l'impôt sur le revenu, alors que la France compte d'abord faire un effort de baisse de TVA.

Votre commission insiste sur le fait que le déséquilibre, n'est pas si important, si l'on prend en compte toutes les composantes de l'imposition du revenu. En additionnant le produit de l'impôt sur le revenu à ceux de la CSG et du RDS - qui font partie de l'impôt sur le revenu même si ces contributions sont prélevées à la source, ce qui est, d'ailleurs, également le cas de l'impôt sur le revenu en Allemagne - on arrive à des montants moins déséquilibrés, puisque le total de la fiscalité du revenu atteint presque 629 milliards de francs.

Au demeurant, la baisse de la TVA en reste au niveau des pieuses intentions et fait partie des " figures obligées " auxquelles le gouvernement se sent tenu pour ne pas sembler tourner le dos trop vite à ses engagements électoraux.

De toute façon, ce qui importe, c'est la méthode et la tendance : lier , d'une part, la réduction des niches fiscales à l'allégement et donc à la simplification du barème, pour la méthode ; accepter de diminuer les taux de toutes les tranches , y compris, celui de la tranche la plus élevée qui passe nettement en dessous de 50%, pour la tendance. En l'état actuel des choses, ce plan semble effectivement un bel exemple de cohérence, dont l'on ferait bien de s'inspirer de ce coté du Rhin.

c) Fiscalité et prestations sociales : la transparence nécessaire

Lorsque les revenus de transfert et de remplacement représentent plus de 35% contre 23% en 1970, on ne peut plus considérer notre système fiscal indépendamment du régime des prestations sociales.

Une vision d'ensemble est donc nécessaire notamment du point de vue des seuils - actuellement uniquement fondés sur le critère d'imposabilité - et du problème plus général de la non imposition des prestations sociales.

Votre commission estime que cette situation, sans doute dans l'ensemble justifiée, doit néanmoins être examinée de près dans la mesure où le jeu combiné des règles fiscales et sociales peut aboutir à des discriminations non justifiées.

Sur ce point, il semble nécessaire de procéder à un recensement des aides existantes, qui constitue le préalable à l'effort de réflexion auquel invite, notamment, le Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics. Cet organisme, que préside le premier président de la Cour des comptes, souligne le caractère " à la fois complexe, injustifié et injuste " , de l'appréciation des conditions de ressources.

Il existe, ainsi, quatre prestations familiales versées sous conditions de ressources : l'allocation jeune enfant (APJE), le complément familial (CF), l'allocation parent isolé (API) et l'allocation de rentrée scolaire (ARS). " or, selon le rapport , pour ces seules quatre prestations, on ne compte pas moins de deux plafonds de ressources, deux systèmes différents pour la prise en compte des ressources et deux systèmes pour la prise en compte de la taille du foyer ", une variété de seuils qui " rend le dispositif d'aides illisible pour les bénéficiaires " et qui, en outre est " injustifié " .

Le comité souhaite dans cette perspective l'unification du mode d'évaluation des ressources, la création d'un " revenu social référent unique ". Mais il va plus loin. Pour lui, " les prestations sociales et notamment les prestations familiales constituent bien un revenu au sens civiliste classique (une somme d'argent provenant d'une source permanente d'une manière périodique) : rien ne justifie donc leur exclusion du champ de l'impôt 51( * ) "

Votre commission considère que, si cette position est manifestement trop abrupte, la question mérite d'être soulevée et qu'elle n'est actuellement sans solution satisfaisante que parce que le système actuel est trop progressif à l'entrée dans le barème.

La fiscalisation des allocations familiales est inconcevable dans les conditions actuelles car elle entraînerait un surcroît d'imposition pour un nombre considérable de familles modestes : quelque 2,1 millions de foyers, it 7 % dans la seule métropole, perdraient en moyenne 0,7 % de leur revenu disponible, indique le rapport Thélot susmentionné. En outre, jusqu'à 320.000 foyers qui ne le sont pas deviendraient imposables, ce qui leur ferait perdre " du même coup un certain nombre d'avantages lorsqu'ils sont salariés dans certaines grandes entreprises, ou lorsqu'ils accèdent à certains services publics locaux ". L'avis de non-imposition est devenu un passeport pour l'attribution ou le niveau de nombreuses prestations sociales.

Ce qui est certain, selon votre commission des finances, c'est que, "compte tenu des initiatives prises au plan local, personne, comme le faisait remarquer le rapport La Martinière ne peut prétendre en détenir un état complet et à jour. Elles comportent des conséquences perverses au point de vue social : l'existence de trappes à pauvreté leur est due dans une très large mesure. "

En termes à la fois macro que micro économiques, fiscalité et prestations sociales sont étroitement interdépendantes. La question est maintenant qu'après la multiplication des prestations et la diversification de leur origine à laquelle on a assisté, on puisse clarifier la situation et établir une transparence sans laquelle il n'est pas de vraie justice.

3. Les impératifs : une vue d'ensemble et une vision d'avenir

L'impôt sur le revenu doit être réformé en profondeur. Le Gouvernement le reconnaît mais ne le fait pas dans ce budget . Or le contexte favorable actuel, - dont on souhaite qu'il perdure mais qui est soumis à de nombreuses incertitudes -, était l'occasion d'engager la modernisation tant attendue de notre système fiscal.

Sans perspective d'ensemble s'agissant des mesures strictement fiscales, ce budget est aussi dépourvu de vision d'avenir. Prendre aux familles dites riches pour donner aux familles modestes, est une politique à courte vue contraire aux besoins démographiques du pays. On ne peut sur ce sujet que rejoindre les propos du président de la République, lorsqu'il a déclaré, à la fin de juin dernier devant l'UNAF : " La politique familiale ne saurait être de droite ou de gauche ; elle doit être familiale  ... elle cesse d'être familiale quand elle commence à dépendre d'une redistribution entre les familles ".

a) Un budget sans vision d'ensemble de l'impôt sur le revenu

La commission ne voit d'abord dans certaines mesures relatives à l'impôt sur le revenu contenues dans le présent projet de loi de finances que la juxtaposition de mesures ponctuelles éminemment contestables, dès lors qu'elles ne prennent pas place dans un plan général de modernisation de l'impôt sur le revenu .

Le démantèlement des " niches " fiscales est légitime, mais seulement dans le cadre d'une réforme générale. Il se conçoit comme un des aspects d'un processus de modernisation, dont l'autre volet est la clarification d'un système fiscal particulièrement opaque. Le Gouvernement en fait un moyen d'augmenter le rendement de l'impôt ; il devrait en faire le résultat d'une vaste opération de simplification, qui tendrait à rapprocher l'architecture de notre fiscalité des personnes de celle existant chez nos principaux partenaires de la zone Euro.

Il y a des situations acquises, qui sans constituer des droits, doivent être respectées ; il peut être légitime d'y porter atteinte mais, progressivement, dans le contexte d'un réaménagement de structure. Votre commission ne prend pas parti sur le fond, car c'est d'abord une question de méthode.

Votre rapporteur général, cohérent avec sa position de principe, vous propose par un amendement en seconde partie de la loi de finances de reprendre le processus interrompu pour 1997 et 1998 en prévoyant, sur le modèle du plan établi par le Gouvernement de M. Juppé, un aménagement du barème et la décote pour l'imposition des revenus des années 1999, 2000, 2001 et 2002.

La réforme proposée comporte :

- un relèvement progressif de la tranche à taux zéro qui passerait de 26.100 F pour les revenus de 1998 à 29.000F pour les revenus de 1999, montant qui serait porté progressivement à 40.000 F pour les revenus de 2002.

- un abaissement du plafond de la troisième tranche de 146.320 francs à 135.000 francs, pour les revenus de 1999, montant qui serait progressivement porté à 101.000 francs pour les revenus de 2002 ;

- un élargissement de la quatrième tranche qui irait pour les revenus de 1999, de 135.000 à 211.000 francs (le plafond pour 1998 est de 238.080 francs), montant progressivement porté à 143.500 francs revenus de 2002 ;

- un abaissement du plafond de la cinquième tranche, de 293.600 francs à 275.000 francs, montant progressivement porté à 233.000 francs pour les revenus de 2002

Par ailleurs, à l'issue de la réforme, c'est à dire pour les revenus de 2002, les taux des trois premières tranches sont allégés d'un point, les taux des trois suivantes étant allégés de deux points .

Le montant de la décote est abaissé à 2500 francs pour les revenus de 1999 (contre 3.300 francs pour les revenus de 1998) et progressivement diminué pour être supprimé pour les revenus de 2002.

b) Les familles ponctionnées

Cette politique de suppression des " niches " est d'autant plus critiquable qu'elle se double de la remise en cause brutale du régime actuel du quotient familial.

En 1997, le Gouvernement avait décidé la mise sous conditions de ressources les allocations familiales. La mesure a pris effet pour les versements de mars 1998.

Cette nouvelle politique a eu pour conséquence de priver quelque 386.000 familles, qui toutes n'étaient pas " aisées ", de tout ou partie de leurs allocations.

Les protestations auxquelles a donné lieu la mesure, ont conduit le Gouvernement à un revirement radical dans la méthode mais l'objectif reste le même.

Les sommes prélevées sur certaines familles ne leur sont pas rendues : la suppression de la condition de ressources et donc le rétablissement des allocations familiales pour tous sont en effet compensés par l'abaissement du plafond de l'avantage fiscal résultant de la demi-part de 16.380 à 11.000 francs

On note, également, que la recette de 3,9 milliards de francs provient d'une part, du prélèvement supplémentaire sur les familles ayant des enfants à charge à concurrence de 3,2 milliards de francs et, d'autre part, pour le solde, des effets de la réduction du plafond de la déduction des pensions versées aux enfants majeurs ou de celle de l'abattement auquel donnent droit les enfants mariés ou ayant eux-mêmes des enfants et rattachés au foyer fiscal des parents.

Pour votre commission des finances, la mesure est, d'abord, critiquable dans son principe.

Il est certain que l'on assiste à un virage capital dans la politique française de la famille . Au delà du procédé employé - mise sous conditions de ressources ou abaissement du plafond du quotient familial -, on cesse de faire de la famille l'objet d'une politique de redistribution horizontale, entre contribuables avec et sans charges de famille.

Désormais, il est clair que l'on prend à certaines familles pour donner à d'autres les moyens dont elles ont besoin pour élever leurs enfants . Ce changement pourrait se révéler funeste aussi bien pour la démographie que pour l'économie françaises

Certes, la plupart des pays n'accordent pas d'avantages fiscaux proportionnels au revenu et se contentent d'offrir des abattements nettement moins avantageux que le système du quotient familial. Mais, la comparaison suppose que soient pris en compte tous les paramètres et, en particulier, la progressivité de l'ensemble du barème.

La nouvelle politique familiale n'est pas seulement une redistribution entre familles " riches " et familles " pauvres " ; elle doit s'interpréter aussi comme une moindre redistribution entre foyers avec et sans enfants . Enfin, indirectement, cette politique doit s'analyser comme un alourdissement de la fiscalité pesant sur les cadres et donc comme un facteur supplémentaire de pénalisation des " capacités ", de ceux qui par leur compétence et leurs efforts sont à l'origine d'une bonne part du dynamisme de l'économie française.

Globalement, votre commission des finances tient à souligner, sur un plan technique, au-delà des questions de principe évoquées plus haut :

1. que, si le nouveau régime atténue largement les effets de seuil , et peut donc être considéré comme techniquement préférable, il entérine une diminution des ressources consacrées à la famille, q ui se traduit par une hausse du poids et de la progressivité de l'impôt pour les cadres ;

2. qu'il y aura, à l'issue de cette réforme, selon les indications fournies par le rapport de l'Assemblée nationale, presque deux fois plus de " perdants " - 425.000 - que de " gagnants " qui sont au nombre de 225.000 ;

3. que le nouveau dispositif renforce les avantages reconnus aux parents isolés , au risque de favoriser encore la situation des couples non mariés par rapport à ceux qui le sont.

4. qu'il y a, en quelque sorte, une double peine pour les familles , puisque, pour les familles pénalisées, ce sont les revenus de la même année 1998, qui supporteront à la fois le surcroît d'impôt et l'arrêt dix mois sur douze des allocations familiales ;

5. qu'il y a des " perdants " absolus qui sont les couples avec un enfant ne percevant pas d'allocations familiales et les couples avec des enfants compris entre 20 et 26 ans , c'est à dire entre les âges auxquels prennent respectivement fin les allocations familiales et le bénéfice de la demi-part supplémentaire.

En définitive, il faut se poser des questions de fond - notre politique familiale est-elle bien orientée et a-t-on raison de ne pas aider et même de moins aider le premier enfant ? - mais aussi des questions de technique : les mécanismes fiscaux comme le quotient familial - auxquels les Français sont à juste titre attachés - n'ont-ils pas des limites voire des effets pervers ? Dans un monde où la famille est devenue, hélas, éminemment mobile, se décompose et heureusement quelquefois se recompose, ne faut-il pas examiner sans a priori d'autres solutions, qui seront d'autant plus facile à trouver qu'elles s'inscriront dans le processus d'allégement de la pression fiscale sur le revenu que souhaite ardemment votre commission des finances ?

*

* *

" Less is more ", [" Moins, c'est plus "] cet aphorisme d'un architecte de la première moitié de ce siècle mériterait d'être médité en matière de fiscalité, en général, et d'impôt sur le revenu, en particulier.

Le minimalisme est aujourd'hui en vogue, certes ; mais s'il y a une vérité profonde dans cette formule, ce n'est pas seulement parce que les Français veulent payer moins d'impôts, ce qui serait trop simple ; le sens réel de la formule est qu'il faut un système fiscal plus simple, plus fonctionnel, moins sophistiqué. Trop d'impôt tue l'impôt, on le sait ; mais trop d'exceptions, dissout la règle, qui perd alors efficacité et légitimité . Il faut savoir en revenir aux choses simples affirmait en substance une publicité. En matière fiscale, c'est sans doute impossible. Soit. La complexité du code des impôts est le reflet de la diversité des situations réelles.

Maintenant, les gouvernements successifs n'ont-ils pas cédé trop facilement aux démons du perfectionnisme fiscal ? Au fil du temps, le code des impôts n'est-il pas devenu une sorte d'usine à gaz fiscale , dont le rendement diminue au fur et à mesure que l'on rajoute des tuyaux ? La pression fiscale est nominalement forte mais elle diminue à mesure que l'on multiplie les dérivations. Plus les circuits sont compliqués, plus les " pertes en ligne " sont importantes, plus le système devient opaque et donc comporte des risques d'injustices.

Une " mise à plat " est indispensable. Le gouvernement le dit aujourd'hui après avoir interrompu celle qu'avait engagée son prédécesseur. On aimerait le croire. Si le processus reprend, tant mieux ; mais, peut-on prélever mieux quand on ne veut pas prélever moins ?

C. STABILISER L'IMPOSITION DU PATRIMOINE

" La taxe ou portion d'impôt que chaque individu est tenu de payer doit être certaine et non arbitraire ". Cette maxime d'Adam Smith 52( * ) reste la condition du bon fonctionnement des sociétés, dans lesquelles chaque citoyen doit être en mesure d'appréhender la teneur des règles qui vont déterminer l'étendue de ses obligations.

Pourtant, l'évolution des finalités de la règle de droit tend à remettre en cause la sécurité juridique et le projet de loi de finances pour 1999 en est une illustration évidente. Non seulement il confirme la tendance à la multiplication des textes, ce qui rend la norme de moins en moins accessible, mais il introduit de nombreuses modifications, dont certaines sont rétroactives, aggravant ainsi le sentiment d'insécurité juridique.

Or, cette situation a deux effets pervers : d'une part, elle altère l'esprit d'entreprise des contribuables, d'autre part, elle remet en cause le consentement à l'impôt et favorise la fraude fiscale.

C'est pourquoi votre rapporteur général propose non seulement l'adoption de certaines dispositions visant à remédier aux dispositions les plus contestables du projet de loi de finances pour 1999, mais également une réflexion d'ensemble sur les moyens de lutter durablement contre l'insécurité juridique.

1. La sécurité juridique est remise en cause par l'évolution des finalités du droit fiscal

a) Les composantes de la sécurité juridique

La sécurité juridique peut être définie comme une garantie ou une protection tendant à exclure du champ juridique, le risque d'incertitude ou de changement brutal dans l'application du droit. Matériellement, elle implique que la norme juridique présente plusieurs caractères.

D'une part, la norme juridique doit être accessible. Cette exigence suppose que les destinataires potentiels de la norme soient à même de l'appréhender afin d'envisager toutes les conséquences de leurs actes. A défaut, les sujets de droit seraient soumis à des normes dont ils ignoreraient la vocation à régir leur situation. En matière fiscale, la mauvaise lisibilité de la loi peut entraîner, pour certains contribuables, de se voir imposer alors qu'ils pensaient ressortir d'un autre dispositif plus favorable.

D'autre part, la norme juridique doit être prévisible. Cela signifie que les contribuables connaissent le montant des impositions mises à leur charge de telle manière que chacun d'entre eux puisse prendre des engagements en toute clarté. La structure et la formulation de la norme doivent permettre une interprétation rigoureuse des faits, qui ne puisse être remise en cause rétroactivement.

Or, la norme, et particulièrement la norme fiscale, souffre d'un manque de lisibilité et d'une instabilité croissante liée à l'évolution des finalités poursuivies par l'Etat.

b) La remise en cause de la sécurité juridique

En effet, la conception actuelle du droit fiscal en France est difficilement conciliable avec la notion de sécurité juridique. Initialement destinée à couvrir les charges d'un Etat gendarme, elle est progressivement devenue un instrument de politique économique et sociale en constante évolution. Désormais, le rôle imparti à la fiscalité consiste à modifier le comportement des agents économiques par dissuasion ou par incitation.

Or, l'interventionnisme complique la législation fiscale avec la multiplication des régimes dérogatoires.

En outre, la politique gouvernementale doit s'adapter sans discontinuer à une conjoncture économique et sociale en perpétuelle évolution. Dans la mesure où la fiscalité sert à mettre en application la politique du pouvoir exécutif, elle doit être sans cesse modifiée.

Enfin, on assiste à une remise en cause croissante des dispositions introduites dans le but d'influencer les décisions des contribuables. En effet, deux objectifs orientent la politique des gouvernements : l'interventionnisme fiscal et la recherche d'un rendement plus élevé de l'impôt. Ces principes contradictoires dans leurs objectifs contribuent à l'instabilité de la loi fiscale puisque, dès que l'incitation  fiscale est efficace et donc utilisée par un grand nombre de contribuables, le gouvernement est tenté de revenir en arrière afin de récupérer une partie des sommes désormais exonérées.

Cette politique du yoyo s'avère d'autant plus dangereuse que, dans ces cas là, le gouvernement fait voter une loi fiscale rétroactive qui ne se contente pas de modifier la situation juridique pour l'avenir mais remet en cause des effets juridiques créés par une loi fiscale ancienne.

2. Le projet de loi de finances pour 1999 accentue l'insécurité juridique, ce qui entraîne des effets pervers.

a) L'aggravation de l'insécurité juridique touchant les règles applicables à l'imposition du patrimoine

Le projet de loi de finances pour 1999 aggrave l'insécurité juridique en renforçant l'illisibilité et l'imprévisibilité du droit fiscal et en se plaçant sur le terrain de la morale et non de la légalité.

Le renforcement du caractère peu lisible des règles régissant l'imposition du patrimoine

Le projet de loi de finances pour 1999 ne contient pas moins de six modifications des dispositions applicables à l'impôt de solidarité sur la fortune et trois modifications des règles régissant les droits de mutation.

Par ailleurs, son article 24 constitue la cinquième remise en cause de l'exonération générale des contrats d'assurance vie depuis 1996 53( * ) .

La première est intervenue lors de l'institution en février 1996 d'une contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Une deuxième exception à l'exonération générale des contrats d'assurance vie est intervenue du fait de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 qui a opéré une réforme de la contribution sociale généralisée (CSG) et l'a élargie aux produits défiscalisés de l'épargne.

Le projet de loi de finances pour 1998 a introduit une troisième exception puisque les produits des contrats d'assurance vie nouveaux ne sont exonérés qu'à concurrence d'un plafond de 30.000 francs pour un célibataire et 60.000 francs pour un couple marié, en subissant au-delà un prélèvement libératoire au taux de 7,5 %.

Quant à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, elle a fixé le taux de la CSG à 7,5 % et a élevé ainsi le total des prélèvements sociaux à 10 %.

Enfin, l'article 24 du projet de loi de finances pour 1999 voté par l'Assemblée nationale remet en cause l'exonération de droits de mutation à titre gratuit dont bénéficiaient jusqu'à présent les contrats d'assurance vie. En effet, il soumet les sommes reçues par chaque bénéficiaire d'une assurance vie à raison du décès de l'assuré à un prélèvement de 20 % sur la part des sommes excédant 1.000.000 francs.

Concernant l'article 10 du présent projet, celui-ci tend à renverser la présomption irréfragable pesant sur l'usufruitier pour l'intégration dans le patrimoine de ce dernier des biens grevés d'usufruit pour leur valeur en pleine propriété en cas de démembrement, conformément à l'article 885 G du code général des impôts. Désormais, la taxation en pleine propriété des biens démembrés interviendra " dans le patrimoine de la personne qui a constitué sur ces biens un usufruit, un droit d'usage ou d'habitation accordé à titre personnel ".

Or, cette sédimentation des mesures affectant l'imposition du patrimoine nuit à la clarté des textes.

Le renforcement du caractère peu prévisible de la loi fiscale

La sécurité fiscale permet aux contribuables d'élaborer des plans à long terme. Elle s'avère d'autant plus nécessaire que la fiscalité n'est plus neutre, mais se veut incitative. Ainsi, lorsqu'un contribuable évalue le rendement économique de telle opération, il inclut dans ses considérations le volet fiscal. Si ce dernier est modifié alors que l'opération est engagée, ses calculs économiques sont remis en cause et ce qu'il considérait comme une opération rentable peut devenir un placement médiocre, voire inintéressant.

Or, le projet de loi de finances pour 1999 comporte plusieurs articles aux effets rétroactifs.

L'article 10 précité renverse la présomption antérieurement établie pour l'ISF. Or, il est prévu que la nouvelle présomption s'applique à compter de 1999, quelle que soit la date à laquelle le démembrement de propriété a été décidé. L'application de cette disposition risque d'avoir des conséquences financières importantes pour les contribuables qui avaient procédé à une donation de l'usufruit et qui voient le bien grevé de l'usufruit réintégré dans leur patrimoine. En outre, s'ils désirent récupérer l'usufruit afin de pouvoir payer l'ISF, il leur faut obtenir le consentement du donataire qui se verra non seulement privé de l'usufruit, mais devra payer les droits de mutation à titre gratuit.

L'article 14 relatif à la modification des règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit devrait également s'appliquer aux donations ou legs réalisés ou aux successions ouvertes à partir du 1 er janvier 1999, quelle que soit la date à laquelle le testament a été enregistré.

L'article 16 relatif à l'imposition de plus-values "constatées" et des plus-values en report d'imposition en cas de transfert du domicile hors de France s'appliquerait aussi de manière rétroactive aux contribuables ayant transféré leur domicile hors de France depuis le 9 septembre 1998, date de la présentation du projet de loi de finances en conseil des ministres. Le motif d'intérêt général invoqué par le gouvernement pour justifier la rétroactivité de cette disposition semble être la " moralisation " de la fiscalité pour les gros patrimoines et les placements financiers. En outre, cela devrait dissuader les éventuels candidats à la délocalisation d'agir dans la précipitation entre l'annonce de la mesure et le 31 décembre 1998.

Enfin, l'article 24 initial remettait en cause l'exonération des droits de mutation à titre gratuit dont bénéficient les contrats d'assurance vie lorsque la somme des valeurs de rachat des contrats rachetables et des primes versées sur les contrats non rachetables au jour de décès de l'assuré excède 1.000.000 francs ou 30 % de cette somme. En outre, il était prévu que cette disposition s'applique aux successions ouvertes à la suite du décès d'assurés survenus à compter de 1999 quelle que soit la date à laquelle les contrats d'assurance vie auraient été signés.

La moralisation de la règle de droit

L'article 24 a été présenté par le gouvernement comme une " moralisation des avantages liés à la transmission des patrimoines par le biais de l'assurance vie ".

En utilisant cette formulation, le gouvernement s'est engagé sur une pente dangereuse. Les enjeux du problème doivent être clairs : alors que le gouvernement se sert largement de l'outil fiscal afin d'influencer l'activité économique, il n'admet pas que cet instrument puisse être utilisé légalement par les contribuables de manière à satisfaire au mieux leurs intérêts. Ne pouvant contester l'utilisation faite de la fiscalité au niveau de la légalité, le gouvernement justifie la remise en cause des règles fiscales existantes en faisant référence à la morale.

L'imposition du patrimoine constitue un terrain privilégié pour cette moralisation de la règle de droit. Tout d'abord, le gouvernement sait qu'il peut utiliser la méfiance spontanée de l'opinion publique et des médias vis-à-vis des gros patrimoines et faire régner un véritable esprit de suspicion à l'égard de cette catégorie de contribuables. Ensuite, ce sont par essence les contribuables imposés à l'ISF qui recourent le plus à l'optimisation fiscale puisque les avantages de cette dernière sont d'autant plus grands que le montant du patrimoine est élevé. En outre, leur patrimoine les autorise à faire appel aux conseils fiscaux les plus expérimentés.

Or, cette moralisation s'avère doublement dangereuse.

D'une part, en se plaçant non plus sur le terrain de la légalité mais sur celui de la morale, la frontière entre l'optimisation fiscale et l'évasion fiscale s'efface et l'administration fiscale se voit reconnaître le droit de contester l'opposabilité de schémas au seul prétexte qu'ils occasionnent, en plus de leur intérêt économique, familial ou financier, une conséquence fiscale favorable.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement, plutôt que de demander une utilisation plus large de la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L.64 du livre des procédures fiscales, préfère faire voter de nouvelles dispositions légales.

En effet, dans le cadre de la procédure d'abus de droit, l'administration doit démontrer que l'opération litigieuse a pour seul objectif la réalisation d'une économie fiscale. Or, parce que dans la plupart des cas l'abus de droit ne peut pas être mis en oeuvre, le gouvernement propose autoritairement de revenir sur la situation de droit existante, sous prétexte de moralisation des règles fiscales.

D'autre part, cette moralisation n'aborde pas les vrais problèmes du droit fiscal, à savoir le développement parallèle de l'insécurité juridique et de l'évasion fiscale à cause d'un interventionnisme croissant et d'un alourdissement constant de la fiscalité. Au contraire, cette moralisation des règles fiscales risque de faire perdurer le cercle vicieux suivant : en raison d'une imposition trop lourde et trop changeante, les tentatives d'évasion fiscale se multiplient et entraînent un nouveau durcissement et une nouvelle modification des règles fiscales.

A cet égard, il est intéressant de rapporter les considérations du Conseil d'Etat sur la sécurité juridique 54( * ) : " Or, par un étrange paradoxe, plus on croit traquer le fraudeur, plus on incite à la fraude : d'abord parce que le juge et le contrôleur, débordés, n'arrivent plus à se tenir au courant, et que leur efficacité diminue à mesure que croît la production du législateur ; ensuite parce que la loi dont on change à chaque saison, la loi " jetable ", n'est pas respectable : pourquoi ne pas frauder si l'on peut supposer que, de changement en changement, ce qui est illicite aujourd'hui sera licite demain ? "

b) Cette aggravation de l'insécurité juridique a de nombreux effets pervers

D'une part, le développement de l'insécurité juridique altère l'esprit d'entreprise des contribuables. En effet, la société capitaliste repose sur le calcul et sur le risque, mais il s'agit d'un risque évalué en fonction de règles juridiques stables aux effets prévisibles. Si l'environnement juridique de l'entreprise ou du patrimoine devient instable, toute prévision tend à devenir impossible et les agents économiques ne sont plus encouragés à développer leurs activités.

D'autre part, l'instabilité des règles a pour effet d'entraîner un manque d'adhésion à celles-ci. En effet, l'acte d'imposition résulte de l'application d'une règle de droit comportant un présupposé et un effet juridique. Cette règle a pour objet d'exclure toute incertitude sur le produit qui en résulte. La sécurité juridique ainsi procurée aux contribuables assure le consentement à l'impôt. A l'inverse, l'instabilité des règles de droit fiscal se traduit par des suppléments d'imposition perçus comme purement arbitraires. Ces revirements bouleversent les prévisions que ces derniers ont effectuées sur le fondement des règles précédemment établies et réduisent leur adhésion au système fiscal.

3. Les propositions de votre commission

Ces propositions visent à apporter une solution à deux séries de difficultés. Tout d'abord, il s'agit de remédier aux dispositions les plus contestables contenues dans le projet de loi de finances pour 1999. Pour autant, votre rapporteur général est conscient que des réformes plus structurelles doivent être envisagées afin de mettre un terme à l'insécurité juridique qui caractérise notre fiscalité.

a) Les propositions visant à remédier aux dispositions les plus contestables du projet de loi de finances pour 1999

Deux principes ont guidé votre rapporteur : le refus de toute disposition rétroactive afin d'assurer la prévisibilité de la règle de droit ; le refus de toute mesure visant des cas particuliers d'évasion fiscale qui peuvent en réalité être combattus par la procédure d'abus de droit, et ce afin de ne pas nuire à la lisibilité de la règle de droit.

Le refus de toute disposition rétroactive en matière d'épargne et de gestion de patrimoine.

Votre rapporteur général propose ainsi de supprimer l'article 10 relatif à l'imposition à l'ISF des biens ou droits dont la propriété est démembrée dans la mesure où le renversement de la présomption s'appliquerait au titre de 1999 quelle que soit la date à laquelle le démembrement de propriété a été décidé.

De même, si l'article 24 n'avait pas été modifié par l'Assemblée nationale qui a supprimé son caractère rétroactif, votre rapporteur général aurait proposé cette modification.

Le refus de toute mesure visant à lutter contre des cas particuliers de fraude fiscale qui peuvent être combattus par la procédure de répression des abus de droit.

L'article 9 tend à limiter l'exonération d'ISF au titre des biens professionnels aux seuls loueurs en meublés professionnels qui retirent de leur activité plus de 50.000 francs de recettes annuelles et plus de 50 % des revenus professionnels de leur foyer fiscal. Jusqu'à présent, la part des revenus professionnels tirés de l'activité de la location de meublés était comparée aux seuls revenus de la personne exerçant cette activité.

Cette nouvelle disposition présente plusieurs inconvénients qui sont développés dans le commentaire dudit article dans le tome II du présent rapport. Au regard de la sécurité juridique, elle est dangereuse dans la mesure où elle s'immisce dans les foyers fiscaux et donne à l'administration le pouvoir de contester la répartition des activités professionnelles au sein du couple sous prétexte que ce dernier pourrait en tirer un avantage fiscal. Votre rapporteur général refuse cette suspicion généralisée et proposera donc un amendement de suppression de cet article.

La lutte contre l'évasion et la délocalisation fiscales serait facilitée par un allégement de la pression.

Votre commission peut difficilement ne pas souscrire, dans leurs grandes lignes, aux dispositions du présent projet tendant à lutter contre les délocalisations fiscales.

Elle rappelle toutefois d'une part, que cette lutte doit s'inscrire dans le cadre d'une coopération et d'une harmonisation accrues sur le plan communautaire, et d'autre part que le meilleur moyen de lutter contre les délocalisations est d'alléger l'impôt.

Une des décisions les plus préjudiciables en la matière, proposée par le précédent gouvernement, fut de déplafonner la somme "impôt sur le revenu + impôt sur la fortune" par rapport au revenu (avant la loi de finances pour 1996 ce plafond était fixé à 85 %). Ce déplafonnement peut conduire les contribuables à payer davantage d'impôt qu'ils n'ont de revenu, encouragement certain au départ vers un ciel fiscal plus clément.

b) Les propositions visant à lutter durablement contre l'insécurité juridique

Votre rapporteur estime que la sécurité juridique ne pourra pas être assurée sans le retour à une plus grande stabilité de l'impôt et sans la reconnaissance officielle du principe de sécurité juridique.

Le retour à une plus grande stabilité fiscale

Votre rapporteur général ne peut que répéter le plaidoyer constant de votre commission en faveur de la stabilité fiscale. Le caractère erratique de notre fiscalité est particulièrement nuisible à des comportements rationnels en matière de patrimoine, car les épargnants ont besoin d'une visibilité à long terme.

la reconnaissance solennelle du principe de sécurité juridique

La rétroactivité des lois n'est pas considérée comme anticonstitutionnelle en France. Ainsi, son interdiction n'a jamais figuré ni dans les constitutions successives ni dans leur préambule 55( * ) . Seul y figure le principe de la sûreté que, en dehors du domaine pénal, le Conseil constitutionnel n'a pas interprété, jusqu'à présent, comme interdisant aux lois de revenir sur des situations apparemment acquises et d'aggraver, a posteriori, les conditions juridiques de l'activité des citoyens.

LA RÉTROACTIVITÉ DES LOIS FISCALES : JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Le législateur est libre de déroger au principe de valeur législative de la non-rétroactivité. Le Conseil constitutionnel a toutefois apporté un certain nombre de limites à cette liberté.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE :

1- Le CC a admis le principe de lois rétroactives en matière fiscale :


L'article 2 du Code civil stipule : " la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ". Le Conseil constitutionnel considère que ce principe n'a qu'une valeur législative 56( * ) : le législateur est donc libre d'y déroger et d'édicter des lois rétroactives 57( * ) .

2- Le CC a posé des conditions à ce principe :

La rétroactivité des lois est une entorse à la sécurité juridique. Dans les cas de lois fiscales rétroactives moins favorables 58( * ) , le Conseil constitutionnel a posé un certain nombre de conditions :

1- Non-rétroactivité pour les sanctions fiscales :

Le Conseil constitutionnel a reconnu que les sanctions fiscales étaient soumises aux principes généraux du droit pénal (CC 29 décembre 1989, n° 89-268 DC). Le principe de non-rétroactivité des lois pénales a donc été étendu à toutes les sanctions ayant le caractère de punition, même si elles sont infligées par une autorité de nature non judiciaire (CC 30 décembre 1982, n° 82-155 DC).

CC 29 décembre 1986, n° 86-223 DC : " conformément au principe de non-rétroactivité des lois répressives posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, elle ne saurait permettre d'infliger des sanctions à des contribuables à raison d'agissements antérieurs à la publication des nouvelles dispositions qui ne tombaient pas légalement sous le coup de la loi ancienne ".

Cas particulier : La suppression d'une exonération n'a pas le caractère d'une sanction (CC 29 décembre 1989, n° 89-268 DC).

2- Une loi ne saurait porter préjudice au contribuable dont les droits ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée :

Les lois fiscales rétroactives ne peuvent porter préjudice aux droits que les contribuables tiennent des décisions de justice passées en force de chose jugée (CC 29 décembre 1986, n° 86-223 DC, CC 29 décembre 1988, n° 88-250 DC, CC 29 décembre 1989, n° 89-268 DC).

CC 29 décembre 1986, n° 86-223 DC : " l'application rétroactive de la loi fiscale ne saurait préjudicier aux contribuables dont les droits ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée ".

3- La rétroactivité doit être fondée sur des raisons d'intérêt général :

Si le législateur peut modifier rétroactivement la loi fiscale, par exception aux dispositions de valeur législative de l'article 2 du Code civil, ce doit être " pour des raisons d'intérêt général " ; celui-ci ne se limitant pas à la seule considération d'un intérêt financier (CC 29 décembre 1986, n° 86-223 DC).

CC 29 décembre 1986, n° 86-223 DC : " Considérant que, par exception aux dispositions de valeur législative de l'article 2 du Code civil, le législateur peut, pour des raisons d'intérêt général, modifier rétroactivement les règles que l'administration fiscale et le juge de l'impôt ont pour mission d'appliquer "



En outre, le Conseil constitutionnel semble dégager une autre condition : l'exigence de proportionnalité entre les mesures adoptées et l'objectif poursuivi (CC 29 décembre 1988, n° 88-250 DC, CC 29 décembre 1989, n° 89-268 DC).

Exemples :

- dans le cas d'une loi de validation rétroactive des rôles, l'intérêt des finances publiques mais aussi le principe d'égalité devant les charges publiques remplissaient la condition des raisons d'intérêt général (CC 29 décembre 1988, n° 88-250 DC).

- le Conseil constitutionnel a sanctionné les dispositions d'un article visant à valider les titres de perception répartissant entre les entreprises de transport aérien les dépenses afférentes au contrôle technique d'exploitation et aux conditions générales de l'équilibre financier du budget annexe de l'aviation civile qui n'étaient pas susceptibles d'être affectées en l'espèce ; en effet, il a estimé que la seule considération d'un intérêt financier lié à l'absence de remise en cause des titres de perception concernés ne constituait pas un motif d'intérêt général autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d'une décision de justice déjà intervenue (CC 28 décembre 1995, n° 95-369 DC).

4- La rétroactivité ne se présume pas :

Il semble acquis qu'une mesure fiscale rétroactive est anticonstitutionnelle lorsque les travaux préparatoires de cette disposition font apparaître que le caractère rétroactif de la mesure n'a pas été invoqué ou justifié.

II. LES DIFFÉRENTES FORMES DE RÉTROACTIVITÉ :

1- Les lois de finances :


Le principe général, concernant l'assiette de l'impôt, est celui de l'application des règles en vigueur au moment du fait générateur de l'imposition.

• Les lois fiscales entrent en vigueur un jour franc après la date de leur publication au J.O. sauf disposition expresse fixant cette entrée en vigueur à une date différente ; c'est le cas, depuis 1981, de la plupart des lois de finances initiales.

• La détermination du fait générateur est plus complexe :

- En matière de TVA et d'une manière générale de droits indirects, le principe n'aboutit à aucun retour sur le passé, puisque le fait générateur est un événement ou une situation constatée à une date donnée.

- Mais en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, le fait générateur est constitué par la clôture de la période de réalisation des revenus ou des profits imposables 59( * ) .

Combinée aux principes régissant l'entrée en vigueur des lois de finances initiales, cette définition du fait générateur se traduit, pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, par un phénomène de rétroactivité.

Cette rétroactivité n'est pas inévitable : il arrive fréquemment que les lois de finances reportent à l'année suivante l'application d'un certain nombre de dispositions.

Cette situation semble une originalité française. Les Etats-Unis, par exemple, appliquent à cet égard une règle pragmatique appelée règle du " fair announce " : les lois fiscales rétroagissent à la date à laquelle l'administration a annoncé les nouvelles dispositions qui allaient être soumises au Congrès. Une telle réserve n'est pas inconnue du législateur français qui en a fait application à plusieurs reprises.

Exemple : La prise d'effet au 1 er janvier des dispositions de la loi de finances promulguée en fin d'année constitue une application rétroactive de la loi et se trouve donc soumise au respect des conditions mises à la rétroactivité des lois (CC 29 décembre 1989, n° 89-268 DC).

Cas particulier : l'abrogation anticipée d'une exonération ou d'une réduction d'impôt :

Le Conseil constitutionnel n'exerce presque aucun contrôle dans ce cas sur l'appréciation faite par le législateur de revenir sur l'exonération (CC 29 décembre 1983, n° 83-164 DC).

Dans le cas d'une suppression rétroactive de la réduction d'impôt sur le revenu pour les versements afférents à certains contrats d'assurance-vie (CC 28 décembre 1995, n° 95-369 DC), le Conseil constitutionnel a estimé que la disposition rétroactive n'édictant pas une sanction 60( * ) (elle ne faisait que limiter les effets dans le temps des réductions fiscales), elle n'était pas anticonstitutionnelle.

2-Les lois de validation :

Le Conseil constitutionnel a admis la possibilité pour le législateur de valider des actes administratifs aux conditions présentées plus haut.

la " validation implicite " de dispositions législatives illégalement codifiées :

Il peut arriver que l'administration, dans sa mission de codification, ajoute à la loi. Le texte résultant de cette codification illégale est sans valeur, le juge fait prévaloir la loi effectivement adoptée sur cette codification. Si le Gouvernement fait adopter par le Parlement une disposition qui fait référence à l'article codifié ou qui en modifie quelques mots, le législateur semble alors valider implicitement l'article du Code auparavant dépourvu de base légale.

Rien n'exclut que cette validation rétroagisse si l'intention du législateur est de ratifier le décret de codification.

la validation de règlements, d'actes de procédure ou d'impositions :

1- Les validations législatives de règlements en matière fiscale sont devenus obsolètes.

2- Les validations d'impositions ou d'actes de procédures demeurent courants. Le Conseil constitutionnel refuse de censurer ces validations droit (CC 29 décembre 1988, n° 88-250 DC). Mais il souligne que la validation législative doit avoir pour objet de purger un vice déterminé : tout ce que peut faire le législateur, c'est " modifier rétroactivement les règles que l'administration fiscale et le juge de l'impôt ont pour mission d'appliquer ".

3- Les lois dites interprétatives :

Une loi interprétative doit se borner à reconnaître sans rien innover un droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse. Par nature une loi interprétative est rétroactive. Mais se sont développées depuis les années 1980, des lois dites interprétatives qui avaient pour objet, par exemple, de faire obstacle à la jurisprudence du juge de l'impôt.

Il est vrai que les différentes formes de rétroactivité ne comportent pas toutes les mêmes inconvénients. Ainsi, il arrive que l'intérêt général commande la validation de certains actes administratifs lorsque les difficultés pratiques créées par les annulations prononcées par le juge sont inextricables.

Il n'en reste pas moins qu'une faculté aussi dangereuse pour la sécurité des sujets de droit ne devrait être utilisée qu'avec modération et discernement, notamment en matière fiscale.

En outre, la construction européenne nous incite à un plus grand respect de la sécurité juridique. En effet, la Cour de justice des communautés européennes a érigé la sécurité juridique en principe général du droit. Selon la Cour, la législation européenne doit être " certaine et son application prévisible " 61( * ) . En cas d'adoption d'une disposition législative rétroactive, un contribuable français pourrait également attaquer la décision devant la Cour européenne des droits de l'Homme.

En droit fiscal, on peut distinguer trois sortes de dispositions rétroactives :

- les dispositions rétroactives liées au mode de détermination de certains impôts. Ainsi, en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, la loi de finances initiale votée le 31 décembre de chaque année comporte toujours, du fait des principes régissant le fait générateur de l'impôt, des effets rétroactifs au 1 er janvier de l'année écoulée ;

- les dispositions rétroactives visant à remettre en cause avant le terme prévu un avantage fiscal consenti à l'origine pour une période déterminée ;

- les dispositions rétroactives liées à la validation législative des conséquences de contentieux fiscaux.

Si l'on peut admettre la rétroactivité de l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés (même s'il convient de noter qu'en matière de taxes locales, de TVA ou d'impôt de solidarité sur la fortune, la loi de finances annuelle ne dispose que pour l'avenir), en revanche, les deux autres catégories de dispositions rétroactives sont beaucoup plus contestables.

Dans son rapport public pour 1991, le Conseil d'Etat considère qu'il faudrait restreindre la rétroactivité en matière fiscale 62( * ) , " une telle restriction ne nuirait pas nécessairement à l'efficacité de l'administration fiscale ; trop souvent, en effet, la rétroactivité fiscale constitue, pour les fabricants de textes, un moyen facile -et tentant- d'échapper à leur responsabilité : on peut écrire n'importe quoi, puisqu'on " rattrapera " toujours ses erreurs. S'interdire la rétroactivité obligerait à réfléchir plus longuement aux conséquences des textes qu'on propose ; à terme, il en résulterait une amélioration de leur qualité juridique. "

En tout état de cause, votre rapporteur général considère qu'il serait nécessaire de mettre un terme aux dispositions fiscales nouvelles de nature à remettre en cause, dans un sens préjudiciable aux épargnants, l'équilibre de contrats fondés sur des dispositifs fiscaux et dont la durée est généralement moyenne ou longue.

IV. FAIRE CONFIANCE AUX COLLECTIVITÉS LOCALES

Responsables des trois quarts de l'investissement public en France, les collectivités locales veulent pouvoir choisir leur mode de développement. La perspective d'une adaptation de la législation relative aux interventions économiques des collectivités locales laisse espérer de nouvelles marges de manoeuvre.

Les dispositions relatives aux collectivités locales figurant dans le projet de loi de finances pour 1999 ne se situent pas dans cette perspective : elles placent les collectivités locales dans une situation de dépendance accrue à l'égard de l'Etat et ne les incitent pas se comporter en acteurs économiques responsables et ambitieux.

A. LES RESSOURCES DES COLLECTIVITÉS LOCALES : NE PAS HYPOTHÉQUER L'AVENIR

L'article 34 de la Constitution dispose que c'est la loi qui détermine les principes fondamentaux de " la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ".

C'est le rôle du Parlement, et notamment du Sénat, " maison des collectivités locales ", de veiller à ce que la loi permette aux collectivités locales de s'administrer librement, en s'assurant que leurs ressources leur permettent d'exercer pleinement leurs compétences.

Les trois exemples présentés ci-après, le " contrat de croissance et de solidarité " proposé en remplacement du pacte de stabilité, les mésaventures de la CNRACL et la réforme de la taxe professionnelle montrent que les solutions émanant du gouvernement ne sont guère satisfaisantes.

1. Un contrat de croissance et de solidarité trop timide

Les concours de l'Etat aux collectivités locales sont votés chaque année à l'occasion de la loi de finances et prennent la forme soit de prélèvements sur recettes, soit de subventions budgétaires, retracées dans le fascicule du ministère de l'intérieur. Néanmoins, en dépit de la règle de l'annualité budgétaire et dans un souci de lisibilité et de prévisibilité, le précédent gouvernement avait choisi de fixer un cadre pluriannuel, le " pacte de stabilité " s'étalant sur trois ans, aux relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.

Le pacte de stabilité prévoyait une indexation sur l'indice des prix à la consommation, hors tabac, du montant des concours de l'Etat aux collectivités locales, regroupés au sein de l' " enveloppe normée ". Ce dispositif rigoureux était l'une des conséquences du contexte macro-économique déprimé dans lequel il avait été élaboré en 1995. Il traduisait la participation des collectivités locales à l'effort de redressement des finances publiques.

Aujourd'hui, les perspectives de croissance sont meilleures, et les collectivités locales ont su convaincre le gouvernement de prendre en compte une fraction du taux de croissance du PIB dans l'indice de progression de l'enveloppe normée , comme c'est d'ailleurs le cas s'agissant de la principale composante de l'enveloppe, la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Toutefois, les modalités de la détermination de l'enveloppe normée proposées par le gouvernement ne sont pas satisfaisantes . Le projet de loi de finances envisage un dispositif en trois ans prenant en compte 20% du taux de croissance du PIB en 1999 63( * ) , 25% en 2000 et 33% en 2001. Ces taux sont insuffisants pour permettre aux collectivités locales de jouer pleinement leur rôle de soutien de la croissance.

Les facteurs du redressement de la situation financière des collectivités locales tendent à s'essouffler

Dans son état des lieux des finances des collectivités locales, présenté le 8 juillet 1998 au nom de l'Observatoire des finances locales, notre collègue Joël Bourdin insiste sur la volonté du secteur local de se reconstituer une marge de manoeuvre financière dans un contexte de progression limitée des recettes (due notamment, autre preuve de bonne gestion, à une évolution modérée des taux de la fiscalité directe locale).

M. Bourdin note particulièrement une progression ralentie des dépenses de gestion courante et un mouvement prononcé de désendettement, attribué à la baisse des taux d'intérêt mais également à une politique de gestion active de la dette. Ces évolutions sont de nature à favoriser l'autofinancement des investissements des collectivités locales.

Toutefois, ces facteurs positifs sont en train d'atteindre leurs limites . La baisse des taux d'intérêt ne pourra plus jouer un rôle aussi important que par le passé. Les efforts de rationalisation des dépenses de fonctionnement sont, quand à eux, remis en cause par un alourdissement des charges imposées aux collectivités locales.

Le tassement des recettes se produit dans un contexte d'alourdissement des charges

Les recettes de fonctionnement des collectivités locales sont composées, d'une part, du produit de la fiscalité directe et indirecte et, d'autre part, des concours de l'Etat. Si la politique de modération des taux menée par les collectivités 64( * ) , qui coïncide avec un contexte de faible progression des bases, n'est pas soutenue par un dynamisme des concours de l'Etat, les collectivités courent le risque de ne pouvoir faire face à l'ensemble des charges qu'elles devront supporter dans les années à venir :

- les collectivités vont devoir prendre en charge les conséquences pour la fonction publique territoriale du protocole salarial du 10 février 1998 . Devant le comité des finances locales du 8 septembre 1998, le ministre de l'intérieur par interim a estimé le coût de ces mesures à 2,2 milliards de francs pour 1998.

En 1999, la charge supplémentaire est estimée à 4,1 milliards de francs et à 3,2 en 2000. Ainsi, les rémunérations engloutiront en 1999 la fraction de l'augmentation de l'enveloppe normée attribuable à la prise en compte de la croissance, qui s'élève à 4,1 milliard de francs 65( * ) .

- parallèlement aux effets du protocole salarial, les collectivités locales doivent également se préparer à absorber le coût total des emplois-jeunes , aujourd'hui subventionnés, car, ainsi que le soulignait notre collègue Michel Mercier dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 1998, " il leur sera difficile de résister à l'intégration d'une partie, au moins, de ces " employés " dans les cadres de la fonction publique territoriale. " Au 30 juin 1998, aux termes des conventions signées entre l'Etat et les collectivités locales, les établissements publics et les associations, 50.130 emplois avaient été créé et 29.090 recrutements réalisés, dont 36% au sein des collectivités locales.

- l'accroissement des dépenses de personnel, incompressibles, dans un contexte de faible dynamisme des recettes pourrait se traduire par une éviction de certaines dépenses d'investissement . D'un point de vue patrimonial, il n'est jamais souhaitable que des dépenses de fonctionnement prennent le pas sur l'effort d'investissement.

S'agissant de la situation actuelle des collectivités locales, une telle éventualité serait véritablement préoccupante. En effet, la reprise de l'investissement des collectivités locales, réelle depuis 1997, est due en partie à la nécessité de mettre certaines infrastructures en conformité avec de nouvelles normes, nationales ou européennes, dans des domaines tels que l'eau, l'assainissement et le traitement des ordures ménagères.

Il serait dommage que les efforts consentis par les collectivités locales pour améliorer leur épargne ne leur permettent pas d'autofinancer au moins une partie de leurs nouveaux investissements.

La reprise de l'investissement public local est une condition nécessaire d'une croissance soutenue

Au final, la réduction programmée de l'épargne des collectivités locales pourrait ralentir le redémarrage des investissements amorcé depuis un an, avec les conséquences sur le taux de croissance de l'économie nationale que l'on peut imaginer compte tenu de l'influence de la dépense publique locale sur le taux de croissance de l'économie nationale.

Dans une étude intitulée Les collectivités locales et l'économie nationale 66( * ) , Jacques Méraud souligne en effet que " dans le cas des administrations locales, ce sont les variations de l'investissement qui influent le plus sur la croissance nationale, et cela dans un sens positif : " plus l'investissement public local augmente, plus le PIB est stimulé ". 67( * )

En somme, plutôt que d'en appeler à un emprunt européen pour financer des infrastructures dont la réalisation, au vu des tentatives précédentes, reste hypothétique, c'est l'investissement des collectivités locales, aux effets plus certains sur le taux de croissance de l'économie nationale, que le gouvernement doit, sinon encourager, au moins ne pas décourager.

D'autant plus que les créations d'emplois que le gouvernement compte obtenir par la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle dépendent au moins autant du niveau d'investissement des collectivités locales que de la suppression d'un tiers de l'assiette d'un impôt représentant 2 % du coût du travail.

2. La CNRACL : en finir avec l'absurde

Le projet de loi de finances pour 1999 ne comporte pas de dispositions relatives à la caisse nationale des agents des collectivités territoriales, qui regroupe en réalité les agents des fonctions publiques locale et hospitalière.

Pourtant, il est impossible de raisonner sur les ressources des collectivités locales, ainsi que sur les relations financières entre ces dernières et l'Etat, sans avoir en mémoire le précédent de la CNRACL, qui constitue un contre-exemple notoire en ces matières.

Les faits sont connus. La CNRACL bénéficie d'un rapport démographique plus favorable que la plupart des autres régimes, avec 2,76 actifs pour un retraité contre 1,75 pour le régime général, 2,5 pour les fonctionnaires de l'Etat et 0,8 pour la SNCF. Toutefois, le rapport démographique de la CNRACL se dégrade. En 1982, il était de 4,5. Il s'établissait encore à 3,62 en 1995.

La CNRACL étant structurellement excédentaire, elle devrait être en mesure de faire face à ce choc démographique . Or, en raison des mécanismes dits de " compensation " et de " surcompensation ", elle reverse une partie de ces ressources à des régimes moins bien lotis, ou moins bien gérés. La péréquation entre régimes de sécurité sociale prend des proportions non négligeables puisqu'en 1997, la CNRACL y a consacré 32% de la totalité de ses emplois , soit 19 milliards de francs pour une ressource de 60 milliards de francs. Les pensions versées représentaient 40,5 milliards de francs, soit à peine deux fois plus.

Cette situation serait choquante mais pas dramatique si les mécanismes de péréquation n'avaient pas pour effet d'engendrer des déficits de plusieurs milliards de francs dans ce régime démographiquement dynamique. En 1997, le déficit n'a pu être évité qu'au prix du transfert exceptionnel de 4,5 milliards de francs de l'allocation temporaire d'invalidité. La conséquence directe de ces déficits est le tarissement des réserves. La direction générale des collectivités locales n'exclut pas " à structure constante, l'épuisement des réserves en 1999 ". Tout est dit.

Les réserves de la CNRACL

(en milliards de francs)

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

14,618

13,896

9,596

3,355

1,511

0,949

4,441*

* En 1997, la CNRACL a bénéficié d'un transfert de 4,5 milliards de francs en provenance du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité (ATI)

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 contient pour la deuxième année consécutive une disposition autorisant la CNRACL à s'endetter. Cette logique de " fuite en avant " doit être dénoncée. Car, comme l'exprimait l'année dernière notre collègue Michel Mercier dans son rapport spécial, cela revient à " faire assumer par un régime structurellement excédentaire des charges d'emprunts destinées à financer des régimes structurellement déficitaires ".

Par ailleurs, le gouvernement a fait savoir qu'une réflexion sur la CNRACL figurait au cahier des charges de la mission sur les régimes de retraite confiée au commissaire au Plan. Le comité des finances locales a également décidé de la mise en place d'un groupe de travail consacré à cette question.

Reste une impression de gâchis . Les mésaventures de la CNRACL, un régime fondamentalement sain et autosuffisant, illustrent la tentation permanente pour l'Etat de puiser dans les ressources des collectivités locales.

De plus, ironie du sort, la CNRACL voit ses réserves disparaître à l'heure de la probable évolution des régimes de retraite vers une " répartition-provisonnée ", dont elle aurait pu tirer parti plus que tout autre régime.

3. La réforme de la taxe professionnelle : une remise en cause de l'autonomie fiscale des collectivités locales ?

La réforme de la taxe professionnelle proposée par le gouvernement, dont l'impact sur l'emploi est incertain, conduit, notamment, à réduire d'environ un sixième le pouvoir fiscal des collectivités locales (un tiers de l'assiette d'un impôt constituant la moitié de leurs ressources fiscales).

Cette évolution constitue un précédent fâcheux car :

Le pouvoir fiscal des collectivités locales est une composante essentielle de leur autonomie

Les collectivités locales françaises disposent, c'est vrai, d'une importante " marge de décision fiscale ".
Leurs recettes fiscales provenant d'impôts dont les taux sont fixés par elles constituaient 54% de leurs recettes hors emprunt en 1995 68( * ) . Au sein de l'Union européenne, seule la Suède faisait mieux avec 60% 69( * ) . En Allemagne, pays fédéral, ce ratio était de 20%.

Malgré tout, la France n'est pas encore un pays très décentralisé . Les ratios financiers de la décentralisation élaborés par l'OCDE montrent que la France se situe dans la moyenne basse des pays membres de l'organisation, tant du point de vue de la décentralisation des impôts que de la décentralisation des dépenses.

Les ratios financiers de la décentralisation dans les pays de l'OCDE (1995)

0,80-

0,70-

0,60-

0,50-

0,40-

0,30-

0,20-

0,10-

Décentralisation des impôts

 
 
 
 
 

Décentralisation des dépenses : dépenses des gouvernements locaux/dépenses de l'Etat et des gouvernements locaux

Japon

Suède

Canada



All.

EUA

Suisse

Décentralisation des impôts : impôts locaux/Impôts nationaux et locaux (hors sécurité sociale

Aust


Finl.

Autri.

Norvège

Islande Espa.

Danemark

La distance d'un point à la droite équidistante reflète le déséquilibre entre le montant de dépenses locales et le montant de recettes fiscales locales.

UK

Port.

Grèce

France

Italie

Pays-B.

Irlande

Plus cette distance est importante plus les transferts de l'Etat central dans les ressources locales sont importants.

0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70

Décentralisation des dépenses

Source : OCDE

En outre, les collectivités locales subissent une forte contrainte sur leurs dépenses, une grande partie d'entre elles étant obligatoires.

Dans ce contexte encadré, la principale garantie de l'autonomie des collectivités locales réside en leur pouvoir fiscal . Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs établi 70( * ) que " les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration ", prévue à l'article 72 de la Constitution.

Dès lors, tout est question de dosage. Or, dans le cas présent, la suppression d'un sixième du pouvoir fiscal des collectivités locales ne saurait être prise à la légère.

La réforme porte en germe la " démolition programmée " du principal impôt local

La taxe professionnelle est en train de se transformer en une subvention de l'Etat aux collectivités locales
. Après la réforme, et compte tenu des dégrèvements et compensations, l'Etat acquittera environ 60% de la taxe professionnelle perçue par les collectivités locales. Dès lors, même si la taxe professionnelle est un impôt légitime en raison des services rendus à leurs redevables par les collectivités qui le perçoivent, la fraction marginale de l'assiette de l'impôt pesant sur les entreprises sera contestée et deviendra, selon l'expression employée par le président Christian Poncelet devant l'Assemblée des présidents de conseils généraux " un impôt discriminatoire sur l'investissement ".

A cet égard, il est révélateur de constater qu'aucun des grands pays de l'Union européenne ne retient les seules immobilisations comme assiette de l'impôt local pesant sur les entreprises :

Eléments retenus dans l'assiette de l'impôt local
sur les activités économiques selon les pays

 

Bénéfices

Masse salariale

Nombre de personnes employées

Immobilisations

Autres

Allemagne

oui

non

non

oui

non

Belgique

impôt sur la force motrice

impôt sur le personnel occupé

non

non

non

non

non

oui

non

non

moteurs

Espagne

non

non

oui

non

surface, secteur d'activité, puis-sance électrique

France

non

oui

non

oui

non

Italie

oui

non

non

non

secteur d'acti-vité, superficie

Luxembourg

oui

non

non

non (1)

non

Portugal

oui

non

non

non

non

(1) Depuis le 1er janvier 1997

Notre collègue Jean-Pierre Fourcade, président du comité des finances locales, a considéré que la réforme proposée portait en germe une " démolition programmée " de la taxe professionnelle. Ce risque est bel et bien réel, et il est inquiétant.

B. LA DEPENDANCE FINANCIÈRE N'INCITE PAS AU DYNAMISME ECONOMIQUE

La réforme de la taxe professionnelle constitue un allégement des charges pesant sur les entreprises. Considérée sous ce seul angle, elle n'est pas critiquable.

Cependant, il est regrettable que cet allégement soit opéré par le biais d'une réforme aboutissant, dans sa rédaction actuelle, à une réduction probable des ressources des collectivités locales 71( * ) à partir de l'an 2000 . En effet, la réforme de la taxe professionnelle se traduit par l'augmentation des prélèvements qui alimentent le budget général, notamment les cotisations minimale et de péréquation. En revanche, le mode compensation aux collectivités locales retenu dans le projet de loi de loi de finances pour 1999 est défavorable à celles-ci.

Le gouvernement avait le choix entre deux méthodes pour compenser la perte de recette des collectivités locales :

- le dégrèvement , qui consiste maintenir l'assiette salaire dans les déclarations fiscales des entreprises, cette part de l'assiette de la taxe professionnelle étant prise en charge par l'Etat et non plus par les entreprises. Cette solution permet aux collectivités locales de continuer à voter des taux et à percevoir le produit correspondant.

- la compensation , dont la base de calcul est déconnectée de l'évolution des taux votés par les collectivités.

Le gouvernement a choisi de recourir à la méthode de la compensation. Il a décidé que les sommes versées aux collectivités locales seraient calculées en fonction des taux de taxe professionnelle de 1998 et des bases de 1999 . Pour 1999, ces bases de calcul sont celles qu'auraient retenues les entreprises pour acquitter leur TP. La compensation se fera donc " au franc le franc ".

Entre 1999 et 2003 , le montant de la compensation sera obtenu en appliquant à la compensation de l'année précédente l'indice d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF). A partir de 2004 , la compensation sera fondue dans la DGF.

La réforme se traduira vraisemblablement par une perte de ressource pour les collectivités locales car l'évolution de la masse salariale est nettement plus dynamique que celle de la DGF . En 1999, la première progressera de 4,3 % contre 2,78 pour la seconde. En outre, au bout de quelques années, la compensation ne reposera plus du tout sur des données correspondant à la réalité économique des communes.

Il est donc à craindre que la réforme de la taxe professionnelle ne conduise les collectivités locales à augmenter les impôts pesant sur les ménages pour compenser la réduction du produit de leur taxe professionnelle.

Mais surtout, un allégement des charges sur les entreprises par transformation d'une ressource fiscale locale directe en concours budgétaire témoigne d'une conception contre-productive du rôle des collectivités locales en tant qu'acteurs économiques , qu'il est intéressant d'analyser à la lumière de l'analyse ci-dessous, tirée d'un document de l'OCDE 72( * ) :

" La responsabilisation des collectivités locales - Dans un contexte décentralisé, les niveaux d'administration locaux doivent financer leurs actions par des ressources locales, et essentiellement fiscales. L'obligation de maintenir ou d'augmenter la base fiscale est une forme d'incitation à la mobilisation locale en faveur du développement économique. Des attitudes malthusiennes des collectivités locales face au développement d'activités économiques, comme par exemple un faible intérêt pour l'aménagement de zones d'activités et une préférence pour une activité résidentielle, cèdent le pas à de véritables stratégies de croissance économique. Un élu local dont les ressources se composent essentiellement de subventions centrales se trouve placé dans la position d'un quémandeur ; un élu local responsable des rentrées fiscales devient un acteur du développement. "

En 1998, les ressources des collectivités locales se répartissaient de la façon suivante 73( * ) :

en millions de francs

1. Fiscalité directe, dont :

- perçue** par les collectivités locales

- compensations et dégrèvement versés par l'Etat

306.549

243.682

62.867

56,5 %

44,9 %

11,6 %

2. Dotations sous enveloppe***

157.713

29,1 %

3. Fiscalité transférée

44.122

8,1 %

4. Autres (FCTVA, amendes, CST)

33.149

6,1 %

TOTAL

541.533

100 %

*Sources : commission des finances du Sénat (chiffres : rapport Bourdin/DGCL)

** Premières estimations

*** LFI 98 révisée

Le produit des taux votés par les collectivités locales en 1998, évalué à 306,5 millions de francs par le rapport Bourdin, représente 56,6 % des ressources des collectivités locales en 1998. Mais compte tenu des compensations et dégrèvements à la charge de l'Etat, le pouvoir fiscal direct des collectivités locales ne porte plus que sur 45 % de leurs ressources.

Cette tendance va s'accentuer en 1999 du fait de la réforme de la taxe professionnelle. Dans le projet de loi de finances pour 1999, les compensations et dégrèvements à la charge de l'Etat s'élèveront à 81,9 milliards de francs :

Prise en charge par l'Etat des allégements de fiscalité locale dans le PLF 99 74( * )

Compensation de la réforme fiscale

20.400

Réduction pour embauche et investissement

1.550

Contrepartie de l'exonération de la taxe foncière sur le bâti et le non bâti

320

Compensation de diverses exonérations relatives à la fiscalité locale

11.990

Contrepartie de divers dégrèvements législatifs

47.666

Total

81.926

Le constat du rétrécissement des ressources fiscales directes dans les ressources totales des collectivités locales est indéniable. A ce titre, il est permis de s'interroger sur le décalage entre, d'une part, la volonté du gouvernement de promouvoir la taxe professionnelle d'agglomération comme vecteur de l'intercommunalité de projet et, d'autre part, la restriction de la capacité des collectivités à lever des impôts de manière responsable dans le cadre de véritables stratégies de développement .

C. LA TAXE PROFESSIONNELLE DE FRANCE TELECOM : LE TEMPS DE LA REFORME EST VENU

" La Poste et France Télécom sont assujettis, à partir du 1er janvier 1994 et au lieu de leur principal établissement, aux impositions directes locales perçues au profit des collectivités locales et des établissements et organismes divers ".

Ce principe posé par l'article 21 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications est assorti de deux réserves qui le rendent inopérant :

- le taux applicable n'est pas celui de la collectivité où les deux exploitants détiennent une installation mais " le taux moyen pondéré national qui résulte des taux appliqués l'année précédente par l'ensemble des collectivités locales " ;

- le produit de cette fiscalité " est perçu par l'Etat ".

La fiscalité locale de La Poste et de France Télécom n'en a donc que le nom , puisque les collectivités locales ne la perçoivent pas, pas plus qu'elles n'en votent le montant.

La question du bénéficiaire légitime du produit de la fiscalité locale des deux entreprises n'est pas qu'un problème juridique , compte tenu des montants en jeu : en 1997, l'Etat a perçu 6,219 milliards de francs, dont 5,65 au titre de la seule taxe professionnelle de France Télécom.

1. Les limites du système actuel

Un système choquant

Sur le principe, il est choquant qu'un impôt qualifié d' " imposition directe locale " par la loi l'instituant soit perçu par l'Etat et ne profite pas aux collectivités dans lesquelles La Poste et France Télécom détiennent des installations.

Un système qui ne marche pas

La loi du 2 juillet 1990, prenant des libertés avec le principe de non affectation des recettes figurant à l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, prévoit que le produit de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom est perçu par l'Etat " qui l'utilise afin de contribuer au financement des pertes de recettes résultant de l'application de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 ", c'est à dire l'abattement général de 16% des bases de taxes professionnelle.

Ce mécanisme consiste donc à faire financer par une ressource qui aurait du revenir aux collectivités locales des abattements sur un impôt local consentis par l'Etat, qui s'engage à les compenser.

En réalité, la compensation de cet abattement s'opère par le biais de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), qui est un concours de l'Etat compris dans l' " enveloppe normée " des concours aux collectivités locales. Par ailleurs, au sein de l'enveloppe normée, la DCTP joue le rôle de variable d'ajustement, si bien que son montant, depuis 1996, est déconnecté de l'évolution des bases de taxe professionnelle.

Aussi, la fraction de cette dotation résultant de l'abattement décidé par la loi de finances pour 1987 est impossible à individualiser. En pratique, aucun gouvernement n'a d'ailleurs mis en parallèle le produit de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom et le montant de la DCTP. Le montant de l'une ne saurait donc être liée au montant de l'autre.

Les collectivités locales bénéficient cependant, partiellement, du produit de la fiscalité locale des deux opérateurs par le biais du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP). L'article 21 de la loi du 2 juillet 1990 prévoyait que, à partir de 1995, la différence entre le produit total de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom et le montant de l'abattement de taxe professionnelle qu'il était censé compenser était versée au FNPTP.

En réalité, le produit pour 1994 a été versé au budget général. Depuis 1995, le produit de la fiscalité locale des deux opérateurs est réparti entre :

- le budget général, pour un montant équivalent à celui de 1994 indexé sur l'inflation ;

- le FNPTP qui perçoit la différence entre le produit total et les montant de 1994 indexé. En 1999, la recette supplémentaire du FNPTP s'établira à 1.733 millions de francs.

Dans l'esprit de la loi du 2 juillet, le produit de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom était censé financer, par une ressource théoriquement locale, un abattement sur une taxe locale accordée aux entreprises par l'Etat. Ce dispositif, à la logique contestable, n'est même pas appliqué et les sommes perçues par l'Etat alimentent le budget général.

Un système contesté par ses redevables

La Poste et France Télécom contestent le dispositif de la loi de 1990, et plus particulièrement le régime de taxe professionnelle qui leur est imposé, en développant des arguments similaires.

Dans un avis adopté le 18 septembre 1998, la commission supérieure du service public des postes et télécommunications affirme qu' " il convient, dès à présent, de prendre en compte tant le renforcement de la situation concurrentielle de La Poste que les besoins des collectivités locales, et d'engager une réflexion sur l'intérêt d'une modification des règles de perception de la taxe professionnelle acquittée par l'opérateur et des modalités d'affectation du produit de celle-ci aux collectivités locales , par un assujettissement progressif de La Poste au droit commun de la fiscalité locale ".

France Télécom, dont la taxe professionnelle représente environ un sixième du montant total de la fiscalité acquittée à l'Etat, demande également à être assujettie au droit commun de la fiscalité.

Versements de France Télécom à l'Etat en 1997

(en millions de francs)

1. Fiscalité

- TVA nette

- Taxe professionnelle

- Impôt sur les sociétés

- Taxe d'apprentissage

- Participation à la formation professionnelle continue

- Participation à l'effort de construction

- Organic

- Taxe sur les bureaux en Ile-de-France

- Taxe sur les véhicules de société

- Vignette

2. Dividendes

(6,50 FF par action)

30.285

17.000

5.667

7.159

63

20

120

190

20

17

29

4.500

L'argument principal de France Télécom est celui de l'ouverture à la concurrence dans le secteur des télécommunications , qui justifierait qu'elle soit soumise au même régime fiscal que ses concurrents privés. L'entreprise craint que, dans le cadre d'appels d'offre, les collectivités locales ne penchent pour les opérateurs privés, dont elles perçoivent l'intégralité de la taxe professionnelle, au détriment de France Télécom.

En outre, France Télécom considère que le passage au droit commun de son régime de taxe professionnelle ne serait pas un facteur d'accroissement des inégalités de richesse entre collectivités locales puisqu'elle dispose d'installations dans 15.000 communes. Selon l'opérateur, en cas de développement rapide de l'intercommunalité, le nombre de communes bénéficiant du produit de la taxe professionnelle de France Télécom s'accroîtrait encore.

2. Sortir de l'impasse

Un premier pas : la réforme de la taxe professionnelle de France Télécom

Une proposition de loi a été déposée au Sénat au mois de novembre 1997 75( * ) . Selon son exposé des motifs, elle est inspirée par " la conviction que La Poste et France Télécom n'ont pas à obéir à un dispositif particulier. Toutefois, La Poste a été exclue de cette proposition de loi, pour tenir compte de son statut particulier et du rôle que cet établissement doit continuer de jouer, par ailleurs, en matière d'aménagement du territoire. D'ailleurs, le produit est faible puisqu'elle bénéficie d'un abattement de 85 % de ses bases imposables ".

Le débat qui s'est tenu au Sénat le 25 novembre 1997 sur un amendement reprenant le texte de la proposition de loi a permis de confirmer que le transfert aux collectivités locales du bénéfice du produit de la taxe professionnelle de France Télécom était un projet qui recueillait l'assentiment d'élus siégeant sur tous les bancs de notre Assemblée.

Promouvoir un système mixte alliant péréquation et efficacité économique

La réforme de la taxe professionnelle de France Télécom devra s'efforcer de prendre en compte trois paramètres difficilement conciliables :

- transférer aux collectivité locales le bénéfice du produit de l'impôt ;

- maintenir un mécanisme de péréquation, France Télécom ne disposant d'installations imposables que dans 15.000 communes sur 36.000 ;

- remédier autant que possible à la distorsion de concurrence entre France Télécom et les opérateurs privés.

A cet effet, votre rapporteur général préconise la mise en oeuvre d'une réforme dont les grandes lignes seraient les suivantes :

- afin de faire jouer la péréquation entre collectivités, 70 % (et non plus seulement " l'excédent ") du produit de la taxe professionnelle de France Télécom serait versé au FNPTP, l'instrument de droit commun ;

- le solde de 30 % bénéficierait directement aux collectivités d'implantation. En effet, il apparaît également fondamental de rapprocher les collectivités locales et leur tissu économique. Ainsi, celles-ci auraient un intérêt à mettre en oeuvre des stratégies d'attraction des investissements, et notamment ceux de France Télécom. En outre, l'implantation des établissements de France Télécom obéit à la même logique que celle des entreprises. La réalisation des infrastructures nécessaires à la venue des entreprises entraîne pour les collectivités des coûts, dont il est logique qu'ils soient partiellement financés par la fiscalité payée par ces entreprises ;

- les établissement de France Télécom acquitteraient l'impôt au taux en vigueur dans la collectivité d'implantation, de manière à ce que les paramètres pris en comptes par l'opérateur public dans le choix du lieu d'implantation de ses installations soient les mêmes que ceux de ses concurrents.

Le système décrit ci-dessus présente une faiblesse notable : il ne résout pas le problème de distorsion de concurrence entre France Télécom et ses concurrents puisque les collectivités locales continueront de percevoir l'intégralité de la taxe professionnelle des opérateurs privés, mais seulement 30 % de celle de France Télécom.

Néanmoins, ce dispositif est meilleur que le système actuel . Et si, du fait de la mise en oeuvre de la loi sur l'intercommunalité et du développement de la taxe professionnelle d'agglomération, le nombre de communes n'appartenant pas à une structure intercommunale bénéficiant de la taxe professionnelle de France Télécom devait se réduire considérablement, alors le passage au droit commun intégral deviendrait non seulement envisageable, mais souhaitable.

V. RÉNOVER NOS MÉTHODES BUDGÉTAIRES

Votre commission a déjà apporté une contribution à la réflexion sur l'amélioration de notre méthodologie budgétaire, par l'élaboration de "7 piliers de la sagesse budgétaire" destinés à rendre le budget plus lisible.

Ses propositions demandent encore aujourd'hui à être mises en oeuvre, mais il est nécessaire d'aller plus loin : le budget doit être également plus crédible.

A. UN BUDGET PLUS LISIBLE

Lors du débat sur le projet de loi de finances pour 1998, votre commission avait formulé sept propositions, qui méritent d'être répétées, tant elles restent d'actualité.

Propositions de la commission des finances pour une modernisation des procédures budgétaires : les sept piliers de la sagesse budgétaire

Rétablir la "sincérité" de la loi de finances

Au fil des années, la loi de finances est devenue un document à rendre perplexe un commissaire aux comptes. Le projet présenté au Parlement est incomplet (les fonds de concours n'y figurent pas), contracté (près de 250 milliards de francs de prélèvements sur recettes sont des charges n'apparaissant pas), hétérogène (des dépenses identiques sont traitées différemment selon qu'elles figurent au budget de l'Etat ou dans des comptes spéciaux du Trésor).

Ainsi, le budget voté pour 1995 prévoyait 1.616 milliards de dépenses à caractère définitif. En loi de règlement 76( * ) , le montant des charges s'est en définitive établi à 3.757 milliards de francs, soit une différence de 2.141 milliards de francs . Il est nécessaire de faire apparaître la réalité : le budget de l'Etat atteint 2.369 milliards en total net des crédits ouverts, et dépasse le budget social (2.300 milliards).

Institutionnaliser la distinction entre l'investissement et le fonctionnement.

Depuis 1992, une part du déficit budgétaire (115 milliards de francs en 1997) finance des dépenses courantes : l'Etat s'endette pour vivre au jour le jour. Sans en avoir conscience, nous laissons ainsi à nos enfants le soin et la charge de régler demain nos consommations d'aujourd'hui. Cette atteinte aux droits des générations futures n'est pas admissible. Par analogie avec la "règle d'or" inscrite dans la Constitution allemande, elle appelle une réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, identifiant la section de fonctionnement de l'Etat et les conditions de son équilibre obligatoire, s eul l'investissement étant dorénavant financé par l'emprunt.

Certifier les méthodes comptables

L'évolution rapide des phénomènes économiques ne permet pas de comparer des projets de loi de finances à "structure constante". Cette instabilité inévitable -mais irritante- doit être corrigée par la présentation au Parlement, sous le contrôle de la Cour des Comptes, d'une annexe au projet de loi de finances recensant les modifications de présentation budgétaire. Inspirée du principe comptable de "permanence des méthodes", cette réforme préviendra les polémiques sur les "débudgétisations".

Instaurer une procédure de suivi des dépenses sociales

Le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale implique que le Parlement puisse en contrôler l'exécution en cours d'année. Cela suppose la création d'indicateurs mensuels rendus d'autant plus nécessaires que les comptes sociaux se caractérisent par leur extrême émiettement et que les chiffres de l'ACOSS ne sont pas rendus publics.

Accélérer la mise en oeuvre de la comptabilité patrimoniale

L'appréciation de la fidélité des documents budgétaires implique une amélioration de la comptabilité patrimoniale de l'Etat, dans le sens des travaux initiés par Jean Arthuis. En effet, les déclassements d'opérations budgétaires en opérations de trésorerie, la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire de l'Etat et les systèmes de vases communicants entre le budget général et les comptes des entreprises publiques ne sont finalement retranscrits que dans le compte de la dette et non dans les lois de finances. Les pertes en capital n'apparaissent pas, et pas davantage les charges de retraite non provisionnées.

Moderniser les procédures de régulation budgétaire

Les rapports de la Cour des Comptes fournissent, chaque année, les exemples d'une "comptabilité créatrice" visant tant à lisser sur plusieurs exercices, qu'à réguler en cours d'année les flux de dépenses et de recettes. L'ordonnance de 1959 n'est plus respectée : les conditions mises à la publication de décrets d'avance, d'arrêtés d'annulation et de textes créant des dépenses nouvelles 77( * ) ne sont plus appliquées. Elles doivent être adaptées.

En revanche, et malgré quelques améliorations récentes, le Parlement ne peut accepter d'être mis en permanence devant des faits accomplis, d'apprendre que des correctifs sont apportés à la loi de finances dont l'encre est à peine sèche, voire de constater que des crédits annulés au printemps sont rétablis à l'automne. Deux pistes méritent d'être explorées . La Cour des Comptes pourrait être saisie pour avis du projet de loi de finances -à l'image du Conseil d'Etat- et porter un jugement sur l'adéquation du niveau des dotations inscrites. Les commissions des finances devraient être appelées à débattre des régulations mises en oeuvre.

Fixer un nouveau rendez-vous budgétaire


Les grandes entreprises arrêtent des comptes semestriels. L'Etat ne s'impose pas cette discipline. Il convient donc que le Parlement soit saisi, en fin de premier semestre, d'un état commenté de l'exécution des comptes publics, analogue au travail commandé aux deux magistrats de la Cour des Comptes 78( * ) -dont l'élaboration pourrait être confiée à la Cour dans l'esprit de l'article 47 de la Constitution. Un jugement politique pourra alors être porté sur la pertinence de l'exécution de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.

B. UN BUDGET PLUS CRÉDIBLE

La mise en place de l'euro mettra les finances publiques des Etats participants sous surveillance mutuelle. Les institutions européennes (Commission, Conseil), mais aussi chaque Etat membre surveilleront l'évolution des finances publiques des autres Etats. Cela nécessitera que les budgets publics soient crédibles, ainsi que la recommandation du Conseil d'Amsterdam le précise : " Il faut que les programmes d'ajustement budgétaire soient crédibles et durables. La charge de l'ajustement devrait être répartie de manière juste et équitable. Pour être crédibles, ces programmes doivent être transparents . La transparence exige que les règles comptables et les principes économiques arrêtés en commun soient strictement appliqués. En outre, les budgets annuels et les projections budgétaires à moyen terme devraient indiquer clairement les hypothèses économiques sur lesquelles ils se fondent. Pour avoir un effet durable, il est primordial que les mesures de réduction du déficit s'inscrivent dans une stratégie à moyen terme clairement définie, comportant de nécessaires réformes structurelles, comme indiqué dans les programmes de convergence et, dès le début de la troisième phase, dans les programmes de stabilité ou de convergence. Ces programmes devraient être étroitement surveillés au niveau communautaire" .

Cette crédibilité ne reposera pas seulement sur la vraisemblance des hypothèses économiques, et des niveaux de recettes et de dépenses retenus. La quasi-certitude que l'exécution d'un budget sera conforme à la loi de finances sera également requise, ainsi que le prescrit le règlement européen du 7 juillet 1997 dans son article 5 : "Le Conseil examine si l'objectif budgétaire à moyen terme fixé par le programme de stabilité offre une marge de sécurité pour assurer la prévention d'un déficit excessif , si les hypothèses économiques sur lesquelles se fonde le programme sont réalistes et si les mesures mises en oeuvre et/ou envisagées sont suffisantes pour réaliser la trajectoire d'ajustement visée, qui doit conduire à la réalisation de l'objectif budgétaire à moyen terme" .

Les méthodes budgétaires de la France sont aujourd'hui loin de correspondre à ces critères. Le projet de loi de finances est comparé à une loi de finances initiale dont l'exécution, quasiment achevée au moment du débat budgétaire, est en général très éloignée. La construction du projet de loi de finances repose sur la certitude que les hypothèses économiques qui le sous-tendent se réaliseront, alors que l'on sait que les aléas sont nombreux et les erreurs de prévision plus fréquentes que les prévisions exactes. Le débat budgétaire ne porte jamais sur les moyens que le gouvernement entend mettre en oeuvre pour garantir l'exécution fidèle de la loi de finances, et l'on tient pour certaines des dépenses ou des recettes qui ne seront en grande partie pas exécutées.

Il est bien évident que l'euro va remettre en cause le caractère quelque peu irréel de cet exercice.

Quelques préconisations simples, qui méritent un débat, peuvent être avancées :

rendre la loi de finances moins sensible aux aléas conjoncturels . La seule solution pour cela consiste à réduire la part des dépenses de structure, qui sont les plus rigides, afin de pouvoir ajuster les baisses de dépenses aux éventuelles baisses de recettes (celles-ci ne peuvent, par nature, évoluer très différemment de l'ensemble de l'économie). Cette solution, proposée par votre commission pour le budget 1999, est également proposée par le Conseil européen pour conduire les Etats membres vers l'équilibre. A moyen terme, une politique budgétaire est en effet crédible si elle prévoit d'éviter l'augmentation des charges d'endettement ;

construire le budget sur une hypothèse de croissance nominale inférieure (d'un point, par exemple) au consensus des prévisionnistes. C'était la méthode appliquée aux Pays-Bas jusqu'en 1999 sous le nom de "norme Zalm".

La "norme Zalm" aux Pays-Bas

Jusqu'aux dernières élections législatives, le ministre des finances avait défini les normes de rigueur qui s'appliquent théoriquement à la politique budgétaire connues communément sous le nom de "norme Zalm". Selon celle-ci, si le déficit budgétaire est supérieur à 0,75 % du PIB selon la définition de l'UEM, les trois-quarts des recettes budgétaires complémentaires seront affectées à la réduction du déficit budgétaire et le solde à un allégement de charges. Si le déficit est inférieur à 0,75 % du PIB, alors les recettes supplémentaires seront affectées pour moitié à la réduction du déficit et pour moitié à un allégement de charges. L'application de ce principe était associée dans le précédent gouvernement à une grande prudence qui consistait à faire des prévisions de croissance conservatoires susceptibles de dégager des recettes complémentaires en cours d'année. En outre, les recettes et les dépenses étant strictement séparées, toute économie réalisée dans un département ministériel revenait au budget général, tandis que toute dépense supplémentaire devrait être financée par des économies au sein du ministère dépensier.

Pour l'élaboration de son projet de budget pour l'année (n+1) et pour son cadrage budgétaire pluriannuel (jusqu'à n+4), le gouvernement néerlandais demande au Bureau central de la prévision néerlandais (BCPB, équivalent néerlandais de la Direction de la prévision) d'élaborer deux scénarios : l'un reposant sur une conjonction de faits favorables (ex. : reprise du commerce mondial, tenue du dollar, etc...) et l'autre dit "prudent". C'est ce dernier qui sert de cadre de référence au budget de l'année suivante.

Lors des quatre derniers projets de budget (premier gouvernement de coalition à direction sociale-démocrate), l'hypothèse de progression du PIB a ainsi toujours été fixée à 2 % l'an. Sur la période 1994-1997, le PIB a progressé en moyenne de 3,1 % l'an. Le surcroît de recettes ainsi dégagé a été alloué au remboursement de la dette (qui approchait les 80 % du PIB en début de législature et qui atteint 68 % en 1998) et a permis de nouvelles baisses d'impôts au bénéfice des entreprises (majoritairement) et des ménages.

Bien qu'elle paraisse comme une méthode efficace de réduction du déficit, la "norme Zalm" a toutefois été abandonnée par la nouvelle coalition au pouvoir.

Les difficultés d'application de la "norme Zalm" sont apparues dans la programmation budgétaire quadriennale 1999-2002, qui accompagne le budget 1999. Celle-ci laisse en effet apparaître un excédent des dépenses sur les recettes. Cet accroissement représente 1,6 milliard de florins, soit un accroissement prévisionnel du déficit de 0,49 % du total des dépenses budgétaires en fin de période. Cette projection est en totale opposition avec la pratique précédente : au cours des quatre budgets précédents, le déficit exprimé par rapport au total de la dépense publique avait régulièrement baissé. L'ambition affichée de réduction du déficit paraît dans conditions difficilement réalisable.

L'abandon de la "norme Zalm" n'est peut-être pas définitif.

Prévoir des lignes de réserve pour dépenses éventuelles

Votre commission des finances a déjà débattu de cette possibilité, que le précédent gouvernement s'était engagé à étudier.

Ainsi, lors du débat d'orientation budgétaire pour 1997, le ministre délégué au budget, M. Alain Lamassoure, avait déclaré :

" De la même manière, nous avons pris bonne note, Monsieur le Rapporteur général, de votre suggestion. Vous souhaitez que l'on introduise dans la loi de finances initiale une forme de "dotation pour charges imprévues" ou que l'on trouve une autre méthode pour éviter d'avoir à recourir à des gels de crédits en début d'année, procédés qui compliquent la gestion pour les ministres concernés et qui, en réalité, représentent une atteinte aux droits du Parlement".

Force est de reconnaître que des systèmes analogues avaient été mis en place par le passé, comme les "fonds d'action conjoncturelle" (1969-1974, 1977 et 1981) ou les "fonds de régulation budgétaire" (1978-1983) ; ces derniers constitués hors loi de finances, et ne se sont guère révélés probants.

L'actuel gouvernement ne parait pas convaincu par l'utilisation d'une réserve de cette nature, ainsi qu'en atteste une réponse à une question posée par votre commission sur la loi de règlement 1995 au sujet d'une "dotation de réserve" éventuelle :

La Cour des Comptes envisage de constituer une dotation de réserve par prélèvements sur des crédits limitatifs, dont le montant et les modalités d'utilisation seraient examinés par le Parlement à l'occasion de la discussion budgétaire.

Cette proposition conduirait à fixer dès le stade du PLF le quantum de la régulation, alors que la Cour elle-même insiste particulièrement sur le souhait que la régulation soit strictement proportionnée à la dégradation prévisible des conditions d'exécution par rapport aux prévisions.

En outre, sauf à dégrader le solde du PLF, ce schéma conduirait à restreindre ab initio le montant des crédits limitatifs affectés aux lignes de dépenses des différents ministères, renvoyant à une éventuelle répartition en exécution, par ailleurs souvent critiquée par la Cour, l'utilisation de ces crédits si les conditions de l'exécution budgétaire le permettaient.

Enfin, les expériences étrangères en ce sens attestent que l'existence d'une telle provision ne constitue pas, en elle-même, une incitation à une meilleure gestion responsabilisante, chacun ayant la tentation de s'en remettre à cette provision plutôt que de prévenir à son niveau les dérapages de dépenses.

S'agissant des crédits reportables de droit, la date de leur mise à disposition des ministères a été considérablement avancée depuis 1995. Ainsi l'ensemble des mouvements de reports de 1996 sur 1997 ont été achevés à la fin du mois de mai 1997, trois mois plus tôt que pour les reports de 1995 sur 1996. La Cour des Comptes "accueille avec satisfaction" les progrès accomplis (p. 319 du rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1996).

Tenir des débats réguliers sur l'exécution budgétaire

Depuis quelques années, l'information du Parlement s'est nettement améliorée sur l'exécution budgétaire.

Le gouvernement publie un état mensuel de la situation budgétaire. Il s'était également engagé, vis-à-vis de votre commission, à l'informer préalablement des mouvements de crédits qu'il serait amené à décider.

Il a tenu cet engagement sur le décret d'avance et l'arrêté d'annulation du 21 août dernier.

Ce n'est toutefois pas suffisant, car la crédibilité budgétaire exige non seulement que le gouvernement informe le Parlement sur l'exécution de la loi de finances, mais aussi qu'il débatte avec lui des moyens de garantir cette exécution.

Ainsi, dès le stade du débat budgétaire, il pourrait être envisagé que le gouvernement annonce ce qu'il proposerait en cas d'exécution non conforme à la loi de finances.

S'il y a excédent de recettes sur la prévision, entend-il les dépenser, les affecter au déficit, ou réduire les prélèvements ?

Si l'exécution se révèle au contraire difficile, proposera-t-il de relever les impôts ? Lesquels ? Procédera-t-il à des annulations de crédits ? Lesquels seraient touchés en priorité ? Si certaines dépenses tendent à déraper, a-t-il déjà prévu des mesures de redressement utilisables ? Etc...

Pour qu'un projet de loi de finances soit vraiment crédible, ces orientations devraient être soumises au Parlement.

Après le débat budgétaire, il serait nécessaire de tenir régulièrement des débats sur le déroulement de l'exécution, au moins en commission des finances.

Votre rapporteur général rappelle que l'article 3 du règlement européen de juillet 1997 précité prévoit notamment que le programme de stabilité annuel notifié par les Etats membres doit contenir :

" c) une description des mesures budgétaires et des autres mesures de politique économique qui sont mises en oeuvre et/ou envisagées pour réaliser les objectifs du programme et, dans le cas des principales mesures budgétaires, une évaluation de leurs effets quantitatifs sur le budget ;

d) une analyse de l'incidence que tout changement des principales hypothèses économiques aurait sur la situation budgétaire et la dette."


Il ne serait pas normal que de telles décisions, législatives par nature, soient soumises à la Commission européenne sans que le Parlement national en ait débattu.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue dans la matinée du mercredi 4 novembre 1998, sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général , à l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 1999 .

A titre liminaire, M. Alain Lambert, président, a souligné l'intérêt que présentait pour la commission l'innovation qu'il avait introduite cette année consistant à délivrer un "message d'ensemble" sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale et cela compte tenu des liens existant entre ces deux textes.

De façon plus générale, il s'est déclaré favorable à ce qu'un panorama de la situation financière des collectivités locales puisse également être présenté ainsi qu'une communication sur l'état financier de l'Union européenne.

A ce titre, il a fait part de l'accord du ministre de l'économie quant à l'organisation au Sénat d'un débat annuel sur l'Euro.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord présenté les principales hypothèses économiques en matière de croissance, d'inflation et de capacité de financement des administrations publiques pour 1999. Il a souligné l'écart existant entre les prévisions du Gouvernement et celles issues notamment de la Caisse des dépôts et consignations. Il a rappelé le " volontarisme " de la prévision gouvernementale en matière de croissance ainsi que le décalage existant entre le niveau escompté des prix pour 1999 et le niveau actuel de l'inflation, ce décalage contribuant mécaniquement à surestimer les prévisions de recettes.

De même, il a rappelé que le cours du dollar était estimé à 6 francs par le Gouvernement alors que la plupart des économistes tablaient sur un montant compris entre 5,40 francs et 5,60 francs. Par ailleurs, il a tenu à préciser que les hypothèses sous-jacentes au cadrage d'ensemble du budget avaient été fixées en juin 1998 et n'intégraient donc pas les effets de la crise asiatique où les aléas politiques russes. Ces hypothèses reposent en effet sur une demande intérieure dynamique, c'est-à-dire sur un sentiment éminemment fragile : la confiance des ménages, ce qui conduit le Gouvernement à des prévisions optimistes en matière de recettes pour l'Etat, qu'il s'agisse de la TVA ou de l'impôt sur les sociétés.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué qu'il ne souhaitait pas contester les prévisions faites par le Gouvernement mais simplement en relever les limites : les recettes sont basées sur une croissance volontariste tandis que les dépenses présentent un caractère pérenne et une forte rigidité.

Il a donc estimé que la réduction du déficit proposé pour 1999 par le Gouvernement était insuffisante. Puis il a présenté les principaux éléments du projet de loi de finances pour 1999.

Il a tout d'abord indiqué que les recettes, compte tenu des dégrèvements, s'élèveraient à 1.601 milliards de francs et souligné l'importance du montant des intérêts de la dette qui est égal à celui du déficit budgétaire.

Il a rappelé à ce titre que le budget de l'Etat ne prend en compte que les intérêts de cette dette et non les annuités, ce qui induit une présentation comptable plus "optimiste" que celle s'appliquant aux collectivités locales. Il a également relevé la faiblesse du montant des investissements civils qui s'élèveront à 78 milliards de francs dont 6 milliards de francs de dépenses rebudgétisées.

S'agissant de l'appréciation du niveau du déficit budgétaire qui s'établirait à 236,5 milliards de francs en 1999, soit un besoin de financement total des administrations publiques de 2,3 % du PIB, il a indiqué que la France aurait, parmi les pays de l'Union européenne en 1999, le plus mauvais solde des finances publiques avec l'Italie puisque la moyenne des pays de l'Union européenne s'établissait à 1,4 % du PIB et celle des pays de la zone Euro à 1,9 % du PIB.

Il a également tenu à rappeler que les collectivités locales dégageaient un excédent et que le solde des régimes sociaux était en voie d'amélioration. Dans ce contexte, la France serait le seul pays de l'Union européenne à ne pas stabiliser le poids de sa dette publique dans le PIB, avec le Luxembourg qui connaît cependant un très faible niveau d'endettement public, estimé à 7,7 % du PIB contre 58,7 % pour la France. Il serait donc nécessaire, afin de stabiliser le poids relatif de cette dette, de réduire le déficit public de 2,3 % à 2,2 % du PIB soit un effort supplémentaire de 12 à 15 milliards de francs.

Commentant l'évolution de l'encours de la dette publique, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé qu'une dette publique en augmentation constitue un fardeau pour les générations futures.

Il a par ailleurs tenu à relativiser quelque peu l'effort de réduction du déficit compte tenu des résultats prévisibles de l'exécution du budget en 1998. Le déficit pourrait en effet être inférieur à celui prévu, voire également inférieur à celui de 1999. En ce cas, cela poserait un problème de cohérence avec la présentation faite par le Gouvernement qui le conduit à insister sur la poursuite de la réduction du déficit budgétaire en 1999 par rapport à 1998.

M. Philippe Marini, rapporteur général, est convenu de ce que le budget pour 1999 traduit, de la part du Gouvernement, un effort relatif de maîtrise des dépenses mais que cet effort reste cependant insuffisant et incertain, puisque le gouvernement a choisi d'augmenter des dépenses de structure, lourdes et récurrentes, en les finançant par des recettes volatiles, en progression totale de 74,5 milliards de francs notamment au titre de la TVA et de l'impôt sur le revenu.

S'agissant des dépenses, M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé qu'en raison notamment de l'accord salarial du 10 février 1998 dans la fonction publique, les dépenses de rémunérations augmenteraient de 20,1 milliards de francs et semblaient de ce fait constituer la véritable priorité du Gouvernement, avant la défense de l'emploi ou la lutte contre l'exclusion.

Il a également précisé que les emplois jeunes, qui coûteraient 14,3 milliards de francs en 1999 et plus de 30 milliards de francs d'ici 2001, constituent une lourde charge de fonctionnement qu'il sera impossible de comprimer dans les cinq ans à venir. Au total, il a rappelé que les charges de personnels civils augmenteraient de 3,6 %, celles d'intervention de 3,7 % tandis que les dépenses d'équipement civil baisseraient à nouveau de 0,3 %.

Il a noté que l'augmentation des dépenses d'équipement militaire de 6,2 % ne résultait que du strict respect de la loi de programmation mais qu'il était possible de douter de leur emploi effectif compte tenu de la sous-estimation des besoins de fonctionnement des armées. Ainsi, 3,8 milliards de francs de crédits d'équipement militaire ont été annulés le 21 août 1998 afin de financer ces besoins de fonctionnement.

Puis, présentant les recettes, M. Philippe Marini, rapporteur général, a tenu a rappeler que face à des augmentations de charges de structure, le Gouvernement tablait sur des augmentations de recettes très sensibles à l'évolution de la conjoncture, qu'il s'agisse de la TVA, de l'impôt sur les sociétés ou de la TIPP.

En outre, il a relevé que, malgré un affichage flatteur, le Gouvernement ne réalisait qu'une réduction limitée des prélèvements obligatoires : sur les 16 milliards de francs annoncés, 6 milliards de francs proviennent en réalité d'allégements décidés antérieurement. Par ailleurs, l'essentiel des réductions se concentre sur les impôts locaux et semble être des réductions que le Gouvernement n'a pas l'intention de rendre réellement avantageuses ni pour les contribuables ni pour les collectivités locales.

Il a donc estimé que la réduction du déficit s'appuyait plus sur la conjoncture que sur de véritables réformes de structure.

A ce titre, il a présenté l'affectation des montants résultant des emprunts prévisibles de l'Etat en 1999 : sur les 518,8 milliards de francs ainsi collectés, 282,2 milliards seraient consacrés au remboursement d'emprunts antérieurs, 167,9 milliards aux dépenses d'investissement et 68,7 milliards aux dépenses de fonctionnement. Cela revient donc à faire financer des dépenses courantes par l'emprunt, situation interdite aux collectivités locales et qui pourrait placer l'Etat en situation périlleuse.

Il a également souligné que l'effort de l'Etat en matière de réduction du déficit était inférieur à celui des autres administrations publiques et constituait donc un pari risqué. En effet, afin d'améliorer le niveau des déficits publics au sens du traité de Maastricht, l'Etat s'appuie depuis 1997 sur les excédents des collectivités locales et les efforts de la sécurité sociale.

Si en 1999, le déficit de l'Etat serait de 2,7 % du PIB, les autres administrations publiques seraient elles en excédent de 0,4 % du PIB. De ce fait, M. Philippe Marini, rapporteur général, a tenu à souligner que, si le solde des autres administrations publiques au lieu d'être positif devenait légèrement négatif, la France se situerait en situation de déficit excessif au regard du traité sur l'Union européenne. Dans ce contexte, il a rappelé que c'était au budget de l'Etat de procéder à des adaptations structurelles.

Aussi, a-t-il tenu à émettre des propositions afin de mettre en place "un budget de responsabilité et de prudence" qui s'inscrirait dans le cadre des orientations définies par la commission des finances notamment, lors de l'examen du dernier projet de loi de finances ou à l'occasion du débat d'orientation budgétaire de juin 1998.

Il a tout d'abord indiqué que le choix avait été fait, dans un souci de responsabilité, de ne pas rejeter l'ensemble de ce budget mais de le discuter, et que ce choix impliquait de reconstruire un nouvel équilibre budgétaire, tout en respectant une stricte discipline qui interdisait de dégrader fortement le niveau des recettes ou de modifier fortement le montant des dépenses.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite présenté les objectifs que s'est assignés la commission et qui ont été présentés par son rapporteur général lors du débat d'orientation budgétaire de juin 1998.

Il s'agit tout d'abord de stabiliser le poids de la dette publique dans le PIB, ce qui implique de réduire le déficit budgétaire proposé par le gouvernement de 14 milliards de francs supplémentaires, et ce qui permettrait par ailleurs, si la croissance nominale du PIB était inférieure d'un point à ce que prévoit le Gouvernement, de tenir son objectif de déficit budgétaire.

Ainsi, l'objectif de 236,5 milliards de francs de déficit pourrait être "sanctuarisé" même dans l'hypothèse d'une conjoncture économique défavorable.

Il a rappelé que la réduction du déficit constitue un exercice difficile puisqu'elle implique de réduire les recettes en première partie du projet de loi de finances de façon modérée, même si la réduction des prélèvements obligatoires demeure l'objectif de la commission.

A ce titre, il a développé quelques unes des préoccupations de la commission, que ce soit la lutte contre l'alourdissement du poids de l'impôt sur les sociétés, le plafonnement des effets du quotient familial ou le prélèvement de 5 milliards de francs sur les Caisses d'épargne qu'entend réaliser le Gouvernement, alors que le Parlement n'a pas encore été saisi du projet de loi sur lesdites Caisses d'épargne.

Il a, à ce titre, indiqué que certains dossiers fiscaux, tels que la diminution de l'impôt sur le revenu, la réforme de la taxe professionnelle de France Télécom ou la baisse de la TVA sur le traitement des déchets, pourraient être examinés en seconde partie du projet de loi de finances. En effet, si l'Etat était géré comme la commission des finances le préconise, ces réformes, qui supposent au préalable un effort de meilleure gestion des finances publiques, deviendraient possibles compte tenu des nouvelles marges de manoeuvre budgétaires ainsi dégagées.

S'agissant enfin de la répartition des fruits de la croissance, il a rappelé que l'assainissement des finances publiques passait nécessairement par une réduction des dépenses.

S'inspirant de la démarche suivie l'année dernière par la commission, M. Philippe Marini, rapporteur général, a proposé un certain nombre de diminutions de dépenses au moyen, d'une part, de réductions ciblées témoignant du rejet de certaines politiques gouvernementales (tels la généralisation des 35 heures ou l'accroissement du volume des rémunérations publiques) ou de la nécessité de financer les priorités gouvernementales (emplois jeunes), à crédits constants. D'autre part, il a souhaité que soient réalisées des économies forfaitaires témoignant de la volonté de la commission de voir aboutir la réforme de l'Etat. Cette dernière impliquerait notamment de réorganiser les administrations publiques dans le sens d'une meilleure productivité tout en ayant le courage de traiter la question des retraites des fonctionnaires, afin de limiter le poids de ce fardeau pour les générations futures.

Dans ce cadre, il a préconisé un effort de réduction des dépenses qui épargnerait les ministères de souveraineté, ceux dont les crédits étaient en baisse à structure constante ainsi que l'investissement public. Cette réduction s'élèverait à 5 % des crédits du train de vie de l'Etat et à 1 % des autres crédits de fonctionnement et d'intervention. Il a chiffré l'effort d'économie ainsi proposé sur l'ensemble du budget à environ 26 milliards de francs soit 1,5 % de l'ensemble des dépenses.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a conclu qu'il s'agissait ainsi pour la commission de proposer une autre répartition des fruits de la croissance et qu'il était donc possible d'avoir une approche différente de celle du Gouvernement. Cela permettrait de confronter dans la clarté, au cours du débat budgétaire, des convictions différentes de celles du Gouvernement.

M. Alain Lambert, président, a tenu à féliciter M. Philippe Marini pour la maîtrise et la pédagogie dont il avait fait preuve lors de la présentation des principaux éléments du projet de loi de finances pour 1999.

M. René Ballayer s'est inquiété de la poursuite de l'accroissement de la charge de la dette malgré la croissance économique et le faible niveau des taux d'intérêt.

M. Maurice Blin a insisté sur le poids des rémunérations publiques au sein du budget général, qui s'établit à près de 40 %, et s'est inquiété, à ce titre, du niveau du déficit de fonctionnement de l'Etat.

S'agissant du besoin de financement des administrations publiques M. Jacques Oudin a fait part de ses craintes quant à la situation financière réelle des régimes de sécurité sociale eu égard aux aléas financiers existant en ce domaine. Il s'est interrogé sur les modalités de remboursement de la dette de l'Etat. Il a par ailleurs relevé la baisse tendancielle du niveau des investissements civils de l'Etat et souligné le rôle croissant joué par les collectivités locales en ce domaine ainsi que l'importance des investissements réalisés dans les secteurs financés par des redevances, tels que l'eau ou les autoroutes.

M. Philippe Adnot a souhaité obtenir des précisions sur le niveau réel de l'investissement et sur son mode de financement.

M. Claude Belot a fait part de ses craintes quant à l'augmentation permanente du niveau de la dette publique et aux risques d'une éventuelle augmentation des taux d'intérêt dans la mesure où ceux-ci se situaient à un niveau historiquement bas.

M. Bernard Angels , après avoir relevé la qualité pédagogique de la présentation du rapporteur général, a souligné qu'il existe, en matière budgétaire, deux politiques : une de gauche, une de droite. Il a fait remarquer qu'à ses yeux les tableaux présentés par le rapporteur général traduisaient l'échec des politiques menées par les gouvernements soutenus par la majorité sénatoriale et il a insisté sur la nécessité de conforter la confiance des ménages. Il a regretté, à ce titre, que l'on puisse envisager de réduire leurs revenus.

M. Jean-Philippe Lachenaud a constaté la grande continuité des positions exprimées par la commission, notamment au regard de celles exposées lors du débat d'orientation budgétaire, et a regretté l'absence de courage du gouvernement pour réduire suffisamment la dette ainsi que le déficit public. Il a expliqué cette situation par la volonté du gouvernement de donner des gages à son électorat et à ses alliés politiques. Evoquant la réforme fiscale, il s'est demandé si celle-ci était "amorcée ou avortée" et a estimé en tout état cause que le projet de loi de finances ne contenait pas de dispositif fiscal favorable aux entreprises. Il a enfin fait part de sa totale adhésion à la stratégie proposée par le rapporteur général, tout en souhaitant que les propositions dynamiques et courageuses de celui-ci soient encore mieux mises en évidence.

M. Paul Loridant a tout d'abord tenu à faire part de ses interrogations quant au caractère réaliste des hypothèses économiques avancées par le Gouvernement et s'est étonné que l'on puisse croire la France à l'abri de la "bulle financière". Il s'est inquiété de l'écart grandissant existant entre l'économie réelle et l'économie financière.

Il a également souhaité faire part de son désaccord quant aux analyses faites par le rapporteur général, estimant nécessaire de relancer la production pour retrouver le chemin de la croissance. Dans ce cadre, il a déclaré que la priorité devrait être la relance de la consommation par l'augmentation des salaires et la création d'emplois. Il a par ailleurs considéré que le parallèle fait entre la comptabilité de l'Etat et celle des collectivités locales n'est pas pertinent, dans la mesure où l'Etat joue, par nature, à la différence des collectivités locales, un rôle contracyclique en matière économique. Il a également indiqué qu'en matière de dette publique sa répartition entre taux fixe et taux variable ou sa durée importent tout autant que son montant, et qu'il est donc indispensable de "travailler la dette". Enfin, à propos du mouvement d'économies proposé par le rapporteur général, il a indiqué que la contribution française au budget de l'Union européenne constitue certainement un gisement potentiel d'économies budgétaires.

M. Alain Joyandet s'est interrogé sur la nature et le montant des actifs détenus par l'Etat et sur les modalités en fonction desquelles ces actifs pourraient venir en compensation du passif constitué par la dette publique. Il a par ailleurs proposé, eu égard au poids croissant de l'endettement public, d'amplifier l'effort d'économies préconisé par la commission.

M. Jean Clouet s'est inquiété du montant des dettes garanties par l'Etat et a souhaité connaître les montants des sinistres éventuels ainsi que les chapitres budgétaires sur lesquels ils étaient, le cas échéant, imputés.

M. Marc Massion a souhaité obtenir des précisions quant à la répartition faite par le rapporteur général entre les différents types de diminution des dépenses publiques.

Mme Marie-Claude Beaudeau a enfin souhaité savoir si la commission avait évalué complètement les conséquences humaines, sociales et politiques des économies ciblées qu'elle propose.

M. Philippe Marini a tout d'abord remercié les commissaires pour les contributions ainsi apportées à sa réflexion. Il est convenu avec M. René Ballayer du caractère particulier de la conjoncture qui entraîne un niveau exceptionnellement faible des taux d'intérêt, tout en soulignant que cette baisse n'était pas acquise de façon définitive.

En réponse à M. Maurice Blin, il a reconnu que la part de l'emprunt affectée au financement des dépenses de fonctionnement avait diminué, traduisant une amélioration relative de la situation budgétaire de l'Etat qui s'explique par le niveau actuel de la croissance et des recettes qu'elle engendre et par la qualité de l'effort réalisé par les précédents gouvernements en ce domaine.

Suite aux interventions de M. Jacques Oudin, il a indiqué qu'il était nécessaire d'approfondir les modalités de financement des budgets sociaux tout en soulignant la grande volatilité du solde des régimes sociaux. Il a enfin souhaité que l'évolution de l'investissement au cours de ces dernières années soit mise en perspective. Il a également apporté des précisions à M. Philippe Adnot quant au montant de l'investissement public en 1999.

En réponse aux interventions de MM. Paul Loridant, Claude Belot et de Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que la singularité française en matière d'évolution de la dette publique était de plus en plus difficile à justifier dans un monde économique ouvert sur l'extérieur. A ce titre, il a convenu de l'intérêt d'un débat sur cette question, notamment au travers de l'examen du budget des charges communes. S'agissant des interrogations de MM. Philippe Adnot, Claude Belot et Jean Clouet, quant à la mise en place d'un bilan patrimonial de l'Etat, il a rappelé l'intérêt de l'initiative prise par Jean Arthuis qui, lorsqu'il était ministre de l'économie et des finances, avait mis en place une commission sur ce sujet. Il a indiqué, dans l'attente des résultats des travaux de cette commission, qu'il fallait obligatoirement définir de nouveaux concepts, puis, procéder au recensement des éléments de ce bilan, ce qui n'a encore jamais été fait.

Evoquant le coût financier des pensions des fonctionnaires de France Telecom, qu'il a fallu apprécier lors du changement de statut, il a évoqué le problème des engagements de l'Etat figurant "hors-bilan". En réponse à M. Bernard Angels, il a indiqué qu'une des priorités actuelles du gouvernement de M. Schröder en Allemagne consiste à baisser les impôts, et notamment l'impôt sur le revenu. Après avoir indiqué à M. Jean-Philippe Lachenaud qu'il tiendrait compte de ses observations, il a reconnu, avec M. Paul Loridant, le caractère potentiellement déstabilisateur des marchés financiers. Il a souligné la nécessité de définir un niveau optimal de régulation de ceux-ci et indiqué qu'il appartenait aux Etats et aux organisations multilatérales de sécuriser ces marchés financiers et d'en accroître la fluidité et la transparence.

En réponse à M. Alain Joyandet, il a précisé que l'exercice proposé par la commission pour 1999 n'était qu'une première étape consistant à stabiliser le poids de la dette dans le PIB et qu'il serait donc nécessaire d'inscrire une telle politique dans la durée. Il a enfin rappelé à M. Marc Massion la répartition proposée par la commission entre les économies ciblées et les économies forfaitaires et souligné que l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 limitait de façon substantielle les possibilités d'initiative et d'action du Parlement en matière financière, ce dont il avait dû tenir compte lors de l'élaboration de ses propositions.

M. Alain Lambert, président, a confirmé la rigueur des règles juridiques posées par l'ordonnance organique et encadrant effectivement l'exercice de régulation budgétaire proposé par la commission des finances. Il a rappelé également la nécessité d'avoir une approche globale des finances publiques et considéré que la commission des finances se devait de conserver cette approche dans ses travaux sur l'Etat, la sécurité sociale et les collectivités locales.



1 Voir infra. chapitre IV-IV-B-.

2 Le solde primaire résulte de la différence entre les recettes et les dépenses, hors prise en compte de la charge de la dette (en intérêts). Lorsque l'équilibre primaire est atteint, l'Etat n'emprunte plus pour financer les intérêts de sa dette.

3 Voir infra chapitre III.

4 Selon la direction de la prévision, le déficit nécessaire pour stabiliser la dette publique en 1999 est de 2,2 % du PIB. Voir le rapport économique, social et financier (p. 144 et 145) et " Le débat d'orientation budgétaire pour 1999 : réduire les dépenses pour libérer l'avenir " Alain Lambert - Sénat n° 506 1997-1998 (p 36 à 38).

5 Il s'agit des intérêts de toute la dette publique, obtenus en rapprochant le coût moyen de cette dette (6,4 % - rapport DOB pour 1999 p.43) à son niveau de 1998.

6 Il conviendra à cet égard de surveiller la période complémentaire de 1998 et l'éventuelle mise à la charge de l'exercice 1998 de dépenses à acquitter en 1999.

7 Le coût de l'accord salarial du 10 février 1998 est de 14,8 milliards de francs en 1999.

8 Exposé des motifs du code, page 16. Traduction : Commission des finances du Sénat.

9 Cette méthode peut conduire à des soldes conjoncturels équivalents pour des output gaps différents une année donnée. Par exemple, on aboutit à des estimations de solde conjoncturel très proches, de l'ordre de - 1 point de PIB pour les années 1993 et 1998, alors que l'output gap de 1993 (- 2,5 %) est sensiblement plus dégradé que celui de 1998 (- 1,5 %).

Ce résultat, apparemment surprenant, s'explique par l'interaction des "délais de perception" (par exemple de l'IR et de l'IS) et les positions de l'économie dans le cycle : en 1993, l'économie française se trouve sur une phase "descendante", l'écart de production de dégrade. Les administrations publiques bénéficient néanmoins de rentrées fiscales dues au titre de l'année 1992, année pour laquelle l'écart de production était moins dégradé. Sans aucun "délai de perception", le solde conjoncturel en 1993 aurait été de l'ordre de - 1,3 point de PIB.

En 1998, l'économie française se trouve sur une phase "ascendante", l'écart de production s'améliore. Les APU reçoivent néanmoins des rentrées fiscales "relativement faibles" dues au titre de l'année 1997, année pour laquelle l'écart de production était plus dégradé. Sans aucun "délai de perception", le solde conjoncturel en 1998 aurait été de l'ordre de - 0,8 point de PIB. Les "délais de perception" introduisent ainsi de l'inertie au niveau de la relation entre le solde conjoncturel et l'output gap.

10 Le chiffre était, lors de la présentation initiale des grandes orientations en avril 1998, de 1,2 %.

11 Cette démonstration figure aux pages 101 à 107 du volume II du rapport général.

12 Charges définitives du budget de l'Etat + charge nette temporaire

13 Ces propos ont été réitérés en séance publique par le rapporteur général : " Il faut raison garder et observer que l'évolution de la dépense est maîtrisée ". JOAN 13 octobre 1998 page 6509

14 Ce mouvement résulte d'une part d'un excédent au titre de la charge nette des opérations à caractère définitif des comptes d'affectation spéciale (évolution de la situation du Fonds pour le financement de l'accession à la propriété) et d'autre part, de la diminution de la charge nette des opérations temporaires qui approche l'équilibre (réduction des dépenses du compte de prêt du Trésor aux Etats étrangers, et équilibre du compte d'avances aux collectivités locales).

15 Voir aussi la décision du 29 décembre 1994 sur la loi de finances pour 1995

16 90,27 % contre 90,34 % dans la loi de finances pour 1998

17 Le bas niveau des taux d'intérêt et la tendance actuelle sur cette charge peuvent laisser penser que l'estimation de 237,2 milliards de francs est assez large.

18 Lors du débat d'orientation budgétaire de juin 1998, leur nombre était de cinq...

19 Le gouvernement annonce un coût de 7,7 milliards de francs qui inclut en réalité des cofinancements ainsi que des mesures antérieures déjà annoncées

20 Il s'agit de la dépense "induite" de fonction publique qui représente 717,4 milliards de francs en 1999 (+ 6,2 %). Outre les rémunérations d'activité, les cotisations sociales et les pensions, elle intègre les subventions à l'enseignement privé, les pensions des anciens combattants ainsi que les charges de personnels du budget de l'aviation civile.

21 150.000 emplois * 92.000 francs par an = 13,8 milliards

22 Lors de son audition par votre commission des finances le 14 octobre 1998, Mme le ministre de l'emploi a reconnu implicitement cet état de fait :" Le ministre a précisé que la dotation de 43 milliards de francs prévue pour le financement de la ristourne dégressive sur les bas salaires en 1999 était cohérente avec la prévision de dépenses de 41,5 milliards de francs en 1998 ", in bulletin des commissions, n°2 page 138

23 in rapport n° 306 (1997-1998) de M. Louis Souvet sur le projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du travail, pages 110-111

24 Elle est mesurée au travers de la RMPP ( rémunération moyenne des personnes en place) : c'est une notion salariale qui permet d'apprécier une évolution moyenne de la rémunération en francs constants

25 Hors fonds de concours

26 mais "seulement" 37,4 milliards de francs de mieux que l'exécution de 1997, dont les recettes avaient été manifestement sous-estimées. Il est possible de se demander, dès lors, si les estimations révisées ne présentent pas une certaine sous-évaluation des plus-values de recettes en 1998.

27 C'est-à-dire réintégration de recettes affectées à d'autres organismes dans les recettes du budget de l'Etat.

28 Ces 71,1 milliards de francs correspondent à 73,5 milliards de francs de suppléments de recettes dont il faut retirer 2,4 milliards de francs d'aménagements de droits.

29 En grisé figurent les années où les réalisations de recettes ont été supérieures aux attentes, en blanc les années où l'on a constaté des moins-values de recettes.

30 Cf exposé général des motifs II - Evolution et prévision des recettes du budget général et Rapport économique, social et financier (p 150)

31 Il faut rappeler en outre que la mise sous condition de ressources des allocations familiales était une mesure très récente.

32 281 voix contre 31.

33 Résolution n°120- Sénat 1997/1998

34 S'agissant du premier programme de stabilité, cette situation peut s'expliquer. Par la suite, ce programme devenant annuel, il sera nécessaire de faire en sorte que les débats parlementaires sur le budget (lois de finances et débat d'orientation budgétaire) ne soient pas en décalage -dans le temps comme sur le fond- avec la notification du programme de stabilité.

35 EURO 1999-Rapport Sénat n°382 1997/1998. Alain Lambert.

36 C'est-à-dire l'exigence de publications supplémentaires avant l'émission de titres publics par l'Etat concerné et l'invitation adressée à la BEI de revoir sa politique de prêts à l'Etat en cause.

37 Le chiffre du poids de la dette publique française en 1999 varie selon les sources : 59,5 % pour l'OCDE ; 58,6 % pour la Commission européenne ; 58,7 % selon le gouvernement. Ces différences n'ont pas d'influence sur la place de la France par rapport à ses partenaires.

38 A l'inverse, les collectivités locales dégagent un besoin de financement lorsque leurs "ressources non financières" sont inférieures à leurs "dépenses non financières" ou, ce qui est équivalent, lorsque leurs "ressources financières" sont supérieures à leurs "dépenses non financières".

39 Voir supra chapitre II, encadré p. 44.

40 Estimé schématiquement.

41 Recommandation du Conseil du 7 juillet 1997.

42
La commission des finances de l'Assemblée nationale juge ce mouvement d'économies " inférieur à celui qui avait prévalu lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 1998 ".

43 in dossier de presse de présentation du PLF 1999, rubrique " dépenses " page 19

44 in bulletin des commission de l'Assemblée nationale n°19/1998 p.2431 ; le 9 septembre 1998

45 Cette préoccupation était déjà présente lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998 : " les retraites de la fonction publique : une explosion programmée ", page 54 rapport n° 85 (1997-1998)

46 Le budget de la Défense est, en raison de la programmation militaire, intégralement "sanctuarisé"

47 Les premières indications obtenues font état d'un taux de consommation inférieur à 15% soit moins de 450 millions de francs au 1 er octobre 1998

48 Les crédits concernant la partie financée par le ministère de l'Intérieur au titre des adjoints de sécurité seraient préservés, compte tenu du caractère régalien de ce ministère

49 in rapport sur la Sécurité sociale, septembre 1998

50 Cf Rapport général n°85 sur le projet de loi de finances pour 1998, tome I - M. Alain Lambert, rapporteur général.

51 Il dénonce également le " discours construit " généralement avancé pour justifier cette exonération fiscale : à l'origine des prestations familiales, l'objectif affiché par le législateur aurait été " d'apporter aux familles un apport financier qui vise à compenser les charges liées à l'entretien des enfants, indépendamment des revenus dont disposent ces familles " .

Or cet argument ne tient pas pour le comité : " En réalité, lorsque les allocations familiales ont été exclues du champ de l'imposition, en 1927, c'est à un simple argument de politique sociale que le législateur s'est soumis : il s'agissait de ne pas peser financièrement sur les familles, notamment les plus modestes, et non de respecter un principe doctrinal de définition de la notion de ressources. En fait, les allocations familiales de base (qui représentent 40 % des prestations familiales) ont toujours été considérées, peut-être comme des compensations de charges, mais avant tout comme un complément de revenu, qualifié historiquement de sursalaire : il s'agissait bien d'un revenu."

52 Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations.

53 cf. Jean-Pascal Beaufret, La fiscalité de l'assurance, page 316.

54 Conseil d'Etat, Rapport public 1991. De la sécurité juridique, page 31.

55 Il est à noter que parmi les pays de l'Union européenne, seule la constitution espagnole dispose que l'un des objectifs de la constitution est de garantir la sécurité juridique (article 9-3 du titre préliminaire de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978).

56 Sauf en matière répressive en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

57 Plusieurs propositions de lois constitutionnelles visent à inscrire le principe de la non-rétroactivité des lois fiscales dans la constitution.

58 Étant entendu qu'une loi fiscale plus favorable ne porte pas atteinte à la sécurité juridique des contribuables.

59 Les dispositions relatives à l'impôt sur le revenu contenues dans les lois de finances s'appliquent aux revenus de l'année, c'est à dire aux revenus déjà perçus à la date à laquelle la loi de finances entre en vigueur. Les dispositions relatives à l'impôt sur les sociétés s'appliquent aux résultats des exercices clos à compter du 31 décembre, c'est à dire à des résultats déjà réalisés, alors que l'entreprise ne peut plus adapter sa gestion à la loi nouvelle.

60 Et ne privait donc pas de garanties légales une exigence constitutionnelle. On rappelle en outre que la suppression d'une exonération n'est pas considérée comme une sanction.

61 CJCE, 15 décembre 1987, Irlande c/Com.aff.325/85 Rec.5041

62 Conseil d'Etat, rapport public 1991, page 30

63 Le taux initialement envisagé par le gouvernement était de 15%. Il a été porté à 20% en première lecture à l'Assemblée nationale.

64 Joël Bourdin note dans son rapport que "
l'année 1997 a vu la plus faible évolution globale des taux d'imposition depuis le début des années quatre-vingt : + 1,3% en moyenne. La modération a été générale pour tous les niveaux de collectivités. "

65 Le montant des dotations sous enveloppe s'établissait à 157,7 milliards de francs en 1997 et le gouvernement prévoit 163,8 milliards de francs en 1999. Sachant que l'évolution des prix (+ 1,3%) conduit à une progression d'environ 2 milliards de francs, la différence, soit 4,1 milliards, est due à la prise en compte de la croissance.

66 Résumé publié dans le numéro de juin 1998 de
La revue du Trésor , p. 322.

67 Il ajoute qu' "
on observe un effet stimulant analogue de l'investissement des administrations locales sur la productivité et l'emploi du secteur privé. Il y a là une manifestation significative de ce qu'on appelle la `croissance endogène' ".

68 Dexia-Crédit local de France, Les finances locales dans les quinze pays de l'Union européenne

69 Viennent ensuite le Danemark (49%) et la Finlande (43%). Toutefois, au Danemark, les collectivités sont totalement maîtresses du niveau des taux, tandis qu'en Suède le taux moyen d'imposition pour l'ensemble des collectivités locales ne doit pas dépasser 31% et, en France, les collectivités locales sont soumises à la règle de liaison des taux.

70 Décision n°91-298 DC du 24 juillet 1991.

71 En dépit de chiffrages gouvernementaux laissant entendre que, sur la période 1992-1997, les ressources des collectivités locales auraient été supérieures à ce qu'elles ont été si la réforme s'était appliquée.

72 Groupe de travail n° 6 sur les politiques de développement régional (DT/REG(97)10), Les politiques régionales dans les années 90 : réorientation vers une recherche de la compétitivité et des partenariats avec les niveaux infrarégionaux, 16-17 décembre 1997.

73 La présentation de ce tableau est peu orthodoxe car elle mélange des estimations de recettes fiscales et des données budgétaires . Toutefois, elle ne remet pas en cause les ordres de grandeur.

74 Le gouvernement, dans sa présentation des crédits pour 1999, n'a pas choisi d'agréger la compensation au titre des mesures fiscales de 1999 aux autres montants car les compensations de la réforme de la taxe professionnelle et de la suppression de la part régionale des droits de mutation à titre onéreux sont soit fondues, soit appelées à l'être, dans des dotation budgétaires (la DGF et la DGD). Toutefois, l'individualisation de ces montants dans le PLF 99 fournit une occasion de retracer le coût global des remboursements et compensations par l'Etat aux collectivités locales.

75 Proposition de loi n° 95, annexée au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997, relative à la taxe professionnelle de France Télécom, présentée par MM. Jean-Paul DELEVOYE, Jean DELANEAU, Jean FAURE, Paul GIROD, Gérard LARCHER, Louis ALTHAPÉ, Paul BLANC, Joël BOURDIN, Henri COLLARD, Charles-Henri de COSSÉ-BRISSAC, Alain DUFAUT, André DULAIT, Philippe FRANCOIS, François GERBAUD, Charles GINÉSY, Jean-Marie GIRAULT, Georges GRUILLOT, Pierre HÉRISSON, Daniel HOEFFEL, Jean-Paul HUGOT, Charles JOLIBOIS, Pierre LAFFITTE, Dominique LECLERC, Marcel LESBROS, Maurice LOMBARD, Roland du LUART, René MARQUÈS, Philippe MARINI, Georges MOULY, Jean PÉPIN, Jean PUECH, Henri de RAINCOURT, Roger RIGAUDIÈRE, Louis-Ferdinand de ROCCA-SERRA, Josselin de ROHAN, Jean-Pierre SCHOSTECK, Louis SOUVET et Alain VASSELLE.

76 Y compris les opérations temporaires et les remboursements et dégrèvements d'impôts.

77 Articles 11 et 13 et article premier de l'ordonnance. A titre d'exemple, l'arrêté du 10 juillet 1997 annule la quasi totalité des crédits du fonds de gestion de l'espace rural alors même que l'abondement de ce fonds avait fait l'objet de longs débats au Parlement : l'Assemblée nationale et le Sénat avaient "obtenu" une majoration de 150 millions de francs des crédits correspondants.

78 L'ordonnance de 1959 dispose judicieusement, en son article 38, que : "si aucun projet de loi de finances rectificative n'est déposé avant le 1er juin, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques ." Toutefois, et de pratique constante, ce rapport est muet sur l'aspect finances publiques considérées dans l'optique de l'exécution budgétaire.



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