4. Le maintien d'un droit du travail dérogatoire

Les caisses d'épargne étaient le seul établissement de crédit à être régi par un droit du travail d'exception. Elles le resteront, malgré la préconisation du rapport Douyère de rallier le droit commun.

Un pas important est franchi avec la suppression de l'extension automatique des accords nationaux aux filiales du groupe, qui rendait très difficile les opérations de croissance externe en obligeant les caisses d'épargne à appliquer leur généreux droit du travail à leurs nouvelles filiales. Les accords collectifs nationaux n'auront en outre plus besoin de recueillir l'accord des trois quarts des membres composant la commission paritaire nationale (CPN) pour être signés (article 16).

Toutefois, le projet de loi maintient l'existence d'une commission paritaire nationale (CPN) de 28 membres, chargée de négocier (mais plus de signer) les accords nationaux. Il maintient en outre l'existence d'une procédure dérogatoire de dénonciation des accords collectifs (article 17).

5. Les groupements locaux d'épargne : une grave entorse au droit de la coopération

Il est certainement nécessaire que les caisses d'épargne disposent d'une structure d'animation du sociétariat au niveau local, et aussi d'un dispositif efficace de diffusion de leurs parts sociales dans le public. Toutefois, ceci dépendra concrètement du dynamisme de leurs agences sur le terrain, davantage que de l'existence d'une " coquille " juridique.

Au cours de ses auditions, votre rapporteur n'a guère entendu que des critiques à l'endroit des GLE, qui semblent avoir été conçus comme la solution par défaut à un problème difficile à résoudre.

Les GLE paraissent s'assimiler aux caisses locales de Crédit agricole, mais constituent en réalité une grave entorse au droit de la coopération. Il ne faut en effet pas confondre ce que sont devenues les caisses locales du Crédit agricole (dont la réalité est au demeurant très variable), avec une création ex nihilo, en l'absence de toute culture mutualiste. On ne pourrait demander aux caisses d'épargne de constituer en quatre ans des coopératives locales fondées sur l'intérêt mutuel que le Crédit agricole a mis plus d'un siècle à constituer.

Sur quatre points au moins, les GLE sont hautement critiquables :

Ce sont des organismes sans activité propre , qui ne servent qu'à porter et à céder le capital des caisses d'épargne. Aucune coopérative ne s'est jamais créée en l'absence d'activité économique, ceci est contraire à la loi de 1947.

Ce sont des structures " écrans " entre les sociétaires et leurs caisses d'épargne. Il ne sera vraisemblablement pas possible de céder les parts de GLE aux sociétaires " de base " sans leur laisser croire qu'ils seront sociétaires de leur caisse d'épargne, ce qu'en réalité ils ne seront jamais. La création des GLE est de ce point de vue un retour en arrière formidable par rapport à la " gouvernance d'entreprise " moderne, selon laquelle les propriétaires doivent être au plus près de leur entreprise. En pratique, les GLE seront contrôlés par la caisse d'épargne de leur ressort territorial, et non l'inverse. Les sociétaires " de base " n'auront aucune véritable voix au chapitre dans les assemblées générales des caisses, qui ne seront composées que de GLE.

Leurs droits de vote seront pondérés dans les assemblées en fonction du nombre de parts sociales qu'ils posséderont, ce qui est en contradiction avec le principe " un homme, une voix ".

Enfin, ils figent la composition du capital des caisses d'épargne, empêchant ces dernières de constituer des partenariats au niveau régional ou national.

En réalité, ce dispositif, qui fait bon marché des principes fondamentaux de la loi de 1947 et, pour tout dire, du droit de propriété, ne se justifie que pour des raisons de technique financière :

Le gouvernement souhaite que les caisses d'épargne disposent immédiatement de propriétaires identifiés, quitte à ce que la cession de leurs parts sociales reste une fiction économique (les GLE emprunteraient aux caisses de quoi souscrire leurs parts) ; on observera que les groupements locaux d'épargne ne disposeront pas, quant à eux, de propriétaires identifiés avant la fin de la période transitoire de placement de leurs parts.

La création d'un échelon local à capital variable permettrait de gérer les allées et venues des sociétaires sans influer sur le capital des caisses d'épargne régionales qui pourrait demeurer fixe (les caisses d'épargne ne seraient ainsi pas amenées à émettre des parts sociales à la demande), ce qui faciliterait l'émission par elles de certificats coopératifs d'investissement.

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