Section 2
-
Recouvrement des cotisations

Art. 14
(art. L. 243-4, L. 652-3, L. 242-11, L. 136-5 du code de la sécurité sociale
et L. 1143-2, L. 1143-5, L. 1143-7 du code rural)
Exécution des recouvrements forcés de cotisations dues
par les non-salariés non agricoles et les agriculteurs

Cet article vise à modifier la procédure d'opposition à tiers détenteur, qui permet aux caisses des non salariés d'obtenir le recouvrement forcé des cotisations non payées et des pénalités de retard.

I - Le texte du projet de loi

Le paragraphe I modifie, de manière marginale, les sûretés applicables au paiement des cotisations, définies par l'article L. 243-4 du code de la sécurité sociale. Il maintient la durée d'un an de la garantie de paiement des cotisations, en étendant ces sûretés aux majorations et pénalités de retard. Ce paragraphe réactualise une référence relative au privilège des salariés (loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 en lieu et place de la loi n° 67-565 du 13 juillet 1967) et supprime le principe de la transformation en hypothèque légale du privilège portant sur les immeubles.

Le paragraphe II prévoit une nouvelle rédaction de l'article L. 652-3, résultant de l'article 33 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991. Les organismes d'assurance maladie et maternité et les caisses d'assurance professionnelle des professions non salariées non agricoles, lorsqu'elles seront munies d'un titre exécutoire, pourront, au moyen d'une opposition, enjoindre aux tiers dépositaires, détenteurs ou redevables de sommes appartenant ou devant appartenir au débiteur, de leur verser -au lieu et place de celui-ci- les fonds qu'ils détiennent. Ce versement correspondra aux cotisations et aux majorations et pénalités de retard dues bénéficiant du privilège prévu à l'article L. 243-4 modifié par le paragraphe I ou qui doivent, lorsqu'elles dépassent 80.000 francs, être inscrites à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance, quand il s'agit de " sommes dues par un commerçant ou une personne morale de droit privé même non commerçante " (art. L. 243-5 du code de la sécurité sociale).

L'opposition sera notifiée au tiers détenteur et au débiteur par le directeur de l'organisme de sécurité sociale par lettre recommandée avec avis de réception. Elle emportera un effet d'attribution immédiate. Le paiement ne sera pas pour autant immédiat : l'opposition pourra être contestée devant le juge de l'exécution dans le mois de sa notification au débiteur. Les tiers seront tenus de déclarer l'ensemble de leurs obligations à l'égard du débiteur; les banques seront tenues de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur (art. 24, 44 et 47 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'opposition).

Enfin, cette opposition ne pourra pas s'appliquer aux sommes dues par le tiers détenteur au titre des rémunérations, qui ne peuvent être saisies que dans les conditions et selon la procédure prévues par les articles L. 145-1 et suivants du code du travail.

Pour résumer, ce nouveau mécanisme nécessitera l'existence préalable d'un titre exécutoire et permettra aux régimes maladie et vieillesse des non-salariés une exécution immédiate.

Le paragraphe III de cet article étend l'opposition à tiers détenteur au recouvrement par les URSSAF des cotisations d'allocations familiales des employeurs et travailleurs indépendants.

Le paragraphe IV rend le mécanisme applicable :

- à la CSG sur le revenu des employés et travailleurs indépendants, recouvrée par les URSSAF (art. L. 136-3 du code de la sécurité sociale) ;

- à la CSG applicable aux revenus agricoles, recouvrée par les caisses de MSA (art. L. 136-4).

Les paragraphes V et VIII adaptent la rédaction du premier alinéa de l'article 1143-2 et de l'article 1143-5 du code rural, en étendant aux majorations et aux pénalités de retard la compétence de recouvrement des caisses de MSA.

Le paragraphe VI supprime une disposition spécifique du régime agricole, prévoyant que les pénalités ou majorations de retard dues par le redevable à la date du jugement sont remises en cas de redressement ou de liquidation judiciaires.

Le paragraphe VII supprime le troisième alinéa de l'article 1143-2 du code rural, relatif à l'actuelle opposition à tiers détenteur existant dans le régime agricole.

En effet, le paragraphe IX insère dans le code rural un article 1143-7, qui étend au régime agricole le mécanisme d'opposition à tiers détenteur défini au paragraphe II.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Bernard Accoyer, sous-amendé par le rapporteur, M. Jean-Claude Boulard, visant à préciser que l'opposition prévue au II, notifiée au tiers détenteur et au débiteur, devra être motivée.

Elle a adopté en outre un amendement de M. Jean-Claude Boulard assurant explicitement au tiers détenteur et au débiteur le droit de contester l'opposition devant le juge de l'exécution.

Par coordination, deux amendements ont été adoptés pour aboutir à une rédaction identique de la procédure d'opposition mise en oeuvre par les caisses de MSA et décrite au paragraphe IX.

III - Les propositions de votre commission

Cet article, qui ne concerne que de manière indirecte la mise en place d'une couverture maladie universelle, a été l'un des articles les plus largement discutés et contestés à l'Assemblée nationale, à la fois par des députés de la majorité et de l'opposition. Il a suscité de nombreuses critiques, émanant de la Chambre nationale des huissiers de justice, du Syndicat national des huissiers de justice, de la Confédération nationale des avocats et de l'Union nationale des professions libérales.

Le paragraphe II est principalement en cause tandis que le paragraphe I n'appelle pas de remarques particulières. Les paragraphes III à IX découlent du paragraphe II.

Votre rapporteur, conscient des interrogations que suscite cet article, s'est penché avec attention sur la question du recouvrement des cotisations des non-salariés.

Le lien de cette disposition avec la couverture maladie universelle n'est ni évident, ni obligatoire


L'acquittement des cotisations sociales incombe, pour les salariés, à l'employeur. Pour les non-salariés, et il s'agit de la principale conséquence, en matière de sécurité sociale, de la différence entre salariés et non-salariés, cette obligation est de leur propre responsabilité.

Prévoir, dans le projet de loi portant création de la couverture maladie universelle, une disposition sur le recouvrement apparaît à première vue sans lien avec les autres dispositions du texte. En fait, ce lien existe : en cas de non-paiement des cotisations sociales, les régimes des non-salariés peuvent aujourd'hui suspendre le droit à prestations. L'actuel premier alinéa de l'article L. 615-8, relatif aux droits à prestations des non-salariés, prévoit que l'assuré doit être à jour de ses cotisations annuelles pour bénéficier du règlement des prestations pendant une période déterminée. Dans le cadre de la mise en place de la couverture maladie universelle, les caisses d'assurance maladie des non-salariés ne pourront plus recourir à cette sanction : l'article 6 du présent projet de loi précise que " ce paiement des cotisations sera nécessaire désormais pour bénéficier, le cas échéant, du règlement des prestations en espèces ".

Pour les personnes relevant du régime agricole, l'article 1106-12 du code rural prévoit actuellement que " le défaut de versement des cotisations n'exclut les assurés du bénéfice de l'assurance qu'à l'expiration du délai de six mois à compter de la mise en demeure faite par lettre recommandée avec accusé de réception ". Cette disposition est également supprimée par le paragraphe II de l'article 6 du présent projet de loi.

Force est de constater que cette argumentation ne vaut que pour les seules cotisations d'assurance maladie prélevées au profit de la CANAM et de la MSA ; pour les cotisations d'assurance vieillesse, prélevées au profit de l'ORGANIC (industriels et commerçants), de la CANCAVA (artisans), de la MSA (agriculteurs) et de la CNAVPL (professions libérales), il n'existe pas de lien entre la CMU et l'article 14.

De plus, un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale, à l'initiative judicieuse de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, prévoyant que l'absence de cotisation au régime de base, pour les personnes situées au-dessus du plafond, " peut conduire, dans des conditions déterminées par un décret, à la suspension du versement des prestations en nature de l'assurance maladie " lorsqu'elle est le fait de " la mauvaise foi du bénéficiaire " . Votre rapporteur vous propose, à l'article 6, d'étendre les effets de cet amendement à l'ensemble des personnes s'acquittant en France de cotisations, au titre d'un régime de résidence comme au titre d'un régime professionnel. Le lien est ainsi rétabli entre cotisations et prestations : les organismes de sécurité sociale disposeront toujours de cette sanction à l'égard de leurs ressortissants qui contestent leur bien fondé à prélever de telles cotisations.

Dès lors, votre rapporteur a étudié l'article 14 de la même manière qu'il aurait étudié un article faisant partie d'un DMOS, sans chercher à le justifier a priori par la mise en place de la couverture maladie universelle.

L'état du droit est complexe


Pour les organismes de sécurité sociale, la première étape, afin de parvenir à un recouvrement des cotisations impayées, est celle de la mise en demeure. Elle constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation, dans le délai imparti. La mise en demeure doit préciser, sous peine de nullité, la nature et le montant des cotisations réclamées, ainsi que la période à laquelle elles se rapportent (au maximum trois années). Il résulte tant de l'article R. 244-1 (régime général) que de l'article R. 612-9 du code de la sécurité sociale (régime des non-salariés non agricoles) que l'envoi de la mise en demeure est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Une fois la mise en demeure effectuée, si le débiteur n'a pas régularisé sa situation dans un délai d'un mois et s'il n'a pas contesté cette mise en demeure, les caisses peuvent recourir à la contrainte définie par l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale.

Cet article, relatif au régime général, est applicable, dans des conditions fixées par décret, aux régimes des non-salariés depuis l'article 6-VI de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994. Mais les modalités d'application diffèrent : cette contrainte est signifiée au débiteur relevant du régime général par acte d'huissier de justice (article R. 133-3 du code de la sécurité sociale) ; pour les débiteurs non salariés non agricoles , le dernier alinéa de l'article R. 612-11 précise que " la contrainte est notifiée au débiteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice " . L'intervention d'un huissier de justice n'est pas obligatoire.

" A défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires sociales " (un délai de quinze jours est prévu), cette contrainte " comprend tous les effets d'un jugement et confirme notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire ", c'est-à-dire un titre exécutoire .

La définition d'un titre exécutoire

L'article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 en dresse une liste limitative :

- les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire ;

- les actes et les jugements étrangers ainsi quel es sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d'un recours suspensif d'exécution ;

- les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;

- les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;

- le titre délivré par l'huissier de justice en cas de non-paiement d'un chèque ;

- les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement.

L'organisme de sécurité sociale dispose alors, comme tout créancier de droit commun, de la procédure de saisie-attribution, définie par les articles 42 à 47 de la loi du 9 juillet 1991.

La procédure de saisie-attribution de la loi n°91-650 du 31 juillet 1991

portant réforme des procédures civiles d'exécution

Art 42 . - Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d' argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Art. 43 . - L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation. (...)

Art. 44 . - Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

Art. 45 . - Toute contestation relative à la saisie peut être élevée dans un délai d'un mois.

En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie. Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent.

Art. 46 . - En cas de contestation devant le juge de l'exécution, le paiement est différé sauf si le juge autorise le paiement pour la somme qu'il détermine:

Art. 47 . - Lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, l'établissement est tenu de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur au jour de la saisie. (...)

Pour les organismes de sécurité sociale des non-salariés non agricoles, une procédure spécifique, qui ne remplace pas mais qui s'ajoute à celle de la saisie-attribution , a été mise en place : l'opposition à tiers détenteur . Instituée par l'article 33 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991, portant diverses dispositions d'ordre social, cette procédure permet à la CANAM, à l'ORGANIC, à la CANCAVA et à la CNAVPL, de recouvrer les cotisations, majorations de retard et pénalités dues en faisant opposition, à concurrence de leur montant, sur les fonds détenus pour le compte de débiteurs par tous les tiers détenteurs. La procédure existait déjà pour le régime agricole, par l'article 1143-2 du code rural.

L'exposé des motifs de l'article 33 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991

" Pour faire face aux agissements violents d'une minorité de ressortissants des régimes de travailleurs non salariés non agricoles appartenant à la confédération de défense des commerçants et artisans (CDCA) qui conteste, par le refus de paiement des cotisations sociales, ces régimes obligatoires de sécurité sociale, il est proposé, outre la procédure contentieuse de droit commun, de permettre aux caisses assurant la gestion de ce régime de faire opposition, à concurrence du montant des cotisations dues, sur les fonds détenus par des tiers pour le compte des assurés débiteurs ".

Cette procédure est décrite par le décret n° 95-446 du 24 avril 1995. L'organisme créancier fait opposition entre les mains du tiers détenteur sur les sommes détenues par lui pour le compte du débiteur. Il informe ensuite le débiteur de cette opposition. A défaut du paiement dans les quinze jours, et dans le délai maximal de deux mois, l'organisme créancier obtient un titre exécutoire. Parallèlement, il peut présenter une requête au Tribunal des Affaires sociales pour que le tiers détenteur lui remette les sommes dont il dispose. Le Tribunal des Affaires sociales rend alors une injonction de remise des sommes à l'encontre du tiers détenteur. Sur présentation de cette injonction, le tiers détenteur paye le créancier. L'organisme créancier donne alors quittance au tiers détenteur et au débiteur.

Dans les faits, cette procédure est rarement appliquée, très contestée, probablement contestable et donc peu efficace. Outre son caractère complexe, elle pose, en effet, un grand nombre de problèmes juridiques, puisqu'elle ne nécessite pas l'existence préalable d'un titre exécutoire. Le contentieux portant sur l'assiette est ainsi inachevé.

Le nouveau dispositif

L'article 14 du présent projet de loi introduit deux importantes innovations : premièrement, la procédure permettra à l'organisme de sécurité sociale de procéder à cette opposition à tiers détenteur, sans avoir à saisir préalablement le tribunal des Affaires sociales. Mais, deuxièmement, l'organisme de sécurité sociale ne pourra recourir à cette procédure qu'une fois muni d'un titre exécutoire , c'est-à-dire en passant soit par l'étape de la contrainte, si la mise en demeure n'a pas été contestée, soit par l'intervention d'une décision de justice, si la mise en demeure a été contestée.

L'assuré pourra contester à trois moments la décision de l'organisme de sécurité sociale :

- il pourra contester la mise en demeure (art. L. 244-2 - R. 244-1, R. 612-9 et R. 612-10 du code de la sécurité sociale), en adressant un recours devant la commission de recours amiable de l'organisme, puis, en cas de décision défavorable de cette commission, en saisissant le Tribunal des affaires de sécurité sociale pour aller éventuellement en appel, voire en cassation ;

- il pourra contester la contrainte (art. L. 244-9 - R. 133-3 et R. 612-11 du code de la sécurité sociale), en adressant un recours en première instance devant le Tribunal des Affaires de sécurité sociale, avec jugements d'appel et cassation possibles ;

- il pourra contester l'opposition à tiers détenteur (nouvel article L. 652-3 du code de la sécurité sociale) , en adressant un recours au juge de l'exécution, avec jugements d'appel et cassation possibles.

Il est à noter que la contrainte peut faire l'objet d'une opposition même si la dette n'a pas été antérieurement contestée, selon un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 23 février 1995 12( * ) . De la même manière, l'opposition à tiers détenteur pourra être contestée même si la contrainte n'a pas fait l'objet d'une opposition.

Les droits de la défense apparaissent ainsi préservés. L'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme dispose que " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. " . Le système proposé n'apparaît pas contraire à ce principe.

Il est reproché toutefois à cette procédure de donner des prérogatives exorbitantes du droit commun aux organismes de sécurité sociale des non salariés.


Force est de constater que d'une part, elle existait déjà, selon un mécanisme moins protecteur des droits de la défense, et que, d'autre part, la procédure d'opposition à tiers détenteur " rénovée " se rapprochera de la procédure d'avis à tiers détenteur, utilisée par les services fiscaux pour recouvrer directement des impôts non payés (art. L. 262 du livre des procédures fiscales). La Cour européenne des droits de l'homme s'est déjà prononcée sur cette procédure et ne l'a pas contestée.

A partir du moment où l'on considère que les cotisations sociales sont des contributions publiques, des prélèvements au même titre que les impôts, il est nécessaire d'assurer des règles de recouvrement, afin que les cotisants de bonne foi ne soient pas pénalisés.

Il n'apparaît pas injustifié que des organismes privés chargés d'une mission de service public se voient reconnaître des prérogatives de puissance publique, si la reconnaissance de ces prérogatives est nécessaire à l'exercice de leur mission. Le recouvrement des cotisations des non-salariés, qui s'est nettement amélioré depuis quelques années, reste un sujet sensible. Le CDCA s'est ainsi spécialisé dans la contestation systématique des régimes de sécurité sociale.

Certains huissiers, contactés par les organismes de sécurité sociale, refusent de saisir des biens chez les adhérents de ce syndicat ou de recourir à la procédure de saisie-attribution. Il est ainsi nécessaire de prévoir un dispositif spécifique pour les organismes des non salariés.

Mais cette procédure devra rester un recours en cas de défaillance des procédures de droit commun, et non un système se substituant dans tous les cas au droit commun. Les organismes chargés du recouvrement n'ont d'ailleurs pas intérêt à s'engager dans cette voie, l'opposition à tiers détenteur suppose, en effet, un coût de gestion supplémentaire.


Les dispositions d'application du principe posé par la loi (un décret en Conseil d'Etat) sont, une nouvelle fois, particulièrement importantes. Un certain flou existe sur ces dispositions d'application.

Il apparaît ainsi essentiel que les services chargés du recouvrement social se montrent souples et sachent distinguer entre le mauvais payeur et le commerçant, l'artisan, la profession libérale ou l'agriculteur confronté à des difficultés temporaires. Un effort particulier de communication devra être réalisé à destination des cotisants, de manière à les prévenir de l'existence de cette procédure. Une actualisation de la " Charte du cotisant ", guide édité par les URSSAF, sera ainsi nécessaire. En outre, il serait opportun que cette procédure, qui sera effective à partir du 1 er janvier 2000, ne s'applique qu'à des conflits futurs, et non aux contestations en cours.

Le décret d'application devra préciser que le débiteur, aux deux moments de la mise en demeure et de la contrainte, soit parfaitement informé de cette procédure, afin qu'il ne soit pas surpris de son caractère immédiat.

L'étape de la contrainte -qui devient indispensable dans le cadre de la rénovation de la procédure d'opposition à tiers détenteur- est ainsi essentielle. Or, l'état du droit n'est pas totalement satisfaisant. Le débiteur relevant du régime général est prévenu au moment de l'étape de la contrainte, puisqu'à peine de nullité, " l'acte d'huissier doit mentionner la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal des affaires de sécurité sociale compétent et les formes requises pour sa saisine " (art. R. 133-3 du code de la sécurité sociale). L'intervention d'un huissier est ainsi indispensable.

Pour le débiteur relevant des régimes des non salariés non agricoles, " la lettre recommandée ou l'acte d'huissier mentionne, à peine de nullité, la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal des affaires de sécurité sociale compétent et les formes requises pour sa saisine ".

Il apparaît nécessaire de préciser dans la loi que la contrainte, qu'elle soit décernée à un débiteur relevant du régime général ou à un débiteur relevant du régime des non salariés, doit être obligatoirement signifiée par acte d'huissier de justice. La procédure de l'opposition à tiers détenteur, telle qu'elle est prévue, peut aboutir à une simple succession de trois lettres recommandées avec avis de réception : mise en demeure, contrainte, opposition à tiers détenteur. Même si les lettres recommandées avec avis de réception ont, dans la jurisprudence de la Cour de cassation, toute valeur juridique, il semble plus juste de prévoir, au stade de la contrainte, l'intervention obligatoire d'un huissier de justice pour deux raisons :

- premièrement, il est souhaitable que cette procédure soit comporte une phase " humaine " et ne soit pas soumise aux seules lettres types éditées automatiquement par un système informatique ;

- deuxièmement, une harmonisation sera réalisée -au niveau de la contrainte- entre le régime général et le régime des non salariés non agricoles.

Votre rapporteur vous propose l'adoption d'un amendement précisant, à l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale, que " la contrainte est signifiée par acte d'huissier de justice " .

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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