LES TRAVAUX DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Les étapes de la constitution de la commission d'enquête

- La présente commission d'enquête a été créée par le Sénat à la suite du dépôt le 6 mai 1999 d'une proposition de résolution n° 342 (1998-1999) présentée par MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan « tendant à créer une commission d'enquête sur la conduite de la politique de l'Etat en Corse ».

- Au cours de sa réunion du 11 mai 1999, la commission des lois, sur la proposition de son rapporteur M. Jean-Pierre Schosteck, a estimé que cette proposition de résolution était juridiquement recevable et pleinement justifiée sur le fond, et a décidé de modifier son intitulé pour faire apparaître que la politique de l'Etat en Corse dont la conduite serait soumise à enquête porterait sur la sécurité.

- Dans sa séance publique du 19 mai 1999, le Sénat a adopté sur le rapport de M. Jean-Pierre Schosteck (n° 345, 1998-1999), la proposition de résolution sans que soit précisé le champ de sa mission dans le temps, celui-ci devant être fixé par la commission d'enquête elle-même, et ce, conformément à l'exposé des motifs de la proposition de résolution .

- Lors de sa réunion constitutive du 26 mai 1999, la commission d'enquête a procédé à la nomination de son bureau et a décidé la confidentialité de ses auditions.

- Son bureau s'est réuni le 2 juin 1999 pour arrêter le programme de ses travaux.

- La commission a ratifié les grandes lignes de ce programme au cours de sa réunion du 9 juin 1999 et a procédé le même jour à sa première audition, celle de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Les auditions de la commission d'enquête

Du 9 juin au 13 octobre 1999, la commission d'enquête a organisé treize journées d'auditions au Sénat 2 ( * ) et convoqué 46 responsables à un titre ou à un autre de la politique de sécurité en Corse : ministres, préfets, policiers, gendarmes, magistrats du siège et du parquet, responsables des administrations centrales et des services déconcentrés, membres des cabinets ministériels, journalistes...

La commission tient à souligner le parfait déroulement de ces auditions, tous ses interlocuteurs convoqués pour déposer sous serment s'étant pliés de bonne grâce à cette obligation, même si certains magistrats parisiens ont pu estimer dans un premier temps que leur comparution pouvait être de nature à porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

Elle tient cependant à faire observer que nombre de ses interlocuteurs, peu familiers sans doute de la procédure, ont pu manifester une relative désinvolture, voire une propension à la conversation de salon, au lieu de répondre avec précision aux questions des commissaires.

Par ailleurs, de nombreux témoignages contradictoires, et les informations recueillies en Corse, ont conduit la commission à procéder à une seconde audition d'un certain nombre de ses interlocuteurs, tels les juges anti-terroristes Bruguière et Thiel, l'ancien chef de la DNAT Roger Marion, devenu depuis directeur central adjoint de la police judiciaire et l'ancien directeur central de la PJ, M. Bernard Gravet.

Cette seconde série d'auditions a permis de clarifier des points litigieux et d'obtenir parfois, à l'issue d'échanges particulièrement vifs 3 ( * ) , des révélations confondantes qui témoignent de la gravité des dysfonctionnements qui ont existé entre les services chargés de la sécurité en Corse.

Au total, beaucoup de chemin reste encore à parcourir pour que nos commissions d'enquête se voient pleinement reconnaître leur rôle, à l'instar de leurs homologues étrangères, ces structures constituant une modalité essentielle du contrôle parlementaire, qu'il convient de développer.

Le déplacement de la commission d'enquête à Ajaccio

Outre ces auditions traditionnelles, la commission d'enquête a complété ses investigations en effectuant un déplacement à Ajaccio en formation plénière, entre le 28 septembre et le 1 er octobre 1999, ce qui constitue sans doute une première dans l'histoire de l'institution.

S'étant installée à demeure derrière les grilles du Palais Lantivy, dans la douceur de l'été corse finissant, et alors que lui parvenaient la rumeur étouffée du mouvement des lycéens ajacciens devant la préfecture, ainsi que les échos du déplacement sous haute protection de notre collègue député, Charles-Amédée de Courson, venu enquêter sur les comptes de la mutualité sociale agricole, la commission a siégé sans désemparer pendant trois jours complets 4 ( * ) ; elle a ainsi recueilli sous serment le témoignage d'une trentaine de personnalités qui, à des titres divers, sont intéressées par la conduite de la politique de sécurité dans l'île : élus locaux, préfets, magistrats, policiers, gendarmes, fonctionnaires des impôts, des douanes, de la concurrence, bâtonnier, journalistes ...

Votre commission tient naturellement à exprimer sa gratitude au préfet Lacroix pour l'avoir hébergée dans les locaux de sa préfecture et donné les consignes nécessaires pour assurer une protection aussi discrète qu'efficace de ses membres 5 ( * ) .

Ce huis clos studieux n'a été rompu que par une courte visite de la commission sur les vestiges des locaux de la tristement célèbre brigade de gendarmerie de Pietrosella, sous bonne escorte de l'Arme, un déplacement à l'assemblée de Corse qui lui a permis de rencontrer les présidents des groupes politiques, et la dépose d'une gerbe à la préfecture devant la plaque apposée à la mémoire du préfet Claude Erignac.

Elle tient également à remercier ses interlocuteurs pour leur disponibilité, même si certains magistrats avaient au préalable, mais de manière officieuse, exprimé quelques réticences à être entendus, non pas au Palais de justice mais à la préfecture : le rappel à point nommé des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance de 1958 précitée, effectué à un niveau opportun, a fait en sorte qu'aucun des interlocuteurs de la commission n'a manqué à l'appel.

Sur un plan plus général, la commission a pu constater que le renouvellement des personnels chargés de la sécurité en Corse était très largement engagé et elle a pu apprécier la qualité et la détermination des nouveaux venus pour mettre en oeuvre une politique de rétablissement de la légalité républicaine.

Enfin, ce déplacement lui a permis de prendre conscience du fait que les problèmes de sécurité étaient compris et ressentis sans doute de manière différente à Paris et à Ajaccio.

Les documents communiqués à la commission

Comme elle en a le pouvoir, la commission en se fondant sur l'article 6 de l'ordonnance sus-rappelée, a demandé communication de nombreux documents aux ministres qui sont compétents en matière de sécurité afin de compléter son information.

Ces derniers, ainsi que leurs services ont répondu de bonne grâce à ces requêtes et ont communiqué dans les délais souhaités les documents demandés. C'est notamment le cas du ministre de la défense qui a donné les consignes nécessaires à la mise en place d'une cellule de liaison animée par des officiers particulièrement diligents et efficaces, et chargée de satisfaire les requêtes de la commission.

Votre commission tient cependant à faire observer qu'elle n'a pu obtenir du Premier ministre l'intégralité des rapports des diverses inspections générales et des corps de contrôle ayant trait à la situation en Corse : alors que cette demande avait été formulée par son rapporteur le 22 juillet, ce n'est que le 22 octobre que le Premier ministre lui a transmis les seuls rapports Limodin et Capdepont -que la commission détenait d'ailleurs depuis sa constitution- arguant du fait que les autres documents, selon le secrétariat général du gouvernement, n'entraient pas dans le champ d'investigation de la commission d'enquête et dans le cadre du § II de l'article 6 de l'ordonnance de 1958.

En dépit d'une demande réitérée, la commission n'a toujours pas reçu ces documents : elle tient à s'élever contre cette interprétation restrictive du texte qui détermine les pouvoirs des commissions d'enquête, celles-ci ayant évidemment vocation à déterminer sans avoir besoin de l'avis de quiconque, fut-ce le gouvernement, les documents qui sont nécessaires à ses investigations.

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* 2 La commission a consacré 61 heures 30 à ces auditions

* 3 voir annexe n° 1

* 4 La commission a consacré au total plus de 24 heures à ces auditions.

* 5 Lors de la dernière nuit de son séjour en Corse, trois attentats par explosifs ont été perpétrés à l'encontre de l'agence EDF et de la trésorerie d'Ajaccio, ainsi qu'à l'encontre de la caisse d'épargne de Porto-Vecchio.

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