2. Un plan stratégique contesté

Pour permettre à l'AFP de rattraper son retard et sortir de la crise, M. Giuily propose un ambitieux " plan stratégique " . Le nouveau président se propose de faire de l'AFP une agence mondiale multimédia, tournée vers Internet et les nouveaux supports technologiques .

Pour lui, L'AFP doit faire face à un défi historique, celui de la révolution technologique du monde de l'information . A travers Internet et les divers multimédias se développent des offres qui deviennent autant de concurrents potentiels des agences.

Pour parvenir à cette diversification de sa clientèle et au renforcement de ses services qui devrait se traduire par une croissance de plus de 50 % du chiffre d'affaires de l'entreprise en 5 ans, le nouveau président estime qu'il faut investir . Or les quelque 800 millions de francs dont il a besoin à cette fin, ne peuvent se trouver , selon lui, ni dans une augmentation massive des abonnements de ses principaux clients, ni par une aide directe de l'État .

Telle est l'analyse qui conduit le nouveau président de l'Agence France-Presse à proposer une " évolution " du statut de l'agence de façon à " associer à [son] développement 5 ou 6 entreprises publiques ou privées possédant des technologies " que n'a pas l'entreprise.

Les représentants des salariés accusent leur PDG de préparer la " privatisation rampante " de l'AFP . Ils voient dans son plan une menace pour l'indépendance et la spécificité de l'agence. Le partenariat proposé par M. Eric Giuily revient à faire dicter la politique rédactionnelle de l'agence en fonction des lois du marché.

Dans une lettre aux parlementaires, M. Eric Giuily affirme qu'il " ne s'agit nullement d'une privatisation, puisque ces nouveaux partenaires ne pourront accueillir plus de 49 % du capital de l'agence et ne pourront prendre le contrôle de fait ou de droit de celle-ci. Aucun d'entre eux ne pourra avoir une part supérieure à 10 % ou 15 % du capital. La loi modifiant le statut de 1957 devra le prévoir expressément. "

Après une période de tension au cours de laquelle on a vu le nouveau président bénéficier du soutien appuyé du conseil d'administration de l'agence et de l'État, diverses mesures d'apaisement ont été prises ; le conseil d'administration qui devait se prononcer sur le plan, a été reporté au mois de décembre, ce qui permettra au comité d'entreprise de faire procéder à une expertise du plan par un cabinet d'audit indépendant.

La ministre de la Culture et de la Communication a explicitement apporté son soutien au plan de M. Giuily en déclarant que le " renouveau de l'Agence France-Presse est une cause nationale " et que " c'est au Parlement qu'il incombera de recréer les fondements d'une agence moderne, pérenne, indépendante et ouverte au monde ". Madame Catherine Trautmann a estimé que " différer ou retarder la mise en oeuvre d'un plan de développement, c'est compromettre gravement la situation concurrentielle de l'agence sur des marchés aujourd'hui en pleine expansion " .

Votre rapporteur spécial n'a pas eu la possibilité de rassembler les éléments lui permettant de juger sur le fond le plan de développement du nouveau président. Sans doute pourrait-on s'interroger sur tel ou tel aspect de la stratégie proposée et notamment sur celle consistant à chercher à proposer des produits élaborés à destination du consommateur final, au risque d'entrer en concurrence avec la presse elle-même. Mais votre rapporteur spécial estime qu'il faut lui laisser le temps de mettre en place sa nouvelle organisation avant de porter un jugement sur la nouvelle politique .

La conviction de votre rapporteur spécial est qu'il fallait agir si l'on ne voulait pas assister impuissant à la marginalisation de l'AFP sur un marché de l'information désormais mondial . Sans capital social, sans assouplissement du carcan que constituent certaines règles statutaires comme l'équilibre des comptes, l'Agence ne peut résister à ses concurrents.

Ici comme dans le secteur audiovisuel, il faut donner au secteur public les moyens de lutter à armes égales.

La presse veut se moderniser. Elle ne cesse de se restructurer et affiche des ambitions dans le domaine du multimédias et même des télévisions locales qui témoignent de son dynamisme.

L'État se doit d'encourager de telles initiatives, à défaut desquelles la presse écrite pourrait bien finir par se marginaliser dans le nouveau paysage médiatique, qui va apparaître du fait de la généralisation des technologies numériques.

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