II. UN INSTRUMENT UTILE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE ENTRE LA FRANCE ET LA SUISSE

Les nouveaux instruments institués dans le cadre de l'accord de coopération policière et douanière s'inspirent très largement des mécanismes de coopération prévus par les accords de coopération de même nature signés par la France avec l'Italie et l'Allemagne.

En effet, si le maintien de contrôles fixes aux frontières reste maintenu avec la Suisse, il doit être complété par le dispositif qui s'impose aujourd'hui progressivement entre les Etats signataires des accords de Schengen.

Ce dispositif paraît en effet plus adapté aux réalités de l'immigration clandestine. Il repose sur la notion de contrôle en profondeur sur une bande intermédiaire de part et d'autre de la frontière. L'efficacité des contrôles dans cet espace élargi dépend pour une large part de la concertation bilatérale engagée sur la base, notamment, d'un plan de surveillance commun.

En instituant des centres de coopération policière et douanière, d'une part, et des instruments de coopération directe (en particulier un schéma d'intervention commune et des exercices communs dans la zone frontalière), d'autre part, l'accord de coopération transfrontalière pose ainsi le cadre nécessaire au développement d'un dispositif de contrôle plus efficace.

A. LA MISE EN PLACE DE CENTRES DE COOPÉRATION POLICIÈRE ET DOUANIÈRE

La constitution de centres de coopération policière et douanière constitue sans doute la principale innovation de l'accord.

- Rôle

De manière générale, les centres communs ont pour vocation de faciliter la coopération entre les services de police des deux côtés des frontières. A cet égard, ils constituent, en pratique, une instance dévolue à l' échange d'informations .

En outre, les CCPD assurent trois missions particulières (art. 11). Ils contribuent en effet à la coordination de mesures conjointes de surveillance, à la remise des étrangers en situation irrégulière, à l'organisation des observations et des poursuites transfrontalières. Les centres communs n'assument pas en principe de compétences opérationnelles. Cependant, contrairement aux autres accords signés par la France dans ce domaine -notamment l'accord franco-allemand de Mondorf du 9 octobre 1997- cette possibilité n'est pas explicitement exclue.

Le dispositif retenu ouvre donc la voie à une possible extension du rôle des CCPD.

- Composition

Les centres communs réunissent en principe l'ensemble des représentants des forces de police visées par le présent accord (art. 1 er ) : pour la partie française, la police, la gendarmerie et la douane ; pour la partie suisse, les autorités fédérales de police, de police des étrangers et de douane, les polices cantonales, le corps des gardes-frontières. Cette nouvelle structure se distingue ainsi des commissariats communs mis en place dans la décennie précédente aux frontières terrestres françaises et composée uniquement, du côté français, par des représentants de la police aux frontières.

Ainsi les CCPD ont pour mérite non seulement de permettre aux forces des deux pays de mieux coopérer en apprenant à se connaître mais aussi d'inciter les différentes forces d'un pays à travailler en commun.

- Implantation

L'accord renvoie à un protocole distinct le soin de définir l'implantation du ou des centres communs. Cependant, les autorités des deux Etats prévoient d'ores et déjà l'installation d'un centre commun à l'aéroport de Genève-Cointrin.

B. LES MODALITÉS DE COOPÉRATION DIRECTE

Par ailleurs, l'accord franco-suisse prévoit plusieurs modalités de coopération directe :

- il prévoit d'abord une relation privilégiée (coordination d'actions communes et échange d'informations) entre les forces dotées d'un statut ou de fonctions comparables de part et d'autre de la frontière et ne fait, sur ce point, que reconnaître les pratiques existantes ;

- il ouvre aussi la possibilité de détacher des fonctionnaires de liaison auprès des unités de l'autre partie ; ces agents peuvent participer à des enquêtes communes ou à la surveillance de manifestations publiques sans pouvoir pour autant assurer, de manière autonome, l'exécution de mesures de police ou de douane ;

- l'organisation de réunions périodiques entre responsables destinées notamment à élaborer des schémas d'intervention commune dans certaines circonstances, à programmer des exercices communs dans la zone frontalière , à s'accorder sur les besoins de coopération prévisibles " en fonction des manifestations prévues ou de l'évolution des diverses formes de délinquance ".

Le titre V, consacré aux dispositions générales, comporte également plusieurs dispositions complémentaires relatives à la coopération policière. Il prévoit ainsi :

- le renfort des unités opérationnelle de l'un des pays signataires par les agents de l'autre Etat pour une durée inférieure à 48 heures ;

- l'échange systématique d'informations de base (organigrammes et coordonnées des unités opérationnelles de la zone frontalière, élaboration d'un code simplifié pour désigner les lieux d'engagement opérationnel) ;

- le cas échéant, la formation linguistique des agents appelée à servir dans les CCPD ou les unités frontalières.

C. LES PARTICULARITÉS DE L'ACCORD DE COOPÉRATION

Les particularités du présent accord par rapport aux accords de même nature déjà conclus par la France avec ses autres voisins s'expliquent par le fait que la Suisse n'est pas signataire des accords de Schengen.

Dans la mesure, dès lors, où l'accord de coopération policière conclu entre nos deux pays ne peut se borner à renvoyer à l'accord de Schengen de 1985 et à la convention d'application de 1990, le titre II de l'accord reprend, pour la coopération policière, des dispositions directement inspirées de la convention de Schengen : l'assistance sur demande (article 5 sur le modèle de l'article 31 de la Convention de Schengen), l'observation et la poursuite transfrontalières (art. 7 et 8 ; article 40 et 41 Schengen), l'échange de fonctionnaires de liaison (art. 1 ; art. 47 Schengen).

Certaines de ces dispositions vont d'ailleurs plus loin que les mesures prévues par Schengen. Il en est ainsi notamment de l'assistance sur demande. Dans le cadre du présent accord, les services de police peuvent en effet s'échanger directement les demandes d'assistance relatives à " la sauvegarde de l'ordre et de la sécurité publics, la lutte contre les trafics illicites et l'immigration illégale ". Dans le dispositif prévu par la convention d'application de l'accord de Schengen, la transmission directe d'informations n'était prévue que dans les situations d'urgence. Encore, les autorités centrales devaient-elles être, dans cette hypothèse, prévenues dans les délais les plus brefs. L'assouplissement apporté par l'accord franco-suisse tient certainement compte des leçons de l'expérience : l'efficacité en matière policière n'est pas compatible avec un circuit d'information trop long.

L'accord présente une autre particularité. Il mentionne en effet la coopération judiciaire alors que les accords conclus précédemment par la France ne couvraient que la police et la douane. Cette extension de l'objet du texte a été imposée par la prise en compte, dans le corps même du texte, des droits d'observation et de poursuite : ces procédures prévoient en effet l'intervention de l'autorité judiciaire.

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