N° 355

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 mai 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l' approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes),

Par M. Xavier PINTAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2183 , 2296 et T.A. 486 .

Sénat : 305 rect. (1999-2000).

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En décembre 1997, la troisième conférence des Parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, réunie à Kyoto, a adopté un protocole additionnel à cette convention signée aujourd'hui par quatre-vingt-trois Etats.

Ce protocole additionnel est à la fois le prolongement de la convention-cadre sur les changements climatiques de juin 1992 et un tournant. Prolongement, car il traduit la préoccupation grandissante de la communauté internationale désormais consciente des risques soulevés par le réchauffement climatique ; mais aussi tournant, car il marque la volonté non plus seulement de stabiliser mais de réduire la diffusion de gaz à effet de serre reconnus responsables d'une aggravation de l'effet de serre.

La France, après avoir signé le protocole de Kyoto le 29 avril 1998, sera le premier Etat de l'Union européenne à entamer les procédures de ratification.

Le philosophe allemand Hans Jonas définit comme première obligation de son « Ethique d'avenir » le devoir de se représenter une idée des effets lointains de sa décision présente 1 ( * ) . L'application de mesures concrètes pour préserver l'environnement et prévenir le réchauffement climatique aux conséquences potentiellement néfastes répond à cette exigence. Transmettre l'héritage qu'est l'environnement aux générations futures relève d'une responsabilité dévolue à la communauté internationale.

La modification récente des équilibres climatiques, le dérèglement du cycle des saisons ainsi que le déchaînement des forces de la nature dans de nombreux points du monde avivent l'urgence d'une réponse adaptée de la communauté internationale. Depuis le Rapport du Club de Rome sur les limites de la croissance 2 ( * ) de 1972, la prise de conscience de la communauté internationale quant aux conséquences de l'industrialisation généralisée s'est progressivement affirmée. Les variations climatiques sont aujourd'hui devenues un sujet de préoccupation pour l'ensemble des Etats devant concilier le développement économique et la préservation d'un environnement fragilisé.

En ce sens, le protocole de Kyoto constitue à la fois un défi et une promesse : défi pour l'ensemble de la communauté internationale qui doit dépasser les clivages économiques et nationaux en adoptant des mesures concrètes et globales ; promesse, car les mesures décidées concernent le long terme et ainsi les générations appelées à nous succéder.

Votre rapporteur rappellera d'abord les étapes de la prise de conscience par la communauté internationale de la menace représentée par l'émission de gaz à effet de serre avant d'analyser les principales dispositions du protocole de Kyoto. Il soulignera ensuite que ce texte constitue le premier jalon d'un effort appelé à se poursuivre dans les années à venir et évoquera, enfin, le rôle particulier de la France dans la lutte contre l'effet de serre.

I. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DÉSORMAIS CONSCIENTE DES RISQUES LIÉS À L'ÉMISSION DE GAZ À EFFET DE SERRE

A. UN LIEN TRÈS PROBABLE ENTRE L'AUGMENTATION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ET LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

1. L'effet de serre : un phénomène naturel dangereusement aggravé par les activités humaines

a) Un phénomène naturel : l'effet de serre comme condition de la biodiversité

Les gaz à effet de serre sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O) et l'ozone (O3) troposphérique. Présents dans l'amosphère à des concentrations très faibles (mesurées en « parties par millions » -ppmv- c'est-à-dire en millilitres de gaz pour mille litres d'air), ils sont, avec la vapeur d'eau, à l'origine du phénomène d'effet de serre. Ils permettent en effet de retenir le rayonnement qu'émet la terre et, qui autrement, irait se perdre dans l'atmosphère.

Sans les différents gaz à effet de serre, la température moyenne sur le globe avoisinerait les - 18°c et ruinerait la diversité de l'écosystème au point de le rendre invivable. Leur présence dans la troposphère garantit ainsi une température moyenne de 15°c, grâce à laquelle la biodiversité peut apparaître et se maintenir.

b) Un équilibre précaire bouleversé par la main de l'homme

L'utilisation industrielle, puis domestique, de combustibles fissiles a cependant entraîné une concentration accrue des gaz à effet de serre présents dans l'atmosphère. Ainsi, la concentration de dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre, a cru de 30 % depuis l'ère préindustrielle -et si les émissions de ce gaz étaient maintenues à leur niveau actuel, cette concentration pourrait encore doubler d'ici la fin du XXIe siècle.

Par ailleurs, les activités humaines ont aussi ajouté, aux gaz naturellement présents dans l'atmosphère, d'autres gaz qui n'existaient pas à l'ère préindustrielle, les chlorofluorocarbones (CFC) responsables du « trou » dans la couche d'ozone.

Cette évolution apparaît préoccupante. En effet, l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère pourrait modifier le climat. L'hypothèse repose sur de fortes présomptions avancées par la communauté internationale. Le groupe international sur l'évolution du climat (GIEC) -instance intergouvernementale qui regroupe près de 2 000 chercheurs et experts- a ainsi dressé dans son deuxième rapport rendu public en 1995 un double constat :

- les concentrations de gaz à effet de serre s'accroissent sous l'effet des activités humaines ;

- la température du globe au augmenté de 0,4 à 0,6° au cours du XXe siècle .

Le rapport du GIEC considère pour la première fois comme probable un rapport de cause à effet entre ces deux phénomènes. Ce rapport, il faut le souligner, a été approuvé par l'ensemble des parties à la convention-cadre sur les changements climatiques.

2. Un réchauffement lourd de conséquences pour la planète

Le réchauffement climatique général depuis la fin du XIXe siècle est manifeste et comporte au moins trois risques pour l'ensemble de la population mondiale : une hausse du niveau moyen des températures, une élévation du niveau des océans ainsi qu'une plus grande amplitude des cycles hydrologiques.

a) Une hausse du niveau moyen des températures

La tendance au réchauffement général est surtout perceptible depuis les années 90 : ainsi, de mai 1997 à août 1998, les records de sécheresse se sont succédé au point de mettre en péril les rendements agricoles dans les zones arides.

La hausse des températures est également susceptible, par exemple, d'entraîner la disparition des bancs de coraux qui ne peuvent survivre à une élévation de la température des eaux marines au-delà de 29-30°c. Les départements et territoires d'outre mer, en particulier, seraient confrontés à la disparition d'un élément régulateur de leur écosystème.

En outre, le renforcement de l'aridité et l'allongement des périodes de chaleur - globales et non plus locales comme celles mentionnées par le Rapport sur les limites de la croissance du Club de Rome en 1972 - auraient pour conséquence néfaste l'augmentation des risques de mortalité et de la morbidité cardiorespiratoire ainsi que l'extension des zones touchées par les maladies infectieuses propagées par les insectes tropicaux.

b) Une élévation du niveau des océans

Alors que le niveau des océans a augmenté de près de vingt centimètres depuis l'époque préindustrielle, les prévisions du GIEC évoquent une augmentation probable évaluée entre quinze et quatre-vingt-quinze centimètres d'ici au siècle prochain. Deux facteurs permettent d'expliquer cette élévation générale du niveau des océans : la dilatation de leur surface, mais surtout une fonte accélérée des glaces située aux deux pôles.

Un tel phénomène serait lourd de conséquence pour les espaces côtiers et leurs populations. Les estimations scientifiques s'accordent à souligner qu'une élévation de près d'un mètre du niveau de la mer induit un recul de près de cent mètres des côtes et présente ainsi un risque global pour les deltas et les rivages à lagunes. Des Etats insulaires ou de basse altitude seraient menacés de disparition. Ainsi, près de vingt pour cent de la superficie du Bangladesh - accueillant une forte densité de population - risqueraient d'être submergés. Dans les Caraïbes, le Pacifique et l'Océan Indien, l'anéantissement de nombreux Etats-îles résulte de sérieuses projections. Les autorités de l'île Tuvalu ont ainsi négocié des concessions avec la Nouvelle-Zélande afin de garantir à leur population déplacée une zone de peuplement. Les lagunes de la Camargue et l'estuaire de la Gironde seraient également touchés par l'élévation du niveau des océans.

En outre, l'avancée des eaux salées dans les régions d'estuaire, résultant de la hausse du niveau des océans pourrait menacer les cultures pratiquées et les approvisionnements en eau potable.

c) Une amplitude accentuée des cycles hydrologiques

Le réchauffement climatique est aussi à l'origine de l'augmentation du niveau global des précipitations responsable de nombreuses catastrophes naturelles, en particulier depuis le début de la décennie 1990. L'exceptionnelle ampleur enregistrée par le dernier phénomène « El Niño » en serait une manifestation supplémentaire.

S'il n'est pas démontré que la tempête qui a frappé la France en décembre dernier soit le signe d'un changement climatique, le réchauffement climatique, s'il se confirme, devrait s'accompagner d'une modification de la variabilité du climat et, en conséquence, d'une augmentation probable de la fréquence et de l'intensité d'événements extrêmes.

L'estimation des dommages économiques -de l'ordre de 1,5 à 2 % du PIB des pays développés, voire davantage pour les pays en développement- souligne les risques qui pourraient ainsi être entraînés par une augmentation de 2,5°C de la température.

* 1 Hans Jonas, Le principe responsabilité, Editions du Cerf 1993.

* 2 Rapport Meadows 1972.

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