G. ASSOCIER ÉTROITEMENT LE PERSONNEL À CES RÉFORMES

1. Disposer de personnels en quantité et en qualité suffisantes

Les réformes proposées par la commission d'enquête ne pourront entrer en vigueur que si les personnels y sont étroitement associés. Pour cela, l'administration pénitentiaire doit disposer de personnels en quantité et en qualité suffisantes.

La commission d'enquête a constaté que l'administration pénitentiaire souffrait d'un sous-effectif chronique en personnels administratifs et techniques, mais également de postes de surveillants non pourvus.

a) Pourvoir les postes prévus

Il faut que les besoins de l'administration pénitentiaire en ressources humaines soient clairement identifiés et que la taille des effectifs soit adaptée en conséquence. Il faut que tous les postes prévus soient réellement pourvus.

b) Revaloriser les métiers de l'administration pénitentiaire

Les nombreuses vacances de postes témoignent de la difficulté pour l'administration pénitentiaire de recruter du personnel. En effet, à la pénibilité du travail au sein d'un établissement s'ajoutent une rémunération souvent peu attractive, un manque de considération de la part de la société et l'absence de perspectives de carrière intéressantes.

Pourtant, on exige parallèlement des personnels pénitentiaires qu'ils soient motivés, dévoués et capables de s'adapter à l'évolution du monde carcéral...

En priorité, la formation continue devrait être développée, afin de mieux préparer les personnels à l'évolution de leurs métiers.

Au-delà, la commission d'enquête estime qu'une réflexion globale doit être engagée pour rendre les métiers des services pénitentiaires attractifs et attirer les meilleurs éléments.

Les salaires des personnels administratifs et techniques doivent être revalorisés, l'image des personnels surveillants doit être améliorée.

Il convient également d'aider les personnels à trouver un logement, notamment en banlieue parisienne et dans les grands centres urbains.

Enfin, l'administration pénitentiaire doit offrir des perspectives de carrière à ses personnels, notamment en organisant des passerelles vers d'autres services de l'Etat. Seules des mesures concrètes permettront de remotiver les personnels et de valoriser leur travail.

2. Revoir les méthodes de travail

La commission d'enquête souhaite une évolution des fonctions des surveillants afin de les associer à la mission d'insertion menée par les autres intervenants.

Toutefois, la réussite de ce projet implique la modification des méthodes de travail au sein des établissements.

a) Augmenter les postes fixes

Le travail d'insertion nécessite un suivi du détenu, qui ne peut être assuré que si le surveillant est affecté à une section ou à un étage déterminé. Le nombre des postes fixes devrait donc augmenter, ce qui modifiera en profondeur l'organisation du travail des surveillants.

b) Développer le travail en équipe

Le travail en équipe doit être développé. Aujourd'hui, chaque intervenant se mobilise pour participer à la réinsertion des détenus, mais ce travail est souvent mené sans concertation avec les autres intervenants ou les surveillants.

c) Encourager la concertation

Le fonctionnement de l'administration pénitentiaire doit évoluer. Pour l'instant, cette direction apparaît très hiérarchisée et les informations remontent mal vers l'administration centrale.

La commission d'enquête estime donc que la direction de l'administration pénitentiaire doit développer la concertation au sein de structures appropriées et valoriser les expériences innovantes qui sont mises en oeuvre dans certains établissements.

30 MESURES D'URGENCE

Délibérément, la commission d'enquête du Sénat a choisi de concentrer ses investigations sur les conditions de détention dans les prisons, plus particulièrement dans les maisons d'arrêt. Ce faisant, elle souhaitait parvenir à des propositions concrètes, susceptibles d'être mises en oeuvre très vite.

Le plus urgent n'est pas l'élaboration d'une loi qui évoquerait de façon détaillée l'ensemble des droits et devoirs en détention. Une telle procédure ne peut être que longue et complexe ; les conditions de détention ne sont pas, pour l'essentiel, de nature législative. En revanche, un débat d'orientation sur la politique pénitentiaire serait très utile.

Le plus urgent n'est pas non plus de modifier de fond en comble le droit pénal ou la procédure pénale. Cette dernière vient de subir des évolutions importantes, notamment à l'initiative du Sénat, tant en ce qui concerne la détention provisoire que l'exécution des peines. Il faut maintenant mettre en oeuvre ces réformes et le Parlement devra rester vigilant.

Le plus urgent est l'amélioration des conditions de détention et le renforcement des contrôles des établissements pénitentiaires. Cette urgence justifie les propositions de la commission d'enquête :

La lutte contre la surpopulation des maisons d'arrêt

1.  interdire strictement le maintien en maison d'arrêt des personnes condamnées définitivement à plus d'un an d'emprisonnement ;

2.  permettre le placement en établissements pour peine des prévenus dont l'instruction est achevée ou qui sont en attente d'appel ou de cassation ;

3.  déconcentrer la gestion des affectations des détenus en établissements pour peine et supprimer le centre national d'observation ;

4. accélérer la mise en oeuvre de la loi relative au placement sous surveillance électronique ;

5.  permettre une suspension de peine pour les détenus souffrant d'une maladie grave mettant en jeu le pronostic vital ;

6.  renforcer les unités fermées des hôpitaux psychiatriques et doubler au minimum le nombre de lits en UMD (unités pour malades difficiles) ;

La nécessaire remotivation des personnels

7.  pourvoir l'ensemble des postes de personnels actuellement vacants ;

8.  développer la formation continue pour les personnels ;

9.  revaloriser les métiers de l'administration pénitentiaire, afin de les rendre plus attractifs ;

10.  aider les personnels à trouver des logements, en particulier en région parisienne et dans les grands centres urbains ;

Les bâtiments : détruire, rénover et construire

11.  lancer un plan de réhabilitation sur cinq ans du parc pénitentiaire sous la forme d'une loi de programme ;

12.  créer une agence pénitentiaire, structure publique chargée de gérer de manière autonome les investissements et la maintenance ;

13.  doubler les crédits consacrés à l'entretien des bâtiments ;

Les droits et les devoirs des détenus

14.  instituer un minimum carcéral pour les indigents ;

15.  harmoniser à la baisse les tarifs des cantines ;

16.  instituer la gratuité de la télévision dans les cellules ;

17.  supprimer le prélèvement sur le produit du travail des détenus destiné à les faire participer à leurs frais d'entretien ;

18.  favoriser le travail à l'extérieur de l'établissement et faire participer les détenus à des travaux bénéfiques pour la collectivité ;

19.  allonger la durée des activités proposées aux détenus au cours de la journée de détention pour concilier le travail pénitentiaire, la formation et les activités socio-éducatives ;

20.  harmoniser les règlements intérieurs des établissements pénitentiaires par catégorie d'établissement ;

21.  réformer la procédure disciplinaire en permettant au détenu d'être assisté par un avocat et en interdisant le placement au quartier disciplinaire pour les fautes les moins graves ;

22.  réduire à 20 jours la durée maximale de placement au quartier disciplinaire ;

23.  permettre l'accès des visiteurs de prison au quartier disciplinaire;

24.  faire respecter la discipline quotidienne ;

25.  améliorer l'accueil des familles, notamment celles qui viennent de loin, et favoriser les projets des associations visant à améliorer cet accueil ;

La modernisation des méthodes de gestion

26.  expérimenter la transformation, déjà possible, d'établissements pénitentiaires en établissements publics administratifs dotés d'un conseil d'administration ;

27.  mettre en place un dispositif d'évaluation du fonctionnement des établissements prenant en compte des critères liés non seulement à la sécurité, mais aussi aux conditions de détention ;

Le renforcement des contrôles

28.  créer un organe de contrôle externe et indépendant des établissements pénitentiaires, doté de larges pouvoirs d'investigation ;

29.  relancer l'exercice des contrôles des magistrats dans les établissements pénitentiaires ;

30.  renforcer la coopération entre l'autorité judiciaire et l'administration pénitentiaire.

Il y a urgence... Il y a urgence depuis deux cents ans.

Toutes ces réformes seraient vaines si elles n'étaient pas soutenues par une ferme volonté politique et l'accord des représentants de la Nation.

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