M. Denis Badré

PREMIERE PARTIE :

LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LE BUDGET EUROPÉEN

I. LA CONTRIBUTION FRANÇAISE AU BUDGET EUROPÉEN

A. UNE CONTRIBUTION EN HAUSSE SOUTENUE PAR RAPPORT À L'EXÉCUTION PRÉVISIONNELLE DE 2006

1. Exécution en 2005 et prévisions pour 2006 : de forts aléas

En 2005, l'exécution du prélèvement brut 5 ( * ) sur recettes au profit de l'Union européenne s'est révélée supérieure de près de 1,5 milliard d'euros à la prévision qui avait été inscrite en loi de finances initiale, soit un écart de 16,3 % et le montant le plus élevé depuis 1988. Avec 17,8 milliards d'euros (soit une diminution de 1,4 % par rapport à 2005) , le prélèvement exécuté en 2006 devrait au contraire être inférieur de 204 millions d'euros à la prévision de la loi de finances.

L'absence de tendance claire depuis l'exercice 2003 (sous-estimation en 2003 et en 2005) ne fait que confirmer qu'il est structurellement difficile d'établir une prévision budgétaire sincère et d'anticiper la réalisation du budget européen comme le niveau effectif d'appel aux contributions des Etats membres. Après avoir été généralement surestimé de 1989 à 2002, l'écart entre prévision et exécution ne fait plus apparaître de tendance claire depuis 2003. La règle du « dégagement d'office » ou « n+2 » a un fort effet incitatif sur la consommation des fonds structurels, qui demeure une des principales sources d'aléas de l'exécution du budget communautaire.

Le niveau de l'exécution prévisionnelle en 2006 témoigne en revanche de la meilleure fiabilité de la prévision inscrite dans le projet de loi de finances pour 2006 , l'écart constaté entre prévision et exécution étant le plus faible depuis 1998. Il demeure néanmoins hasardeux de tenter de juger dès à présent de la sincérité du prélèvement sur recettes pour 2007, même si l'on peut considérer qu'elle repose sur des prévisions mieux affinées que celles de la Commission.

Ecart entre la prévision en LFI et l'exécution du prélèvement sur recettes

(en millions d'euros)

N.B. Un chiffre positif signifie que la prévision est supérieure à l'exécution (surcalibrage).

Source : « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2007

2. Une hausse de 5,1 % du prélèvement sur recettes en 2007

Le prélèvement brut sur les recettes de l'Etat au profit du budget des Communautés européennes est évalué par l'article 32 du projet de loi de finances pour 2007 à 18.696 millions d'euros , soit 6,9 % des recettes fiscales nettes. Cette part est en augmentation depuis deux ans, puisque le prélèvement représentait 6,5 % des recettes fiscales nettes en 2005 et 6,7 % en 2006.

La contribution française s'inscrit en hausse de 5,1 % (soit 907 millions d'euros) par rapport à la prévision d'exécution pour 2006, et de 3,9 % par rapport au montant prévisionnel inscrit en loi de finances initiale pour 2006. Depuis le projet de loi de finances pour 2006, cette estimation repose sur l'avant-projet de budget adopté par la Commission , et non plus sur le projet de budget du Conseil, car il est perçu comme le meilleur point d'équilibre dans les négociations budgétaires entre les trois institutions. Ces données sont néanmoins, comme à l'accoutumée, corrigées des variations prévisibles sur l'exécution des budgets 2006 et 2007.

Le prélèvement se décomposerait de la façon suivante en 2007 : 2 milliards d'euros pour les ressources propres traditionnelles, soit 10,7 % du prélèvement ; 3 milliards d'euros pour la ressource TVA (16 %) ; 12,1 milliards d'euros pour la ressource PNB (65,8 %) et 1,4 milliard d'euros au titre de la correction britannique (7,5 %).

B. L'EVOLUTION SUR LE LONG TERME

L'effort financier de la France en faveur de l'Union européenne connaît une progression régulière et a été multiplié par plus de quatre (en euros courants) depuis 1982 , passant de 4,1 milliards d'euros à 17,8 milliards d'euros en 2006. Sa part dans les recettes fiscales nettes est en augmentation sensible depuis 2004, puisqu'elle devrait passer de 5,7 % à 6,9 % en 2007.

Evolution depuis 1998 du prélèvement sur recettes de la France

au profit des Communautés européennes

(en millions d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

LFI

13.949,1

14.482,7

15.016,2

15.168,7

16.870

Exécution

13.960

13.892,6

14.659,8

14.500

14.755,9

Evolution en exécution (%)

4,2

-0,5

5,5

-1,1

1,8

Part dans les recettes fiscales nettes (%)

6,2

5,8

6

5,9

5,9

Prélèvement net des frais de perception

13.794,5

13.725,6

14.474,5

14.337,2

14.131,5

2003

2004

2005

2006 (p)

2007 (p)

LFI

15.800

16.400

16.570

17.995

18.696,5

Exécution

16.342,3

15.510,3

18.037,1

17.791,1

18.696,5

Evolution en exécution (%)

10,8

-5,1

16,3

-1,4

5,1

Part dans les recettes fiscales nettes (%)

6,6

5,7

6,5

6,7

6,9

Prélèvement net des frais de perception

15.996,4

15.123,6

17.582,4

17.382

18.199,6

Source : « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2007

Pour 2006 et 2007 : prévisions

C. UNE CONTRIBUTION MAJEURE AU SEIN DE L'UNION

1. Le deuxième pays contributeur

La France demeure le deuxième pays contributeur du budget communautaire avec une quote-part en baisse tendancielle depuis 2002 mais qui s'établirait à 16 % en 2007 (selon l'avant-projet de budget de la Commission), derrière l'Allemagne qui le financera à hauteur de 19,7 %, et devant l'Italie et le Royaume-Uni qui apporteront respectivement 12,8 % et 12,4 % des recettes.

Part relative de chaque Etat membre dans le financement du budget communautaire depuis 2000

(en %)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

(budget exécuté)

2006 (budget modifié)

APB

2007

Tendance globale

Allemagne

24,8

24,4

22,6

23

21,3

20,9

20,3

19,7

æ

Autriche

2,4

2,6

2,3

2,3

2,2

2,2

2,2

2,1

æ

Belgique

3,9

4,4

3,9

4,2

4

4

4

3,9

æ

Bulgarie

0,3

-

Chypre

0,1

0,2

0,2

0,2

à

Danemark

1,9

2,2

2,2

2,1

2

2

2,1

2,1

à

Espagne

7,3

8,2

8,4

8,9

8,8

8,7

9,4

9,5

ä

Estonie

-

-

-

0,1

0,1

0,1

0,1

à

Finlande

1,4

1,5

1,5

1,6

1,5

1,5

1,5

1,5

à

France

16,5

17,9

18,2

18,1

16,8

16,6

16,3

16

æ

Grèce

1,5

1,7

1,7

1,8

1,8

1,8

1,8

1,8

à

Hongrie

-

-

-

0,6

0,9

0,8

0,8

à

Irlande

1,2

1,5

1,3

1,4

1,3

1,3

1,5

1,5

ä

Italie

12,5

14,4

14,5

14,1

14,5

13,7

13,1

12,8

æ

Lettonie

-

-

-

0,1

0,1

0,1

0,2

à

Lituanie

-

-

-

0,1

0,2

0,2

0,2

à

Luxembourg

0,2

0,3

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

à

Malte

-

-

-

0

0

0,1

0,1

à

Pays-Bas

6,2

6,8

5,8

5,9

5,5

5,3

5,6

5,6

à

Pologne

-

-

-

1,4

2,3

2,4

2,4

ä

Portugal

1,4

1,6

1,5

1,6

1,4

1,4

1,4

1,4

à

Rép. tchèque

-

-

-

0,6

1

1

1,1

ä

Roumanie

0,9

-

Royaume-Uni

15,8

9,6

13,1

11,9

12,3

12,1

12,4

12,4

à

Slovaquie

-

-

-

0,2

0,4

0,4

0,4

ä

Slovénie

-

-

-

0,2

0,3

0,3

0,3

ä

Suède

3

2,9

2,7

3

2,8

2,8

2,7

2,6

à

En italique figurent les pays des élargissements de 2004 et 2007.

Source : « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2007, d'après des documents de la Commission européenne

2. Le poids important de la correction britannique

La France demeure le premier contributeur à la correction britannique avec 1,43 milliard d'euros au titre du budget 2006 et un montant prévisionnel de 1,4 milliard d'euros en 2007 , alors que sa participation était en moyenne de 0,8 milliard d'euros sur la période 1995-2002. Les accords de Berlin de mars 1999, qui ont abouti à la mise en place d'un « rabais sur le rabais » au profit de quatre Etats membres 6 ( * ) , ont mécaniquement relevé la quote-part de la France dans la correction, qui atteint 28,3 % en 2005, 26,6 % en 2007 et près de 8 % de la contribution française au budget de l'Union.

Montant de la correction britannique et coût pour la France depuis 1986

(en milliards d'euros)

Source : « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2007

D. LES DÉPENSES « SUBIES » AU TITRE DES SANCTIONS

Le budget de l'Etat contribue au budget communautaire par d'autres flux que le prélèvement sur recettes, via les refus d'apurement 7 ( * ) de dépenses agricoles, les corrections financières au titre des fonds structurels, et les amendes et astreintes prononcées par la Cour de justice des Communautés européennes en application de l'article 228 du traité CE. Le montant ainsi acquitté en 2006 devrait s'élever à 245,06 millions d'euros , soit :

- 126 millions d'euros pour les refus d'apurement au titre du FEOGA section garantie , essentiellement sur les aides compensatoires à la surface et l'aide à la banane. A titre de comparaison, ces corrections financières se sont élevées en moyenne à 104 millions d'euros depuis 1996 ;

- 118,3 millions d'euros au titre de la programmation du fonds social européen , la France ne s'étant pas conformée à certaines de ses obligations réglementaires ;

- et une astreinte s'élevant globalement à 759.600 euros , suite à une condamnation prononcée en mars 2006 sur la transposition imparfaite de la directive relative à la responsabilité pour produits défectueux.

* 5 C'est-à-dire sans la déduction des frais de perception des ressources propres traditionnelles, restitués par l'Union européenne et qui s'élèvent au quart du montant recouvré, soit 454,7 millions d'euros en 2005 et 409,1 millions d'euros en 2006.

* 6 La participation à la correction britannique de l'Allemagne, des Pays-Bas, de la Suède et de l'Autriche est ainsi réduite au quart du montant normal.

* 7 C'est-à-dire le refus de la Commission de prendre en charge sur le budget communautaire une partie des dépenses préfinancées par les Etats membres.