M. Michel Charasse

II. L'ÉVOLUTION ATTENDUE À MOYEN TERME

A. DES ENGAGEMENTS INCERTAINS

Se fondant sur les déclarations publiques de ses membres et sur la tendance récente, le CAD avait réalisé en 2005 des projections à l'horizon 2010 , dont il ressortait notamment que la France, si elle poursuivait son effort, pourrait consacrer 0,61 % de son RNB à l'APD . Les autres ratios significatifs sont de 0,51 % pour l'Allemagne, 0,80 % pour les Pays-Bas, 0,59 % pour le Royaume-Uni, 0,18 % pour les Etats-Unis et 0,22 % pour le Japon. L'inflexion constatée en 2006 contrevient à ce scénario, et l'APD devrait selon l'OCDE marquer un nouveau recul en 2007 , à mesure que s'amenuise le volume des remises de dette en faveur de l'Irak et du Nigeria.

L'UE a décidé en 2005 de renforcer encore son effort d'aide et d'affecter à cette dernière 0,56 % du RNB cumulé de ses membres en 2010, avec un objectif minimum par Etat membre de 0,51 %. L'Australie et le Japon ont également pris des engagements de hausse soutenue.

Le dernier sommet du G8 , qui s'est déroulé à Heiligendamm du 6 au 8 juin 2007, a été dominé par les enjeux liés au changement climatique, mais une déclaration sur la croissance et la responsabilité en Afrique a également été adoptée : elle confirme les engagements pris à Gleneagles en 2005 , soit la compensation de l'initiative d'annulation de la dette multilatérale (IADM), et le doublement de l'aide à l'Afrique entre 2004 et 2010.

Cette déclaration consacre un chapitre à la bonne gouvernance et au renforcement des capacités institutionnelles qui réitère le soutien du G8 au mécanisme de revue par les pairs du NEPAD , accueille favorablement le Plan d'action pour la bonne gouvernance financière adopté par les ministres des finances du G8 et d'Afrique, et adresse un appel clair à un comportement responsable en matière de réendettement.

Un autre chapitre est consacré à la paix et à la sécurité en Afrique et un troisième aux questions de santé , rappelant l'objectif d'accès universel aux traitements contre le sida d'ici 2010. Ce texte annonce par ailleurs la fourniture d'au moins 60 milliards de dollars « dans les années à venir » pour la lutte contre les trois grandes pandémies, et annonce que le G8, avec d'autres bailleurs, contribuera à la reconstitution des ressources du Fonds mondial en mentionnant, à l'horizon 2010, un objectif de dotation de 6 à 8 milliards de dollars par an. La France a par ailleurs annoncé qu'elle se fixait l'objectif de consacrer 1 milliard de dollars par an à la santé en Afrique.

Il est cependant clair que ce sommet n'a pas donné lieu à des percées sur les questions de développement, et que le texte consacré à l'Afrique reste assez général et ne comporte pas de nouveaux engagements chiffrés, reflétant avant tout la volonté du G8 de s'en tenir aux engagements déjà pris.

B. L'APPORT DES NOUVEAUX INSTRUMENTS DE FINANCEMENT IFFIM ET UNITAID

Afin de mieux contribuer aux OMD, la communauté internationale a entrepris certaines réflexions et initiatives sur de nouveaux moyens de financement permettant d'allier mutualisation et prévisibilité des ressources sur le long terme.

Le projet franco-britannique de facilité internationale de financement s'est concrétisé en avril 2004 par la facilité internationale de financement pour la vaccination ( International finance facility for immunisation - IFFIm ). Six Etats européens 3 ( * ) et l'Afrique du Sud (depuis mars 2007) participent à ce dispositif, qui donnera lieu à neuf émissions obligataires successives afin de lever plus de 4 milliards de dollars sur les marchés, la première émission ayant été lancée en novembre 2006. Les modalités de l'IFFIm sont explicitées infra .

La France a également mis en place, par l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 2005, la contribution internationale de solidarité sur les billets d'avion (CIS), qui est effective depuis le 1 er juillet 2006 et prévoit une taxe de 1 à 40 euros, selon la nature du vol et la classe concernée 4 ( * ) , sur l'ensemble des vols commerciaux au départ du territoire français (à l'exception des territoires d'outre-mer qui ne relèvent pas du statut de DOM). Vingt-huit autres pays se sont également engagés dans une procédure d'adoption de cette contribution, finalisée pour 8 pays.

Cette contribution a rapporté 40 millions d'euros en 2006, et le produit devrait être de 160 à 170 millions d'euros en année pleine dès 2007 , soit un montant inférieur à l'estimation initiale de 200 millions d'euros. Conformément au décret du 12 septembre 2006, ces recettes sont affectées à un fonds de solidarité pour le développement et servent à financer à hauteur d'au moins 90 % la nouvelle facilité internationale d'achat de médicaments (FIAM/Unitaid), et l'IFFIm pour le solde.

La FIAM/UNITAID a été officiellement lancée en septembre 2006 par le Brésil, le Chili, la France, la Norvège et le Royaume-Uni . Depuis lors, 25 pays, la fondation Gates et la Banque islamique de développement ont confirmé leur soutien financier à cette initiative. Les ressources escomptées d'UNITAID pour 2006 et 2007 s'élèvent à 353 millions d'euros. La Facilité est hébergée par l'OMS et finance des programmes durables d'accès aux traitements et aux tests diagnostic, contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Les programmes sont mis en oeuvre par des organisations partenaires (OMS, UNICEF, fondation Clinton, Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme). A l'instar de l'IFFIm, la mutualisation et la prévisibilité des ressources permettent de peser sur les prix et de garantir un accès durable aux traitements.

En juin 2007, UNITAID a déjà engagé un total de 258 millions d'euros d'actions dans 65 pays bénéficiaires, dont 85 % au moins en faveur des pays à faible revenu. Une part importante des médicaments achetés grâce à UNITAID est d'ores et déjà arrivée dans les pays. En 2007, 100.000 enfants séropositifs bénéficieront ainsi d'anti-rétroviraux dans 34 pays d'Afrique et d'Asie, 65.000 malades du sida et 150.000 enfants touchés par la tuberculose seront soignés, et 12 millions de traitements contre le paludisme seront fournis. Enfin, une baisse des prix des traitements de seconde ligne contre le sida a été obtenue en mai 2007 dans ces pays par l'intermédiaire de la Fondation Clinton (de 25 % à 50 % selon le niveau de revenu des pays).

* 3 Outre la France et le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie, la Norvège et la Suède.

* 4 Un euro en classe économique pour les vols intérieurs et les vols intra-européens, 4 euros en classe économique pour les vols internationaux, 10 euros en classes affaires et première pour les vols intérieurs et intra-européens, et 40 euros pour les vols internationaux en classe affaires ou en première classe.