CHAPITRE 2 : LE RÔLE DE L'ÉCOLE

" L'ordinateur sera pour les jeunes de demain aussi indispensable que l'étaient l'encrier et le cartable pour l'écolier d'hier . "

René MONORY

Avant propos au rapport :

La mondialisation : Fatalité ou chance ?32

" Le processus éducatif n'est pas une affaire d'accès au savoir (...). Améliorer l'accès ne changera pas une virgule à la situation de désir de savoir qui doit animer l'élève . "

Philippe BRETON

Réflexions générales introductives

Rien ne sera durable ni profitable à tous si l'école n'est pas ce lieu premier des apprentissages essentiels. Les rôles que Jules FERRY lui avait confiés dès son origine indiquent les décisions à prendre :

- il faut savoir adapter une pédagogie à des outils et rendre nécessaires leurs usages par des professeurs d'école formés et instruits en ces matières. En même temps - et c'est d'ailleurs pour l'essentiel le cas - il faut que tous les enfants effectuent un parcours scolaire commençant, si les parents le souhaitent, à l'âge de deux ans, à l'école préélémentaire ; il deviendra ensuite obligatoire jusqu'au terme de la troisième correspondant à l'âge de 16 ans ; ce parcours doit pouvoir s'effectuer dans de bonnes conditions dans tous les lieux d'enseignement ;

- en revanche, il faut éviter de réactiver les deux circuits initiaux pensés par Jules FERRY ; ils créaient une inégalité d'accès au savoir : le premier, relativement court et représentant le temps de l'école primaire, libérait les enfants de toute obligation scolaire dès le certificat d'étude acquis ; le second, plus riche en matières, plus long en durée, s'effectuant au lycée, ouvrait aux formations conduisant aux postes de responsabilité, de décision, de pouvoir.

Cette inégalité d'accès avait pour objectif, délibérément choisi, la formation de deux blocs antagonistes ; les accords nécessaires entre eux n'ont pas toujours pu éviter des violences et des souffrances.

L'égalité des chances pour tous - mission première de l'école publique - est une exigence encore plus impérieuse du fait de l'entrée des techniques d'information et de communication dans toutes les activités des hommes. Les capacités propres à chacun pour les acquérir et en user feront les différences ensuite dans les postes, les places, les fonctions que chacun occupera.

Si l'on veut réussir une entrée satisfaisante de ces nouvelles techniques à l'école, si l'on veut assurer une égalité des chances entre les élèves, quatre conditions seraient à respecter :

- organiser un enseignement súrement populaire, évitant toute forme d'élitisme en s'adressant au plus grand nombre ;

- veiller à utiliser le rapport au plaisir entre élève / enseignant ;

- assurer une rigueur pédagogique dans la méthodologie proposée ;

- veiller au bon usage de l'interactivité qui devient un aspect stratégique de la fonction d'enseignement. [33]

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Avant toute proposition nouvelle, il convient de dégager les éléments d'un environnement technique dans un contexte culturel donné, d'en évaluer les conséquences sur l'avenir d'une société et le devenir des hommes qui l'habitent.

Il devient peu à peu admis que l'ordinateur n'est pas seulement :

- un outil de plus dans l'arsenal de l'enseignement ;

- un support supplémentaire pour transmettre les connaissances selon les programmes officiels dans les mêmes structures éducatives, utilisant les mêmes stratégies pédagogiques, ma»tres et élèves conservant leur rôle et prérogative.

Tout au contraire, l'ordinateur semble devenir un " nouveau stylo " aux capacités diversifiées susceptibles de modifier les exercices scolaires traditionnels et de nécessiter des méthodes pédagogiques adaptées.

Quatre questions peuvent guider réflexions et recherches :

- l'ordinateur, nouveau stylo, doit-il avoir une fréquence d'utilisation voisine de celle du stylo à bille ou à encre, sans en faire dispara»tre l'usage comme le stylo le f»t de la plume sergent-major et de l'encrier ? L'ordinateur va devenir portable et de plus en plus léger. Peut-il avoir sa place dans le cartable de l'écolier et sur son pupitre en classe ?

- comment et quels apprentissages imaginer pour établir d'efficaces relations au savoir ?

- quelles incidences sur les relations des élèves entre eux et des élèves avec les professeurs ?

- des risques de dépendances de l'enfant, puis de l'homme envers la machine sont-ils à craindre ? Comment assurer la ma»trise de la machine?

Avant de tenter d'apporter des propositions à ces questions, notamment à la première, il est nécessaire de tenir compte des choix d'expérimentation recensés comme des réflexions et réactions enregistrées.

- aucune expérience à l'ordinateur pour des exercices fondamentaux, dictée ou apprentissage des mathématiques de base : timidité ou refus des enseignants ? préservation au lieu du sacrifice de la traditionnelle écriture sur le cahier ? rejet de l'existence de logiciels de correction ?

- en France, comme en Finlande, l'ordinateur ne semble pas être considéré comme devant être un outil familier comme un stylo. Est-ce le coút ? A l'époque du porte-plume, le stylo para»t cher et signe d'une aisance financière. Est-ce un réflexe comme celui de Cosette devant une poupée ? Les enseignants n'osent pas rêver une telle possibilité.

- si une initiative devait être envisagée, ne faudrait-il pas l'organiser seulement à partir de l'entrée dans le cycle primaire ?

Depuis presque dix ans, des enseignants, des collectivités locales ont eu le souci d'utiliser les moyens nouveaux de la communication. Les expérimentations, nombreuses, dispersées sans lien apparent, fournissent des indications sur le rôle nouveau de l'enseignant, les approches pédagogiques utiles à développer, la répartition des activités techniques comme des matières enseignées, l'organisation matérielle de la classe, sur les phénomènes d'autoformation et de contrôle de soi.

D'ores et déjà, l'école préélémentaire entre 2 ans et 5-6 ans appara»t être un moment privilégié pour l'éveil de tous les possibles de l'enfant pour l'acquisition de mécanismes techniques comme pratiques, sans omettre la construction des comportements dans un espace socialisé. Plus encore, cette période peut se révéler déterminante dans la lutte contre l'échec scolaire : en réduisant, dès le plus jeune âge, les différences sociales entre les enfants et leurs conséquences sur leur accompagnement extrascolaire, l'école maternelle, disposant d'ordinateurs, peut devenir le premier lieu de l'égalité des chances