B. LE POIDS DES FRAGILITÉS

Les économies souffrent encore de plusieurs sources de vulnérabilité :

1. Un processus de réforme inachevé

En Ouzbékistan, l'une des principales difficultés réside dans la coexistence de plusieurs taux de change . Depuis 1996 s'étaient établis trois taux de change : le taux officiel fixé de manière discrétionnaire, utilisé notamment comme référence pour les paiements obligatoires liés à des opérations en devises, le taux commercial pratiqué sur le marché interbancaire et en fait contrôlé par l'Etat, le taux parallèle, illégal, en, usage sur le bazar.

Les écarts entre ces trois taux s'étaient amplifiés. Le 1 er mai 2000, le taux officiel a été dévalué de 36 % afin de l'aligner sur le taux commercial, et les licences de convertibilité pour les importateurs ont été accordées sur la base de ce dernier taux dit « libre ». L'écart avec le taux du marché demeure cependant important. Aussi ces mesures ne permettent-elles pas encore d'envisager un passage à la convertibilité qui, selon les propos que nous a tenus le Premier ministre ouzbek, pourrait intervenir au plus tard d'ici deux ans. Dans ces conditions, les relations se sont tendues avec le FMI qui a décidé de suspendre sa représentation à Tachkent.

Par ailleurs, le processus de privatisation connaît certains retards au Kazakhstan, en particulier dans les secteurs de la métallurgie et de l'énergie ; il est à peine engagé pour les principaux groupes industriels en Ouzbékistan.

2. Le risque d'aggravation des inégalités

Le système soviétique assurait aux populations un emploi, l'accès aux services sociaux, ainsi que la quasi-gratuité des biens de première nécessité : l'eau, le gaz, l'électricité, le chauffage, le logement... L'effondrement de l'URSS a créé un véritable choc social . Même si les politiques conduites par les deux pays -et en particulier l'Ouzbékistan- ont permis d'en atténuer les effets sur la population, les conditions de vie se sont dégradées. Les inégalités ont eu tendance à s'aggraver, en particulier hors des grandes villes. Les responsables rencontrés par notre délégation ont d'ailleurs souligné les risques d'instabilité liés à ces phénomènes. Le secrétaire du conseil de sécurité du Kazakhstan, M. Tajine, a ainsi relevé que l'écart au sein de la population, entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres, n'avait cessé de se creuser. Les hésitations et les retards dans le processus de privatisation s'expliquent, dans une certaine mesure, par les réticences à faire payer au prix du marché les services publics autrefois dispensés de manière très libérale -notamment l'eau.

Les réseaux de solidarité - les mahalla - réunis à l'échelle du quartier, ont joué un rôle d'amortisseur ; en Ouzbékistan, un décret présidentiel du 13 janvier 1999 a octroyé aux comités du mahalla une autonomie accrue dans le domaine de l'aide sociale et la possibilité de percevoir certaines taxes. Toutefois, ces formes de solidarité, si importantes soient-elles, ne sont pas à la mesure des besoins qui, dans le domaine de l'éducation et de la santé notamment, demeurent insatisfaits.

Le secrétaire du conseil de sécurité du Kazakhstan, M. Tajine, nous a indiqué que face à l'aggravation des inégalités au sein de la population, les pouvoirs publics développaient trois orientations : un effort prioritaire en faveur de l'éducation ; la mise en place du fonds de développement alimenté en particulier par les recettes du secteur pétrolier ; l'organisation d'un programme de soutien social destiné notamment aux familles nombreuses, mais dont M. Tajine a d'ailleurs reconnu lui-même qu'il manquait de moyens.

3. L'économie de la drogue

Même s'il demeure encore marginal, le risque de criminalisation de certains secteurs de l'économie par le développement du trafic de drogue, ne saurait être tenu pour négligeable.

Si la production, mais aussi la transformation de la drogue demeurent concentrées en Afghanistan, malgré les mesures récemment prises par les Talibans, les circuits de trafic empruntent désormais moins les territoires désormais mieux surveillés du Pakistan et de l'Iran que ceux des républiques d'Asie centrale dont les frontières présentent une grande vulnérabilité. La guerre civile au Tadjikistan -les perturbations qu'elle a entraînées, les besoins de financement qu'elle a suscités- a également constitué une opportunité pour la mise en place de nouveaux réseaux . Les républiques d'Asie centrale ne sont pas seulement des voies de transit, elles sont aussi devenues des lieux de consommation . Nos interlocuteurs n'ont d'ailleurs pas caché leur préoccupation face à ce phénomène (22 000 toxicomanes sont actuellement recensés en Ouzbékistan).

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