II. LES MISSIONS DE CONSEIL DU CBO

A. L'APPUI À LA PRÉPARATION DU BUDGET DU CONGRÈS

1. Les prévisions macro-économiques de court terme

Le Congressional Budget and Impoundment Control Act de 1974 impose au CBO la réalisation périodique de rapports destinés au Congrès, relatifs aux perspectives économiques et budgétaires à l'horizon de cinq ans.

Le CBO dispose ainsi d'une équipe d'environ 25 macro-économistes chargés pour l'essentiel de préparer des prévisions et des projections macro-économiques trois fois par an : un compte central fin janvier, puis une révision de ce compte en mars ou en avril dans le cadre de l'examen de la proposition de budget du Président ; enfin, une dernière révision ( Update ) en juillet ou en août.

En pratique, l'horizon de ces projections a été porté à 10 ans .

Il s'agit là d'une activité essentielle, car les prévisions et les projections du CBO servent de cadre de référence aux projections de recettes, de dépenses et de déficit du Congrès.

En particulier, les prévisions et les projections de la croissance économique établies par le CBO au début du premier semestre servent de référence officielle pour la résolution budgétaire conjointe adoptée par le Congrès en avril.

Le CBO distingue à cette occasion les prévisions économiques de court terme (18 à 24 mois), des projections de l'économie à moyen terme (3 à 10 ans), et réalise parfois des scénarios alternatifs.

Pour ses prévisions de court terme , et à l'instar par exemple de la direction de la Prévision en France, le CBO combine :

- le recours à des techniques économétriques et à des indicateurs avancés. Par exemple, le CBO s'efforce d'anticiper l'évolution trimestrielle de la consommation à partir des statistiques mensuelles relatives aux ventes au détail ;

- l'utilisation des prévisions et des variantes réalisées à l'aide de modèles macro-économétriques, pour l'ensemble de leurs clients, par trois instituts privés ( Data Resources incorporated - DRI -, Macroeconomic Advisers et WEFA), ces derniers ne réalisant toutefois que très rarement études spécifiques à la demande du CBO ;

- plus généralement, les analyses produites par les conjoncturistes du secteur privé ;

- les appréciations de ses conseillers économiques (qui se réunissent deux fois par an) ;

- enfin et surtout les jugements d'expert de ses propres économistes. Les prévisions de court terme du CBO sont ainsi pour l'essentiel des prévisions d'experts (à l'instar de celles réalisées en France par REXECODE) et non des prévisions fondées sur l'utilisation d'un modèle macro-économétrique (à l'instar de celles réalisées en France par l'OFCE).

Notons que les prévisions du CBO, comme celles des autres instituts de conjoncture américains, attachent une grande importance aux variables financières internes, notamment les taux d'intérêt, et se soucient relativement peu de l'évolution de l'environnement international, notamment des taux de change.

Sur un total de treize pages en double colonne, le chapitre relatif à la conjoncture du rapport du CBO de juillet 2000 ne consacre ainsi qu'une quinzaine de lignes en simple colonne (soit environ 1 % du total) à l'environnement international et à l'évolution du dollar. De même, cette note ne comporte aucun chiffre relatif au taux de change du dollar, au volume des exportations et des importations ou à la croissance d'une économie d'un pays étranger. Il s'agit là d'une différence majeure avec les notes de conjoncture réalisées par la division des études macro-économiques du service des Etudes du Sénat.

Inversement, ce même rapport consacre de longs développements à la prévision des taux d'intérêt à court terme et à long terme, c'est à dire notamment à la prévision de la politique monétaire.

Le CBO publie régulièrement une évaluation rétrospective et comparative de la qualité de ses prévisions économiques.

Il résulte en premier lieu des évaluations publiées 37 ( * ) en juillet 2000 sur les prévisions à deux ans réalisées entre 1976 et 1998 que les prévisions du CBO se rapprochent de celles des autres économistes du secteur public , et sont donc plus prudentes (moins optimistes) que la moyenne des prévisions des cinquante conjoncturistes du secteur privé rassemblées chaque mois dans le Blue Chip Economic Indicators .

En conséquence, les économistes du CBO, comme ceux de l'exécutif et de la Réserve fédérale, ont systématiquement (et davantage que les conjoncturistes du secteur privé) sous estimé les prévisions de croissance sur la période 1996-2000, parfois à hauteur de 1 ou 2 points de PIB.

Par ailleurs, selon le CBO, ses propres prévisions sont sur longue période « presque aussi justes » que le « consensus » (la moyenne) de celles des économistes du secteur privé, et « légèrement plus justes » et moins biaisées que celles de l'exécutif.

Au cours de la dernière décennie, les prévisions de croissance du PIB, d'inflation, de taux d'intérêt ou de revenus du CBO se sont en fait fort peu écartées de celles de l'administration fédérale (de l'ordre de 0,2 point en moyenne pour le PIB, soit un écart sensiblement inférieur à celui des révisions statistiques ex post du PIB).

L'ordre de grandeur de l'écart de prévision de croissance entre le CBO et l'administration est d'ailleurs nettement inférieur à l'ordre de grandeur de leurs erreurs de prévision (0,8 point de PIB pour le CBO en moyenne absolue sur deux années glissantes sur la période 1982-1998). Le CBO et l'administration se sont ainsi trompés de concert , notamment à chaque inflexion de la croissance : comme leurs collègues européens, les économistes américains ne parviennent pas à prévoir la date ou l'ampleur des retournements de la conjoncture.

Selon les économistes du CBO, il s'agit là d'ailleurs d'un résultat heureux. En effet, lorsque les prévisions de croissance du CBO et de l'administration diffèrent nettement, comme ce fut notamment le cas dans les années 1980 (où l'écart pour les prévisions de croissance atteignit parfois près d'un point de PIB), ces prévisions deviennent un enjeu politique fort et le débat budgétaire entre le Congrès et l'administration n'y gagne ni en sérénité, ni en clarté.

Les économistes de l'Office of Management and Budget (OMB) de l'exécutif soulignent également que même de modestes écarts de prévisions de croissance économique entre le CBO et l'OMB peuvent brouiller les discussions en les transformant en débats d'experts, parce que ces écarts ont mécaniquement des répercussions sur les projections de recettes, de dépenses et de déficit publics.

On peut d'ailleurs souligner que les économistes de l'administration et ceux du Congrès, qui disposaient exactement des mêmes informations, ont tous largement sous-estimé les recettes fiscales au cours des dernières années, parce qu'ils n'ont su anticiper ni l'ampleur des plus-values imposables, ni les évolutions de la distribution des revenus (qui s'est déformée au profit des contribuables les plus aisés, proportionnellement plus imposés).

* 37 Dans le cadre du rapport trimestriel « The Budget and Economic Outlook , an Update ».

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