ANNEXE III -

SYNTHÈSE DES DIFFÉRENTES ESTIMATIONS EN MATIÈRE DE COÛT D'OBTENTION DU BREVET EUROPÉEN ET D'IMPACT DE CE COÛT

I. ESTIMATIONS DU COÛT DU BREVET EUROPÉEN

Note méthodologique : Compte tenu de la complexité du chiffrage, qui résulte largement des hypothèses de départ (longueur du brevet, durée de vie, longueur de la procédure, champ du chiffrage (-taxes, conseils, litiges-...)) et de l'absence d'estimation acceptée par l'ensemble des acteurs, votre rapporteur a préféré, plutôt que de procéder à son propre chiffrage, faire état des différentes estimations portées à sa connaissance, en citant ses sources.

A. ESTIMATIONS GLOBALES

1. Mémorandum du Gouvernement français en vue de la conférence intergouvernementale de Paris proposant une réforme du brevet européen

« Le brevet européen est trop cher au regard de ses homologues japonais et américains :

Redevances de procédure de dépôt et de délivrance
(en francs français)

Redevances de maintien en vigueur pendant 10 ans
(en francs français)

Total
(en francs français)

OEB (8 pays désignés)

29 815

55 945

85 760

USA PME (small entities)

7 069

9 355

16 424

USA

14 137

18 711

32 848

JAPON

5 385

25 148

30 533

Sources : Offices nationaux et OEB, données 1997.

[Pour le brevet européen] (Ndlr), « aux taxes de procédure, il convient d'ajouter les coûts de traduction pour un montant de 75.375 francs, ce qui porte le coût total pour un brevet maintenu 10 ans à 161.135 francs ».

2. Rapport de M. Didier Lombard, « Le brevet pour l'innovation », pages 40 et 41

a) Coût d'une demande européenne standard

« Le coût d'une demande de brevet européen, depuis la préparation du dépôt jusqu'à l'expiration ou l'abandon de l'entretien du brevet, dépend évidemment de plusieurs facteurs, notamment le nombre des pays désignés et la durée du maintien en vigueur du brevet. Dans la mesure où les traductions constituent un facteur de coût important, la longueur du texte du brevet a également son importance.

« Après la mise en oeuvre des mesures de réduction de taxes applicables au 1 er juillet 1997, le coût moyen d'obtention d'un brevet européen standard se monte à 142.000 francs (42.400 DM).

La demande standard est ainsi définie :

- demande rédigée dans la langue de dépôt de l'office auprès duquel elle est déposée, comprenant 20 pages de description, 10 revendications et deux feuilles de dessins, et comptant 6.500 mots au total avec les revendications et l'abrégé ;

- désignation des 8 pays les plus fréquemment désignés (par ordre décroissant de désignations : Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Pays-Bas, Espagne, Suède, Suisse).

Pour la demande standard (c'est-à-dire maintenue jusqu'à la dixième année dans les pays désignés), le coût de maintien s'élève à 56.000 F (16.700 DM). Le coût total, sur la durée de vie, du brevet européen standard se monte donc à 198.000 F (59.100 DM). »

b) Comparaison des coûts dans les trois principaux systèmes

Procédure d'obtention

« Une enquête publiée par l'OEB en 1995 compare, pour la seule phase de suivi de la procédure d'obtention devant l'office des brevets, les coûts dans les 3 principaux systèmes (européen, américain et japonais).

Procédure

Frais internes de l'entreprise

Conseils en brevets externes

Taxes

Total

Europe : OEB

2 500

2 100

9 900

14 500

Etats-Unis : USPTO

2 400

6 300

3 000

11 700

Japon : JPO

2 000

7 400

2 200

11 600

Montants en DM

« Cette comparaison met en évidence deux phénomènes :

- les taxes de procédure de l'OEB sont 3,3 fois plus élevées que celles de l'USPTO et 4,5 fois plus que celles de l'Office japonais (...) 109 ( * ) ;

- les frais de recours au conseil externe constituent la majeure partie des coûts de procédure aux Etats-Unis et au Japon.

« Il convient cependant de considérer cette comparaison avec prudence. En effet, les 3 offices suivent des pratiques différentes en ce qui concerne l'unité d'invention et il est fréquent qu'une demande unique de brevet européen déposée par une entreprise américaine ou japonaise fasse référence à 2 ou plusieurs demandes déposées dans le pays de premier dépôt ».

Maintien en vigueur

« Le coût du maintien en vigueur d'un brevet dans les différents systèmes sur la durée maximale (20 ans) peut se comparer dans le tableau suivant (base : mai 1996) :

OEB (8 principaux pays)

425 kF

OEB (tous pays)

732 kF

Japon

170 kF

Etats-Unis

34 kF

« Les montants de taxes de maintien sont l'objet de décisions nationales : en Europe, elles sont fixées par chaque Etat, sans concertation au niveau de l'OEB. Même si l'on considère que ces montants sont susceptibles de modifications importantes du fait de décisions nationales ou de l'évolution des taux de change, il reste que la comparaison est très défavorable à l'Europe, les écarts ne pouvant en aucune façon être expliqués par la taille des marchés concernés ».

Litiges

« Le coût des litiges se prête difficilement à comparaisons en raison de la diversité des procédures, de la rareté des statistiques les concernant et du nombre important d'affaires se concluant par des transactions dont les termes ne sont pas publics.

« Cependant, à l'évidence, le système américain de brevets se caractérise par le coût très élevé des litiges, qui résulte en partie de sa grande complexité et du manque de transparence de sa procédure de délivrance ».

3. Chiffrage de la Commission européenne

Sur les pages Internet de la direction « marché intérieur » 110 ( * )

« Comparaison des coûts et des droits à payer en euros pour l'obtention de brevets dans l'UE, les États-Unis et le Japon :

Frais de dossier et de recherche

Frais d'examen

Frais de délivrance

Taxe de renouvellement

Coût de traduction

Rémunération de l'agent-ingénieur

Total

OEB (demande typique, 8 États membres)

810 + 532

1 431

715

16 790

12 600

17 000

49 900

USA

690

-

1 210

2 730

n/a

5 700

10 330

Japon

210

1 100

850

5 840

n/a

8 450

16 450

« Il apparaît que les coûts d'un brevet européen actuel sont de trois à cinq fois plus élevés que ceux des brevets japonais ou américains.

« Actuellement, un brevet européen typique (applicable dans huit États membres) coûte environ 49.000 euros , dont 12.600 (environ 25%) pour les coûts de traduction. Dans le cas d'un brevet européen applicable à l'ensemble des 15 États membres et nécessitant une traduction dans les onze langues officielles de l'UE, les frais de traduction atteignent environ 17.000 euros ».

Dans le corps de l'exposé des motifs de la proposition de règlement sur le brevet communautaire (point 2.4.3.1 de l'exposé des motifs)

« A l'heure actuelle, un brevet européen moyen (désignant 8 Etats contractants) coûte environ 30.000 euros . Les taxes à payer à l'Office pour ce brevet européen moyen constituent environ 14 % du coût total du brevet. Les coûts de représentation devant l'Office représentent 18 % du coût total. Les traductions exigées par les Etats contractants s'élèvent à environ 39 % des coûts totaux. Les taxes annuelles qui sont actuellement payées aux Etats membres sont de l'ordre de 29 % des coûts pour un brevet européen moyen (entre la cinquième et la dixième année). Sur ces revenus, 50 % reviennent à l'Office et 50 % à l'Etat contractant concerné ».

4. Estimation de l'OEB

Lors de sa visite à l'OEB le 21 mai dernier, votre rapporteur a recueilli les estimations suivantes :

a) Définition du brevet européen « moyen »

Le profil-type d'un brevet européen est le suivant :

- 20 pages ;

- il désigne les 8 Etats les plus fréquemment désignés et est donc traduit en 6 langues ;

- il est maintenu 10 ans en vigueur.

b) Coût moyen du brevet européen « moyen »

Coûts des traductions et des taxes de validation dans les Etats désignés (1) 11.500 €

Pourcentage des coûts totaux 39 %

Taxes de l'OEB 4.300 €

Phase de dépôt 800 €

Phase d'examen 2.400 €

Phase de délivrance 1.100 €

Pourcentage des coûts totaux 14 %

Coûts totaux

29.800 €

Taxes annuelles nationales 8.500 €

5è-10è année de vie du brevet

Pourcentage des coûts totaux 29 %

Coûts de représentation
devant l'OEB (2) 5.500 €

Pourcentage des coûts totaux 18 %

(1) Traductions, taxes de validation, frais de mandataires.

(2) Estimation d'après une étude commanditée par l'OEB.

Source : Office européen des brevets

5. Note de synthèse établie par la mission de concertation confiée par le Ministre de l'industrie à M. Georges Vianès (page 2)

« Dans le monde, le coût d'obtention des brevets est très hétérogène et l'Europe, malgré plusieurs réductions récentes de taxes, est mal placée. Pour les 10 premières années de protection, il en coûte actuellement environ 50.000 euros en Europe, contre 10.000 euros pour le brevet américain . Cette situation pénalise nos entreprises -surtout les PME- et nos chercheurs : ainsi, une PME européenne qui assied sont développement sur son marché « intérieur » devra dépenser 5 fois plus pour se protéger que son homologue américaine ».

6. Commentaire d'un praticien de la propriété industrielle au sein d'une entreprise industrielle

Ce commentaire s'appuie sur le chiffrage élaboré par la Commission européenne [voir ci-dessus, point 3], et disponible sur les pages du site Internet de la direction générale « marché intérieur », en charge de la propriété industrielle.

« Cette comparaison s'appuie sur un tableau pour le moins surprenant.

« En particulier, la dernière colonne « Rémunération de l'agent ingénieur » indique 17.000 euros pour l'Europe et 5.700 euros pour les Luxembourg. La pratique largement observée est que la facturation d'un Cabinet américain pour une réponse à une lettre officielle est d'environ 1.500 $, soit plus de 1.700 euros, alors que la facturation d'un grand Cabinet français, pour la même prestation devant l'OEB, est inférieure à 5.000 francs soit 750 euros. En comptant une moyenne de 2 lettres officielles par demande, le coût correspondant est de 3.400 euros pour les USA contre 1.500 euros pour l'Europe. Certes, il y a d'autres frais, et notamment les frais de rédaction de la demande. Mais pour ceux-ci , le commentaire relatif aux frais de réponse à une lettre officielle s'applique, mutatis mutandis.

« Certains prétendent que les différences constatées résultent du fait que les chiffres indiqués concernent l'exemple d'une PME. Il est vrai que la législation américaine prévoit un régime particulier pour les « small entities » 111 ( * ) . Mais, ce régime consiste à diviser par 2 le montant des taxes. Il n'impose aucune règle quant aux tarifs des conseils américains. Dès lors, ce régime particulier ne peut expliquer à lui seul les écarts entre ce que la Commission européenne indique et ce que nous constatons.

« Il apparaît ainsi que les chiffres indiqués par la Commission européenne ne correspondent pas à ce que nous observons. Ils correspondent d'autant moins que, la plupart du temps, les Américains appliquent la notion d'unité d'invention de façon très restrictive, malgré les accords sur ce sujet entre l'OEB et l'USPTO. Il en résulte que pour obtenir aux Etats-Unis la même protection qu'avec un brevet européen, 2 brevets américains au moins sont souvent nécessaires. Ce qui double le coût du brevet américain.

« A moins d'être validés et expliqués, ces chiffres étonnants, largement mis à la disposition du public par un organisme faisant autorité, sont dangereux. Ils le sont en Europe, car ils ne peuvent qu'alimenter un débat passablement délicat. Ils le sont encore plus dans le contexte des relations entre l'Europe et les Etats-Unis. Il n'y a pas besoin d'être très perspicace pour imaginer l'usage que les Américains pourraient en faire ».

B. CAS PARTICULIER DE LA COMPOSANTE « TRADUCTIONS »

1. Rapport Lombard pages 47 et 44

Page 47

Tableau 3.2.

COÛT MOYEN D'OBTENTION D'UN BREVET EUROPÉEN (EN FRANCS)

SITUATION AU 1 ER JUILLET 1997

Taxes de l'OEB

Phase de dépôt

Phase d'examen

Phase de délivrance

29 800

6 500

15 900

7400

21 %

Représentation devant l'OEB (1)

36 800

26 %

Validation/Traductions (2)

75 400

53 %

COUT D'OBTENTION

142 000

100 %

(1) Le coût de représentation devant l'OEB comprend des coûts internes et des coûts de recours à des conseils en brevet externes. Pour une entreprise donnée, la répartition entre ces deux éléments dépend de l'existence ou non d'un département interne de brevets et, si c'est le cas, de son choix de recourir ou non à des conseils externes.

(2) Après délivrance, la validation du brevet européen est subordonnée au paiement des taxes exigées par les offices nationaux et à la remise de traductions dans les langues des pays désignés. Les coûts de traduction stricto sensu représentent environ 50.000 francs, soit plus du tiers du coût total d'obtention.

Page 44

« Les coûts de traduction/validation représentent environ la moitié du coût d'obtention (voir tableau 3-2) et 38 % du coût total (obtention + maintien) du brevet européen standard. Aux coûts de traduction stricto sensu s'ajoutent en effet des taxes nationales de validation ».

2. Commission européenne

Dans l'estimation citée ci-dessus établie par l'exposé des motifs de la proposition de règlement, la commission chiffrait à 25 % du total les coûts de traduction d'un brevet européen « moyen » couvrant 8 Etats membres (12.600 euros sur un total de 49.900).

Plus précisément, on peut lire, dans le point 2.4.3.1, consacré aux frais de traduction :

« En ce qui concerne les frais de traduction, le tableau comparatif ci-après donne une idée assez précise de l'effet probable de la solution préconisée [ndlr : en matière de régime linguistique du brevet communautaire]. Les trois scénarios sont basés sur les hypothèses suivantes : demandes comprenant en moyenne un volume de 20 pages, 3 pages pour 15 revendications. Etant donné qu'il s'agit de textes hautement complexes et techniques portant sur des éléments et procédés nouveaux, il est probable que le rendement moyen d'un traducteur soit de l'ordre de 3 pages par jour. Les frais de traduction sont donc estimés à 250 euros par jour.

« FRAIS DE TRADUCTION SELON TROIS SCÉNARIOS

Scénario

Frais de traduction

N°1 : Convention de Luxembourg
Traduction complète des fascicules de brevet dans dix langues de travail

17 000 euros

N°2 : Traduction des fascicules de brevet dans les trois langues de travail de l'OEB (anglais ; français, allemand)

5 100 euros

N°3 : Traduction des fascicules de brevet dans une des langues de travail de l'Office et des revendications dans les deux autres langues de travail

2 200 euros

3. Société française des traducteurs

S'agissant plus particulièrement des traductions, la Société française des traducteurs indique que :

« 1. Ces coûts en Europe peuvent être substantiellement réduits en limitant la protection à 8 « grands pays », soit 4 à 5 langues, ce qui suffit largement à bloquer un concurrent.

« Il ne faut pas oublier que les coûts de traduction interviennent après l'examen, soit 4 ou 5 années après le premier dépôt national.

« 2. Les coûts de traduction avancés par la Commission sont basés sur des chiffres fantaisistes.

« Selon la Commission, la productivité des traducteurs serait de 3 pages/jour facturées 250 euros par jour, soit un coût moyen de 83,4 euros/page.

« En fait, la productivité moyenne observée des traducteurs indépendants est de 12 pages par jour, facturées environ 296 euros par jour, soit un coût moyen de 24,7 euros/page.

« Affirmer dans ces conditions que le brevet européen est 3 à 5 fois plus cher que son homologue américain n'est pas raisonnable ».

4. Association des professionnels de brevets d'inventeurs

Dans sa contribution écrite, l'APROBI (qui rassemble essentiellement des traducteurs de brevets) indique :

« L'APROBI est en accord total avec le Gouvernement français sur un point : il faut inciter les entreprises françaises, notamment les PME-PMI, à mieux protéger et à protéger davantage leurs innovations et inventions en déposant des brevets.

« L'APROBI est en total désaccord avec le Gouvernement français en ce qui concerne la réduction du coût des traductions. Pour des raisons que nous ignorons, le secrétariat d'Etat à l'Industrie ne cesse d'affirmer, depuis des mois, que les traductions représentent le poste principal des coûts d'obtention d'un brevet européen. Bien que les chiffres de protection d'un brevet puissent varier selon les années, globalement, toutes les études réalisées indiquent que les traductions représentent entre 5 et 12 % du coût total d'un brevet européen. Si l'on se place dans la plage de 10 à 12 %, ces chiffres sont confirmés par des autorités compétentes telles l'Office européen des brevets (OEB) et la CNCPI 112 ( * ) . Le protocole d'accord vise à faire croire que le problème du coût d'un brevet est fondé sur le coût des traductions. Non seulement cet argument est trompeur, car faux, mais il consiste à prendre les traducteurs comme boucs émissaires ».

5. Mémorandum de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle

La Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI) a rédigé, en avril 2001, sur le sujet du protocole de Londres un mémorandum d'une quarantaine de pages, intitulé « Projet d'abandon de la traduction des brevets européens en Français - Memorandum ».

On peut y lire la contestation d'une affirmation attribuée au ministère de l'industrie, suivant laquelle « il faut dépenser en Europe 50.000 euros, 5 fois plus qu'aux Etats-Unis, pour les 10 premières années de protection (...). Le premier poste de coût pour l'obtention d'un brevet européen est la traduction de l'intégralité du texte du brevet, obligatoire dans les langues des 19 pays de l'OEB ».

Ce mémorandum indique que :

« Ces chiffres sont fantaisistes et la CNCPI les conteste 113 ( * ) .

« Si l'on acceptait ces chiffres, comment acceptera-t-on, alors, ceux d'une étude de l'Office Européen des Brevets (document de janvier 1995 qui ne prend pas en compte les coûts consécutifs aux litiges et aux procédures judiciaires). On y lit que les coûts de validation de brevets, y compris les coûts de traduction, sont de 12 % du total environ. Et si l'on examine d'autres données, extraites d'une étude sur l'industrie britannique ( 1992, Mooney et Oppenheim ), ces coûts tombent à environ 7 % du coût total (...).

« Pour sa part, la CNCPI a procédé à des évaluations. Pour un brevet « lourd » de 3.000 mots couvrant 6 pays avec 6 traductions, elle estime le coût des traductions à 11 % ».

Dans un deuxième document, transmis à votre rapporteur le mercredi 6 juin 2001, la CNCPI arrive aux conclusions suivantes : « Le coût d'obtention du brevet européen (hors annuités dûes après délivrance) est actuellement sensiblement égal à celui du brevet américain pour 3 pays désignés. (...) Pour 8 à 15 pays désignés , le coût moyen du brevet européen (hors annuités dûes après délivrance) est seulement de l'ordre de moitié plus cher que pour le brevet américain (on est loin du coût prétendu de 3 à 5 fois supérieur !).

« Ce surcoût très modéré se justifie pleinement par le fait que le brevet européen couvre plusieurs pays ayant des langues différentes, à la différence du territoire fédéral et monolingue américain. La plupart des brevets européens n'ont généralement besoin d'être validés que dans quelques-uns des pays européens. Pour 5 ou même 10 pays supplémentaires, le coût du brevet européen ne dépassera pas quoiqu'il en soit le double de celui du brevet américain. (...)

« Ce qui coûte cher en Europe, ce n'est pas la phase de validation et de traduction, qui correspond à une prestation réelle (mise à disposition du brevet délivré dans la langue des pays de protection), mais les annuités dûes après délivrance : de 27 à 78 % du coût sur les 10 premières années, et de 60 % à 83 % sur 20 ans (contre 14,5 % à 25 % aux Etats-Unis d'Amérique) ».

II. QUESTION DE L'IMPACT DU COÛT SUR LA PROPENSION À BREVETER

Votre rapporteur a pu constater que même la question de l'incidence du coût du brevet sur le nombre de brevets déposés était controversée.

A. POSITIONS DÉFENDANT L'EXISTENCE D'UNE RELATION INVERSE ENTRE COÛT DU DÉPÔT DE BREVET ET PROPENSION À BREVETER

1. Rapport LOMBARD

Page 39 : « Les entreprises européennes qui renoncent à demander une protection par brevet pour leurs innovations qui seraient susceptibles d'être brevetées estiment que c'est le coût élevé de la protection par brevet qui constitue pour elles le plus important facteur dissuasif. Cette appréciation est encore plus décisive pour les PME (...). Même si on peut le regretter, les entreprises définissent souvent un budget préétabli pour la protection : un niveau de coût élevé les conduit à être excessivement sélectives ».

2. Discours de M. Christian PIERRET, le 14 septembre 2000 lors d'un colloque au Sénat

Monsieur le Ministre de l'industrie a bien voulu participer, en septembre dernier, à un colloque organisé au Sénat conjointement par votre rapporteur et la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, qu'il en soit ici vivement remercié.

Au cours de son intervention, le Ministre indiquait que :

« Si on examine le coût d'obtention de la protection, on constate qu'il est beaucoup plus élevé en Europe qu'aux Etats-Unis ou au Japon (...). Cette situation pénalise nos entreprises -surtout les PME- et nos chercheurs : ainsi, une PME européenne qui assied sont développement sur son marché « intérieur » devra dépenser 8 fois plus pour se protéger que son homologue américaine. Ou à budget constant, protéger 5 fois moins d'inventions.

« Le coût d'accès au brevet ne doit pas bien sûr être considéré comme le seul déterminant de l'innovation des entreprises. Mais, c'est sûrement un élément négatif pour l'accès à la protection, élément qu'on ne saurait sous-évaluer et qu'il convient d'atténuer ».

3. Position officielle du mouvement des entreprises de France

Le mouvement des entreprises de France a élaboré un document de synthèse intitulé « La réforme du brevet européen : une première étape sur la voie du brevet communautaire à franchir avec succès », dans lequel on peut lire, pages 1 et 2 : « Le système de brevets des principaux concurrents de l'Europe et singulièrement celui des Etats-Unis sont plus performants. Le dépôt de brevets est 3 à 5 fois moins onéreux aux Etats-Unis (...). L'efficacité du système de brevets en Europe conditionne l'augmentation progressive des dépôts de brevets (...).

« Cette évolution nécessite au préalable une baisse sensible des coûts du brevet par la révision particulièrement des coûts de traduction et un renforcement de la lutte contre la contrefaçon, grâce à une unification du contentieux ».

4. Position officielle de la CGPME 114 ( * )

Ce projet d'accord sur « un régime linguistique simplifié » du brevet européen « permettrait une réduction considérable du coût des brevets et favoriserait ainsi leur dépôt -actuellement très insuffisant- par les PMI françaises (...)»

5. Audition d'un dirigeant de PME par votre rapporteur

M. Hugues-Arnaud MEYER, Président de la société ABEIL, PME du secteur du textile (fabrication de couettes et oreillers biotextiles 115 ( * ) ), entendu le 20 mars par votre rapporteur, affirmait :

« Les petites et moyennes entreprises fixent une enveloppe annuelle de recherche et de développement et limitent le nombre de brevets déposés en fonction de ce budget. Si le coût du brevet était plus accessible, les entreprises en déposeraient davantage (...). Dans mon entreprise, je choisis délibérément de déposer telle ou telle idée à cause du coût de la procédure ».

6. Commission européenne

Dans sa communication « Promouvoir l'innovation par le brevet - Les suites à donner au livre vert sur le brevet communautaire et le système des brevets en Europe », la Commission européenne, faisant la synthèse des contributions lui ayant été adressées, affirme 116 ( * ) : « la question du coût des brevets en Europe est largement perçue comme une des causes majeures de la difficulté d'accès des entreprises innovantes, et spécialement des PME, au système des brevets. Ceci a des conséquences, notamment sur la question des traductions du fascicule du brevet. Il ressort clairement de la consultation que le statu quo par rapport au brevet européen, qui consisterait à obliger le titulaire du brevet à traduire l'intégralité du brevet dans toutes les langues communautaires, est intenable dans le contexte du brevet communautaire ».

B. POSITIONS DÉFENDANT L'ABSENCE D'ÉLASTICITÉ-COÛT DE LA PROPENSION À BREVETER EN EUROPE

Trois prises de position portées à la connaissance de votre rapporteur ont toutefois remis en cause la thèse, assez largement admise, d'une élasticité--coût du dépôt de brevets.

1. La Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI)

Dans plusieurs documents, la CNCPI réfute l'idée selon laquelle une baisse du coût du brevet européen inciterait les entreprises européennes à déposer plus de brevets. Dans le mémorandum précité paru en avril 2001, la CNCPI fait valoir  « le désaccord des experts sur le fait que le coût de la traduction serait un obstacle au dépôt de brevet (...). Des travaux académiques et des jugements de personnalités qualifiées (...) remettent en question l'idée du coût comme principal obstacle à la propriété industrielle.

« C'est ainsi que les Annales d'Economie et de Statistique (N.49/50-1998, pp. 289-237) ont publié (en anglais) une étude d'Emmanuel DUGUET et Isabelle KABLA : Appropriation Strategy and the Motivations to use the patent System : an Econometric Analysis at the Firm level in French Manufacturing. On peut y lire en page 306 :

« Neither patenting costs nor the costs of legal action have a significant effect on the propensity to patent. Firms do not appear to base their decision to patent on the patent costs. Our results suggest looking for other explanatory variables» 117 ( * ) .

« Appréciation que confirme Maître Grégoire TRIET du cabinet GIDE LOYRETTE NOUEL, auteur de l'étude du Ministère de l'Economie : Propriété industrielle, le coût des litiges. Etude comparée entre la France, l'Allemagne, l'Angleterre, les Etats-Unis, l'Espagne et les Pays-Bas (mai 2000).

« Rappelant que : « il est apparu à la direction générale de l'industrie « que le coût des litiges relatifs à la propriété industrielle était susceptible de représenter pour certaines entreprises un frein, voire un obstacle insurmontable qui les dissuaderait de recourir à la protection conférée par la propriété industrielle ». Maître TRIET conclut : « Les résultats de cette étude, qui a permis d'étudier plus en détail plus d'une centaine de litiges terminés au cours des trois dernières années, ne permettent pas d'aboutir à cette conclusion ». »

Il s'agit, dans ce dernier cas cité par les Conseils, du coût des litiges et non du coût du dépôt de brevet stricto sensu.

2. Position de M. Henri SERBAT, directeur des études économiques de l'IRPI

Lors du colloque précité du 14 septembre 2000 au Sénat, M. Henri SERBAT, directeur des études économiques de l'IRPI 118 ( * ) , se fondant sur les travaux de l'association « PROPIN » en matière d'économie du brevet, faisait deux constats :

1. L'absence d'étude économétrique sur l'élasticité-coût du dépôt de brevets, même aux Etats-Unis où a pourtant été mis en place un tarif préférentiel pour les PME, dont l'impact n'a pas été scientifiquement mesuré ;

2. Un consensus d'une « quinzaine d'économistes francophones spécialisés » sur le fait que « la baisse du coût n'induit aucun effet possible sur le nombre de brevets ».

3. Audition d'un dirigeant de PME par votre rapporteur

M. Marcel MATIÈRE, entrepreneur de travaux publics à Arpajon Sur Cère (Cantal), entendu le 21 mars 2001, affirmait que :

« La propriété industrielle est un domaine juridique très pointu (...). D'où un coût important. Je ne pense pas cependant que ce coût soit dissuasif, pour une innovation rentable. Ce qui est important, c'est que ce coût puisse être amortissable sur une période suffisante, protégée correctement ».

* 109 «  Il s'agit là de moyennes calculées à partir des réponses fournies par les répondants, ces montants pouvant différer de ceux qui figurent dans les barèmes des offices en raison de divers facteurs tels que le nombre de revendications ou la réduction de taxes de 50 % dont peuvent bénéficier les PME aux Etats-Unis ».

* 110 Disponible sur le site www.europa.eu.int à l'adresse suivante : www.europa.eu.int/comm/internal_market/fr/intprop/indprop/2k-714.htm

* 111 Petites entités.

* 112 Compagnie nationale des Conseils en propriété industrielle.

* 113 Le document indique, en note de bas de page : « A titre d'exemple, la revue américaine spécialisée "IP Worldwide" mentionne en page 22 de son édition de Février 2001, que "The small firms (...) attract clients because they offer cost savings. "We can write an application under $ 10,000" says Murabito. "It's impossible for Morrisson & Foerster and Wilson Sonsini Goodrich & Rosati to write a case under $ 10.000."".Si la seule rédaction d'une demande de brevet dépasse USD 10,000, et atteint donc plutôt 15.000 à 20..000 USD minimum, il faut noter que ceci n'inclut ni les taxes de dépôt (1.000 à 2.000 USD), ni les frais d'examen devant l'USPTO (généralement au moins autant que les frais de dépôt), ni les frais de délivrance. Les coûts de protection aux USA sont donc grossièrement sous-évalués par le Ministère de l'Industrie. Ils sont en outre tout aussi grossièrement surévalués pour la protection européenne, et passent sous silence que les frais de traduction ne sont dûs que 4 à 5 ans en moyenne après le dépôt, à un moment où la protection juridique est confirmée, et où l'entreprise sait les marchés qu'elle peut protéger de façon rentable ».

* 114 Confédération générale des petites et moyennes entreprises.

* 115 Traités par exemple contre les acariens et les bactéries.

* 116 Page 10.

* 117 « Ni les coûts d'obtention du brevet ni les coûts des litiges n'ont d'effet significatif sur la propension à breveter. Les entreprises n'apparaissent pas comme fondant leur décision de breveter sur les coûts des brevets. Nos résultats suggèrent de chercher d'autres déterminants ».

* 118 Institut de recherche en propriété industrielle.

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