C. APPRÉCIATION GLOBALE DU DISPOSITIF MIS EN oeUVRE

1. Des réserves sur l'étendue du périmètre des zones soumises à embargo

Au cours des visites effectuées sur le terrain, votre mission d'information a constaté que le périmètre mis sous embargo autour des foyers aphteux était extrêmement étendu , puisqu'il correspondait à l'ensemble du ou des départements concernés. La délimitation de ce périmètre va au-delà du maximum nécessaire à l'objectif de lutte. A l'évidence, il serait sans doute nécessaire d'envisager pour l'avenir, de réduire l'étendue de la zone séquestrée, car l'expérience prouve que les mesures mises en oeuvre portent préjudice à l'ensemble de l'économie départementale ; cette question est d'autant plus sensible que l'Etat ne compense pas les pertes indirectes dues aux embargos.

2. Le contrôle des rassemblements et des mouvements d'animaux

Les mouvements d'animaux sur le territoire national constituent une source d'apparition et de diffusion des épizooties . Au cours de ses travaux, la mission a pris la mesure du caractère « cosmopolite » de certains « élevages ». Elle a ainsi, par exemple, eu connaissance d'une exploitation qui avait, peu avant la crise, simultanément détenu des ovins venus d'Espagne, du Portugal, de Pologne et de Grande-Bretagne.

Les mouvements d'animaux sont, de surcroît, renforcés à certaines période de l'année, et notamment dans les semaines qui précèdent la fête musulmane de l'Aïd El Kébir, au cours de laquelle est commémoré le sacrifice d'Abraham.

De l'avis unanime, les périodes de fortes tensions sur les prix (un ovin estimé à 600 francs en temps ordinaire peut alors être acheté 900 francs et revendu 1.200) suscitent des échanges illicites d'animaux , payés de la main à la main. Il va de soi que nul ne se préoccupe alors ni de l'état sanitaire du cheptel, ni du prix excessif pratiqué lors de la revente au consommateur. C'est pourquoi il semble nécessaire de renforcer les contrôles de transports d'ovins , d'une part et, d'autre part, les contrôles effectués lors des grands rassemblements d'animaux et des mouvements qui les précèdent, surtout si les bêtes sont destinées à être disséminées après leur vente .

Cette question, en région parisienne, est au demeurant indissociable de la problématique qui résulte de la disparition progressive de bon nombre d'abattoirs et des interrogations que suscite l'existence de sites dérogatoires pour l'abattage des ovins au moment de la fête de l'Aïd El Kébir. Ces sites ont été ouverts pour trouver une solution intermédiaire et pratique, notamment en région parisienne, à la pénurie d'abattoirs disponibles et au risque de voir se perpétuer des abattages clandestins. Il n'existe plus désormais que huit abattoirs en Ile-de-France dont la capacité est, comme le montre le tableau suivant, manifestement insuffisante pour faire face aux besoins ponctuels lors de la fête précitée :

CAPACITÉS D'ABATTAGE DISPONIBLES EN ILE-DE-FRANCE

Départements

NOM

Tonnage inscrit

Activité

Tonnage bovins

Tonnage Ov/Cap

Tonnage porcins

Tonnage équins

TOTAL

Seine-et-Marne

Melun

6 000

0-2

470

200

-

-

670

Seine-et-Marne

Meaux

12 600

0-1-2

4 840

540

-

651

6 031

Seine-et-Marne

Coulommiers

0

0-2

60

145

-

-

205

Seine-et-Marne

Jossigny

520

0-2

62

614

-

-

676

Yvelines

Mantes

6 500

0-1-2

2 900

951

-

88

3 949

Yvelines

INRA

60

0-2-4

16

8

6

-

30

Yvelines

Houdan

8 000

4

15 000

-

-

-

15 000

Val-d'Oise

Ezanville

7 500

2

-

98

-

-

98

0 = bovins ; 1 = solipèdes ; 2 = ovins et caprins ; 4 = porcins ; 5 = gibiers

Source : ministère de l'Intérieur

Il convient de noter, au demeurant que la rapidité de l'abattage lors de la fête de l'Aïd contribue, comme tel a été le cas en mars dernier, à diminuer le risque de diffusion de l'épizootie aphteuse. A l'évidence, si l'idéal serait de satisfaire aux recommandations de la Commission européenne qui exige la fermeture des sites d'abattage dérogatoire, il n'en reste pas moins que celle-ci, si elle n'est pas réfléchie et préparée, conduira à la multiplication des abattages clandestins.

En conséquence, la mission recommande, faute de mieux, de maintenir les sites dérogatoires placés sous le contrôle des DSV, tant que des capacités d'abattage réglementaire ne sont pas suffisantes.

3. La vulnérabilité persistante face aux maladies infectieuses

Même si les deux foyers français ont été globalement bien gérés, la France doit sortir de son sommeil s'agissant d'un éventuel risque aphteux (recherche, prévention, détection, lutte...). En effet, le facteur chance a été important dans le succès contre la récente épizootie, compte tenu de la spécificité du virus en cause (dont la capacité de dissémination est relativement faible par rapport à d'autres souches) et de la détection rapide du premier animal par un vétérinaire expérimenté qui, de son propre aveu, a eu beaucoup de chance. La récente crise constitue un avertissement qui doit être médité, en ce qui concerne tant la santé animale que la santé humaine.

S'agissant de la santé animale, la lutte contre la fièvre aphteuse nécessite une vigilance de tous les instants . La maladie est d'autant plus difficilement détectée par les vétérinaires qu'ils n'ont pas l'occasion d'en observer souvent les signes cliniques, surtout si elle est véhiculée par des moutons. Il est d'ailleurs à noter que vu la gravité du fléau, les Etats-Unis ont confié au ministère de la Défense le soin de préparer la lutte. Notre pays reste, quant à lui, à la merci du comportement répréhensible d'un propriétaire ou d'un détenteur d'animaux irresponsable. C'est pourquoi les modalités de lutte doivent être périodiquement réévaluées.

S'agissant de la lutte contre les maladies infectieuses qui menacent la santé humaine, la récente crise a aussi valeur d'exemple et d'exhortation à la vigilance. La libre circulation des biens et des personnes ne saurait s'accompagner de la libre propagation des maladies. On songe ici, comme l'indiquait le général E. Talieu devant votre mission d'information, aux conséquences dramatique qu'aurait, par exemple, la résurgence soudaine de la variole humaine. Là encore, une surveillance de tous les instants s'impose.

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