C. UNE INDEMNISATION RÉDUITE AUX PERTES DIRECTES

Deux mécanismes de solidarité contribuent à la compensation du préjudice causé par l'apparition d'un foyer aphteux et par les mesures que nécessite la lutte contre la maladie. Il s'agit, d'une part, de la solidarité professionnelle des agriculteurs, réunis au sein des GDS et, d'autre part, de la solidarité nationale qui assume le coût des mesures de lutte elles-mêmes. Quant aux pertes indirectes, rien ne prévoit, actuellement, leur compensation.

1. La compensation des pertes directes

a) La contribution des GDS à la compensation des pertes des éleveurs

Les éleveurs ont constitué une caisse de péréquation pour apporter une compensation financière aux éleveurs qui, n'ayant pas subi de foyers mais étant situés en zone périfocale, ont cependant pâti de préjudices liés aux mesures de restriction de la circulation des troupeaux. Les éleveurs adhérents à un groupement de défense sanitaire (GDS), versent volontairement une somme fixée par animal entre 0,20 et 2 francs qui correspond à une forme d'assurance. Chaque GDS est lié par une convention à la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire (FNGDS), à laquelle il reverse 10 % des fonds collectés. En cas de foyers, la FNGDS provisionne le compte du GDS qui procède à l'indemnisation des éleveurs, puis reconstitue la réserve nationale en sollicitant la participation de tous les GDS signataires de la convention. Trois campagnes de collecte en 1992, 1993 et 1994, ont ainsi permis de réunir plus de 100 millions de francs (15,24 millions d'euros).

Selon les informations communiquées à votre mission d'information, qui résultent d'une évaluation provisoire, la FNGDS a versé aux GDS des départements ayant connu des zones de surveillance ou de protection autour des foyers confirmés de fièvre aphteuse, une enveloppe globale de 7.017.000 francs, répartie entre :

- la Mayenne : 3.500.000 F

- l'Orne : 3.500.000 F

- la Seine-et-Marne : 11.000 F

- l'Ile-de-France (Seine-saint-Denis, Val d'Oise) 6.000 F

Pour les deux premiers départements, les sommes correspondaient à une évaluation prévisionnelle réalisée en collaboration avec les GDS, qui n'avaient pas matériellement le temps de vérifier ceux des éleveurs touchés qui étaient ayants droit au Fonds. Pour les deux suivants, le nombre d'éleveurs étant beaucoup moins élevé, les enveloppes ont été calculées en fonction des réels ayants droit.

Les comptes des GDS concernés ont été crédités entre 5 jours (Mayenne et Orne) et 6 jours (Ile-de-France) après la publication de l'arrêté préfectoral portant déclaration d'infection.

Le barème des indemnités journalières versées aux éleveurs s'établit à 10 francs pour une vache laitière, 10 francs pour une vache allaitante, 1,20 franc pour les bovins, 2,50 francs pour un ovin (lait ou viande), 1,20 franc pour un caprin, 2 francs pour un porc naisseur, 1,20 franc pour un porc engraisseur, 250 francs pour un porcelet. Le lait est indemnisé en fonction des cours.

Le 7 avril 2001, il a été décidé de verser une indemnité supplémentaire de 2,80 francs par jour de blocage, aux éleveurs spécialisés en ovins pour l'engraissement.

b) La solidarité nationale

L'article L. 221-1 du code rural permet à l'exécutif de faire procéder à l'abattage des animaux atteints par la fièvre aphteuse. Le régime de l'indemnisation des propriétaires d'animaux abattus relève, quant à lui, du décret du 27 décembre 1991. Quant à la compensation de l'abattage préventif d'un troupeau elle procède d'un arrêté du 7 mars 2001.

Cas général de la compensation des pertes consécutives aux abattages dans un foyer de fièvre aphteuse

En vertu de l'article 20 du décret n° 91-1318 du 27 décembre 1991 relatif à la lutte contre la fièvre aphteuse , l'Etat prend à sa charge la visite du vétérinaire sanitaire, les prélèvements et l'analyse des prélèvements qu'implique toute suspicion de fièvre aphteuse ainsi que, en cas de foyer, les visites des exploitations susceptibles d'être contaminées.

Le décret prévoit qu'il sera alloué aux propriétaires d'animaux abattus ou de produits détruits sur ordre de l'administration une indemnité égale à leur valeur estimée, abstraction faite de l'existence de la fièvre aphteuse et que l'abattage des animaux, l'enfouissement et le transport des cadavres, la désinfection de l'exploitation sont à la charge de l'Etat . Au cas où la vaccination d'urgence serait rendue obligatoire , celle-ci sera à la charge de l'Etat et il sera alloué aux éleveurs une indemnité pour les pertes qui découleraient des restrictions à la commercialisation d'animaux d'élevage et d'embouche .

Outre le mode de calcul des honoraires des vétérinaires sanitaires chargés des opérations de police sanitaire de la fièvre aphteuse, un arrêté du 18 mars 1993 détermine les conditions de l'indemnisation des éleveurs. Celles-ci procèdent d'une évaluation à dire d'expert . En effet, dans chaque département, le préfet établit une liste d'experts chargés d'estimer la valeur des animaux éliminés et des produits détruits sur ordre de l'administration, ainsi que les pertes qui découleraient des restrictions à la commercialisation des animaux consécutives à une éventuelle vaccination d'urgence. Le nombre et la répartition géographique de ces experts, dont la rémunération est prise en charge par l'Etat, doivent être suffisants pour assurer une intervention rapide quelle que soit l'espèce concernée.

Le même texte prévoit, en outre, que le propriétaire des animaux de l'exploitation reconnue infectée ou celui qui en a la garde choisit, sur la liste dressée par le préfet, un expert chargé de l'estimation des animaux éliminés et des produits détruits. L'estimation tient compte de la valeur de remplacement des animaux au jour de leur abattage . Elle peut se faire après leur abattage sur la base de documents techniques, administratifs et fiscaux, afin de ne pas retarder l'assainissement de l'exploitation. Pour l'établissement de la valeur d'estimation des animaux, il est fait abstraction de l'existence de la fièvre aphteuse.

Un arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration (quelle que soit la cause de l'abattage : ESB, fièvre aphteuse ou autre) a enfin institué un mécanisme complexe aboutissant , en pratique, au plafonnement du montant des estimations . L'exécutif n'a, cependant, pas abrogé le décret précité n° 91-1318 du 27 décembre 1991, dont le deuxième alinéa prévoit que les propriétaires des animaux abattus sont indemnisés sur la base de la « valeur estimée » de leur cheptel, abstraction faite de l'existence de la fièvre aphteuse.

Ce mécanisme d'évaluation prévoit que lorsqu'un rapport d'expertise conclut à une estimation supérieure au montant de base (qui figure dans le tableau ci-après) il doit détailler les raisons de cette majoration au regard des caractéristiques et des performances du troupeau. En outre, : « Lorsque, à titre exceptionnel, ce montant dépasse le montant majoré qu'il définit et dans l'hypothèse où des examens complémentaires justifient le dépassement du montant majoré, ou s'il l'estime nécessaire, le directeur des services vétérinaires fait procéder à une nouvelle expertise par deux experts choisis par ses soins sur les listes prévues ou, en dehors de ces listes, après avis de la directrice générale de l'alimentation. » En dernière analyse, il revient au Préfet d'arrêter le montant définitif de l'évaluation, qui peut, à titre très exceptionnel s'établir au-dessus du taux plafond majoré, après avis de la directrice générale de l'alimentation et au vu du rapport des experts.

MONTANT DES INDEMNITÉS VERSÉES
AU TITRE DE L'ABATTAGE DES BOVINS

CATÉGORIES DE BOVINS

Montant de base
(en euros)

Montant majoré
(en euros)

VEAUX DE MOINS DE 12 MOIS

300

450

JEUNES BOVINS

700

1 050

GÉNISSES DE 24 À 36 MOIS

900

1 350

VACHES DE PLUS DE 36 MOIS

1 300

1 950

Annexe à l'arrêté du 30 mars 2001 54 ( * )

Cas particulier de la compensation des pertes dues aux abattages préventifs réalisés sur des animaux entrés en contact avec des ovins britanniques au début 2001

A l'occasion de la récente crise, les pouvoirs publics ont fait procéder à l'abattage préventif des animaux « contacts » , ceux susceptibles d'avoir été au voisinage des animaux malades importés du Royaume Uni, même s'ils n'ont pas développé les signes cliniques de la maladie. Motivée par l'urgence et le danger de voir l'infection se disséminer, cette décision s'est appuyée sur un arrêté du 7 mars 2000 55 ( * ) qui détermine les conditions dans lesquelles sont indemnisés les animaux dont il prévoit l'abattage.

Ce texte ordonne la destruction de tous les animaux des espèces bovines, ovines, caprine et porcine détenus dans des exploitations qui ont :

- reçu des animaux bi-ongulés originaires du Royaume-Uni après le 31 janvier 2001 ;

- reçu des animaux suspects en provenance du Royaume Uni et ayant transité par un autre Etat membre, sauf si leur détenteur prouve que ces animaux n'ont pas été expédiés du Royaume-Uni après le 31 janvier 2001.

L'article 8 de l'arrêté prévoit que l'indemnisation au titre des animaux abattus appartenant à l'espèce ovine est plafonnée à 76,22 euros et qu'elle pourra être déterminée par le directeur des services vétérinaires (DSV) après examen de justificatifs comptables présentés par le propriétaire des animaux, ce qui signifie que le DSV aura la faculté de réduire le montant de cette estimation.

Quant à l'indemnisation versée, au titre de la destruction des carcasses d'ovins originaires du Royaume-Uni introduites en France entre le 1 er et le 20 février 2001, ainsi que celle correspondant à des carcasses d'ovins issus d'animaux originaires du Royaume-Uni introduits après le 31 janvier 2001 et abattus en France, elle est fixée forfaitairement à 45,73 euros , sous réserve de la présentation des justificatifs comptables relatifs à l'achat des animaux ou des carcasses.

Au cours de son audition devant votre mission d'information le 5 juin 2001, le ministre de l'agriculture est convenu que l'institution d'un double régime d'indemnisation applicable pour partie aux animaux abattus sur des foyers et, pour partie aux animaux « contacts » n'était pas satisfaisant. Il a indiqué qu'il avait demandé un réexamen des mesures d'indemnisation au niveau interministériel. Votre mission d'information juge indispensable que les procédures d'indemnisation soient, en effet, réformées. Nul ne comprend pourquoi des animaux sacrifiés pour un même motif soient évalués selon un barème différent, d'autant plus que le décret de 1991 prévoit non pas une évaluation en vertu d'un barème, mais une évaluation à dire d'expert, en fonction de la valeur des animaux au jour de l'abattage .

2. La compensation des pertes indirectes

Comme l'ont confirmé les auditions de votre mission d'information, les pertes indirectes , liées :

- à la séquestration des exploitations suspectes de fièvre aphteuse ;

- à la séquestration des exploitations situées dans les zones soumises à des mesures de restrictions après la confirmation d'un foyer ;

- à la consignation et à la destruction de produits dans les abattoirs, ateliers de découpe et à la distribution ;

ne sont, en principe, pas prises en compte par l'Etat .

Les répercussions commerciales , y compris à l'export, ne sont pas non plus indemnisées , bien qu'elles puissent s'avérer considérables, notamment lorsque des mesures de précaution augmentent la taille des zones soumises à des restrictions ou la durée d'application de celles-ci.

La compensation des préjudices indirects s'avère donc l'un des enjeux majeurs de la récente crise aphteuse.

* 54 Journal Officiel du 31 mars 2001 page 5078.

* 55 Journal Officiel du 9 mars 2001, page 3780.

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