2. Une diversification des instruments environnementaux disponibles

En même temps que s'élevait le degré d'ambition de la politique communautaire, l'éventail des instruments environnementaux s'est élargi au fur et à mesure du développement de celle-ci.

• Le premier stade était celui de la législation-cadre , cherchant à concilier haut niveau de protection de l'environnement et bon fonctionnement du marché intérieur.

• Par la suite, la Communauté a institué un instrument financier (le programme LIFE) et des instruments techniques (le label écologique, le système communautaire de management environnemental et d'audit, le système d'évaluation des projets publics et privés sur l'environnement, les critères applicables aux inspections environnementales dans les Etats membres).

• Le rôle de l' agence européenne pour l'environnement s'est accru au fil des années. L'objectif qui avait présidé à sa création était la collecte et la diffusion d'informations dans le secteur de l'environnement. Bien que dotée d'une mission uniquement consultative, l'agence produit désormais des travaux de plus en plus déterminants pour l'adoption de nouvelles mesures ou l'évaluation de l'impact des décisions déjà mises en oeuvre.

• Actuellement, le nouvel axe de réflexion retenu tend vers une plus grande diversification des instruments environnementaux, et plus particulièrement le recours aux taxes environnementales en application du principe pollueur-payeur, à la comptabilité environnementale et aux accords volontaires. La Commission considère en effet que l'efficacité de la législation environnementale passe par l'introduction de mesures incitatives en direction des différents opérateurs économiques, entreprises et consommateurs.

3. Quelle place pour les Etats membres dans la politique de défense de l'environnement ?

L'ampleur du champ d'action potentiel de la politique communautaire de l'environnement est tel que son appréhension conduit, de manière sans doute artificielle, à étudier secteur par secteur les réglementations applicables.

a) Les secteurs où l'action de la Communauté est d'un intérêt incontestable

Il est des domaines où la préservation des milieux naturels, patrimoine commun des peuples européens, justifie par son objet même une action concertée au niveau communautaire.

(1) L'amélioration de la qualité de l'air

Au premier rang des priorités, on placera l'amélioration de la qualité de l'air , mais pour constater aussitôt que cette exigence dépasse même le cadre européen pour concerner le monde entier. Une réduction notable de la pollution atmosphérique et de ses conséquences désormais avérées sur le réchauffement planétaire suppose la définition et le respect de mesures internationales de limitation des émissions de gaz polluants.

• L'action de la Communauté en ce sens est à replacer dans la perspective de réduction décidée lors de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 et du protocole de Kyoto de 1997. L'objectif décidé en commun est de réduire, sur la période 2008-2012 les émissions de gaz d'effet de serre d'au moins 5 % par rapport au niveau atteint en 1990. Malgré la remise en cause de ces engagements par les Etats-Unis, qui a profondément perturbé les négociations internationales, celles-ci ont toutefois abouti, lors de la Conférence de Bonn des 19-23 juillet 2001, à un accord sur les modalités de mise en oeuvre du protocole de Kyoto permettant d'envisager sa ratification. L'Union européenne devrait y procéder dans les tout prochains jours, à la suite de l'accord obtenu lors de la Conférence de l'ONU sur le climat tenue à Marrakech, du 7 au 9 novembre derniers.

L'intérêt d'une action européenne commune au sein de la négociation internationale est ici manifeste : d'abord, le poids de quinze Etats membres parlant d'une seule voix infléchit notablement toute négociation internationale ; ensuite, pour ce qui concerne précisément celle-ci, l'objectif de réduction étant mesuré au niveau moyen de l'ensemble des États membres, il permettra de faire porter l'effort sur les pays les plus fortement producteurs de gaz polluants et non d'imposer un seuil unique de réduction pour chacun d'entre eux. L'engagement de l'Union s'est fondé sur une réduction de 8 %, selon une clé de répartition des efforts convenue entre la Communauté et ses Etats membres en juin 1998. Ce faisant, l'exigence fixée par le traité de prendre en compte les conditions de l'environnement dans les diverses régions de la Communauté se trouve respectée.

• Pour accompagner la réalisation de cet objectif, la Communauté a approuvé un programme sur le changement climatique, identifiant notamment les secteurs de l'énergie, du transport, de l'industrie et de la recherche comme domaines d'actions prioritaires.

En matière de transports , par exemple, la stratégie mise en oeuvre par la législation communautaire repose sur les éléments suivants :

- une réduction des rejets polluants des véhicules (usage du pot catalytique, organisation du contrôle technique...) ;

- une diminution de la consommation des voitures particulières ;

- la promotion de véhicules propres, notamment par l'adoption de mesures fiscales.

Dans le secteur de l'industrie , il est également prévu de fixer des plafonds d'émissions de polluants atmosphériques et de limiter les rejets produits par les grandes installations de combustion.

• Pour améliorer la qualité de l'air, une stratégie globale a été adoptée en mai 2001 et plusieurs directives sont en cours, notamment celle relative à la réduction de l'ozone. Pour les années à venir, CAFE (Clean Air For Europe) est un nouveau programme d'analyse technique et d'élaboration de la politique annoncée dans le cadre du sixième plan d'action communautaire pour l'environnement en matière de lutte contre la pollution atmosphérique. Il devrait déboucher d'ici 2004 à l'élaboration d'une stratégie intégrée à long terme en matière de qualité de l'air « étayée par les propositions législatives utiles » .

L'intervention de la Communauté en matière de lutte contre la pollution de l'air n'est donc pas contestable dès lors que l'objectif visé dépasse le cadre national et que la fixation de normes permet tout à la fois de limiter les atteintes à l'environnement et d'établir des règles de production semblables sur l'ensemble du marché unique. Elle se comprend moins lorsque ces deux éléments sont absents.

Ce qu'il ne faut pas faire

Un exemple récent du risque de dérive se trouve dans une proposition de directive relative à la performance énergétique des bâtiments, actuellement en cours d'examen et que notre délégation a étudiée le 13 novembre dernier. Ce texte s'appuie sur la nécessité de limiter la dépendance énergétique européenne, mais aussi sur les engagements de Kyoto, pour :

- imposer l'application de normes minimales de performance énergétique dans la majeure partie des bâtiments de l'Union ;

- mettre en place un système complexe et coûteux de certification, à la charge des propriétaires desdits bâtiments ;

- obliger à un contrôle régulier des chaudières et installations de climatisation.

Ce faisant, la Communauté excède largement son rôle, ne serait-ce que parce que les États membres sont à l'évidence les mieux placés, compte tenu des conditions climatiques locales, pour apprécier la pertinence des mesures à prendre en la matière. L'application du principe de subsidiarité conduit donc à écarter ce type d'initiative.

(2) La préservation de l'eau

Pour des motifs identiques liés à l'internationalisation des préoccupations environnementales, on peut admettre que la politique de l'eau relève dans son ensemble d'une compétence naturellement communautaire.

De nombreuses directives ont été adoptées par les Etats membres afin d'imposer des normes de qualité pour les eaux suivant leur destination finale : eau potable, eaux de baignade, eau piscicole, eau conchylicole...

Les standards communautaires, adoptés durant les années 1980 jusqu'en 1995, reposaient sur le principe des valeurs limites d'émission, c'est-à-dire des quantités maximales de substances polluantes admises dans le milieu aquatique concerné. La lutte contre la pollution due aux nitrates constitue une bonne illustration de cette première période : la directive de 1991 vise ainsi à réduire la présence excessive de nitrates provenant des engrais et déchets d'origine agricole dans les eaux superficielles et souterraines. Elle oblige les Etats membres à surveiller les eaux et à établir des codes de bonne pratique agricole à mettre en oeuvre volontairement par les agriculteurs, par exemple en limitant l'épandage d'engrais azotés et de déjections animales.

A partir de 1995, la Communauté a entrepris une lecture plus globale de la gestion des eaux. Cette conception a débouché, en octobre 2001, sur la directive-cadre pour une politique dans le domaine de l'eau, qui vise la promotion d'une utilisation durable des ressources et la cohérence de la politique générale. Elle recourt désormais à une approche fondée sur le bassin fluvial , c'est-à-dire l'unité géographique et hydrologique naturelle, dépassant forcément les frontières politiques ou administratives.

Ici, à nouveau, et de manière très justifiée, la Communauté s'est engagée dans des programmes de protection de l'environnement marin au champ d'application plus vaste que le seul territoire de l'Union. On peut mentionner notamment la Convention d'OSPAR précitée, la Convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée ou la Convention de Paris sur la protection de l'Atlantique Nord-Est. Dans la même inspiration, on trouve la protection de certains cours d'eau, conventions pour la protection du Danube ou du Rhin, Convention d'Helsinki sur les cours d'eau transfrontaliers et les lacs internationaux...

Le principe d'une politique communautaire globale de l'eau se conçoit donc aisément dans une optique de gestion durable de la ressource naturelle, qu'il s'agisse de limiter la pollution des nappes phréatiques et des cours d'eau transfrontaliers ou de tenir compte des critères de santé publique pour réglementer la production de denrées alimentaires. Elle doit toutefois continuer à garder à l'esprit les limites posées par le Traité, notamment en tenant « compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté ».

Il est incontestable que la ligne de partage entre l'action communautaire et l'intervention nationale n'est pas toujours facile à déterminer. On peut ainsi s'interroger sur le bien-fondé d'une intervention exclusivement communautaire dans deux domaines au moins où les Etats membres sont parfaitement à même d'agir, en liaison avec les collectivités territoriales :

• La réglementation des eaux de baignade

Est-il vraiment indispensable que les normes applicables aux eaux de baignade soient définies au niveau communautaire ? Il n'est question ici ni de préserver un milieu naturel, patrimoine commun européen, ni de limiter l'émission de substances polluantes dans l'eau, ni d'organiser les conditions de fonctionnement du marché unique. La question relève exclusivement de considérations de santé publique que les Etats ont la parfaite capacité de prendre en compte. Des normes internationales-repères existent et sont aisément applicables, par les collectivités locales le cas échéant. Considérer que ce rôle appartient à la Communauté conduit à maintenir les Etats membres dans une situation quasi-infantilisante d'autant plus inutile que l'opinion publique est suffisamment vigilante sur ces questions pour obtenir des autorités nationales qu'il y soit prêté l'intérêt nécessaire. Il est d'ailleurs très singulier d'observer que le Royaume-Uni, qui ne présente pas a priori d'attrait balnéaire spécifique, a été condamné pour non-respect de cette directive le 13 novembre dernier au motif que seuls 88,3 % de ses eaux de baignade respectaient les valeurs limites impératives.

• La réglementation de l'eau potable

Dans le même ordre d'idées, on peut s'interroger sur l'opportunité d'une réglementation communautaire en matière d'eau potable. Ici encore, les Etats membres sont en mesure d'appliquer les standards connus de santé publique et l'intervention de la Communauté n'apporte aucune plus-value en terme environnemental.

Le problème s'est posé en particulier au sujet de la teneur en plomb de l'eau potable, qui a été limitée par l'Union dans des conditions deux à trois fois plus drastiques que les normes définies par l'Organisation mondiale de la santé. L'application de cette directive est particulièrement difficile dans notre pays, de même qu'en Italie, du fait de l'utilisation de ce matériau pour la fabrication des canalisations, particulièrement au niveau du réseau en parties privatives des habitations. Elle imposera des dépenses considérables pour la mise en conformité des installations - l'Union ayant imposé un échéancier de mise aux normes - alors même que la pertinence du dispositif n'a pas été scientifiquement démontrée.

Ce qu'il ne faut pas faire

Selon le rapport adopté le 9 octobre 2001 par la commission de l'Environnement du Parlement européen, l'Union européenne devrait se doter d'une politique de tarification de l'eau conduisant à prévoir l'installation de compteurs d'eau dans les exploitations agricoles, les usines et chez les particuliers à travers l'Union européenne tout entière.

Le système propose qu'une quantité d'eau nécessaire à la qualité de vie soit garantie, assortie de sanctions en cas de gaspillage.

L'objectif, très louable, de promouvoir une utilisation durable des ressources en eau, d'éviter la menace de pénuries graves dans les années à venir et de couvrir les coûts des services liés à l'eau, débouche ici sur une proposition techniquement inapplicable, c'est à l'évidence aux Etats membres qu'il appartient de définir la mise en oeuvre pratique du dispositif de tarification envisagé en fonction des caractéristiques hydrographiques locales. Fort heureusement, le Parlement européen est revenu par la suite sur cette proposition excessive.

b) Les secteurs où l'action de la Communauté doit coexister avec l'intervention nationale

Dès lors que l'objet de l'intervention communautaire ne se rapporte pas à un « bien commun européen », limiter les marges de manoeuvre des Etats membres se conçoit plus difficilement. Deux politiques peuvent être ici évoquées.

(1) La gestion des déchets

• La politique générale

La politique communautaire relative à la gestion des déchets repose sur trois stratégies complémentaires, mais à privilégier dans l'ordre suivant :

- d'abord, favoriser la prévention de la production de déchets en améliorant la conception des produits ;

- ensuite, développer les actions de recyclage et de réutilisation des produits ;

- enfin, et au stade ultime, réduire la pollution causée par l'incinération des déchets.

• Les produits spécifiques

Divers produits ont fait l'objet de réglementations spécifiques pour le traitement de leurs déchets en raison de leur caractère particulièrement polluant.

- Ayant fait le choix de responsabiliser les producteurs, la Communauté a institué un système de collecte des véhicules en fin de vie , établi à leur charge (directive de septembre 2000). Un régime semblable est en cours d'adoption pour ce qui concerne les déchets d'équipements électriques et électroniques , ainsi que la limitation de l'utilisation de certaines substances dangereuses dans ces produits. La Commission a fait valoir la même approche lors de la première Conférence des parties de la Convention OSPAR pour la protection du milieu marin dans l'Atlantique du Nord-Est , consacrée notamment au démontage et à l'élimination des installations pétrolières et gazières offshore .

- Les piles et accumulateurs requièrent également un traitement particulier pour lequel un nouveau texte est en cours d'élaboration visant d'une part, à interdire la commercialisation des produits les plus dangereux, d'autre part à organiser un système de collecte sélective et de traitement spécifique des déchets. Les déchets d'emballage, les huiles et les pneumatiques ont aussi fait l'objet de réglementations spécifiques.

Par ailleurs, la Communauté est partie à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination. Elle a déjà ratifié l'amendement par lequel l'exportation de ces déchets vers les pays non-OCDE est interdite, que ce soit en vue de leur élimination, de leur recyclage ou de leur valorisation.

*

Pour ces matières, qui requièrent la collaboration de l'ensemble des agents économiques, l'efficacité suppose qu'on laisse aux Etats membres le soin d'élaborer le système le mieux adapté à leurs caractéristiques propres, dans le cadre général organisé au niveau communautaire. Il semble légitime que la Communauté fixe les normes applicables aux produits, tant dans un souci d'environnement que pour permettre la libre circulation des marchandises. Il n'est pas anormal qu'elle détermine un ordre de priorité dans le traitement des déchets pour orienter l'action des Etats membres. En revanche, pour ce qui concerne la mise en oeuvre, sur les territoires nationaux, des conditions d'élimination des matériaux, il n'est pas certain qu'elle soit capable de définir, dans le détail, les mesures à prendre. Ainsi, était-il vraiment utile que la directive organisant l'installation des sites de décharge prévoit elle-même les distances à respecter avec le voisinage ? Le bon sens conduit à penser que les collectivités territoriales sont mieux à même d'apprécier le bien-fondé des implantations compte tenu des caractéristiques, notamment topographiques, des lieux et de la sensibilité de leurs citoyens.

Si l'on veut apprécier le degré de difficulté d'application de la réglementation, un bon indice consiste à se reporter au nombre de plaintes enregistrées au niveau communautaire : dans un cas sur six, les problèmes tiennent à la gestion des déchets. La Commission l'explique par le fait que l'application du droit communautaire dans ce secteur oblige à la modification du comportement des agents économiques et entraîne des dépenses considérables : conformément au Traité, « Les Etats membres assurent le financement et l'exécution de la politique en matière d'environnement », à l'exception de certaines mesures ayant un caractère communautaire (3 ( * )).

Dans le même ordre d'idée, il n'est pas inutile d'indiquer que, pour la première fois depuis son instauration en 1993, la procédure de l'article 228 permettant d'infliger une amende à un Etat membre pour non respect d'un arrêt de la Cour de Justice a été appliquée en 2000, précisément au sujet d'un site de décharge. La Grèce verse de ce fait une astreinte journalière de 20 000 euros par jour de retard, depuis juillet 2000, pour le fonctionnement d'une décharge illégale située en Crète.

Ce qui nous incite à penser qu'une plus grande collaboration entre les niveaux européens nationaux et locaux est indispensable. Mieux répartir les rôles éviterait que des décisions, inapplicables en fait sur le terrain soient adoptées au niveau communautaire sous la pression des différents partenaires. La plus grande partie des décisions prises en matière environnementale relève en effet de la majorité qualifiée et de la procédure de co-décision.

(2) La politique de préservation de la nature

Près de mille espèces de végétaux et plus de cent cinquante espèces d'oiseaux seraient gravement menacées ou sur le point de disparaître du territoire européen. La Communauté s'est préoccupée de cette situation en adoptant les deux principaux instruments juridiques pour la protection de la nature que sont la directive de 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, et la directive de 1992 concernant la préservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages.

Depuis l'origine, ces textes posent de réelles difficultés d'application aux Etats membres : si l'on en juge par les statistiques de la Commission pour l'an 2000, les plaintes enregistrées en matière d'environnement portent, dans un cas sur trois, sur des questions liées à la protection de la nature, sur un total en augmentation continue (432 en 1998, 453 en 1999, et 543 en 2000).

- La directive oiseaux et le problème de la chasse

La directive de 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages établit un système général de préservation de toutes les espèces d'oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen des Etats membres. Ce dispositif vise la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et réglemente la chasse et la capture des oiseaux sauvages.

Quatre grands thèmes sont explorés :

la conservation des espèces,

la préservation des habitats et la construction d'un réseau de zones de protection spéciale dans les Etats membres,

les prélèvements, notamment par le régime applicable à la chasse,

la recherche et les mesures d'accompagnement.

Il n'est pas utile de revenir sur les difficultés occasionnées par ce texte dans notre pays pour son application au régime de la chasse, et qui a occasionné l'ouverture d'un grand nombre de contentieux. On observera simplement qu'une bonne application de ce dispositif aurait supposé une collaboration efficace aux deux niveaux d'intervention, le niveau européen pour déterminer les objectifs poursuivis, le niveau national pour adapter sa mise en oeuvre aux spécificités locales . En l'espèce, les demandes de dérogations possibles au régime général n'ont pas été produites au niveau national en temps utile, occasionnant malentendus et incompréhensions de la part des chasseurs français face à l'intervention jugée excessive de la Communauté dans cette matière sensible. Les problèmes ne se limitent pas d'ailleurs au cas français puisque l'Italie, la Grèce, la Suède, la Finlande, l'Espagne et la Belgique se sont trouvées également « épinglées » sur ce même thème par la Commission pour la seule année 2000.

- La directive habitats naturels et le réseau Natura 2000

La directive « habitats naturels » est connue comme étant l'une de celles ayant rencontré les plus grandes difficultés d'application. Schématiquement, elle imposait aux Etats membres de dresser la liste d'un certain nombre de sites individuels, hébergeant lesdits habitats naturels. Une fois sélectionnés par la Commission, ces sites constitueraient le réseau « Natura 2000 » regroupant des zones spéciales de conservation (ZSC) et sur lesquelles s'appliqueraient des dispositifs de protection non encore définis au moment de l'entrée en vigueur de la directive. Bref, on demandait aux Etats membres de désigner par avance des zones sur lesquelles s'appliquerait un droit inconnu.

Vu la résistance opposée par ceux-ci depuis 1992, on peut légitimement s'interroger sur les raisons qui ont conduit le Conseil à adopter ce texte. En juin dernier, près de dix ans après son entrée en vigueur, le Fonds mondial pour la nature (WWF) a dressé un bilan très négatif de son application : aucun Etat membre de l'Union européenne n'aurait traduit correctement et complètement ce dispositif en droit interne, selon un rapport analysant la transposition stricto sensu du texte, les actions de mise en oeuvre entreprises et les mesures financières arrêtées pour son application.

Tous les délais prévus par ce texte ont été dépassés, sachant que la transposition devait être terminée en 1994 et que la liste complète des sites à protéger devait être soumise en 1995 et finalisée en 1998. La Commission indique que si, fin 2000, les derniers Etats membres lui avaient finalement notifié les mesures de transposition adoptées, dans de nombreux cas celles-ci étaient insuffisantes. La France, mais aussi le Luxembourg, la Belgique ou la Suède ont été mis en cause à ce titre.

Par ailleurs, la délimitation des zones continue de poser des difficultés, la Commission considérant que les sites existants dans un certain nombre d'Etats membres sont toujours trop peu nombreux ou d'une superficie trop faible. D'une manière ou d'une autre, tous les pays ont encouru les foudres de la Commission sur ce thème. La difficulté s'est encore accrue avec l'arrêt rendu le 7 novembre 2000 par la Cour de justice. Celle-ci a considéré que les Etats membres ne pouvaient pas prendre en compte des exigences économiques, sociales et culturelles ou des particularités régionales ou locales pour écarter des sites présentant un intérêt écologique au niveau national. Elle a rappelé que la sélection des sites devait s'opérer « exclusivement au regard de l'objectif de la conservation des habitats naturels, de la flore ou de la faune sauvage ».

*

On peut réellement douter de la pertinence d'une action communautaire en matière de protection de la nature dès lors que la réglementation adoptée suscite plus de contentieux qu'elle n'améliore la situation écologique européenne. A priori, les Etats membres disposent des capacités à apprécier leur situation spécifique et à prendre eux-mêmes les décisions adéquates, avec l'aide des nombreuses associations de protection de la nature dont on connaît la détermination d'agir. La définition d'un cadre unique pour gérer des situations diverses pose notamment des difficultés aux pays candidats dans l'intégration de l'acquis communautaire : les loups de la forêt lettonne entrent difficilement dans la réglementation « chasse » des pays de l'Europe de l'Ouest.

Ce qu'il ne faut pas faire

En 1991, la Commission avait présenté une proposition de directive prévoyant les normes minimales à respecter pour la détention des animaux dans les parcs zoologiques. L'application du principe de subsidiarité opposée par les Etats membres l'avait ensuite conduite à retirer ce texte en 1994, considérant que la matière ne nécessitait pas une intervention communautaire. Il lui avait alors été substitué une recommandation à caractère non contraignant.

Quelques années plus tard, un rapport du Parlement européen de juillet 1998 s'est prononcé en faveur d'une proposition de directive, laquelle fut définitivement adoptée le 29 mars 1999 sous l'intitulé « détention d'animaux sauvages dans un environnement zoologique ».

Il en ressort que les Etats membres sont désormais tenus « d'empêcher que certains animaux ne s'échappent », de « tenir à jour des registres des pensionnaires du jardin » ou de « détenir des animaux de façon à satisfaire leurs besoins biologiques », toutes choses qu'on ne peut croire qu'ils aient ignorées.

c) Les secteurs où l'intervention communautaire ne se justifie pas

A priori, la logique conduit à penser que ce qui concerne l'« environnement de proximité ne requiert pas d'action concertée. C'est pourtant dans cette direction que la Communauté dirige ses réflexions les plus récentes.

(1) La politique de lutte contre le bruit

La stratégie communautaire s'est bornée, pendant plusieurs années, à fixer des plafonds d'émissions sonores pour certains engins : tondeuses, véhicules motorisés à deux roues, avions, matériels utilisés à l'extérieur des bâtiments...

En 1996, la Commission a publié un Livre vert proposant d'étendre cette stratégie en réduisant les émissions sonores à la source, en développant les échanges d'information et en renforçant la cohérence des programmes de lutte contre le bruit. Dans cette ligne, une proposition de directive a été lancée durant l'année 2000, définissant une approche communautaire en matière de gestion et d'évaluation du bruit ambiant en vue de protéger la santé des citoyens.

Si l'on peut comprendre l'approche classique de fixation des normes sonores des produits par le biais du principe de libre circulation des marchandises, il n'est pas certain que les Etats membres, voire même les collectivités locales, ne soient pas les mieux placés pour mener une politique de lutte contre la pollution sonore, notamment dans les milieux urbains. Par définition, le bruit ambiant se mesure sur le terrain.

(2) La politique d'environnement urbain

Réunis en session informelle les 15 et 16 avril 2000 à Porto, les ministres de l'environnement des Quinze ont affirmé leur volonté d'accorder une plus grande priorité à l'amélioration des zones urbaines, notamment en inscrivant des objectifs dans le sixième programme d'action pour l'environnement. Trois domaines ont été ciblés : les indicateurs d'environnement proprement dits, les conditions sociales dans certaines zones dégradées des villes et l'urbanisme en général. D'après leur analyse, résoudre les problèmes d'environnement « pourrait contribuer grandement à une compétitivité accrue des villes européennes », notion dont on perçoit mal le sens...

On peut réellement s'interroger sur l'utilité de ce programme et la valeur ajoutée qu'il peut apporter par rapport à l'intervention des différentes collectivités locales des Etats membres. On a peine à croire que les grandes villes européennes n'aient pas déjà entrepris des actions en faveur du développement de modes de transports plus écologiques, de la réduction de la production de déchets, de la préservation des sites naturels ou de la créations d'espaces verts.

En outre, la réforme des fonds structurels « Agenda 2000 », valable pour la période 2000-2006, a déjà accordé à la politique en faveur des milieux urbains le rang de priorité tant par les subventions disponibles au titre de l'objectif 2 que via le programme spécifique URBAN.

* (3) On rappellera aussi que le Fonds de Cohésion permet, dans les Etats membres qui y sont éligibles, le financement d'infrastructures environnementales.

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