EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du 27 mars 2002.

A l'issue de l'exposé du président, un débat s'est ouvert entre les commissaires.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est dite en plein accord avec l'analyse de M. Xavier de Villepin, président. Elle a indiqué qu'aujourd'hui, se trouvaient face à face, d'un côté la réalisation d'un État-nation sur le modèle européen, et de l'autre, un peuple privé d'État depuis la domination ottomane, à laquelle avait succédé le mandat britannique, alors même que des pays voisins, notamment la Jordanie et l'Egypte, accédaient à l'indépendance. Reprenant l'analyse formulée par M. Dominique Moïsi lors d'une récente audition devant la commission, elle a estimé que les Palestiniens ne pouvaient que ressentir un sentiment profond d'injustice, ne s'estimant pas responsables des massacres de juifs commis sur le sol européen durant la deuxième guerre mondiale, qui avaient conduit, peu après, à la création de l'État d'Israël.

Elle a relevé, par ailleurs, que l'idéal sioniste avait été de permettre au peuple juif de jouir enfin de la sécurité dans le nouvel État. Or, aujourd'hui, la peur et l'insécurité sont omniprésentes. Il importait donc désormais d'ouvrir un nouvel horizon politique aux Palestiniens, souci que quelques Israéliens reconnaissaient comme indispensable.

Le désespoir palestinien nourrissait, a poursuivi Mme Monique Cerisier-ben Guiga , une révolte de plus en plus meurtrière, à laquelle les responsables israéliens entendaient répondre de la même manière.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a estimé que la dépossession engendrée par la politique de colonisation, les destructions d'habitations, les bouclages, venaient accroître l'humiliation d'une population palestinienne prisonnière. Elle s'est déclarée pessimiste pour l'avenir, d'autant que l'engagement des États-Unis semblait essentiellement dicté par le souci de préparer le champ à une éventuelle intervention en Irak.

Pour autant, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a estimé que les deux peuples étaient aujourd'hui fatigués de cette violence et voulaient y mettre un terme. Dans ce contexte, elle a émis le voeu que l'initiative saoudienne puisse favoriser une évolution pacifique.

M. Michel Pelchat a estimé que les États-Unis devaient s'impliquer davantage dans le conflit actuel. Ils ne semblaient pas percevoir la réalité de la situation et il n'était pas exclu que les échéances intérieures pèsent sur leur analyse. Il a estimé que l'on pouvait fonder de grands espoirs sur l'initiative du prince Abdallah dont l'on pouvait espérer qu'elle soit approuvée par tous les États arabes. A cet égard, il a estimé que les conditions imposées par M. Ariel Sharon au Président de l'Autorité palestinienne pour qu'il puisse se rendre à la réunion de la Ligne arabe à Beyrouth étaient difficilement acceptables. Il était cependant à craindre que l'absence à ce sommet de plusieurs représentants arabes importants n'affaiblisse finalement l'intérêt de la proposition saoudienne.

M. Michel Pelchat a par ailleurs fait observer que les destructions, que la délégation avait constatées à Gaza, étaient moins le résultat de combats que celui d'actions punitives conduites par l'armée israélienne sans véritable raison militaire : arrachages d'oliviers, destructions de maisons, de commissariats de police, du port de Gaza etc.

Pour M. Michel Pelchat , la politique de sécurité conduite par le Premier ministre israélien ne pouvait pas fonctionner. Il convenait donc d'en avoir une approche plus globale, fondée en particulier sur une interposition internationale.

Mme Danielle Bidard-Reydet a relevé que jamais on n'a atteint le niveau de violence actuel. A la source des violences, il faut parler de l'occupation israélienne et de la politique d'implantations, qui n'avait, selon certains Israéliens, aucune justification, ni stratégique, ni économique. Cette politique pesait, au demeurant, lourdement sur le budget israélien. Cette politique répondait en fait, en partie, d'après elle, à des préoccupations idéologiques.

Mme Danielle Bidard-Reydet a estimé que le procédé du bouclage des Territoires palestiniens était également l'une des causes des violences. Ainsi, à Bethlehem, a-t-elle rappelé, 40 chars israéliens avaient récemment investi la ville, et durant 12 jours, les habitants n'avaient pu quitter leur habitation. Du fait de ces bouclages, les hôpitaux sont fréquemment privés d'eau et d'électricité, l'économie est sinistrée et le taux de chômage atteint désormais les 70 %.

Pour Mme Danielle Bidard-Reydet , l'armée israélienne ne se contente pas d'actions de riposte : elle conduit des initiatives répressives dans le cadre d'une politique de punition préventive.

Il importait, par ailleurs, pour Mme Danielle Bidard-Reydet , de préciser que le clivage ne se situait pas entre Israéliens et Palestiniens. Si certains Palestiniens, comme certains Israéliens, entendent poursuivre l'action militaire, la majorité de la population israélienne et de la population palestinienne est favorable à une solution politique. Parmi les personnalités politiques, comme Yasser Rabbo, chez les Palestiniens, et Yossi Beilin, chez les Israéliens, des responsables s'attachent à promouvoir une voie politique.

La proposition du prince Abdallah d'Arabie Saoudite, a poursuivi Mme Danielle Bidard-Reydet, en offrant à tous les États arabes de reconnaître Israël en échange du retrait des territoires occupés en 1967, est d'une haute tenue politique. A cet égard, a-t-elle estimé, les conditions posées au déplacement au Sommet de Beyrouth de M. Yasser Arafat par le Premier ministre israélien, ne grandissaient pas ce dernier. Il était par ailleurs regrettable que la Jordanie et l'Egypte soient absentes de cette réunion essentielle de la Ligue arabe.

Pour Mme Danielle Bidard-Reydet , une présence internationale est nécessaire, même si sa mise en oeuvre comporte des difficultés, comme en atteste l'assassinat de deux observateurs (suisse et turc) de la Présence internationale temporaire à Hebron (PITH), survenue près de cette ville de Cisjordanie.

En concluant, Mme Danielle Bidard-Reydet a estimé que la présence de la délégation sénatoriale sur le terrain avait constitué un acte politique positif. Il importait en effet, dans le climat de violence actuel, de tout faire pour soutenir ceux qui, dans chaque camp, s'efforcent de promouvoir la solution politique.

M. Daniel Goulet s'est également félicité de la présence, sur le terrain, d'une délégation de la commission, démontrant l'implication de cette dernière sur le dossier essentiel du conflit du Proche-Orient. Il a souligné l'inégalité du rapport de forces entre les parties en présence, estimant que les violences commises étaient inacceptables. La mission avait été l'occasion de percevoir à quel point les populations étaient désemparées. Tout devait donc être fait pour soutenir l'initiative de paix proposée par le prince Abdallah d'Arabie saoudite. Il convenait enfin, a conclu M. Daniel Goulet , que la commission suive attentivement les développements futurs de la situation au Proche-Orient.

M. Jean-Guy Branger s'est interrogé sur le processus qui avait permis une telle dégradation de la situation. Il a estimé que la reconnaissance de l'État palestinien était indissociable d'un accord sur les frontières de ce dernier, or cette question était sans cesse reportée. M. Jean-Guy Branger s'est dit frappé de la disproportion des moyens mis en oeuvre par chacune des parties, du fait de la supériorité militaire très nette de l'armée israélienne. Au surplus, le « mitage » des territoires lié à l'implantation des colonies, la multiplication des points de contrôle, entraînaient une situation économique et humaine catastrophique.

M. Jean-Guy Branger a souligné la qualité du travail conduit par l'UNRWA permettant notamment, dans les camps de réfugiés, le taux de scolarisation le plus élevé des pays arabes. Après avoir déploré que le président de l'autorité palestinienne n'ait pu se rendre au sommet de Beyrouth, M. Jean-Guy Branger a formulé l'espoir que les États-Unis, du fait de leur grande influence sur Israël, s'engagent de plus en plus.

M. Christian de La Malène a estimé que toute paix, ou début de paix, ne pourrait être qu'imposé ou « interposé ». Seuls, les États-Unis étaient en mesure d'agir à cette fin, à condition qu'ils décident de devenir enfin de véritables arbitres entre les deux parties en présence.

M. Robert Del Picchia s'est interrogé sur la disponibilité des pays à engager des contingents dans une force internationale d'interposition, dont l'action ne serait pas sans danger.

M. Michel Caldaguès a relevé qu'il était regrettable que les avertissements lancés par la France, il y a près de quarante ans, sur la situation au Proche-Orient, n'aient pas été alors mieux entendus. Il a estimé qu'une interposition internationale n'avait de vertus que si elle avait des objectifs ambitieux. Le fond de la question tenait aux garanties d'une paix future. C'est à bon droit que le Gouvernement israélien faisait de la sécurité sa première priorité pour laquelle Israël, instruit par l'histoire, ne comptait d'ailleurs que sur lui-même.

Par ailleurs, les États-Unis, invités à s'impliquer davantage, se voient parfois reprocher, ici et là, de le faire de façon excessive. Enfin, sans méconnaître les abus dont on pouvait constater les effets sur la population palestinienne, M. Michel Caldaguès a estimé qu'aucune paix ne serait possible sans qu'Israël soit sûr de bénéficier des garanties indispensables de sécurité.

M. Xavier de Villepin, président , a craint qu'on n'assiste, dans les semaines à venir, à une escalade de la violence. Il a par ailleurs estimé probable une détérioration, à plus ou moins longue échéance, des relations entre les États-Unis et le Premier ministre israélien.

Le déploiement d'une force internationale dans la région ne serait certes pas sans risque. Il convenait toutefois, a souligné M. Xavier de Villepin, président , d'avoir également présent à l'esprit les risques qu'entraînerait une aggravation de la situation au Proche-Orient, compte tenu certes de l'enjeu pétrolier, mais aussi des risques de déstabilisation de certains pays arabes qui pouvaient conduire à un éclatement régional.

M. Xavier de Villepin, président , s'est enfin déclaré fier de la position constante exprimée par la diplomatie française sur le dossier proche-oriental, position qui, en reconnaissant le droit inaliénable d'Israël à exister dans des frontières sûres et reconnues, faisait aussi valoir la nécessité d'un État palestinien viable dans des frontières définitives.

La commission a donné acte à son président de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information .

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