B. LES ENGAGEMENTS EN MATIÈRE DE RETRAITES

La politique des finances publiques ne peut pas être appréciée sans tenir compte des perspectives de long terme offertes par le vieillissement démographique. La surveillance instantanée des comptes publics organisée dans le Traité sur l'Union européenne ne suffit pas. Il faut lui adjoindre la prise en compte des charges futures que suscitera le vieillissement des populations. Elles constituent autant d'effets d'engagements implicites, qui, quoique inéluctables, ne sont pas recensés dans les concepts de dette publique utilisés pour « surveiller » la position budgétaire des États européens.

L'impact du vieillissement démographique sur les finances publiques est difficile à mesurer. Celui-ci peut agir sur les comptes publics à travers deux canaux : d'abord par ses effets sur la croissance économique ; ensuite, par ses incidences sur les dépenses publiques. Parmi celles-ci, on attend, en général, du vieillissement des populations une réduction des dépenses d'indemnisation du chômage, mais une hausse des dépenses d'assurance-maladie et de pensions. On se limitera, dans le cadre de cette étude, à cette dernière catégorie de dépenses.

Elles devraient connaître un net accroissement.

Sous réserve de leur exactitude, en ligne avec celles retenues dans un récent rapport du Conseil d'analyse économique, les plus récentes projections démographiques réalisées par Eurostat montrent que le rapport de la population âgée de plus de 65 ans sur la population des 15-64 ans devrait fortement augmenter. Il passerait, pour la France, de 30 % en 2000 à 40 % en 2025 et 50 % en 2050.

A législation inchangée, il résulterait de ces évolutions, un net accroissement des dépenses de retraite. Leur poids dans le PIB augmenterait de près de 4 points à l'horizon 2030.

PROJECTIONS DES CHARGES DE RETRAITES 2000 -2005

(en points de PIB)

2000

2005

2010

2020

2030

2040

2050

Variation entre 2000 et le « pic » de charges

BELGIQUE

9,3

8,7

9

10,4

12,5

13

12,6

3,7

DANEMARK

10,2

11,3

12,7

14

14,7

13,9

13,2

4,5

ALLEMAGNE

10,3

9,8

9,5

10,6

13,2

14,4

14,6

4,3

GRÈCE

12,6

12,4

12,6

15,4

19,6

23,8

24,8

12,2

ESPAGNE

9,4

9,2

9,3

10,2

12,9

16,3

17,7

8,3

FRANCE

12,1

12,2

13,1

15

16

15,8

n.a.

3,9

IRLANDE

4,6

4,5

5

6,7

7,6

8,3

9

4,4

ITALIE

14,2

14,1

14,3

14,9

15,9

15,7

13,9

1,7

LUXEMBOURG

7,4

7,4

7,5

8,2

9,2

9,5

9,3

2,2

PAYS-BAS

7,9

8,3

9,1

11,1

13,1

14,1

13,6

6,2

AUTRICHE

14,5

14,4

14,8

15,7

17,6

17

15,1

3,1

PORTUGAL

9,8

10,8

12

14,4

16

15,8

14,2

6,2

FINLANDE

11,3

10,9

11,6

14

15,7

16

16

4,7

SUEDE

9

8,8

9,2

10,2

10,7

10,7

10

1,7

ROYAUME-UNI

5,1

4,9

4,7

4,4

4,7

4,4

3,9

- 1,2

Source : Commission européenne. Rapport sur la situation des finances publiques en Europe 2001

On remarque que la France n'est pas le pays européen où la progression des dépenses de retraite serait la plus forte en raison du niveau relativement élevé déjà atteint et de ses caractéristiques démographiques.

En outre, si l'alourdissement des pensions n'intervient qu'après 2005, et si le maximum de son aggravation se produit en 2030, il faut observer que, dès 2010, leur poids aura augmenté de près de 1 point de PIB.

Cette projection, qui est construite avec l'hypothèse d'une croissance égale à la croissance potentielle de l'économie française, signifie que, toutes choses égales par ailleurs, le besoin de financement des administrations publiques augmenterait spontanément à due concurrence de l'augmentation des dépenses de retraite dans le PIB.

Soit le besoin de financement des administrations publiques prévisible en 2002 (- 2 points de PIB), le creusement de ce besoin de financement engendré par la seule augmentation du poids des retraites dans le PIB connaîtrait la séquence temporelle qui suit.

IMPACT DE L'ALOURDISSEMENT DES CHARGES DE PENSION SUR LE BESOIN DE FINANCEMENT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES À LONG TERME

(en points de PIB)

2002

2005

2010

2020

2030

- 2

- 2,1

- 3

- 4,9

- 5,9

Source : Calcul du Service des études à partir des projections de charges de retraites de la Commission européenne

L'accélération des dépenses de retraite entraînerait, toutes choses égales par ailleurs, un creusement spontané du besoin de financement qui atteindrait 1 point de PIB à l'horizon 2010.

Une réduction du besoin de financement s'impose donc afin d'éviter l'enclenchement d'une nouvelle spirale d'endettement. Si une croissance effective supérieure à la croissance potentielle de l'économie française constituerait un facteur très positif pour atteindre ce résultat, il est sans doute peu conforme à un principe de prudence de se fonder exclusivement sur une telle perspective. Il convient donc, sauf à accepter un alourdissement de la pression fiscale, de rechercher dans un allégement du poids des dépenses publiques la solution au problème des retraites 11 ( * ) . Des réformes visant à atténuer la progression des charges de retraite constituent l'une des voies envisageables. Faute de l'emprunter, ce sont les autres dépenses publiques qu'il faudrait infléchir.

A ce propos, sans qu'il faille nécessairement adopter le point de vue qui la sous-tend, on met parfois en évidence l'idée d'un équilibre entre les charges de la dette publique et celles de la dette implicite constituée par les engagements au titre des retraites. Selon cet équilibre, il conviendrait de réduire les premières pour financer les secondes. Pour apprécier les exigences d'un tel équilibre, il faut rappeler qu'à coût de la dette publique inchangé, une réduction des charges de la dette de 1 point de PIB - soit le surcroît de dépenses publiques lié aux charges de retraites à l'horizon 2010 - supposerait de réduire le poids de la dette publique d'environ 18 points de PIB par rapport au niveau atteint en 2000.

* 11 Un tel objectif fait, implicitement, partie des programmes de stabilité notifiés par notre pays dans le cadre de la surveillance européenne multilatérale des situations budgétaires.

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