B. RENFORCER LA MISE EN PLACE DES PLANS DE PREVENTION DES RISQUES NATURELS (PPR) EN MONTAGNE

1. Un instrument indispensable en zone de montagne qui nécessite des moyens budgétaires supplémentaires

a) Définition et contenu du plan de prévention des risques
(1) Une politique globale de prévention des risques

Le PPR s'inscrit dans un ensemble de réflexions et de dispositifs de prévention des risques :

- L'information préventive des citoyens, prévue par l'article 21 de la loi du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs.

- La protection des lieux habités par des ouvrages réalisés par l'Etat ou par les collectivités locales afin de contribuer à réduire la vulnérabilité de l'existant et à améliorer les conditions de vie face aux risques.

- Les plans de secours et d'évacuation fixent à l'avance les conditions d'organisation de la gestion de crise dans les implantations soumises à un événement naturel.

Le principe du PPR a été défini dans le cadre de la nouvelle politique de prévention des risques naturels définie par le comité interministériel du 24 janvier 1994.

La circulaire interministérielle (Intérieur-Equipement-Environnement) du 24 janvier 1994 relative à la prévention des inondations et à la gestion des zones inondables précise ainsi les objectifs à atteindre :

- interdire les implantations humaines dans les zones les plus dangereuses où la sécurité des personnes ne peut être intégralement garantie ;

- préserver les capacités d'écoulement et d'expansion des crues pour ne pas aggraver les risques ;

- sauvegarder l'équilibre des milieux dépendant des petites crues et la qualité des paysages.

Le PPR est régi par les articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement qui reprennent les articles 40-1 à 40-6 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs, modifiée par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Les modalités d'application de cet outil réglementaire qui reprend, en se substituant en partie à eux, les plans d'exposition aux risques (PER), les périmètres de risques délimités en application de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme, ainsi que les plans de surface submersibles (PSS), sont fixées par le décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995.

Le PPR a pour objet de délimiter les zones directement exposées à des risques, et d'autres zones qui ne sont pas directement exposées mais où certaines occupations ou certains usages du sol pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux.

Les documents d'urbanisme doivent prendre en compte les risques naturels en application de l'article L. 121-10 du code de l'environnement. En conséquence, le PPR constitue une servitude d'utilité publique qui s'impose à tous et il doit notamment être annexé au plan local d'urbanisme (PLU).

Plus largement, l'objectif du PPR est de prendre en compte les risques naturels dans l'aménagement et le développement des territoires.

(2) Contenu du plan de prévention des risques

Le PPR relève de la responsabilité de l'Etat. Celui-ci doit afficher le risque et prendre les mesures pour réduire la vulnérabilité.

Avec le PPR, le préfet peut ainsi délimiter les zones exposées ou non directement exposées aux risques naturels comme les couloirs d'avalanches et y définir les interdictions ou prescrire des conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation de nouvelles constructions. Il peut également définir des mesures de prévention (maintien du couvert forestier), de protection (réalisation d'un ouvrage) et de sauvegarde (dispositif d'alerte et d'évacuation) à prendre par les particuliers et les collectivités territoriales. Il peut aussi, et surtout, définir des mesures d'aménagement, d'utilisation ou d'exploitation des constructions et ouvrages existants que doivent prendre les propriétaires ou utilisateurs (renforcement des constructions, obstruction d'ouvertures exposées, renforcement de toiture, interdiction de dépôts de matériaux, occupation temporaire). Ces deux types de mesures peuvent être rendus obligatoires dans un délai maximal de 5 ans avec exécution d'office par l'Etat si celles-ci n'ont pas été réalisées aux échéances fixées.

La stratégie adoptée pour l'élaboration des PPR consiste à mobiliser les connaissances actuelles et des études qualitatives pour engager rapidement une démarche concertée et aboutir à un document lisible et opérationnel.

Celle-ci passe par plusieurs étapes successives d'élaboration de cartes.

Une première étape de recueil des données historiques, des études et des connaissances locales doit aboutir à la carte informative des phénomènes. Puis la carte des aléas en trois niveaux est établie notamment à partir de l'intensité du phénomène prévisible. Ensuite la carte des enjeux actuels et futurs va identifier les secteurs à traiter en particulier. Le croisement de ces deux cartes permet de définir la trame de la cartographie réglementaire où seront ainsi délimitées les zones inconstructibles ou constructibles sous conditions particulières. Le règlement des zones permettra de définir les conditions de nouvelles constructions, les mesures à prendre sur l'existant et les mesures de prévention à prendre notamment par les collectivités publiques.

Dans les départements de montagnes, l'élaboration des PPR est essentiellement réalisée par les services de restauration des terrains en montagne (RTM) et les directions départementales de l'équipement qui sont fortement mobilisées sur ce programme.

Le PPR constitue ainsi une excellente procédure du point de vue du contenu mais aussi du point de vue de la sécurité juridique des élus et des services de l'Etat. Il substitue à une série d'avis donnés au coup par coup une stratégie globale et préalablement définie.

b) Un bilan à conforter par un renforcement des moyens budgétaires
(1) Une couverture encore insuffisante des zones de montagne

Au 1 er août 2002, sur la France entière, 3.300 communes sont dotées d'un PPR approuvé tandis que 5.000 autres sont en cours d'élaboration.

Dans les départements à dominante montagneuse, essentiellement dans les massifs alpin et pyrénéen, la plupart des PPR élaborés présentent un caractère multirisque où le risque d'inondation par crue torrentielle côtoie d'autres aléas naturels et notamment celui de mouvement de terrain.

Le tableau ci-dessous précise par département de montagne le nombre de communes ayant un PPR prescrit ou approuvé ainsi que les risques pris en compte.

NOMBRE 14 ( * ) DE COMMUNES COUVERTES PAR UN PPR (PPR ET VALANT PPR -R 111.3 ET PER-)
PAR DÉPARTEMENT DE MONTAGNE ET PAR RISQUE

Tout risque confondu

Inondation

Mouvement de terrain

Avalanche

Séisme

Incendie de forêt

04

Approuvé

27

25

21

5

18

0

Prescrit

6

6

5

3

5

0

05

Approuvé

5

3

5

3

2

0

Prescrit

20

21

20

20

16

0

06

Approuvé

38

20

25

0

12

5

Prescrit

28

16

7

0

2

19

38

Approuvé

194 15 ( * )

190

176

90

19

0

Prescrit

8

7

7

9

14

0

73

Approuvé

29

25

10

8

9

0

Prescrit

45

48

29

14

16

0

74

Approuvé

85

85

73

48

0

0

Prescrit

21

21

21

5

12

0

Sous-total

Approuvé

378

348

310

154

60

5

Alpes

Prescrit

128

119

89

51

65

19

09

Approuvé

13

12

13

4

11

2

Prescrit

3

3

3

0

2

0

31

Approuvé

27

26

21

14

17

0

Prescrit

63

63

20

4

14

0

64

Approuvé

39

34

11

12

4

0

Prescrit

32

35

10

8

6

0

65

Approuvé

36

23

26

19

22

7

Prescrit

21

21

16

12

19

3

66

Approuvé

42

42

38

8

22

0

Prescrit

13

12

7

0

5

0

Sous-total

Approuvé

157

137

109

57

76

9

Pyrénées

Prescrit

132

134

56

24

46

3

39

Approuvé

10

72

0

0

0

0

Prescrit

94

1

0

0

0

0

88

Approuvé

11

0

0

0

0

0

Prescrit

94

0

0

0

0

0

2A

Approuvé

28

0

0

0

0

0

Prescrit

9

0

0

0

0

0

2B

Approuvé

26

0

0

0

0

0

Prescrit

32

0

0

0

0

5

Total

Approuvé

610

557

419

211

136

14

montagne

Prescrit

489

254

145

75

111

27

Source : base de données Corinte du ministère de l'Ecologie et du développement durable

NB : sont comptés comme PPR prescrits les PPR prescrits non approuvés

La complexité des études en montagne rend leur élaboration difficile : on dénombre néanmoins dans les départements de montagne plus de 600 communes dotées d'un tel document tandis que pour près de 500 autres il est en cours d'élaboration.

(2) Un renforcement des moyens budgétaires indispensable

Il convient de souligner que des moyens financiers conséquents et en progression constante, assortis de moyens en personnels renforcés ont permis d'accélérer le rythme d'élaboration des PPR. En effet, en application de l'article 55 de la loi de finances rectificative pour 1999, les dépenses de l'Etat afférentes aux études nécessaires à la préparation et à l'élaboration des PPR sont financées pour moitié par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs du 1 er janvier 2000 au 1 er septembre 2006. Ainsi, les crédits délégués aux services déconcentrés pour l'élaboration des PPR sont passés de 4,03 millions d'euros en 1998 à 12,48 millions d'euros en 2000 et 15,88 millions d'euros en 2002.

L'objectif ambitieux fixé à 5.000 PPR réalisés en 2005 sera vraisemblablement atteint mais selon M. Yves Cassayre, il serait souhaitable d'accélérer encore la réalisation des PPR en montagne.

Au-delà de ces objectifs quantitatifs, il convient de dégager des moyens budgétaires supplémentaires pour prendre en compte les spécificités territoriales.

Comme le soulignait M. Philippe Huet, ingénieur général du génie rural des eaux et forêts à l'Inspection générale de l'Environnement lors de son audition, on ne peut en montagne réaliser un PPR avec les mêmes moyens qu'en plaine : la discontinuité du relief, le caractère local et brutal des événements exigent des moyens complémentaires. Le coût d'un PPR multirisques varie en France de 20.000 à 30.000 euros, mais dans le Val d'Aoste, il s'établit à 100.000 euros, car il comporte plus d'études et une cartographie plus précise.

La mission commune d'information souhaite, pour assurer une meilleure efficacité des PPR, en enrichir le contenu, ce qui implique des moyens supplémentaires.

Proposition n° 12. : Prendre en compte le « surcoût montagne » dans l'élaboration des PPR

2. Une procédure d'élaboration à réformer

a) L'exception française en matière de PPR

La politique française de prévention des risques naturels se caractérise par sa centralisation. La situation diffère sensiblement dans les autres pays de l'Arc Alpin, où la décision d'établir de tels documents relève le plus souvent du niveau communal, cantonal ou parfois régional.

En France, l'Etat conserve la responsabilité première de « dire le risque ». Certes la procédure d'élaboration d'un PPR respecte les règles de concertation de droit commun en matière d'urbanisme : enquête publique, consultation des communes et d'autres organismes dans certains cas, étant précisé que les avis non rendus dans un délai de deux mois sont réputés favorables.

Même si la procédure d'élaboration des documents techniques entend privilégier -dans les faits- une concertation approfondie avec les collectivités territoriales, il est curieux de constater, comme le soulignait M. Yves Cassayre, que cette concertation ne figure pas dans les textes qui réglementent le PPR, qu'il s'agisse de l'article L. 562-1 du code de l'environnement ou du décret d'application du 5 octobre 1995.

C'est l'arrêté préfectoral prescrivant l'établissement d'un PPR qui délimite le périmètre d'étude et les dispositions arrêtées par le PPR s'imposent aux maires des communes et aux particuliers. Elles peuvent concerner -dans certaines conditions- des bâtiments ou des infrastructures existantes et certaines mesures peuvent faire l'objet d'une application anticipée. Dans ce cas le maire de la commune concernée en est simplement informé et dispose d'un mois pour faire part de ses observations.

Cette situation est pour le moins paradoxale et peut expliquer une partie des difficultés de mise en oeuvre des PPR, car les élus locaux n'ont pas été suffisamment associés à leur élaboration.

b) Vers un « meilleur » partage des responsabilités

Il conviendrait -au minimum- de mieux formaliser le rôle des collectivités locales lors de l'élaboration du PPR, et donc modifier les textes en conséquence.

Comme l'indiquait M. Yves Cassayre, lors de son audition devant la mission commune d'information : « S'il n'y a pas un réel échange avec la collectivité locale, le PPR ne fonctionne pas, comme nous avons pu le constater dans un certain nombre d'endroits. Il est nécessaire qu'il y ait à la fois une responsabilisation de la collectivité pour qu'elle formule des propositions constructives, et au niveau des services de l'Etat, des cellules spécialisées pour mener cette action tant sur le plan technique que sur le plan de la concertation. Si ces deux conditions sont remplies, je suis persuadé que nous tenons là une très bonne politique en matière d'affichage des risques ».

Lors de son audition devant la mission commune d'information, M. Philippe Huet rappelait la proposition de notre collègue Yves Dauge, chargé d'un rapport sur les politiques de prévention des inondations en 1999 et sur la mise en place de commissions de concertation sur les PPR, soulignant que « le risque concerne d'abord les personnes qui habitent sur place. Un débat local doit avoir lieu pour dégager un consensus sur le niveau de risque acceptable, qui peut varier selon la culture locale ».

Faut-il aller plus loin et réfléchir à un équilibre mieux réparti entre l'Etat et les collectivités, ces dernières devant alors s'impliquer plus fortement ?

La mission commune d'information n'a pas tranché sur ce sujet mais elle juge que la question mérite d'être posée afin d'améliorer la prise en compte des risques naturels dans les documents d'urbanisme et les projets d'aménagement en général. Elle considère, à tout le moins, que la proposition d'une meilleure concertation doit aboutir.

Proposition n° 13. : Instaurer une commission de concertation consultée lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, dans laquelle siègent des représentants des communes

En outre, il convient d'encourager la réalisation de PPR à une échelle pertinente qui pourrait être le bassin versant. Restreindre le périmètre d'investigation au seul territoire communal ne permet pas toujours d'appréhender la problématique du risque examiné dans son ensemble.

Proposition n° 14. : Définir un périmètre pertinent pour l'élaboration d'un PPR.

* 14 Ce compte n'intègre pas les PSS (plans de surfaces submersibles) qui valent PPR au regard de la loi du 2 février 1995 mais leur contenu n'est pas suffisamment satisfaisant

* 15 Dans ce département, beaucoup de PPR correspondent en fait à d'anciennes procédures (PER et R111-3) qui valent PPR au titre de la loi du 2 février 1995 mais qui pour beaucoup doivent être révisées compte tenu de leur ancienneté

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