TRAVAUX EN COMMISSION

Réunion de la Commission des Affaires économiques du mercredi 5 mars 2003

Réunie le 5 mars 2003, la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Chevassus-au-Louis , président du Muséum national d'histoire naturelle, ancien président du groupe de concertation du Commissariat général du plan, ayant publié le rapport « OGM et agriculture : options pour l'action publique ».

Après avoir remercié M. Gérard Larcher, président, pour son invitation, M. Bernard Chevassus-au-Louis a souhaité aborder la question des organismes génétiquement modifiés (OGM) sous trois angles : d'abord technique, ensuite économique et enfin social.

Abordant le sommaire exposé technique qu'il avait annoncé, M. Bernard Chevassus-au-Louis a rappelé qu'un OGM, selon la définition de la directive communautaire 90/220, était un organisme dont on avait modifié le matériel génétique par l'addition de gènes étrangers, ce qui distinguait donc les OGM des résultats de l'hybridation, de la culture de cellules ou de greffes. Il a noté que, pourtant, l'espace du refus ou de l'adhésion à l'égard des OGM portait sur un objet beaucoup plus large que celui entrant dans la stricte définition rappelée ci-dessus. Il a d'ailleurs précisé que les Etats-Unis parlaient plus largement d'espèces « génétiquement altérées ». Il a relevé qu'il existait donc des OGM « hypocrites » qui n'entraient pas strictement dans le champ de la directive communautaire, citant en exemple le cas d'un maïs résistant à un herbicide total mais n'étant pas proprement un OGM au sens communautaire. A l'égard de ces « vrais-faux OGM », deux options lui ont paru ouvertes : la première serait de considérer que l'opinion accepterait plus facilement ces OGM « hypocrites » parce qu'ils ne sont pas stricto sensu des OGM ; la seconde consisterait en une intégration de ces nouvelles méthodologies dans le même espace de refus ou d'adhésion par rapport aux OGM actuels.

Il a jugé que cette deuxième option était la plus vraisemblable et qu'il convenait donc de se préparer à appréhender des modifications génétiques beaucoup plus larges que celles visées par la définition des OGM, estimant, en sa qualité de membre de la Commission du Génie Biomoléculaire, que les critères techniques de risques éventuels étaient identiques dans les deux cas.

Evoquant ensuite les enjeux économiques des OGM, M. Bernard Chevassus-au-Louis a rappelé le message central qu'avait voulu exprimer le Commissariat général du Plan dans son rapport sur les OGM, à savoir qu'il ne fallait pas surestimer les enjeux économiques de court terme des OGM, mais ne pas sous-estimer non plus leurs enjeux à long terme. A court terme, il a estimé que le différentiel de compétitivité créé par l'adoption ou non d'OGM n'était pas décisif aujourd'hui, la compétitivité actuelle en matière de grande culture (maïs, soja) reposant essentiellement sur d'autres critères que la maîtrise des OGM de première génération. A long terme, en revanche, il a considéré que toutes les semences seraient alors faites par des entreprises qui maîtriseraient les biotechnologies, même s'il resterait un créneau pour les semences « à l'ancienne ». Il a jugé que, dans le cas des semences, il n'y aurait donc pas de « phénomène Microsoft », c'est-à-dire qu'une seule semence polyvalente ne pourrait pas être efficace partout en raison de la nécessaire adaptation de chaque semence aux contextes locaux.

Plus généralement, il a souhaité déconnecter les OGM de la question du modèle agricole intensif. Constatant que les OGM étaient aujourd'hui prioritairement utilisés pour les plantes de grande culture, il a précisé que ce phénomène s'expliquait par le caractère plus rémunérateur et plus large des marchés de grande culture et relevé, à ce propos, que 50 % du chiffre d'affaires des grandes entreprises semencières étaient faits grâce au maïs. S'interrogeant sur le type d'agriculture que l'Europe souhaitait pour demain, il a jugé qu'en tout état de cause, le meilleur moyen pour garantir une agriculture plurielle en Europe était de « ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier » et de permettre à différents modes de production agricole d'être performants pour s'adapter à la diversité des terroirs européens. Il a considéré comme une nécessité que toutes ces agricultures puissent avoir accès aux biotechnologies, relevant que ces technologies n'étaient pas au service d'un modèle agricole par rapport à un autre, mais que l'ensemble des modèles agricoles pouvaient y trouver une chance.

Concernant le débat social sur les OGM, M. Bernard Chevassus-au-Louis a souhaité analyser les blocages de ce débat en Europe. Il a considéré qu'il n'existait pas de solution technique à ce débat. Convenant que certaines améliorations techniques étaient possibles (concernant les marqueurs des OGM, la précision de l'insertion des gènes...), il a estimé que ces améliorations éventuelles ne changeraient pas l'opinion des gens à l'égard des OGM. Il en a pris pour preuve que les approximations techniques en matière de thérapies géniques n'empêchaient pas l'acceptation de ces thérapies par le public. Se référant aux sociologues de l'innovation, il a affirmé que la crédibilité d'une innovation était intrinsèquement liée à la crédibilité de ceux qui la portent et donc du système d'innovation tout entier. Ceci lui a paru particulièrement vrai pour les OGM, lesquels constituent une innovation « incolore, inodore et sans saveur ». Après avoir conclu que l'ouïe restait le seul sens disponible pour se faire une opinion sur les OGM, il a relevé que ce sens n'était pas le plus développé en matière alimentaire... Rapprochant le cas des OGM de celui de l'encéphalite spongiforme bovine (ESB) et de celui des résidus de pesticides, il a noté que tous ces risques qui ne se voyaient pas amenaient le public à chercher de la « rassurance ». Il lui a donc semblé crucial que l'opinion puisse retrouver une confiance dans le système, qu'il s'agisse de recherche, à la fois publique et privée, d'autorisation, de traçabilité...

M. Gérard Larcher, président, a remercié M. Bernard Chevassus-au-Louis pour son exposé qu'il a jugé très synthétique et ciblant bien les problématiques.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information sur les OGM, a remercié le président Gérard Larcher, en son nom ainsi qu'au nom de M. Jean-Marc Pastor, rapporteur, et des autres membres de la mission, d'avoir imaginé cette rencontre avec M. Bernard Chevassus-au-Louis, afin de préparer les membres de la commission aux conclusions de la mission OGM et à la transposition à venir des directives communautaires en ce domaine. Il a souhaité faire deux remarques :

- il a tout d'abord noté que les surfaces cultivées en OGM représentaient 60 millions d'hectares, soit le double de la surface agricole utile française et en a conclu que la problématique des OGM était loin d'être marginale et appelait une décision politique qui pouvait intervenir rapidement grâce aux débats multiples qui avaient déjà eu lieu ;

- il a également souhaité attirer l'attention de ses collègues sur l'importance du différentiel des budgets de recherche entre les deux rives de l'Atlantique, le programme de recherche français Génoplante bénéficiant de 45 millions d'euros, alors que les organismes de recherche américains disposaient de 300 millions de dollars. Rejoignant les propos de M. Bernard Chevassus-au-Louis qui avait alerté sur les conséquences à long terme de ce différentiel, il a jugé nécessaire que soit posée la question du type d'agriculture que l'Europe voulait pour demain.

M. Gérard Larcher, président, a relevé que, de ce point de vue, le débat sur les OGM s'apparentait à celui sur la politique agricole commune (PAC).

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information sur les OGM, a rappelé que cette mission travaillait depuis un an, quasiment à raison d'une journée par semaine, ce qui lui avait permis d'entendre de nombreuses personnalités, sur un sujet qui pouvait être identifié comme un vrai problème de société.

Tout d'abord, il a souhaité souligner qu'un virage était à prendre : alors que les OGM explosent dans une partie du monde (Inde, Brésil, Chine), il est urgent, a-t-il déclaré, de s'interroger sur la possibilité et l'opportunité pour l'Europe de rester en marge de cette évolution et de persister dans son moratoire. Il a relevé que ce moratoire bloquait toute démarche de recherches et que, simultanément, d'autres pays continuaient à déposer des brevets dans le domaine des biotechnologies. Il a établi un parallèle entre la situation actuelle et celle d'il y a 30 ans où, pendant 5 à 6 ans, la France avait refusé les maïs hybrides, ce qui l'avait ensuite conduite à acheter des semences de sociétés américaines. Il a déploré ce « retour de l'histoire » et cette nouvelle occasion en passe d'être manquée.

Il a ensuite décliné les différentes destinations des cultures OGM :

- il a d'abord évoqué les OGM liés aux grandes cultures (maïs, soja, colza), lesquels présentaient surtout un intérêt pour les grandes surfaces agricoles du type de celles qui se rencontrent aux Etats-Unis. Il a jugé que l'intérêt économique des OGM pour l'agriculture française n'était donc pas une évidence, les exploitations sur le territoire national pouvant aussi bien avoir une surface de 30 hectares que de 1 000 hectares, et que les petites parcelles dégageaient des marges trop faibles pour que la culture des OGM devienne rentable ;

- il a ensuite évoqué les OGM liés à la pharmacie et à la médecine, lesquels dégageaient des plus-values importantes et dont le positionnement n'était pas assimilable aux OGM des grandes cultures ;

- il a enfin cité le cas des productions OGM à des fins purement alimentaires et fait part de son scepticisme à leur égard tant que le consommateur n'y retrouvait pas son intérêt dans l'assiette. En revanche, il a jugé qu'on aurait tort d'ignorer que les deux tiers de la planète ne mangeaient pas à leur faim et que certains OGM susceptibles de contribuer à la résolution de ce problème (riz enrichi en vitamine A, cultures résistantes au stress hydrique...) ne pouvaient être écartés, déplorant que la Zambie ait refusé en 2002 l'aide alimentaire américaine consistant en du maïs OGM.

Il a fait part de deux de ses questionnements : relevant que la culture biologique occupait peu de surfaces agricoles mais avait une importance psychologique considérable, il s'est interrogé sur la manière de préserver son existence ; constatant par ailleurs le développement croissant d'expériences génétiques sur les animaux, il a estimé que ce développement pouvait très justement inquiéter l'opinion en raison de la parenté entre les espèces animale et humaine.

Pour conclure, il a remercié M. Bernard Chevassus-au-Louis des pistes intéressantes qu'il avait tracées, soulignant, à l'instar de son collègue M. Jean Bizet, le très grand danger économique pour l'Europe de se priver de recherches dans le domaine des biotechnologies mais aussi la nécessité de construire des barrières à l'utilisation des OGM.

M. Hilaire Flandre a exprimé sa reconnaissance à l'égard de M. Bernard Chevassus-au-Louis pour la définition précise des OGM qu'il avait exposée. Il a souligné le paradoxe qu'il y avait à être préoccupé par les mutations opérées par la main de l'homme et à ne pas se soucier des mutations génétiques intervenant spontanément dans la nature (sélection conventionnelle, hybridation, greffe...).

M. Jean Boyer, revenant sur la frayeur que ressentaient les consommateurs à l'égard des OGM, a jugé que cette frayeur tenait sans doute à un défaut d'explications et à un silence perçu comme gênant voire suspect. Il a ensuite souhaité savoir si la poursuite de la recherche en matière d'OGM ne risquait pas de fragiliser les plantes, comme la rose s'était trouvée fragilisée par diverses recherches.

M. Bernard Barraux a relevé la très grande clarté de l'exposé de M. Bernard Chevassus-au-Louis. Il a suggéré qu'une prestation télévisuelle de l'orateur pourrait être à même d'apporter au public la « rassurance » attendue.

En réponse, M. Bernard Chevassus-au-Louis a précisé qu'il avait participé à 80 réunions publiques relatives aux OGM en deux ans, ce qui lui avait permis de toucher un public d'environ 4.000 personnes, ce qui était évidemment sans commune mesure avec la télévision, mais il a fait part de la très grande difficulté qu'il y avait à exposer une position nuancée par le biais des médias audiovisuels. Il a en outre déploré que les semenciers n'aient communiqué qu'envers leurs clients agriculteurs et pas à l'égard des citoyens.

Concernant l'agriculture biologique, il a confirmé qu'il était effectivement nécessaire de trouver un compromis raisonnable avec le « bio », lequel représentait une des valeurs de « rassurance », mais que chacun devait y mettre du sien. Il a rappelé, à cet égard, que l'agriculture biologique avait une obligation de moyens et non pas de résultats. Dans le domaine des OGM, il a envisagé que l'agriculture biologique puisse s'engager à ne pas utiliser de semences OGM, ce qui commandait de lui offrir des filières certifiées, mais il a estimé qu'en revanche les pollutions génétiques provenant des cultures voisines ne pouvaient être absolument évitées. Il en a conclu qu'il était nécessaire de faire la part entre ce que l'Etat, comme représentant des citoyens, acceptait de garantir, à savoir les droits d'exercice du métier d'agriculteur biologique, et ce que ces agriculteurs biologiques choisissaient de s'imposer comme contraintes supplémentaires. A cet égard, il a estimé que l'Etat ne pouvait pas garantir le zéro absolu et qu'il revenait aux agriculteurs biologiques de supporter une présence fortuite marginale d'OGM comme ils le font pour d'autres résidus.

Concernant les recherches génétiques sur les animaux, il a appelé à une décision politique en ce domaine. Evoquant la décision prise par une juridiction américaine interdisant ce type de recherches sur les « espèces supérieures », il a considéré qu'une telle décision, même si elle n'avait aucun sens biologique, avait une portée politique susceptible de pacifier le débat.

S'agissant de la fragilisation des plantes, il a estimé que ce risque n'était pas inexistant avec les produits d'aujourd'hui mais qu'il convenait de rechercher des variétés adaptées et solides. Après avoir admis que les OGM de première génération dans le Sud de la France n'étaient en effet pas notoirement intéressants pour les agriculteurs, il a considéré que, sur le long terme, l'écart ne manquerait pas de se creuser et que les variétés n'ayant pas usé de ces technologies seraient certainement dépassées.

Abordant le sujet de l'innovation variétale et de son financement privé ou public, il a rappelé que l'innovation variétale aux Etats-Unis comme en Europe était pendant longtemps ressortie exclusivement à la sphère publique. Il a considéré important que l'innovation publique demeure et que revienne au privé ce qu'il savait faire mieux et moins cher.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information sur les OGM, a insisté sur le fait que, au-delà des OGM, la génomique en elle-même était fondamentale. Notant que les OGM étaient susceptibles de n'être qu'un épisode transitoire, il a imaginé que la sélection variétale pourrait s'opérer demain selon un mode très différent d'aujourd'hui par le biais de la génomique.

M. Bernard Chevassus-au-Louis a même affirmé que la génomique était peut-être le meilleur moyen d'éviter les OGM. Rappelant que l'hybridation pouvait déstabiliser le génome et en faire ressortir un virus caché, il a insisté sur l'importance de la génomique de demain, laquelle permettrait de savoir précisément ce que l'on faisait en inventant des variétés, y compris par des méthodes traditionnelles.

M. Gérard Larcher, président, a relevé que ce riche débat apportait la preuve que les OGM représentaient un enjeu de société tout autant qu'un enjeu scientifique.

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Pierre Pagesse, président de Limagrain et de Biogemma .

M. Pierre Pagesse a insisté, en préambule, sur l'enjeu fondamental que représentait l'innovation, facteur de progrès et donc de croissance et de gains économiques. Il a estimé qu'à l'avenir l'agriculture française dépendrait de deux facteurs, la réglementation internationale et l'innovation. Il a rappelé que Limagrain, quatrième groupe semencier mondial, était le premier semencier indépendant, les trois premiers dépendant tous de l'agro-chimie. Il a précisé que les accords de Marrakech de 1994 avaient ouvert la voie à une concentration sans précédent dans le secteur, évolution profondément liée à la question de la brevetabilité du vivant. Il a jugé que cette concentration menaçait à terme l'indépendance de la France et de l'Europe, dans la mesure où l'indépendance politique ne se concevait pas sans indépendance alimentaire. Il a déclaré partager avec l'ensemble des syndicats agricoles la conviction que cette concentration était menaçante, concluant cependant que deux réactions étaient possibles : soit tourner le dos à l'évolution, soit faire face et devenir acteur de cette innovation, voie dans laquelle s'était engagée Limagrain depuis 1994. Il a indiqué que Biogemma, parfois appelée « le laboratoire des paysans », était bien la propriété des agriculteurs. Il a estimé que les groupes pharmaciens et agrochimistes avaient souhaité s'étendre dans le domaine des semences parce qu'ils prévoyaient qu'elles seraient demain le vecteur des sciences de la vie. Il a rappelé que le métier de semencier sous-tendait l'évolution de la production agricole et que l'augmentation de sa productivité avait permis de répondre globalement aux besoins nés de l'augmentation de la population mondiale. Il a souligné que la transgénèse ne représentait qu'un aspect des biotechnologies, citant en exemple Biogemma qui, après avoir démarré ses travaux sur la transgénèse, s'attachait désormais de façon croissante à l'ensemble des sciences et outils liés à la génomique.

Il a indiqué que le recours au coton Bt et au maïs Bt permettait l'économie, aux Etats-Unis, de 260.000 tonnes d'insecticides. Il a également cité une étude européenne concluant que les OGM ne menaçaient pas plus la biodiversité que la sélection conventionnelle. Il a ajouté enfin que le processus d'homologation des OGM permettait de diminuer très fortement les risques théoriques, ce dont M. Bruno Rebelle, directeur de Greenpeace, avait convenu en février 2002 en reconnaissant que les OGM homologués ne présentaient de danger ni pour la santé ni pour l'environnement. Il en a conclu que, dans ces conditions, le débat n'était pas d'ordre scientifique mais d'ordre politique.

Rappelant que l'écart d'investissement dans ce domaine était de un à deux entre l'Europe et les Etats-Unis et de un à dix entre la France et les Etats-Unis, il a estimé que la question était posée de savoir si la France et l'Europe pourraient rester dans la course à l'innovation. Il a jugé que le principe de précaution ne devait pas être un principe d'inaction et qu'il n'était ni le droit de faire sans savoir, ni celui d'interdire par ignorance. Il a estimé que la France et l'Europe n'avaient pas le droit de rester à l'écart de technologies qui auraient à l'avenir un rôle incontournable dans les économies nationales. Il a souligné que cela expliquait l'engagement de Limagrain dans ce domaine, au-delà du périmètre de l'entreprise, l'enjeu étant l'indépendance des agriculteurs de l'agro-alimentaire, et, in fine, du consommateur, et celle du pays tout entier. Il a précisé que cet engagement s'était traduit par la constitution de Biogemma puis par une participation active dans Génoplante avec le choix délibéré de s'appuyer sur la recherche publique pour que la France dispose d'une masse critique suffisante dans un contexte de compétition scientifique internationale. Il a émis le souhait que des moyens financiers soient redéployés vers ce domaine des sciences de la vie pour les raisons citées ci-dessus. Il a indiqué que Biogemma menait actuellement au total 17 essais d'OGM, quand Monsanto en menait plus de 600 sur une seule thématique, tout en précisant que les équipes scientifiques attachées à ces programmes étaient de niveau international.

Abordant la question des brevets, il a estimé que ceux-ci comportaient des aspects positifs et négatifs, la pratique américaine aboutissant à un détournement du droit des brevets, puisque, normalement, le brevet était une description qui permettait, pour les hommes de l'art, une reproduction à l'identique, ce qui n'était pas le cas en matière végétale. Il a souhaité que « l'exception du sélectionneur », qui avait cours dans le cadre de la convention UPOV, puisse être reconnue plus largement au niveau international. Il a jugé que l'action que menait l'Europe sur la défense de ses appellations d'origine contrôlée (AOC) était importante, mais ne devait pas faire oublier le caractère prioritaire du dossier des biotechnologies.

M. Gérard Larcher, président, a considéré que les enjeux évoqués par M. Pierre Pagesse étaient absolument fondamentaux.

M. Jean Bizet a tenu à saluer l'engagement de Limagrain dans ce dossier. Il a estimé que les biotechnologies pourraient être une solution à l'augmentation des besoins due à la démographie. Il a enfin déploré les destructions de plants OGM et rappelé la demande de la société Méristem thérapeutics que soit mis en place un véritable principe de protection des cultures autorisées conformément aux procédures réglementaires.

M. Jean-Marc Pastor a souhaité savoir si, d'une part, M. Pierre Pagesse pensait que pouvaient coexister une agriculture OGM et une agriculture sans OGM, et si d'autre part Génoplante pourrait durer à l'avenir.

M. Dominique Braye a souhaité obtenir des précisions sur la stratégie des agrochimistes dans leur rachat de semenciers.

M. Pierre Pagesse a estimé, en réponse à M. Jean-Marc Pastor, que la cohabitation de différents types d'agriculture était possible, à condition de sortir des dogmes. Il a rappelé qu'il avait lui-même été très partisan de l'étiquetage dès lors qu'un seuil de présence fortuite réaliste serait retenu, comme celui pratiqué par les produits de l'agriculture biologique, le label bio demandant 95 % de produits Bio, ce qui sous-tendait un seuil de tolérance de 5 %. Il s'est déclaré persuadé que l'étiquetage et la liberté de choix du consommateur étaient indispensables à l'acceptation des OGM. Il a rappelé que le Japon avait choisi un seuil de présence fortuite de 5 %, et la Suisse un seuil de 3 % et de 1 % dans le cas spécifique des produits bio. Il a insisté sur le fait que dans le cadre des règlements européens, rien n'obligeait les produits bio à imposer un seuil de « 0 % d'OGM ». Il a rappelé, par ailleurs, que dans la nature, la pureté absolue n'existait pas. Il en a conclu à la nécessité d'un seuil raisonnable économiquement et techniquement réaliste, estimant que 1 % était déjà un niveau très exigeant. Il a fait valoir qu'adopter un seuil inférieur, conduirait à réduire le choix des consommateurs car, soit tout serait étiqueté « contient des OGM », soit la culture des variétés OGM en Europe serait impossible. Répondant à la seconde question de M. Jean-Marc Pastor, il a émis l'espoir que Génoplante puisse subsister, tout en exprimant sa préoccupation de voir Bayer se retirer du GIS. Il s'est interrogé sur l'éventualité d'obtenir pour Génoplante une ligne de crédit de l'ADAR (Agence du développement agricole et rural) à l'image de ce qui se faisait en Australie. Il a précisé que si Génoplante devait s'arrêter, les droits de propriété intellectuelle issus de Génoplante reviendraient aux agriculteurs à travers leurs filières, ce qui pourrait fonder la légitimité du soutien financier de la nouvelle Agence.

Répondant à l'interrogation de M. Dominique Braye, il a estimé que les agro-chimistes, s'étant sentis menacés dans le domaine des herbicides et des fongicides, avaient souhaité acquérir les semenciers pour conserver une perspective d'avenir. Il a ajouté que l'apport des biotechnologies à la protection des plantes serait sans doute essentiel, en particulier dans le domaine de la lutte contre les virus. Il a rappelé, pour le déplorer, que l'essentiel de la recherche biotechnologique dans le domaine de la vigne était menée en Californie ou en Australie.

M. Gérard Larcher, président, après avoir rappelé l'importance de ce sujet, a estimé qu'une décision de nature politique était tout à fait indispensable en la matière et s'est félicité que la commission ait prochainement l'occasion d'exprimer une position politique sur le sujet à l'occasion de la présentation, puis de l'adoption, du rapport de sa mission d'information sur les organismes génétiquement modifiés.

Réunion de la Commission des Affaires économiques du mercredi 30 avril 2003

La commission a examiné les orientations du rapport de la mission d'information sur les organismes génétiquement modifiés.

M. Gérard Larcher, président, a indiqué qu'en accord avec MM. Jean Bizet et Jean-Marc Pastor, respectivement président et rapporteur de la mission d'information sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), et suite à une demande du Président du Sénat, la commission procéderait à l'examen du rapport en deux temps. Après l'examen des orientations du rapport, le résumé de ces orientations serait adressé aux différents groupes politiques puis un second examen, le 14 mai, permettrait d'analyser les contributions apportées en réponse et de procéder au vote définitif sur le rapport.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a d'abord tenu à faire part de sa très grande satisfaction à l'issue du travail effectué : il s'est ainsi réjoui qu'une approche politique transversale du sujet ait permis de l'aborder avec raison plutôt qu'émotion et a tenu à en féliciter les membres de la mission. Il a précisé que l'objectif du rapport élaboré par la mission d'information était à la fois de mieux faire connaître les OGM, de mieux appréhender la transposition annoncée de deux directives communautaires (2001/18/CE et 98/44/CE), d'envisager une loi fondatrice sur les biotechnologies et, surtout, de donner moyen à l'agriculture d'être durable et compétitive, d'ouvrir des perspectives prometteuses pour l'industrie en général, et notamment l'industrie pharmaceutique et l'industrie agroalimentaire. A cet égard, il a souligné que le premier maillon de transformation serait le champ, devenu un « espace social », comme l'avaient déjà analysé les quatre sages ayant organisé le débat de février 2002 au Conseil économique et social. Il a exprimé l'espoir que le rapport permette de répondre à l'inquiétude des concitoyens et illustre la culture d'avenir qui est traditionnellement celle du Sénat.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission, a indiqué que le travail mené pendant 16 mois avait permis aux membres de la mission de disposer désormais d'une large vision du dossier des OGM. Il a émis le souhait que cela contribue à inscrire à l'avenir le débat public dans un cadre plus serein. Il a indiqué que l'horizon du dossier était, à court terme, la levée du moratoire européen sur les OGM et, à moyen terme, l'adoption d'une loi fondatrice sur les biotechnologies. Il a insisté fortement sur le fait que, les biotechnologies pouvant déboucher sur des applications concrètes à l'homme, une grande prudence s'imposait. Il a ensuite souligné le fait que beaucoup de gens ne parvenaient pas à bien comprendre ce qu'étaient les OGM, ce qui rendait nécessaire une définition accessible sans termes trop techniques. Comparant le code génétique au langage, il a estimé qu'on pouvait voir les individus comme des livres dont les chromosomes seraient des chapitres, et les gènes des mots. La modification génétique pourrait se comparer au fait de prendre un mot et de l'intégrer ailleurs dans le texte du livre. Il a rappelé que la sélection variétale était presque aussi ancienne que la maîtrise par l'homme de l'agriculture. Il a estimé que l'étape de la génomique, qui avait été franchie récemment, permettait d'accélérer considérablement le travail de sélection et constituait par conséquent un pas important pour la science. Il s'est demandé si la biotechnologie ne pouvait en fin de compte se résumer à cette combinaison entre l'observation variétale et la génomique, loin de toute alchimie. Il a rappelé qu'aujourd'hui, les deux tiers du globe étaient concernés par les OGM ce qui soulevait des enjeux économiques et humains considérables. Il a indiqué que le travail de la mission avait été guidé par quatre lignes de conduite : trouver les moyens pour que la société laisse la possibilité au consommateur du libre choix des produits qu'il consommait, ce qui impliquait étiquetage et traçabilité ; protéger certaines valeurs typiquement françaises, telles que la diversité des types d'agriculture (OGM, conventionnelle, fermière, et bio) ; reconnaître le caractère indispensable de la transparence dans le contrôle des OGM, les responsables scientifiques et politiques ayant été par le passé trop déconnectés de la population ; redéfinir le sens de la recherche et l'encourager.

Abordant la question de la méfiance de la population européenne envers les OGM, il a redouté que le blocage psychologique actuel ne perdure jusqu'à un point où la totalité du secteur serait sous contrôle de l'industrie américaine, à l'image de ce qui s'était passé il y a trente ans avec le maïs hybride. Il a dressé le constat de l'absence de danger sanitaire à court terme, insistant sur la puissance du processus digestif qui protégeait l'homme. Il a rappelé que c'était dans un contexte de nombreux scandales sanitaires que les OGM avaient pris leur essor dans les années 1990. Il a estimé que la coexistence des différentes filières agricoles était possible, comme le prouvait l'exemple du maïs-semence. Il a indiqué enfin que la question de la traçabilité, apparue dans le cadre de la crise de la vache folle, dépassait le seul dossier des OGM.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, s'est alors attelé à présenter les orientations de la deuxième partie du rapport, relative aux enjeux des OGM. Il a expliqué qu'après avoir tenté d'analyser les raisons des interrogations de nos concitoyens, la mission d'information avait cherché à fournir des éléments permettant au débat de sortir de l'impasse, estimant en effet que l'emprise croissante des OGM dans le monde devait amener à éclairer la position européenne. S'il a reconnu que cette position s'expliquait par des raisons diverses et souvent valables, il a considéré qu'elle gagnait à être resituée dans un contexte mondial plus large et indiqué que cela amenait nécessairement à s'interroger sur l'opportunité, pour l'Europe, de persévérer dans le refus a priori des OGM.

Il a alors analysé la diffusion croissante des OGM, à la fois en termes de diversification des usages et en termes d'extension géographique. Il a relevé que, d'ores et déjà, les applications effectives des OGM se caractérisaient par une très grande diversité. Sans spéculer sur ce qu'elles pourraient être, il a cité quelques exemples de réalisations concrètes et existantes de la transgénèse : en matière pharmaceutique, il a précisé qu'un médicament sur six était déjà issu du génie génétique et que 60 % des nouveaux médicaments étaient liés aux biotechnologies, du fait du moindre coût de ces techniques et de la plus grande sécurité qu'elles apportaient ; en matière agroalimentaire, il a fait observer que 70 % des fromages étaient fabriqués grâce à une enzyme recombinante, produite par une levure et remplaçant déjà la présure (susceptible d'être contaminée par la maladie de la « vache folle ») ; il a également évoqué la production industrielle de carburants, plastiques ou fibres textiles par transgénèse, autant de produits présentant l'avantage d'être biodégradables, ainsi que la dépollution des sols par des plantes transgéniques, rendues capables d'absorber les matières polluantes selon un procédé économique et écologique appelé « phytoremédiation » ; enfin, en matière agricole, il a rappelé que les plantes transgéniques étaient utilisées par certains agriculteurs en raison de leur tolérance aux herbicides ou de leur résistance aux ravageurs ou aux virus. Il a conclu de cette grande diversité des usages des OGM qu'elle invitait à ne pas focaliser le débat sur les produits alimentaires issus d'OGM.

Présentant ensuite l'extension rapide des zones cultivées en OGM de par le monde, sauf en Europe, il a indiqué qu'en 2002, la surface mondiale totale de cultures transgéniques avait atteint 58,7 millions d'hectares -12 % de plus qu'en 2001- et qu'elle s'étendait dans seize pays du monde. Il a précisé qu'une telle superficie représentait plus du double de la surface agricole utile française et relevé que, pour le soja, la culture OGM était désormais majoritaire à l'échelle mondiale. Rappelant qu'en ce domaine, les Etats-Unis faisaient figure de précurseur, il a noté qu'ils cultivaient aujourd'hui les deux tiers des surfaces OGM mondiales et que les trois quarts de leurs cultures de soja et de coton étaient OGM. Il a ensuite évoqué les deuxième et troisième cultivateurs mondiaux d'OGM, à savoir l'Argentine et le Canada, et fait observer que de nouveaux convertis suivaient le mouvement, notamment dans les pays en développement : la Chine indubitablement (déjà productrice de coton majoritairement OGM), mais aussi l'Inde, l'Afrique du Sud et australe...

S'agissant de l'Europe, M. Jean Bizet a remarqué qu'elle entretenait son décalage par rapport à ce mouvement mondial, ses cultures OGM -concentrées en Espagne- ne représentant que 12.000 hectares en 2001, et le moratoire sur les autorisations d'OGM décidé en 1999 se poursuivant encore en 2003.

Il a estimé que cette diffusion mondiale attestait sans doute de l'intérêt que trouvaient certains agriculteurs de divers pays à la culture transgénique. Il a alors suggéré que les agriculteurs européens pourraient, eux aussi, s'interroger sur les éventuels bénéfices des techniques OGM, dans des conditions agronomiques évidemment différentes, et que cela devrait peut-être davantage inciter à une approche plus pragmatique des OGM. Il a jugé que c'était de ces questions que la mission d'information invitait à débattre sans tabou.

Il a ensuite posé la question suivante : face à cette lame de fond à l'échelle mondiale, l'Europe peut-elle se satisfaire d'un refus a priori des OGM ? Il a jugé nécessaire de se pencher en effet sur les enjeux et les conséquences de l'attitude européenne, et en a identifié trois principaux, d'ordre agricole, commercial et stratégique.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a déclaré que les OGM représentaient certainement un enjeu pour l'agriculture de demain : il a estimé que, vue la dépendance agricole en protéines végétales dans laquelle l'Europe était actuellement maintenue, il lui paraissait difficile de maintenir durablement un approvisionnement de masse non-OGM alors que l'Europe importait 75 % des protéagineux qu'elle consommait. Il s'est interrogé sur le fait de savoir s'il n'y avait pas une forme d'hypocrisie à persévérer dans le refus des OGM à l'intérieur, tout en étant contraints aujourd'hui d'importer massivement des OGM pour l'alimentation animale... En outre, il s'est demandé si l'on pouvait laisser en friche un champ de progrès agricoles et si, afin d'améliorer l'agriculture européenne, les sciences du vivant ne représentaient pas tout simplement un outil supplémentaire et puissant, notamment au service de la création variétale, s'inscrivant à ce titre dans une tradition dont notre agriculture était en droit de s'enorgueillir. Il a estimé que l'agriculture devait rester au coeur des mutations en cours si elle voulait maîtriser son destin. Ce point lui a paru d'autant plus important que, d'ores et déjà, l'agriculteur européen était fort dépendant des semenciers, le recours aux semences de ferme n'étant plus que marginal. Enfin, il s'est demandé s'il fallait se priver d'un outil potentiel de développement durable, une agriculture enrichie des connaissances en biotechnologie végétale pouvant s'avérer moins polluante et moins consommatrice en ressources rares tout en améliorant l'efficacité productive. A cet égard, il a douté que, face aux besoins alimentaires mondiaux, l'outil représenté par les OGM dusse être écarté a priori, alors qu'il pourrait être un instrument parmi d'autres permettant aux pays en développement de concilier les augmentations de leur rendement agricole et l'utilisation durable des ressources naturelles.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a ensuite présenté l'enjeu commercial que les OGM représentaient et quel était le prix du refus européen des OGM.

Il a rappelé que, sur la base de leur prépondérance dans la production agricole d'OGM, les Etats-Unis prônaient l'application des règles communes de libre-échange au commerce international des OGM. En outre, il a précisé que, puisque les Etats-Unis n'avaient pas ratifié la Convention de Rio (1992) sur la diversité biologique, ils n'étaient pas liés par le Protocole de Carthagène sur la diversité biologique (2000), que la France venait de ratifier et qui établissait des procédures spécifiques concernant les échanges internationaux de produits OGM.

Il a appelé l'attention de ses collègues sur la consistance toute relative, à l'échelle internationale, du principe de précaution, fondement juridique invoqué pour justifier l'attitude européenne à l'égard des OGM : en droit communautaire, a-t-il précisé, sa valeur juridique est déjà incertaine (l'article 174 du traité CE ne portant que sur l'environnement) et le principe est rendu peu opérationnel par une lacune importante, à savoir l'absence de texte juridique précisant le processus d'application du principe de précaution ; il a également indiqué que l'indigence, en droit international, du principe de précaution, seulement envisagé tacitement par les accords de l'OMC, rendait incertaine l'issue d'une éventuelle plainte devant cette organisation.

Or, a-t-il indiqué, c'est à 4 milliards de dollars que les Etats-Unis évaluent le préjudice annuel de l'attitude européenne exigeant étiquetage et traçabilité. Il a en outre appelé à ne pas négliger non plus la possibilité que l'Union européenne se trouve accusée par un pays autre que les Etats-Unis d'enfreindre les règles de l'OMC.

Enfin, M. Jean Bizet a considéré que les OGM représentaient un enjeu stratégique pour une économie de la connaissance. Après avoir rappelé qu'avec les technologies de l'information, les sciences du vivant constituaient assurément un levier majeur pour atteindre l'objectif stratégique que l'Union européenne s'était vu assigner lors du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 - devenir « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » -, il a jugé que le moratoire européen en vigueur depuis 1999 et les destructions d'essais expérimentaux d'OGM affaiblissaient considérablement la mobilisation des chercheurs européens en biotechnologies et avaient en outre entraîné la délocalisation hors d'Europe des essais en plein champ et des investissements stratégiques. Il a indiqué que la Commission européenne estimait à 250.000 le nombre d'emplois de recherche perdus de ce fait depuis dix ans.

S'il a reconnu que l'Union européenne affichait sa volonté de promouvoir la recherche en biotechnologies -lors du Conseil européen de Stockholm en mars 2001 et via la stratégie pour les biotechnologies publiée par la Commission européenne en janvier 2002-, il a considéré insuffisante la mobilisation humaine et financière en France comme dans de nombreux autres Etats membres, comme l'attestait l'érosion progressive de la position de l'Europe dans les dépôts de brevets en biotechnologies.

Il en a conclu que, si l'Europe ne prenait pas la mesure de l'enjeu biotechnologique, elle s'exposait à de grands risques : dépendance à l'égard des détenteurs étrangers de procédés protégés par la propriété intellectuelle, fuite des cerveaux, appauvrissement de ses capacités de croissance... Citant un rapport prospectif de la Commission européenne sur le commerce mondial au XXIe siècle qui prédisait un recul de l'Europe dans le commerce mondial et une spécialisation plus ou moins contrainte par une dépendance technologique accrue, il a présenté le comblement du fossé technologique croissant entre l'Europe et les Etats-Unis, particulièrement dans le domaine des biotechnologies, comme le pilier géostratégique de la place qu'occuperait l'Europe dans le monde du XXIe siècle.

Il a également souligné que la capacité européenne d'expertise en biotechnologie était en outre un élément de la politique de défense, les progrès du génie génétique pouvant servir à manipuler le génome des agents classiques de la guerre biologique -peste, maladie du charbon...-, et les rendre encore plus dangereux. Il en a déduit qu'il était important de conserver en Europe une capacité de détection et d'expertise en biotechnologies, seule à même de garantir l'indépendance et la sécurité de la zone.

Envisageant l'hypothèse où l'Europe, au regard des enjeux de taille ainsi soulevés, choisissait une attitude active plutôt que passive vis-à-vis du développement des technologies du vivant, M. Jean Bizet, président de la mission d'information, s'est interrogé sur le fait de savoir si l'Europe y perdrait son âme pour autant. La réponse lui a paru négative, puisqu'il a jugé possible d'exploiter les biotechnologies de manière responsable, dans le respect des valeurs et principes fondant l'Union européenne (santé et sécurité des consommateurs, préservation de l'environnement, respect de la liberté de chacun) grâce au socle réglementaire communautaire existant ou en voie de finalisation. Il a alors présenté les trois volets de cette construction réglementaire :

- un régime juridique d'autorisation au cas par cas pour une approche de précaution ; à cet égard, il a rappelé que l'Europe avait fait le choix de n'accorder que des autorisations au cas par cas, en fonction de la caractéristique du gène introduit, et limitées dans le temps. Il a expliqué que ce choix reposait sur la directive 2001/18 relative à la dissémination volontaire d'OGM -en application depuis le 17 octobre dernier- et sur le règlement 178/2002. Il a indiqué que ces textes renforçaient la législation précédente, imposant notamment une évaluation scientifique précommerciale plus approfondie de chaque OGM et une transparence accrue aux différentes étapes de la procédure. Les nouveaux principes communautaires d'évaluation des risques (évaluation plus détaillée des risques, obligation de consulter les comités scientifiques, périodes de première autorisation de dissémination d'OGM limitées à 10 ans) lui ont ainsi paru garantir que les OGM mis sur le marché étaient inoffensifs pour la santé humaine et pour l'environnement. En résumé, il a relevé qu'à la réglementation en bloc de tous les OGM par la directive de 1990, avait été substituée une réglementation plus fine, qui autorisait une approche au cas par cas des produits du génie génétique, cette nouvelle approche seyant mieux à la nature de ces innovations et correspondant à un bon usage du principe de précaution ;

- une liberté de choix pour les consommateurs, élément indispensable, aujourd'hui assurée par un étiquetage et une traçabilité systématique des produits ; après avoir précisé que la directive 2001?18 prévoyait en effet que les Etats membres garantissent l'étiquetage des OGM mis sur le marché en tant que produit, ou même élément de produit, il a indiqué que de nouveaux textes communautaires étaient déjà en cours de discussion, qui instauraient un système communautaire harmonisé de traçabilité des OGM et introduisaient l'étiquetage obligatoire des aliments génétiquement modifiés ou produits à partir d'OGM, à destination humaine comme animale, en cas de présence fortuite d'OGM autorisés supérieure à 0,9 %. Relevant que la finalisation de ces textes n'était plus qu'une question de mois, il a estimé que leur application assurerait le libre choix des consommateurs, expression forte de fidélité aux valeurs fondatrices de l'Union européenne ;

- une liberté de choix pour les opérateurs agricoles, par l'organisation de la coexistence entre les cultures ; il a précisé qu'afin de préserver la viabilité et la diversité de l'agriculture en Europe, et, là encore, sauvegarder le modèle européen, les Etats membres examinaient actuellement les mesures de gestion agricole susceptibles de prévenir au mieux les conséquences économiques et juridiques de la présence fortuite d'OGM dans des produits agricoles issus de cultures non-OGM. Après avoir fait observer qu'une telle présence fortuite était inévitable, du fait d'impuretés dans les semences, de pollinisation croisée, de germination spontanée ou de pratiques de stockage et de transport des récoltes, il a exposé les divers moyens permettant de limiter ces interférences : distances obligatoires de séparation entre parcelles, zones tampon ou pièges à pollen, lutte contre les repousses de précédentes cultures, rotation des cultures ou encore calendriers échelonnés de plantation pour garantir un décalage des périodes de floraison...

M. Jean Bizet a conclu que l'achèvement de ces règles (autorisation au cas par cas, liberté de choix pour le consommateur, comme pour le producteur) permettrait à l'Union européenne de se montrer à la fois ouverte et responsable à l'égard des biotechnologies. Il a enfin déclaré qu'il était temps de restaurer la décision politique.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, a ensuite présenté les onze propositions de la mission, à savoir : lever le moratoire en vigueur depuis quatre ans, au vu des importantes précautions qui étaient désormais prises aux niveaux communautaire et national, et dans la perspective de la mise en place de l'étiquetage et de la traçabilité des produits ; respecter et, au besoin, protéger la recherche, dès lors qu'elle se plie comme de juste au principe de précaution, pour respecter les règles de l'Etat de droit ; encadrer les cultures de plantes génétiquement modifiées (PGM) ; fixer des seuils d'étiquetage de présence d'OGM réalistes ; clarifier la situation en matière d'assurance en distinguant les différents risques éventuellement associés aux OGM ; favoriser la recherche, par un soutien économique aux entreprises, un rétablissement des budgets de recherche publique, un encouragement des partenariats de recherche public/privé, mais aussi un signe politique de soutien moral aux scientifiques ; défendre le certificat d'obtention végétale (COV) comme mode de protection de la propriété intellectuelle des variétés végétales, notamment dans le cadre des négociations commerciales internationales ; réunir la Commission de génie biomoléculaire (CGB) et le Comité de biovigilance, et créer une instance symétrique à l'instance de contrôle et d'évaluation scientifique, qui permette la pleine expression de la société civile ; soutenir la mise en place d'une biovigilance dans tous les pays du monde, et notamment dans ceux en voie de développement, dans le cadre d'une agence mondiale de l'environnement (AME) ; rendre effective l'information des élus locaux, notamment par l'élaboration de plans d'occupation des champs (POC) ; adopter une loi fondatrice sur les biotechnologies, qui pose notamment les limites éthiques au développement de ces technologies.

Après avoir fait part de sa complète adhésion aux propos du rapporteur, M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a souhaité apporter quelques précisions sur les propositions exposées.

Concernant la onzième proposition, il a confirmé que les applications animales des biotechnologies soulevaient assurément de grandes questions éthiques mais que leurs enjeux ne pouvaient être ignorés. A titre illustratif, il a cité l'exemple du porc génétiquement modifié dont la croissance se trouve accélérée et la quantité de phosphore dans le lisier réduite. Se référant à l'audition du professeur Thibier, directeur général de l'enseignement et de la recherche au ministère de l'agriculture, il a indiqué que les interrogations fortes actuellement soulevées par l'application végétale des biotechnologies annonçaient sans doute des interrogations plus fortes encore lors des développements prévisibles en biotechnologie animale.

Concernant la septième proposition, relative à la propriété du vivant, M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a tenu à souligner que l'Europe avait choisi comme postulat de base de ne pas breveter les espèces végétales et animales. Il a jugé qu'il convenait de développer une approche complémentaire entre le brevet, instrument de protection de la propriété intellectuelle ayant déjà largement fait ses preuves, et le certificat d'obtention végétale (COV), sans doute mieux adapté au domaine du vivant et garantissant une plus grande facilité d'utilisation des progrès scientifiques antérieurs, grâce au principe d'exception du sélectionneur.

M. Gérard Larcher, président, a exprimé sa préoccupation qu'une sorte « d'arme » végétale se trouve concentrée dans les mains d'une seule puissance. Il a estimé qu'alors que la France s'engageait par trop dans une attitude de frilosité face aux nouvelles avancées de la science et de la technologie, les propositions raisonnables de la mission d'information étaient bienvenues. Quant à la proposition de création d'une AME, il s'est demandé si les agences de l'ONU déjà existantes, et notamment la FAO, ne pourraient déjà fournir un cadre à ce projet. Il s'est par ailleurs interrogé sur les instances compétentes pour l'établissement du POC et son domaine d'intervention, redoutant que le POC soit difficile à gérer s'il dépassait le cadre des seuls OGM.

M. Marcel Deneux, estimant que le dossier des OGM posait un vrai problème de pédagogie, a émis le souhait que le rapport puisse constituer un outil d'information du grand public, en étant largement diffusé, par exemple sur support de CD-ROM. Il a enfin insisté sur l'importance de la partie animale du dossier.

M. Gérard César, abondant dans le sens de M. Jean Bizet quant à la dépendance européenne en protéagineux, a rappelé les propositions du rapport sénatorial sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC) sur ce point. Il a également souhaité savoir si la France serait en mesure d'appliquer le seuil d'étiquetage de 0,9 % de présence d'OGM, et quelle était, de ce point de vue, la situation des pays candidats en voie de rejoindre l'Union européenne. Il s'est interrogé pour savoir si la séparation des instances consultatives entre scientifiques et non-scientifiques n'était pas contre-productive.

Répondant à M. Marcel Deneux sur la question de la diffusion du rapport, M. Gérard Larcher, président, a indiqué que celle-ci se ferait selon une stratégie correspondant à ce qu'avait souhaité le Bureau de la commission, pour laquelle seraient demandés des crédits spécifiques et qui permettrait notamment d'engager le débat avec la société en allant à la rencontre de grands titres de la presse quotidienne régionale. Il a rappelé que le rapport serait disponible sur le site Internet du Sénat, estimant qu'il conviendrait d'envisager la diffusion par CD-ROM à l'issue des débats organisés avec la presse.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, a insisté sur le fait que le principal attrait des OGM n'était pas de produire plus de protéagineux, sans quoi le même résultat pourrait être atteint en renégociant les accords agricoles à l'OMC, M. Gérard César rappelant à ce titre que le rapport sur l'avenir de la PAC proposait précisément une telle renégociation. En réponse à l'interrogation de M. Gérard César sur la séparation entre une instance consultative scientifique et un représentant la société civile, il a indiqué qu'il était ressorti des auditions de la mission que cette séparation constituait une réelle demande des acteurs non-scientifiques du dossier. En réponse à M. Gérard César, M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a fait part de sa propre expérience au sein de la commission du génie biomoléculaire (CGB). Pour l'avoir vécue de l'intérieur, il a confirmé qu'une telle commission débattait à un niveau d'expertise scientifique tel que le profane se trouvait vite dépassé. Il a d'ailleurs indiqué que le président de la CGB lui-même s'était dit favorable à la constitution d'une enceinte symétrique représentant la société civile, susceptible de permettre la tenue d'un autre type de débat. Il a enfin précisé que ces deux enceintes exprimeraient des avis et que la décision resterait entre les mains du Gouvernement.

M. Hilaire Flandre, après avoir estimé que les propositions 8 et 9 étaient liées, a fait part de sa préoccupation devant la volonté exprimée par le Président de la République de rattacher le principe de précaution à la Constitution, craignant qu'une telle évolution n'aboutisse, dans le contexte actuel d'inquiétude de l'opinion publique, à entraver toute recherche.

Mme Odette Terrade, après avoir estimé que la diffusion du rapport et le débat qui s'ensuivrait constitueraient des moments très importants pour ce dossier, a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen approuvait, à ce stade, les orientations du rapport.

M. Bernard Piras a émis le souhait que le rapport puisse contribuer à relancer la recherche, afin de maintenir le rang de la France et de l'Europe dans le monde.

M. Jean Boyer a rappelé que le dossier rapprochait trois parties prenantes, les consommateurs, dont on pouvait comprendre les préoccupations, les producteurs et les pouvoirs publics.

M. Gérard Larcher, président, a indiqué qu'une question orale avec débat sur les OGM se tiendrait en séance publique le 19 juin. Réagissant au propos de M. Jean Boyer, il s'est demandé si tous les producteurs étaient demandeurs des OGM.

En réponse à M. Gérard Larcher, président, M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a indiqué que l'attente des producteurs à l'égard des OGM serait certainement corrélée au gain potentiel qu'ils pourraient en dégager. A titre illustratif, il a rappelé que l'économie d'intrants était estimée à 14 dollars par hectare aux Etats-Unis, en moyenne. Il a estimé qu'en France il était possible que de grands producteurs céréaliers d'Ile-de-France tirent un bénéfice certain du recours aux OGM, mais, qu'en revanche, le gain était beaucoup plus incertain dans des régions de polycultures cultivées sur des parcelles de petite taille. Il a une nouvelle fois insisté sur la nécessité de respecter les différents types d'agriculture, ce qui s'imposait comme une spécificité française, et préconisé l'élaboration de cahiers des charges précis permettant de fonder ce respect mutuel.

M. Gérard Larcher, président, s'est félicité que la commission soit éclairée par le rapport de sa mission, sur un sujet très complexe, mais également très politique. Il a rappelé que la commission procéderait le 14 mai au vote définitif sur le rapport, après avoir entendu ceux de ses membres qui souhaiteraient relayer la position de leur groupe politique, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, indiquant que chaque groupe politique était invité à fournir une contribution écrite, qui serait annexée au rapport.

Réunion de la Commission des Affaires économiques du mercredi 14 mai 2003

La commission a tout d'abord entendu la présentation par MM. Jean Bizet et Jean-Marc Pastor, président et rapporteur de la mission d'information sur les OGM, de la version définitive du rapport d'information de la mission.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur, a rappelé en préambule, qu'à l'initiative du président du Sénat, une contribution écrite avait été demandée à chaque groupe politique.

Il a insisté sur la question de la levée du moratoire, en rappelant que celui-ci avait été adopté en 1999 pour permettre la mise en oeuvre de la traçabilité et de l'étiquetage des produits contenant des OGM, objectif atteint depuis l'adoption de la directive européenne 2001/18, entrée en vigueur le 17 octobre 2002. Il a estimé que l'Europe s'était conformée aux exigences du moratoire ce qui permettait désormais de le lever, tout en développant de nouvelles mesures d'encadrement plus précises et mieux adaptées.

Il a rappelé que la proposition de levée du moratoire était assortie de dix autres propositions, précisant que le rapport visait à la fois à ouvrir les portes et fixer les barrières. Il a déploré la coïncidence faisant que l'annonce d'une plainte des Etats-Unis à l'OMC sur le thème du moratoire intervienne au moment même de la publication du rapport de la mission, alors que celui-ci était le fruit d'un travail de plus d'un an.

Il a rappelé le contexte de très fort développement des biotechnologies dans le monde, par exemple en Chine, et a estimé que cela rendait d'autant plus indispensable de dynamiser la recherche en Europe, une des propositions du rapport étant de favoriser la recherche publique et de permettre la collaboration entre recherche publique et recherche privée. Evoquant la proposition tendant à la mise en place d'une Agence mondiale de l'environnement (AME), il a estimé que de telles mesures étaient de nature à garantir que les biotechnologies ne seraient pas la possession de quelques intérêts économiques ou de quelques rares pays. Il a fait part de sa conviction que le domaine du vivant constituait un patrimoine de l'humanité, ce qui justifiait que les élus de la nation se prononcent dans ce domaine, afin notamment de définir des règles d'éthique en la matière. Il en a conclu à l'urgence d'une loi fondatrice sur les biotechnologies. Il a rappelé enfin la nécessité de garantir le respect de toutes les formes d'agriculture, conventionnelles, biologiques, ou même « fermières » selon son expression.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a souligné lui aussi, les liens entre le dossier des OGM et celui de l'OMC sur lequel il anime un groupe de travail au sein de la commission. Il s'est réjoui de la double avancée que constituait ce rapport, en ce qu'il réaffirmait le primat du politique sur la question des OGM et dessinait un « consensus d'étape », permettant de dépasser les divisions politiques pour retrouver collectivement le sens originel du principe de précaution, principe de saine prudence. Estimant que la question de la brevetabilité du vivant préoccupait souvent nos concitoyens, il a souhaité réaffirmer avec force que l'Europe ne reconnaissait absolument pas le brevetage des espèces animales et végétales. Il a indiqué que n'était brevetable que le couple gène-fonction. Il a estimé que la conception très large du brevet, qui avait pu prévaloir dans les années 1980-1990 était progressivement remise en cause, même aux Etats-Unis. Il a exprimé sa conviction que le Certificat d'obtention végétale (COV), outil précieux de protection de la propriété intellectuelle, était complémentaire et non opposé au brevet. Il a rappelé que le Sénat discuterait de ces questions à l'occasion de la question orale avec débat du 19 juin 2003, ainsi qu'à l'occasion de la transcription en droit français des directives 2001/18 et 98/44 en fin d'année. Il a émis enfin le souhait que le fond du problème puisse être traité dans une loi fondatrice sur les biotechnologies, qui définirait notamment l'encadrement éthique du secteur, les aspects de responsabilité environnementale, l'encouragement à la recherche publique et privée, le tout marquant une reprise en main de ce dossier par le politique. Il s'est dit préoccupé enfin par le retard que l'Europe risquait d'accumuler dans le domaine des biotechnologies comme elle l'avait fait il y a quelques années dans celui des technologies de l'information et de la communication.

M. Gérard César, président, ayant demandé au rapporteur de rappeler les onze propositions de la mission, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission, a précisé que celle-ci visait à protéger la recherche, indispensable dans des domaines où la société avait besoin d'en savoir plus ; à assurer la coexistence de toutes les formes d'agriculture. Il a rappelé à ce titre que l'exemple des cultures de semences montrait que des coexistences de différentes cultures étaient possibles. La proposition suivante était de valider le seuil de présence fortuite d'OGM de 0,9 %, qui était déjà bas. Les propositions suivantes tendaient notamment à clarifier les questions d'assurance, à encourager la recherche, à défendre le COV, à fusionner la commission de génie biomoléculaire (CGB) et le comité de biovigilance et à créer une commission d'évaluation des biotechnologies (CEB) qui donnerait toute sa place à la société civile, M. Jean Bizet, président de la mission, ajoutant que les membres de la société civile au sein de la CGB peinaient à faire valoir leur point de vue dans des débats très techniques.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur, a indiqué que les dernières propositions tendaient à la mise en place de l'AME afin notamment que les pays en voie de développement profitent des avancées technologiques ; à l'information des élus locaux par la mise en place de plans d'occupation des champs, qui répertorieraient les différents types de cultures pour assurer leur cohabitation transparente, à poser des barrières et des règles éthiques dans la loi sur les biotechnologies et enfin à lever le moratoire dans la mesure où son objectif avait été atteint. Il a rappelé à ce titre que cette levée du moratoire ne pouvait être interprétée comme un laisser-faire, dans la mesure où il conviendrait de l'accompagner des dix autres propositions.

M. René Monory a souscrit aux conclusions du rapport quant à l'importance des investissements à consentir en matière de recherche et signalé qu'une exposition consacrée à ce thème était mise en valeur fort à propos au Futuroscope.

Mme Odette Terrade a indiqué que le groupe communiste, républicain et citoyen confirmait son adhésion aux conclusions présentées par le rapporteur, comme il l'avait indiqué lors de l'examen des orientations du rapport. Elle a rappelé l'importance du travail de dix-huit mois fait par la mission. Elle a insisté sur la nécessité de bien faire valoir toutes les propositions et non la seule levée du moratoire.

M. Daniel Raoul a estimé qu'il serait logique que la proposition de levée du moratoire soit présentée en dernière position, dans la mesure où elle s'expliquait par les dix autres propositions. Il a insisté également sur la nécessité de faire oeuvre de pédagogie sur ce dossier, en rappelant notamment l'apport essentiel des OGM dans le domaine médical, que ce soit pour les vaccins ou la production de produits tels que la cortisone et l'hémoglobine par les levures.

M. Jean Pépin, après avoir abondé dans le sens de M. Daniel Raoul quant à la nécessité de faire oeuvre de pédagogie, a estimé que l'accélération du progrès scientifique rendait de plus en plus difficile la définition des objectifs qui lui étaient assignés. Il a émis le souhait que la recherche fondamentale ne soit pas désavantagée par rapport à la recherche appliquée.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, a estimé que le dossier était riche de dimension humaine et politique, ce dont rendait compte la conclusion du rapport. Il a souligné que le débat, loin d'être clos par ce seul rapport, était au contraire encouragé et replacé dans une perspective politique.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, après avoir rappelé que les onze propositions avaient été adoptées à l'unanimité lors de la réunion de la mission d'information, a souligné que, dans la mesure où plusieurs de ses propositions seraient longues à mettre en oeuvre, il convenait de bien préciser que la proposition de levée du moratoire était assortie des autres propositions et non conditionnée par elles.

Mme Marie-France Beaufils a fait valoir la grande inégalité dans le partage des connaissances scientifiques, au sein de la population. Elle a estimé que la formation scientifique des enfants avait été réduite et qu'il convenait de bien expliquer ce qu'étaient les organismes génétiquement modifiés, qui ne se résumaient pas aux plantes génétiquement modifiées (PGM). Abondant dans le sens de MM. Daniel Raoul et Jean Pépin, dans la nécessité de communication et de pédagogie, elle a émis le souhait que la télévision puisse s'intéresser au fond du dossier plutôt qu'à des aspects sensationnels. Elle a suggéré que la commission appuie son travail de communication sur cet axe, M. Gérard César, président, souscrivant à ce propos.

M. Gérard Bailly a souhaité savoir si le développement des OGM ne risquait pas de perturber les filières de production habituelles. Il a également insisté sur la nécessité que le monde politique soit unanime à dénoncer et sanctionner les destructions de recherche en biotechnologies.

M. Hilaire Flandre a estimé que la réconciliation de l'opinion publique avec la science était un préalable aux opérations de communication pouvant être menées sur ce dossier. Quant à la levée du moratoire, il a souhaité, tout comme M. Jean Pépin, rappeler que la proposition du rapport était le fruit d'un travail de plus d'une année, qui ne devait rien à l'attitude des Etats-Unis dans ce dossier. Il a souligné que la décision américaine de porter plainte à l'OMC s'inscrivait surtout dans la suite de leur condamnation dans le dossier des Foreign sales corporations (FSC).

Partageant ces propos, M. Daniel Soulage a rappelé l'intérêt des outils modernes de communication tels la diffusion sur cédérom, qui avait été notamment utilisé pour le rapport de l'OPECST de M. Marcel Deneux.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, a estimé que l'ensemble de la commission était sensible à ce souci d'une présentation de ces positions qui ne laisse pas penser qu'elles intervenaient en réponse à l'attitude des Etats-Unis.

Il a estimé que l'ensemble des propositions du rapport, outre la levée du moratoire, allait plus loin que l'étiquetage et la traçabilité dans la réponse aux défis posés par les biotechnologies.

Il a souligné le lien qui existait dans son esprit entre l'ensemble de ces propositions.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a estimé qu'afin de lever toute ambiguïté, il conviendrait de dire que la proposition de levée du moratoire était assortie de dix autres propositions, plutôt que « associée », ce qui pouvait laisser supposer, à tort, que l'une était la condition des autres.

La commission a donc estimé, à l'unanimité, qu'il convenait d'employer le terme « assortie ».

M. Daniel Raoul a estimé que cette discussion ne remettait en rien en cause les onze propositions adoptées par la mission d'information.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, a indiqué, en réponse à M. Gérard Bailly, que le rapport n'avait pas abordé la question de la réorganisation des filières de production, mais que cet aspect pourrait utilement être traité dans le cadre de la loi fondatrice sur les biotechnologies.

Après que M. Gérard César, président de la mission d'information, a rappelé qu'une question orale avec débat sur les OGM serait organisée le 19 juin, la commission a adopté le rapport à l'unanimité.

La commission a tout d'abord entendu la présentation par MM. Jean Bizet et Jean-Marc Pastor, président et rapporteur de la mission d'information sur les OGM, de la version définitive du rapport d'information de la mission.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur, a rappelé en préambule, qu'à l'initiative du président du Sénat, une contribution écrite avait été demandée à chaque groupe politique.

Il a insisté sur la question de la levée du moratoire, en rappelant que celui-ci avait été adopté en 1999 pour permettre la mise en oeuvre de la traçabilité et de l'étiquetage des produits contenant des OGM, objectif atteint depuis l'adoption de la directive européenne 2001/18, entrée en vigueur le 17 octobre 2002. Il a estimé que l'Europe s'était conformée aux exigences du moratoire ce qui permettait désormais de le lever, tout en développant de nouvelles mesures d'encadrement plus précises et mieux adaptées.

Il a rappelé que la proposition de levée du moratoire était assortie de dix autres propositions, précisant que le rapport visait à la fois à ouvrir les portes et fixer les barrières. Il a déploré la coïncidence faisant que l'annonce d'une plainte des Etats-Unis à l'OMC sur le thème du moratoire intervienne au moment même de la publication du rapport de la mission, alors que celui-ci était le fruit d'un travail de plus d'un an.

Il a rappelé le contexte de très fort développement des biotechnologies dans le monde, par exemple en Chine, et a estimé que cela rendait d'autant plus indispensable de dynamiser la recherche en Europe, une des propositions du rapport étant de favoriser la recherche publique et de permettre la collaboration entre recherche publique et recherche privée. Evoquant la proposition tendant à la mise en place d'une Agence mondiale de l'environnement (AME), il a estimé que de telles mesures étaient de nature à garantir que les biotechnologies ne seraient pas la possession de quelques intérêts économiques ou de quelques rares pays. Il a fait part de sa conviction que le domaine du vivant constituait un patrimoine de l'humanité, ce qui justifiait que les élus de la nation se prononcent dans ce domaine, afin notamment de définir des règles d'éthique en la matière. Il en a conclu à l'urgence d'une loi fondatrice sur les biotechnologies. Il a rappelé enfin la nécessité de garantir le respect de toutes les formes d'agriculture, conventionnelles, biologiques, ou même « fermières » selon son expression.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, s'est réjoui de la double avancée que constituait ce rapport, en ce qu'il réaffirmait le primat du politique sur la question des OGM et dessinait un « consensus d'étape », permettant de dépasser les divisions politiques pour retrouver collectivement le sens originel du principe de précaution, principe de saine prudence. Estimant que la question de la brevetabilité du vivant préoccupait souvent nos concitoyens, il a souhaité réaffirmer avec force que l'Europe ne reconnaissait absolument pas le brevetage des espèces animales et végétales. Il a indiqué que n'était brevetable que le couple gène-fonction. Il a estimé que la conception très large du brevet, qui avait pu prévaloir dans les années 1980-1990 était progressivement remise en cause, même aux Etats-Unis. Il a exprimé sa conviction que le Certificat d'obtention végétale (COV), outil précieux de protection de la propriété intellectuelle, était complémentaire et non opposé au brevet. Il a rappelé que le Sénat discuterait de ces questions à l'occasion de la question orale avec débat du 19 juin 2003, ainsi qu'à l'occasion de la transcription en droit français des directives 2001/18 et 98/44 en fin d'année. Il a émis enfin le souhait que le fond du problème puisse être traité dans une loi fondatrice sur les biotechnologies, qui définirait notamment l'encadrement éthique du secteur, les aspects de responsabilité environnementale, l'encouragement à la recherche publique et privée, le tout marquant une reprise en main de ce dossier par le politique. Il s'est dit préoccupé enfin par le retard que l'Europe risquait d'accumuler dans le domaine des biotechnologies comme elle l'avait fait il y a quelques années dans celui des technologies de l'information et de la communication.

M. Gérard César, président, ayant demandé au rapporteur de rappeler les onze propositions de la mission, M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission, a précisé que celle-ci visait à protéger la recherche, indispensable dans des domaines où la société avait besoin d'en savoir plus ; à assurer la coexistence de toutes les formes d'agriculture. Il a rappelé à ce titre que l'exemple des cultures de semences montrait que des coexistences de différentes cultures étaient possibles. La proposition suivante était de valider le seuil de présence fortuite d'OGM de 0,9 %, qui était déjà bas. Les propositions suivantes tendaient notamment à clarifier les questions d'assurance, à encourager la recherche, à défendre le COV, à fusionner la commission de génie biomoléculaire (CGB) et le comité de biovigilance et à créer une commission d'évaluation des biotechnologies (CEB) qui donnerait toute sa place à la société civile, M. Jean Bizet, président de la mission, ajoutant que les membres de la société civile au sein de la CGB peinaient à faire valoir leur point de vue dans des débats très techniques.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur, a indiqué que les dernières propositions tendaient à la mise en place de l'AME afin notamment que les pays en voie de développement profitent des avancées technologiques ; à l'information des élus locaux par la mise en place de plans d'occupation des champs, qui répertorieraient les différents types de cultures pour assurer leur cohabitation transparente, à poser des barrières et des règles éthiques dans la loi sur les biotechnologies et enfin à lever le moratoire dans la mesure où son objectif avait été atteint. Il a rappelé à ce titre que cette levée du moratoire ne pouvait être interprétée comme un laisser-faire, dans la mesure où il conviendrait de l'accompagner des dix autres propositions.

M. René Monory a souscrit aux conclusions du rapport quant à l'importance des investissements recherche et signalé qu'une exposition consacrée à ce thème était mise en valeur fort à propos au Futuroscope.

Mme Odette Terrade a indiqué que le groupe communiste, républicain et citoyen confirmait son adhésion aux conclusions présentées par le rapporteur, comme il l'avait indiqué lors de l'examen des orientations du rapport. Elle a rappelé l'importance du travail de dix-huit mois fait par la mission. Elle a insisté sur la nécessité de bien faire valoir toutes les propositions et non la seule levée du moratoire.

M. Daniel Raoul a estimé qu'il serait logique que la proposition de levée du moratoire soit présentée en dernière position, dans la mesure où elle s'expliquait par les dix autres propositions. Il a insisté également sur la nécessité de faire oeuvre de pédagogie sur ce dossier, en rappelant notamment l'apport essentiel des OGM dans le domaine médical, que ce soit pour les vaccins ou la production de produits tels que la cortisone et l'hémoglobine par les levures.

M. Jean Pépin, après avoir abondé dans le sens de M. Daniel Raoul quant à la nécessité de faire oeuvre de pédagogie, a estimé que l'accélération du progrès scientifique rendait de plus en plus difficile la définition des objectifs qui lui étaient assignés. Il a émis le souhait que la recherche fondamentale ne soit pas désavantagée par rapport à la recherche appliquée.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, a estimé que le dossier était riche de dimension humaine et politique, ce dont rendait compte la conclusion du rapport. Il a souligné que le débat, loin d'être clos par ce seul rapport, était au contraire encouragé et replacé dans une perspective politique.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, après avoir rappelé que les onze propositions avaient été adoptées à l'unanimité lors de la réunion de la mission d'information, a souligné que, dans la mesure où plusieurs de ses propositions seraient longues à mettre en oeuvre, il convenait de bien préciser que la proposition de levée du moratoire était assortie des autres propositions et non conditionnée par elles.

Mme Marie-France Beaufils a fait valoir la grande inégalité dans le partage des connaissances scientifiques, au sein de la population. Elle a estimé que la formation scientifique des enfants avait été réduite et qu'il convenait de bien expliquer ce qu'étaient les organismes génétiquement modifiés, qui ne se résumaient pas aux plantes génétiquement modifiées (PGM). Abondant dans le sens de MM. Daniel Raoul et Jean Pépin, dans la nécessité de communication et de pédagogie, elle a émis le souhait que la télévision puisse s'intéresser au fond du dossier plutôt qu'à des aspects sensationnels. Elle a suggéré que la commission appuie son travail de communication sur cet axe, M. Gérard César, président, souscrivant à ce propos.

M. Gérard Bailly a souhaité savoir si le développement des OGM ne risquait pas de perturber les filières de production habituelles. Il a également insisté sur la nécessité que le monde politique soit unanime à dénoncer et sanctionner les destructions de recherche en biotechnologies.

M. Hilaire Flandre a estimé que la réconciliation de l'opinion publique avec la science était un préalable aux opérations de communication pouvant être menées sur ce dossier. Quant à la levée du moratoire, il a souhaité, tout comme M. Jean Pépin, rappeler que la proposition du rapport était le fruit d'un travail de plus d'une année, qui ne devait rien à l'attitude des Etats-Unis dans ce dossier. Il a souligné que la décision américaine de porter plainte à l'OMC s'inscrivait surtout dans la suite de leur condamnation dans le dossier des Foreign sales corporations (FSC).

Partageant ces propos, M. Daniel Soulage a rappelé l'intérêt des outils modernes de communication tels la diffusion sur cédérom, qui avait été notamment utilisé pour le rapport de l'OPECST de M. Marcel Deneux.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, a estimé que l'ensemble de la commission était sensible à ce souci d'une présentation de ces positions qui ne laisse pas penser qu'elles intervenaient en réponse à l'attitude des Etats-Unis.

Il a estimé que l'ensemble des propositions du rapport, outre la levée du moratoire, allait plus loin que l'étiquetage et la traçabilité dans la réponse aux défis posés par les biotechnologies.

Il a souligné le lien qui existait dans son esprit entre l'ensemble de ces propositions.

M. Jean Bizet, président de la mission d'information, a estimé qu'afin de lever toute ambiguïté, il conviendrait de dire que la proposition de levée du moratoire était assortie de dix autres propositions, plutôt que « associée », ce qui pouvait laisser supposer, à tort, que l'une était la condition des autres.

La commission a donc estimé, à l'unanimité, qu'il convenait d'employer le terme « assortie ».

M. Daniel Raoul a estimé que cette discussion ne remettait en rien en cause les onze propositions adoptées par la mission d'information.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur de la mission d'information, a indiqué, en réponse à M. Gérard Bailly, que le rapport n'avait pas abordé la question de la réorganisation des filières de production, mais que cet aspect pourrait utilement être traité dans le cadre de la loi fondatrice sur les biotechnologies.

Après que M. Gérard César, président de la mission d'information, a rappelé qu'une question orale avec débat sur les OGM serait organisée le 19 juin, la commission a adopté le rapport à l'unanimité.

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