§ LE RACCOURCISSEMENT DES HORIZONS DE PLACEMENTS INFLUENCE NÉGATIVEMENT LA GOUVERNANCE D'ENTREPRISE ET L'ALLOCATION DES CAPITAUX

Les fonds de pension gardiens potentiels de la création de valeur économique. Les petits actionnaires individuels, au poids limité dans les décisions de l'entreprise, ne peuvent pas efficacement contrôler les directeurs qui agissent en leur nom (problèmes principal-agent). Dès lors, la concentration de l'actionnariat dans les mains d'investisseurs institutionnels peut pallier ce problème. En effet, de par leur poids dans le capital, ceux-ci peuvent influencer les actions des dirigeants. Autrement dit, la concentration du pouvoir par les investisseurs institutionnels peut améliorer le rendement du capital à travers une meilleure gouvernance de la gestion 89 ( * ) . Ceci est d'autant plus vrai que les investisseurs institutionnels s'engageraient à long terme.

Des horizons de placements longs permettent d'éviter les risques de « court-termisme » . Plus l'horizon d'investissement est long, plus le rapport entre les zinzins et l'entreprise sera stable, et moins il y aura de pression sur la rentabilité à court terme qui pénaliserait les investissements stratégiques avec un retour sur investissement de long terme. L'exemple sans doute le mieux connu d'une institution qui applique cette stratégie d'investissement est celui du CalPERS (California Public Employee Retirement System) , un fonds de pension avec un capital de plus de USD100md. CalPERS est reconnu comme précurseur dans l'évolution de la gouvernance d'entreprise aux États-Unis (et même plus largement), non seulement en termes d'augmentation du rendement du capital, mais également en termes d'intérêts éthiques, sociaux et environnementaux suscités .

Malheureusement les stratégies de placements de long terme ne dominent pas . Le modèle CalPERS n'est pas le modèle le plus répandu (cf section 1.2.1).

Avec des implications négatives diverses . La pression sur la rentabilité des investissements financiers risque de défavoriser les dépenses de capital, la R&D, la publicité et le marketing, et surtout les salaires et l'emploi. Il y a un risque réel que cette pression pousse les sociétés à lisser les profits et donc à utiliser d'autres facteurs pour absorber un ralentissement économique (masse salariale, etc.). Du point de vue macroéconomique, la part croissante des investisseurs institutionnels pourrait donc plutôt se traduire par un renforcement des cycles économiques. La zone euro est moins exposée à ce risque que les États-Unis, même si le pouvoir des investisseurs institutionnels a fortement augmenté en Europe.

Un manque de discrimination sectorielle des marchés actions ? Certains secteurs génèrent des revenus réguliers en croissance modérée, d'autres connaissent des croissances plus fortes mais sujettes à de plus fortes fluctuations et donc plus incertaines.

Le problème est que l'on a l'impression que des rentabilités similaires sont exigées quels que soient les secteurs. En d'autres termes, les secteurs à croissance légitimement lente sont contraints d'afficher des résultats compétitifs au détriment parfois de stratégies de long terme. Si tel est le cas, l'allocation du capital n'est pas optimale.

Graphique 10 - Les secteurs offrent des couples risques/rendements différents

La rentabilité accrue implique une contrepartie en termes de risque, avec la montée de l'endettement. Aux États-Unis, depuis le début des années 90, on a assisté à une envolée des rendements sur actions (les fameux ROE, ou Return on Equity), critère le plus usité de la performance des entreprises (sauf les entreprises financiers ou le ROA « return on assets » domine l'analyse). Ceux-ci sont passés de 12 % en moyenne à 17 %. Or, dans le même temps, la rentabilité macroéconomique définie selon le rapport rendement/capital productif ne s'est que faiblement accrue. C'est que la hausse des ROE a été largement obtenue par une croissance de l'endettement des entreprises, permis par un coût du capital historiquement bas, qui permet mécaniquement une hausse du rendement sur actions puisqu'il n'y a pas d'émission d'actions nouvelles. Pire, cet endettement nouveau a parfois été employé pour racheter des actions afin de se prémunir contre des risques de rachat ! Le problème est que cet accroissement de l'endettement est porteur d'un risque de faillite plus élevé, qui ne se révèle que dans les phases de ralentissement économique.

Les régulations envisagées dans les point précédents visent à limiter ces incidences macroéconomiques fâcheuses, tout en préservant les apports des investisseurs institutionnels au système financier au sens large.

Graphique 11 - États-Unis : Effet de levier à la base de la hausse des rendements sur actions

Source : CDC Ixis

* 89 Ou en termes plus théoriques, accroître le retour sur capital en réduisant les coûts d'agence, c'est à dire les inefficacités potentielles qui surgissent entre l'actionnaire et le manager ont des intérêts qui ne sont pas nécessairement identiques.

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