II. COMMENT REDONNER UNE LOGIQUE ÉCONOMIQUE AU CADRE DE LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE EN EUROPE ?

L'essentiel des critiques adressées au PSC se focalise sur son défaut de pertinence économique . Il n'est donc guère surprenant que les intervenants aient tous fait valoir, qu'à cette aune, le pacte était perfectible. En cela, ils ont pleinement conforté les analyses de votre Délégation.

Cependant, il n'a été possible de dégager un consensus ni sur le contour même des problèmes, ni sur l'ensemble des solutions à apporter pour les résoudre .

Aucune forme d'accord ne peut être relevée sur la façon d'améliorer la surveillance budgétaire. C'est plutôt un constat de divergences qui doit être mis en évidence, qu'elles concernent la portée concrète du renouvellement théorique envisagé, ou l'existence, et les voies d'élimination d'éventuels effets pervers de la surveillance budgétaire.

A. UN ACCORD MINIMUM SUR LE FAIBLE DEGRÉ DE PERTINENCE DES INDICATEURS DE LA SURVEILLANCE BUDGÉTAIRE, D'IMPORTANTES DIVERGENCES SUR LA NATURE ET LA PORTÉE DU DIAGNOSTIC

Un accord s'est fait sur l'idée que le suivi des soldes budgétaires nominaux représentait une modalité excessivement fruste de surveillance budgétaire en Europe. Cet accord invite à recommander de dépasser cet indicateur. Toutefois, aucun consensus solide ne s'est fait jour, que ce soit sur la nature du problème ou sur les solutions à lui apporter.

Sans doute, faut-il relever que la totalité des intervenants ayant considéré que le solde public nominal ne permettait pas d'apprécier correctement la situation budgétaire d'un Etat, et, partant, de prévenir que celle-ci n'exerce pas d'effets négatifs sur les partenaires, tous les experts ont suggéré d' accorder une attention particulière à la position structurelle des soldes publics .

RAPPEL

On rappelle que la position structurelle des soldes publics correspond au niveau des soldes publics corrigé de l'influence des fluctuations de la conjoncture par rapport à un taux de croissance considéré comme correspondant au taux de la croissance potentielle d'une économie. Celui-ci est, en première approximation, donné par le taux de croissance de la population active que multiplient les gains de la productivité par tête du travail. Dans une approche cyclique de l'activité économique , il existe des périodes où le taux de croissance effectif est inférieur à ce taux de croissance potentielle et vice versa . Dans les premières, le solde public se dégrade spontanément ; il se redresse de même dans les secondes. Il convient donc, pour juger de la position réelle des finances publiques, de corriger le solde de l'impact transitoire d'une croissance inférieure ou supérieure à la croissance potentielle.

Toutefois, cette recommandation commune ne doit pas dissimuler des divergences profondes sur la portée qu'ont entendu lui conférer les experts .

1. Un problème technique d'identification des positions budgétaires structurelles qui n'est pas insurmontable

a) Pour une surveillance explicite des déficits structurels

La portée pratique d'une surveillance des positions budgétaires structurelles a été particulièrement mise en doute par Jean-Luc TAVERNIER lorsqu'il a posé la question de l'arbitrage entre des règles simples, « voire simplistes » et des règles pertinentes au niveau économique qui sont « plus sophistiquées ».

Jean-Luc TAVERNIER :

« Idéalement les règles de surveillance et de coordination des politiques budgétaires devraient satisfaire les deux critères. Elles devraient être sophistiquées pour répondre aux préoccupations économiques et elles devraient être suffisamment simples pour que tout le monde puisse se les approprier et qu'elles puissent s'appuyer sur des grandeurs non manipulables, non contestables, etc...

Pour qu'une règle soit reconnue comme bonne et qu'elle survive, il faut qu'elle concilie ces deux critères. Or il s'agit de concilier l'inconciliable. Ce dilemme a toujours été présent, il était déjà présent dans la négociation du Traité de Maastricht. Visiblement les arguments de lisibilité l'ont remporté puisque nous sommes sortis avec les deux critères les plus frustres de la comptabilité nationale que sont le déficit et la dette publique sans référence à des choses plus sophistiquées que seraient le déficit primaire, la dette nette, y compris la dette implicite des régimes de retraite ou, bien sûr, le déficit structurel, le déficit corrigé des fluctuations cycliques.

Il faut bien voir que c'est un point extrêmement lourd lorsqu'on parle de la définition et de la mise en oeuvre de règles. Typiquement lorsque nous raisonnons sur le haut de cycle et lorsque nous nous demandons comment faire pour éviter d'être trop procycliques en haut de cycle, comment faire pour inciter les gens, les gouvernements, les parlements à laisser jouer les stabilisateurs automatiques  il faut raisonner en déficit corrigé des fluctuations cycliques, en déficit structurel.

Il faut savoir que ce n'est pas un agrégat de comptabilité nationale incontestable. C'est un agrégat qui, pour le calculer, l'estimer, nécessite d'avoir une estimation de la croissance potentielle de l'économie, nécessite d'avoir une idée, à chaque instant du cycle, de l'écart entre la position de l'économie et sa position sur le sentier de croissance potentielle, d'en inférer les plus-values ou les moins-values de recettes fiscales par rapport à cette situation de conjoncture moyenne. Donc ce sont des choses qui sont hautement techniques, qui nécessitent des méthodes économétriques, des statistiques, des dires d'expert.

À titre d'exemple, pour l'année 2002 « l'écart de croissance » pour la France, en moyenne annuelle 2002, est négatif pour le FMI et pour nous, Ministère des Finances français. Il est quasiment nul et pas d'ailleurs avec tout à fait le même signe pour l'OCDE ou la Commission Européenne. C'est embêtant. À telle enseigne d'ailleurs qu'au Comité de Politique Economique de l'Union Européenne nous nous sommes saisis du sujet pour essayer d'améliorer et d'harmoniser les méthodes. Mais nous voyons bien que dans les circonstances actuelles nous n'aurons pas de solution satisfaisante du point de vue de ces deux critères : simplicité et pertinence, pour traiter les hauts de cycle. Il faudra forcément mettre le curseur quelque part. »

Votre Délégation se reconnaît pleinement dans la problématique ici explorée, mais sans tirer les mêmes conclusions . Elle avait sans doute souligné les difficultés techniques inhérentes à la définition d'un solde structurel et encouragé l'initiative du Conseil Ecofin pour qu' une méthode commune et fiable puisse être définie à cet effet. Elle ne peut que renouveler cet encouragement. Mais elle avait aussi estimé qu' il existe bien , en effet, un problème de viabilité des règles actuelles du PSC. L'exclusive attention portée aux soldes nominaux comporte un biais procyclique dont pâtit la politique budgétaire en Europe. Il convient d'y remédier. Votre Délégation ne peut à ce sujet que rappeler que la pratique du PSC, on l'a indiqué en étudiant les différents Codes de conduite, s'y essaie, mais dans une confusion regrettable. Les Codes de conduite ne sont d'ailleurs pas les seules références en la matière. La recommandation faite à certains pays, dont la France, de réduire de 0,5 point par an leur déficit structurel donne, d'ores et déjà, à cette notion un rôle pleinement opérationnel dans le système de surveillance européenne des politiques budgétaires.

Il semble, par conséquent, à votre Délégation, qu'une amélioration de l'indicateur de la surveillance des positions budgétaires est à la fois souhaitable, faisable et nécessaire à la survie du PSC. Elle passe incontestablement par une plus grande attention portée au solde structurel.

C'est pourquoi votre Délégation propose d'intégrer aux règles de discipline budgétaire en zone euro un plafond de déficit structurel , dont le niveau pourrait être de 2 % compte tenu des besoins de financement des investissements publics et de stabilisation économique.

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