B. UNE SUBSTITUTION QUI SUPPOSE DE SURMONTER DES DIFFICULTÉS TECHNIQUES

Il est évident que si le raffinement du critère de surveillance des soldes budgétaires qu'apporterait la référence au solde structurel est souhaitable, les difficultés de l'entreprise sont réelles.

Les difficultés du passage d'une surveillance du solde nominal à une surveillance axée sur le solde structurel sont réelles. Elles supposent de trouver un consensus sur les méthodes.

L'intérêt fondamental qui s'attache à l'identification de la partie conjoncturelle d'un solde public est d'éliminer l'impact sur le solde d'un environnement conjoncturel exceptionnel afin de déterminer les « fondamentaux » du solde public.

En pratique, les difficultés de cet exercice sont réelles. Une grande diversité de méthodes, discutées dans les forums économiques internationaux, coexiste, et les sujets de débats sont nombreux.

La première difficulté à résoudre est d'identifier une référence conjoncturelle, étape nécessaire pour apprécie ce qui relève de variations exceptionnelles de la conjoncture (la croissance « non soutenable »).

Une méthode simple consiste à choisir la croissance tendancielle d'un pays, c'est-à-dire la croissance réellement constatée sur une période historique donnée. Tout se passe alors comme si cette croissance tendancielle pouvait être jugée comme le socle de croissance du pays. Cette méthode présente l'avantage de la simplicité et d'un apparent réalisme, puisqu'elle repose sur des données empiriques. Elle a cependant un inconvénient majeur. Elle repose sur des observations historiques qui, en soi, n'offrent pas de garanties au regard de leur signification économique.

En effet, non seulement le diagnostic sur la croissance tendancielle d'un pays peut varier en fonction de la période choisie - un décalage dans le temps d'une ou deux années de la période choisie peut modifier sensiblement le jugement -, mais encore, et surtout, avec cette méthode, les variations de rythme de la croissance au dessous ou au-dessus de la croissance moyenne ne peuvent en aucun cas être, en tant que telles, qualifiées de transitoires.

Soit un pays en situation prolongée de croissance excessive, le ralentissement de sa croissance une année donnée ne signifie pas nécessairement le retour à un sentier de croissance durable ; Dès lors, il apparaît plus qu'hasardeux de calculer les composantes conjoncturelle et structurelle d'un solde public à partir des seules observations historiques.

C'est pourquoi, on a plutôt recours, pour choisir un niveau de PIB de référence, à la méthode consistant à calculer la croissance potentielle d'un pays afin de déterminer le niveau normal d'activité. Le rythme naturel de croissance est, a priori , simple à identifier : il est le produit de l'augmentation de la population active et des gains de productivité.

Cependant, des écarts d'estimation portant sur ces deux données ainsi que la prise en copte d'éléments structurels, tel que le niveau d'emploi non inflationniste, sont à l'origine d'évaluations différentes. Ces différences se répercutent à leur tour sur les calculs visant à identifier les deux composantes, conjoncturelle et structurelle, du solde public.

Une seconde difficulté majeure consiste à identifier la sensibilité des finances publiques aux variations de la conjoncture. Une fois identifiée la composante du PIB « exceptionnelle », il convient de mesurer son impact sur le solde. En l'état des pratiques, une importante simplification de méthode consiste à écarter de l'analyse la sensibilité des dépenses publiques aux variations de l'activité 8 ( * ) . C'est donc sur les recettes publiques qu'on centre l'analyse. Mais, malgré cette simplification, sans doute excessive, les difficultés ne manquent pas.

Deux problèmes méritent d'être mentionnés. Le premier d'entre eux, qui revêt une réelle actualité, compte tenu des données observées au cours de la période récente en France, consiste à estimer des élasticités fiables de recettes publiques dans les contextes de croissance donnés. Il va de soi que l'impact d'une croissance excédant la croissance potentielle n'est pas le même si l'élasticité des prélèvements obligatoires est unitaire ou égale à 2. Dans la deuxième hypothèse, la partie conjoncturelle du solde est deux fois plus élevée que dans la première.

Le second problème consiste à choisir une assiette à laquelle appliquer ces élasticités. Traditionnellement, on a recours à l'écart de croissance (« output gap »), c'est-à-dire à la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel. Or, cette méthode peut être excessivement simplificatrice. En effet, les différents composants de l'activité sont inégalement taxés. L'investissement ou les exportations sont, par exemple, relativement moins taxés que la consommation. Ainsi, selon les contributions respectives des différents déterminants de la croissance, une même croissance peut produire plu sou moins de prélèvements obligatoires du simple fait de sa structure.

C'est la raison pour laquelle, certaines institutions - dont le système européen de banques centrales - tendent à recourir, plutôt qu'à l'écart de croissance, à une méthode visant à approcher au plus près les variations des différents composants de l'activité, choisis en fonction de leurs propriétés fiscales.

Enfin, une dernière difficulté porte sur le traitement de certaines composantes des soldes.

En dépenses, l'affectation des charges d'intérêt aux deux composantes du solde pose problème. Il n'est pas sûr que la solution retenue par l'OCDE, consistant à en faire une composante du solde structurel, soit la meilleure, compte tenu de l'impact d'une variation des taux (en hausse ou en baisse) sur l'évolution des soldes et, au vu de la nature peu maîtrisable de cette donnée.

En recettes, le statut des recettes non fiscales doit être évoqué puisque si, pour partie, leur niveau dépend de la conjoncture, pour une autre, il est arbitraire, le principal problème étant celui de leur récurrence.

Ces difficultés appellent des solutions et votre délégation souhaite que le groupe de travail mandaté par le Conseil économique et financier de l'Union européenne afin d'établir une méthode d'évaluation commune de « l'écart de croissance », dans le but d'apprécier plus justement l'orientation donnée aux finances publiques pour les Etats européens, puissent rendre des conclusions qui, discutées au niveau politique, permettent de définir un consensus.

* 8 A l'exception des dépenses d'indemnisation du chômage.

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