N° 380

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2002-2003

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 2 juillet 2003

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 juillet 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) à la suite d'une mission effectuée le 10 février 2003 par une délégation chargée d' étudier l' expérimentation en métropole du soutien militaire à l' insertion des jeunes ,

Par MM. Michel PELCHAT et Jean-Pierre MASSERET,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. André Dulait, président ; MM. Robert Del Picchia, Jean-Marie Poirier, Guy Penne, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Ernest Cartigny, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Paul Dubrule, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Jean Faure, Philippe François, Jean François-Poncet, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean Puech, Yves Rispat, Roger Romani, Henri Torre, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Jeunes - Défense .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La suspension du service national, aussi justifiée et nécessaire qu'elle fût, a laissé un vide. En effet, chacun reconnaissait au service national et plus particulièrement au « service militaire » un certain nombre d'avantages, même si ceux-ci avaient beaucoup diminué dans les dernières années du fait des nombreuses dérogations et de l'essoufflement du système. Ces avantages étaient bien connus. On peut citer : le lien armée-nation, le brassage social et régional, la possibilité de sortir de sa région, de son milieu, de sa famille, une certaine émancipation et, pour certains, une véritable seconde chance permettant d'apprendre la vie en société, ou d'acquérir une première expérience professionnelle.

Or, force est de constater, d'une part, que les difficultés d'insertion de nombreux jeunes n'ont pas disparu et, qu'à bien des égards, l'entrée dans la vie active est plus difficile aujourd'hui qu'hier. D'autre part, la suspension du service national a fait disparaître cette possibilité de seconde chance et la professionnalisation a profondément modifié le format des armées et diminué leur capacité à prendre en charge des jeunes en difficulté. Si on peut considérer que cela faisait partiellement partie de leurs missions à l'époque du service militaire, il est moins évident de l'affirmer aujourd'hui alors qu'une armée de projection et d'intervention a été bâtie et qu'elle traverse de nombreuses difficultés.

Pourtant, les armées ne peuvent-elles plus rien apporter à l'insertion des jeunes ? Ne peuvent-elles pas, ne doivent-elles pas continuer, d'une manière renouvelée, à apporter leur soutien grâce à leurs savoirs-faire spécifiques ?

C'est ce questionnement qui avait conduit la Commission armée jeunesse à proposer l'expérimentation en métropole du Service militaire adapté (SMA) et que vos rapporteurs ont repris, en rencontrant des responsables militaires et civils.

I. LE SMA : UNE RÉPONSE ADAPTÉE AUX DIFFICULTÉS D'INSERTION DES JEUNES OUTRE-MER

Créé à l'initiative de Michel Debré, Premier ministre, afin de répondre à un contexte d'urgence sociale dans les départements d'outre-mer en raison du désoeuvrement et du manque de formation de la jeunesse, le Service militaire adapté (SMA) s'est progressivement développé et étendu à tous les territoires et départements d'outre-mer en raison de son succès. Refondé sur la base du volontariat au moment de la professionnalisation des armées, le SMA reste un vecteur efficace d'insertion des jeunes dans les DOM-TOM et suscite désormais l'intérêt en métropole.

A. LE SMA, DE LA CONSCRIPTION AU VOLONTARIAT

1. Origine et extension

Le SMA a été créé aux Antilles-Guyane en 1961 sur la base de cinq préoccupations qui sont restées les mots d'ordre du SMA : Eduquer, former, insérer, intervenir et développer. Alain Peyrefitte note d'ailleurs au cours d'une conversation avec le général de Gaulle le 15 juillet 1964, la réflexion suivante : « Nemo [général Nemo, commandant interarmes aux Caraïbes] a bien fait. Il a su mettre en oeuvre une tâche nouvelle : le service militaire adapté. [...] Il n'est pas dit qu'un jour ou l'autre, on ne devra pas organiser un système comparable pour la métropole. Dans les Caraïbes, ce système permet de tirer les jeunes du désoeuvrement, de leur faire accomplir une grande action d'intérêt général, défricher la forêt, construire des bâtiments. Qui pourrait mener ça à bien, sinon l'armée ? Le problème n'est pas le même pour le contingent de métropole, puisque les jeunes sont tout de suite absorbés par le marché de l'emploi. Mais on ne sait pas combien de temps ça durera. Et il y a des tâches nationales qui ne sont jamais réalisées, par exemple le débroussaillage des forêts [...] Vous savez, l'armée, ça a quand même du bon. Ça enseigne aux jeunes à lire, à écrire et à compter là où l'école a échoué, parce que, entre-temps, les jeunes ont mûri. Ça leur donne une seconde chance. Ça leur apprend à vivre ensemble, à respecter une discipline » 1 ( * ) .

Le succès de cette formule auprès des jeunes et auprès des collectivités locales a conduit à l'étendre progressivement à la Réunion en 1965, à la Nouvelle-Calédonie en 1986, à Mayotte en 1988 et à la Polynésie française en 1989. Enfin, en 1995, un détachement à été créé en métropole, à Périgueux.

Le SMA relève du ministère de l'outre-mer depuis 1968.

A l'origine à vocation interarmées, la prise en charge du SMA a rapidement incombé à l'armée de terre et plus particulièrement aux Troupes de Marine et au Génie, armes présentes outre-mer.

En 1996, toutefois, la décision de professionnaliser les armées a fait craindre la suppression du Service militaire adapté avec la suspension de la conscription. Finalement, à la demande des collectivités d'outre-mer et avec l'appui du Président de la République, le SMA a été maintenu sous la forme d'un type spécifique de volontariat dans les armées. Il faut, en effet, noter que la jeunesse ultra-marine reste très vulnérable. Ainsi, en 2001, à la Réunion, on dénombrait 22 % d'illettrés, 40 % d'une classe d'âge sans diplôme, 32 % de jeunes de 18 à 26 ans au chômage.

* 1 Peyrefitte Alain, C'était de Gaulle, t.2, Editions de Fallois-Fayard,1997, 653p., p.126-127

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