II. L'ÉCONOMIE : COMMENT MAINTENIR LA PLACE DE L'INDUSTRIE ALIMENTAIRE FRANÇAISE DANS LA CONCURRENCE MONDIALE ?

L'alimentaire ne fait pas partie des secteurs technologiques de pointe (aviation, espace, nouvelles technologies de l'information) que les gouvernements soutiennent en priorité.

Même si certaines de ses applications peuvent interférer avec les biotechnologies, il n'est pas non plus une industrie réceptacle de nouvelles technologies comme l'industrie automobile, dont les produits incorporent déjà en valeur plus de 30 % de microélectronique.

Mais l'industrie alimentaire française est une industrie de première importance, significative à l'échelon mondial . Or, son tissu industriel comprend des zones de faiblesse.

La question se pose donc de savoir comment elle peut maintenir son rang dans une économie mondialisée où les différences s'établissent de plus en plus en fonction des transferts de connaissance .

A. UNE INDUSTRIE DE PREMIÈRE IMPORTANCE MAIS QUI COMPREND DES ÉLÉMENTS DE FRAGILITÉ

1. Un poids économique et social incontestable

L'industrie agroalimentaire française est la première industrie européenne avec un chiffre d'affaires de 134 milliards d'euros (en 2002). Elle génère un solde positif d'exportation de l'ordre de 8 milliards d'euros. En 2003, elle fut le troisième secteur exportateur français après l'automobile et la chimie.

Elle présente l'avantage d'être répartie à peu près également sur tout le territoire et est ainsi le relais des productions agricoles locales.

Elle emploie 420.000 personnes. Et si l'on se réfère aux comptes de la nation pour 2002 , c'est pratiquement la seule industrie française qui a créé des emplois permanents sur cet exercice, comme le souligne le rapport récent de la DATAR consacré à la France industrielle.

2. Des éléments de fragilité

Mais cette industrie présente également des facteurs de vulnérabilité :

- elle est très ouverte à l'extérieur, le secteur important près de 20 milliards d'euros annuellement ;

- industrie de grande consommation, elle est confrontée à un oligopsone (il n'existe plus que trois grandes centrales d'achat dans la distribution) et subit donc une pesée sur ses marges extrêmement forte ;

- peu de ses filières sont organisées en fonction de la mondialisation des échanges, comme l'est celle du porc danois ou du parmesan ;

- ses produits de marque sont menacés par la montée des magasins de très grande remise (hard discounters) dont la part dans la distribution représente déjà 12 % du marché de l'agroalimentaire ;

- elle est très dispersée puisque sur 10.840 entreprises, 3.100 ont plus de 20 salariés mais seulement 400 plus de 250 salariés ;

- elle pèse peu parmi les grandes entreprises mondiales. En 2001, parmi les 100 leaders de l'industrie alimentaire mondiale, il n'y avait que cinq entreprises françaises. La première, Danone, est au 15 e rang avec un chiffre d'affaires de 12 milliards de dollars, plus de quatre fois inférieur à celui du leader mondial, Nestlé, les autres se répartissent du 46 e rang au 91 e rang 65 ( * ) .

Mais les effets de la mondialisation et de la réforme de la PAC se font déjà sentir. On observe par exemple des transferts vers les pays émergents d'élevages avicoles « hors sol », de cultures maraîchères ou fruitières et, quelquefois, des transformations de matières premières qui y sont liées.

Les défis de la libération du commerce mondial impliquent donc que cette industrie retrouve des zones de valeur ajoutée en optimisant son offre alimentaire en fonction des critères de la demande.

Cette adéquation à la demande peut passer par des actions de débanalisation ou de marketing mais, en tout état de cause, elle devra incorporer des transferts de technologie importants .

Il faut donc analyser l'état et les conditions de ce transfert.

* 65 Encore doit-on relativiser ce constat par le double fait que la notion de nationalité des entreprises multinationales n'a plus beaucoup de signification et que nombre de grandes multinationales sont établies en France.