B. DES DIFFICULTÉS RÉCURRENTES LIÉES AU DOUBLE FINANCEMENT DE LA DOCUMENTATION FRANÇAISE

1. Des problèmes de trésorerie du compte de commerce à ne pas surestimer

Le principe d'annualité budgétaire suscite des difficultés de trésorerie.

En effet, les recettes sont imputées à l'année d'apparition de la créance (c'est-à-dire à celle de la date de la facture). Certaines factures sont donc payées l'année suivant celle de leur émission. Ainsi, le taux de recouvrement des créances de l'exercice courant est passé de 76,2 % en 1996 à 70 % en 2001, puis 72 % en 2003 . La Documentation française explique cette évolution par un allongement des délais de paiement de la clientèle , au sein de laquelle la part des administrations a augmenté.

Ces écarts d'encaissement de recettes se répercutent sur le montant des restes à recouvrer, lesquels ont augmenté de 4 millions d'euros à la fin de l'année 1996 à 5,66 millions d'euros en fin d'année 2003.

Ces retards dans le recouvrement des créances constituent un facteur de tensions de trésorerie. Celles-ci ont d'ailleurs été aggravées à l'automne 2000 et en juillet 2001 par le remboursement plus rapide des rémunérations au budget général, rendu nécessaire par les dépassements de crédits du budget général observés les années précédentes.

Ainsi, de 1997 à 2004, le découvert autorisé (presque intégralement utilisé) a plus que doublé, passant exactement de 1,22 à 3 millions d'euros ), comme l'indique le graphique ci-après, et a représenté près de 10 % des ressources annuelles de la Documentation française en 2003.

Le découvert autorisé du compte de commerce

(en millions d'euros)

Source : « bleus » budgétaires, compte général de l'administration des finances

Même si le découvert autorisé de la Documentation française, exprimé en pourcentage des dépenses autorisées, demeure comparable à celui des autres comptes de commerce, votre rapporteur spécial juge nécessaire l'amélioration du taux de recouvrement des créances, notamment lorsque cette situation est imputable aux administrations clientes de la Documentation française. Le cas échéant, des mesures pourraient être envisagées pour responsabiliser les principales administrations concernées.

Proposition n° 14 : améliorer le taux de recouvrement des créances de la Documentation française, en envisageant une responsabilisation des administrations clientes en cas de retards de paiements répétés.

2. Le double financement : un principe justifié ?

a) Des difficultés pratiques importantes

Le double financement pose des problèmes de gestion et conduit à un éclatement de la tutelle sur la Documentation française.

Concernant la gestion de la Documentation française, votre rapporteur spécial observe certes qu'il n'existe pas de critères indiscutables permettant de dissocier les activités commerciales et non commerciales, d'autant plus qu'elles sont conduites par les mêmes services et s'appuient, plus largement, sur des ressources documentaires et éditoriales communes.

A titre d'illustration, il peut être observé que l'annuaire des responsables de l'administration, tout en étant édité sur support papier, constitue d'abord une rubrique gratuite du site service-public.fr. Dans ce cas, les dépenses de constitution, de maintenance et de diffusion de l'information relèvent des activités non commerciales, alors que les coûts liés à l'édition et à la diffusion commerciale sont retracés au compte de commerce.

Outre un éclatement de la tutelle, le double financement de la Documentation français induit des financements croisés - des personnels de la Documentation française par le compte de commerce et du compte de commerce par des subventions exceptionnelles, telle celle qui a été versée en 2003.

La Documentation française ne dispose pas de comptes consolidés . Leur établissement devrait constituer l'un des enjeux de la mise en place de la nouvelle comptabilité analytique, ce qui suppose l'intégration préalable des systèmes informatiques existants.

Outre ces difficultés pratiques, le double financement de la Documentation française se heurte à des obstacles d'ordre juridique.

b) Un double financement problématique au regard du droit budgétaire
(1) Un recours au compte de commerce contraire aux textes organiques relatifs aux lois de finances

L'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances prévoit, dans son article 26, que « les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel ou commercial effectuées à titre accessoire par des services publics de l'Etat » 11 ( * ) .

De même, la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances prévoit, dans son article 22, que « les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l'Etat non dotés de la personnalité morale » 1 .

Dans la mesure où les ressources de la Documentation française proviennent à parts quasi égales du compte de commerce et du budget général de l'Etat, votre rapporteur spécial s'interroge sur la conformité de ce compte de commerce avec la LOLF.

(2) Le financement d'activités commerciales par le budget général de l'Etat

Votre rapporteur spécial se demande également s'il est opportun qu'un établissement à vocation commerciale soit partiellement financé par le budget général de l'Etat .

La Cour des comptes indique dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999 que « ce coût net pour l'Etat est présenté comme la contrepartie de la gratuité des prestations assurées dans le cadre de la mission d'information et de documentation fixée par le décret de 1976 », et cite les exemples de la mise à disposition gratuite du public d'une salle de lecture et du site Internet Admifrance (remplacé depuis par le site service-public.fr).

Il apparaît cependant que le montant global des crédits du budget général dépasse nettement le coût des fonctions non commerciales.

En retenant l'hypothèse que les activités non commerciales se définissent stricto sensu comme les activités documentaires, celles relatives aux sites Internet, et le secrétariat du comité des publications, votre rapporteur spécial constate que les activités non commerciales ne représentent qu'un quart des coûts, alors que le budget général finance près de la moitié des ressources de la Documentation française .

La contribution du budget général peut donc sembler surdimensionnée par rapport aux seules activités non commerciales de la Documentation française, si l'on considère que les activités concurrentielles ont vocation à s'autofinancer .

En tout état de cause, malgré les difficultés pratiques précédemment évoquées, votre rapporteur spécial estime qu'il faut préalablement définir précisément le champ des activités commerciales et non commerciales de la Documentation française, dans le cadre de la mise en place de la nouvelle comptabilité analytique.

Proposition n° 15 : dans la perspective d'un équilibre financier de l'ensemble des activités concurrentielles de la Documentation française, définir précisément la liste des activités commerciales et non commerciales, sur la base de la nouvelle comptabilité analytique.

Compte tenu de ce poids important des activités commerciales, votre rapporteur spécial s'est plus particulièrement interrogé sur les implications de l'actuel statut de la Documentation française de direction d'administration centrale, et sur l'opportunité de l'ériger en établissement public industriel et commercial qui conforterait sa mission principalement commerciale.

* 11 Souligné par votre rapporteur spécial.

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