PRÉSENTATION DU RAPPORT DEVANT LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Au cours d'une réunion tenue dans la matinée du 21 juillet, sous la présidence de M. Gérard César, vice-président, la commission des affaires économiques a entendu la présentation du rapport d'information du groupe de travail créé en commun avec la commission des lois afin de dresser le bilan de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, par son président, M. Jean-Paul Alduy .

Après avoir souligné que la « loi littoral » était une bonne loi, particulièrement moderne dans son exposé des motifs, porteur, avant l'heure, de la notion de développement durable, M. Jean-Paul Alduy, président du groupe de travail , a déploré les carences de l'Etat dans sa mise en oeuvre, et considéré que celui-ci n'avait pas été « à la hauteur de ses ambitions ». En 18 ans, a-t-il relevé, l'Etat n'a présenté qu'un seul rapport d'évaluation de la loi, alors qu'il devait, aux termes de la loi, en réaliser un chaque année. Il a également mis en exergue la faiblesse du nombre de décrets d'application publiés, l'Etat ayant même été condamné par le Conseil d'Etat en 2000 à une astreinte en raison de la non-publication du décret relatif aux communes estuariennes, et a indiqué que ce n'est que très récemment, en mars 2004, que trois décrets d'application sont parus, trois décrets restant encore à publier. Rappelant que l'Etat devait élaborer des documents de planification, notamment les schémas de mise en valeur de la mer (SMVM) et les directives territoriales d'aménagement (DTA), il a souligné que seuls un SMVM et une DTA avaient été approuvés à ce jour. Constatant que ces carences avaient conduit au développement d'une jurisprudence « à profil variable » et à une incertitude juridique très pénalisante pour les communes, notamment en raison des risques financiers encourus, il a regretté que l'Etat n'ait pas réussi à développer une « culture de gestion » sur le littoral, alors même que celui-ci apparaît aujourd'hui comme un espace fragile, convoité et confronté à des mutations majeures.

Abordant les recommandations du rapport, M. Jean-Paul Alduy, président du groupe de travail , a estimé nécessaire d'évoluer vers une « gestion intégrée des zones côtières » et une mutualisation de l'aménagement du territoire. Précisant que cette démarche devait conduire l'ensemble des partenaires impliqués dans l'aménagement du littoral à se rassembler et à élaborer conjointement des solutions appropriées, sur le modèle de gestion adopté pour la baie de Bourgneuf, il a indiqué que le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire consacré au littoral en septembre 2004 allait lancer un appel à projets de gestion intégrée de la zone côtière. Après avoir insisté sur la nécessité de mutualiser les expériences et les moyens pour moderniser l'application de la « loi littoral », il a souligné que, dans cette perspective, les schémas de cohérence territoriale (SCOT) devaient devenir le document unique de référence pour l'aménagement du littoral, afin de permettre plus de souplesse, de précision et d'efficacité dans l'application de la loi. Pour cela, a-t-il indiqué, ces documents doivent désormais pouvoir comporter un volet maritime, afin de pallier l'insuffisance des SMVM, qu'il convient, dès lors, de supprimer. Rappelant que les SCOT sont élaborés par un syndicat intercommunal, il a relevé que cette structure, pérenne, permettrait d'évaluer dans le temps les effets du document.

S'agissant des décrets d'application, il a estimé indispensable une parution rapide du décret relatif aux concessions de plage et de celui relatif à la reconstruction des bâtiments dans la bande des cent mètres. Insistant à nouveau sur le décalage entre la qualité de la « loi littoral » et la faillite de l'Etat dans sa mise en oeuvre, il a émis le souhait d'une meilleure responsabilisation des élus locaux.

M. Jean-Paul Alduy, président du groupe de travail , a ensuite présenté les propositions émises par le groupe de travail, articulées autour de trois axes. S'agissant du premier, relatif au renforcement de la concertation, de la planification et de la décentralisation, il a exposé les propositions suivantes :

- soutenir la création du Conseil national du littoral et encourager sa mise en place rapide, celui-ci devant permettre de mutualiser les expériences, d'évaluer les projets de gestion intégrée, et d'élaborer le rapport annuel d'évaluation de la loi ;

- simplifier la planification en incluant dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT) un volet maritime approuvé par le préfet et en supprimant les schémas de mise en valeur de la mer ;

- utiliser plus systématiquement la possibilité offerte aux communes de demander le transfert de la gestion du domaine public maritime au droit de leur périmètre et compenser ce transfert par l'affectation d'une part du produit de la redevance pour occupation du domaine public maritime ;

- enserrer le dépôt du référé-suspension dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'autorisation au bénéficiaire, afin de remédier à l'insécurité juridique très grande que fait actuellement peser l'absence de délai pour le dépôt de ce référé ;

- encourager les expérimentations tendant à promouvoir une gestion intégrée du littoral, sur le modèle de gestion de la baie de Bourgneuf.

Abordant le deuxième axe, relatif à l'adaptation des règles d'urbanisme pour permettre un meilleur équilibre entre protection et aménagement, il a présenté les propositions suivantes :

- publier le décret d'application de l'article L. 146-6-1 du code de l'urbanisme, relatif à la reconstruction des bâtiments existant dans la bande des cent mètres, et celui de l'article L. 321-9 du code de l'environnement, relatif aux concessions de plage ;

- permettre aux SCOT ou, à défaut, aux PLU, de justifier qu'une urbanisation qui n'est pas située en continuité est compatible avec les objectifs de protection du littoral, une telle disposition devant permettre, notamment, une meilleure adaptation locale des notions de la loi, à l'instar de celle de « hameau », très différente selon les régions, cette logique de planification devant également présider à une éventuelle redéfinition du champ d'application de la loi, afin d'inclure certaines communes très proches du rivage mais sans façade maritime et donc non soumises à la loi et, à l'inverse, d'exclure certaines parties de territoires communaux situés très en retrait du bord de mer ;

- étendre aux espaces proches du rivage l'exception relative aux espaces urbanisés qui s'applique dans la bande des 100 mètres, afin de permettre, notamment, l'aménagement d'une « dent creuse » ou la réhabilitation d'une friche industrielle ;

- hiérarchiser les protections dans les espaces remarquables en protégeant plus strictement les espaces les plus remarquables et en permettant, sur les autres espaces, aux SCOT et aux PLU de comporter un plan d'aménagement ayant reçu l'accord du préfet après avis de la commission des sites, afin de permettre notamment aux activités économiques traditionnellement implantées de se maintenir ou de se développer ;

- permettre aux SCOT, pour les quatre plus grands lacs de plus de 1.000 hectares (Bourget, Serre-Ponçon, Annecy, Léman), d'instituer, en accord avec le préfet coordonnateur de massif et après avis du comité de massif, une limite au-delà de laquelle seule la « loi montagne » s'applique ;

- appliquer aux autres lacs de plus de 1.000 hectares, au terme d'une période transitoire, la « loi montagne » à l'exclusion de la « loi littoral » ;

- étendre aux départements d'outre-mer, par décret en Conseil d'Etat, les dispositions législatives relatives aux servitudes de passage applicables en métropole, afin de tirer les conséquences de la régularisation de la situation des occupants du domaine public maritime outre-mer.

M. Jean-Paul Alduy, président du groupe de travail , a enfin détaillé le troisième axe des propositions, relatif à la réforme du Conservatoire du littoral :

- accroître les moyens humains et financiers du Conservatoire du littoral ;

- placer le Conservatoire à la tête d'un réseau d'établissements publics agissant pour son compte et sous son contrôle, à la gestion desquels les collectivités territoriales seraient associées, afin d'améliorer la gestion des terrains acquis par le Conservatoire ;

- étendre le régime des contraventions de grande voirie au domaine du Conservatoire du littoral.

Après avoir exprimé son accord sur l'importance du rôle des SCOT dans la planification, M. Gérard César, président , s'est interrogé sur les solutions à envisager pour les communes ne souhaitant pas mettre en place de SCOT.

M. Jean-Paul Alduy, président du groupe de travail , a rappelé que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains avait instauré une règle de construction limitée pour les communes littorales non dotées de SCOT, assouplie par la loi « Urbanisme et Habitat » du 2 juillet 2003, et souligné l'absolue nécessité de relancer la planification au niveau intercommunal. Il a également indiqué qu'il était favorable, à titre personnel, à la limitation aux SCOT de la possibilité d'adapter la règle de continuité, le groupe de travail ayant préféré l'ouvrir également aux plans locaux d'urbanisme (PLU), en l'absence de SCOT.

Mme Yolande Boyer , après avoir salué la qualité de la réflexion menée par le groupe de travail, a indiqué qu'elle partageait la philosophie des propositions relatives à la planification et à la concertation. Elle a toutefois émis des craintes sur le faible niveau des moyens y afférents, et a exprimé ses réticences sur les modalités actuellement prévues pour la décentralisation, caractérisées par un enchevêtrement des compétences et une insuffisance des moyens. Elle a ensuite estimé important d'inclure les SCOT dans les pays maritimes, les deux périmètres coïncidant très souvent. Rappelant que le rapport sur la refondation du Conservatoire du littoral élaboré par M. Louis Le Pensec préconisait un doublement des moyens du Conservatoire du littoral entre 2001 et 2005, elle a regretté l'insuffisance des moyens alloués à l'établissement public, et souligné que le Conseil national du littoral devrait être également doté des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions. Considérant que le SCOT était un bon outil, elle a toutefois indiqué qu'il ne constituait pas un « remède miracle », et a exprimé des craintes sur les risques qui pourraient être liés aux aménagements en matière d'urbanisme. Elle a expliqué qu'en raison de ces réserves, elle s'était abstenue, au nom du groupe socialiste, lors de l'adoption du rapport par le groupe de travail.

M. Gérard Bailly s'est interrogé sur les conséquences de l'application de la « loi montagne » à l'exclusion de la « loi littoral » aux lacs de plus de 1.000 hectares, en indiquant que certaines communes riveraines de ces lacs pouvaient ne pas être situées en zone de montagne.

M. Gérard Le Cam , après avoir souligné l'intérêt des travaux menés par le groupe de travail, a estimé nécessaire de débloquer la situation dans certaines communes du littoral, mais de rester prudent face aux éventuels excès auxquels pourrait conduire un assouplissement trop important de la loi. Il a exprimé son accord avec l'idée de redéfinir certaines notions à l'échelle locale afin, notamment, de permettre le maintien des activités agricoles sur le littoral, et d'éviter le coût important, pour les collectivités territoriales, d'une application inadaptée de la loi. Tout en soulignant sa volonté d'être constructif, il a indiqué qu'il s'était abstenu, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, lors de l'adoption du rapport par le groupe de travail.

Après avoir rappelé le problème de la construction des bergeries sur le littoral, M. Jean Bizet a estimé intéressant de faire référence à la notion de pays, et a exprimé ses réticences vis-à-vis de la notion d'« expérimentation », qui laisse croire que les compétences décentralisées ne sont pas pérennes.

M. Paul Natali a déploré les conséquences de la « loi littoral » en Corse, et indiqué que la spécificité de l'insularité corse n'était pas suffisamment prise en compte, les communes étant en conséquence bloquées dans leur développement. Evoquant le schéma d'aménagement en cours d'élaboration, il s'est interrogé sur la primauté de ses futures dispositions par rapport à « la loi littoral ». Il a également regretté l'application brutale de la loi par les services déconcentrés, estimant que celle-ci accroît les risques de contentieux pour les communes qui ne souhaitent pas suivre l'interprétation de l'Etat. Il a enfin souhaité qu'une mission se déplace afin d'étudier concrètement la situation en Corse.

M. Joseph Kergueris , après s'être interrogé sur l'opposabilité juridique du SCOT, a estimé qu'il s'agissait d'un bon outil, qui peut désormais intégrer la notion de pays, à travers son syndicat mixte. Estimant indispensable que les PLU se conforment aux dispositions des SCOT, il a regretté que les PLU soient parfois élaborés avant les SCOT, et souhaité que ceux-ci, dès qu'ils sont approuvés, aient des conséquences directes sur les PLU.

M. Jacques Moulinier a exprimé son soutien vis-à-vis de la position défendue par le président du groupe de travail relative à la prééminence à accorder aux SCOT sur les PLU.

M. Ladislas Poniatowski , après avoir estimé très utile le travail accompli par le groupe, a émis deux observations. Il a, en premier lieu, rappelé que certaines régions ne seraient probablement jamais couvertes par un SCOT et estimé en conséquence souhaitable de conserver une certaine souplesse en donnant des possibilités d'adaptation aux PLU. Il a, en second lieu, indiqué que l'accroissement des moyens du Conservatoire n'était pas la seule préconisation du rapport remis par M. Louis Le Pensec, et devait surtout être accompagné de la réforme de l'établissement, à travers la mise en place d'agences territoriales contrôlées par les élus, en raison de leur rôle très important en matière d'aménagement, d'équipement et d'entretien des espaces.

M. François Gerbaud a indiqué que, dans le cadre de la modification des contrats de plan Etat-région prévue en 2006, il serait intéressant de permettre une contractualisation des projets contenus dans les SCOT, afin d'encourager l'élaboration de ces documents, et de leur donner une priorité par rapport aux PLU.

M. Paul Natali a indiqué que, sur les 30.000 hectares acquis par le Conservatoire en Corse, certains terrains n'étaient pas entretenus de manière satisfaisante.

M. Jean-Paul Alduy, président du groupe de travail , a apporté les éléments de réponse suivants :

- une mission en Corse pourrait utilement compléter le rapport du groupe de travail, la Corse étant à l'heure actuelle dans une situation très insatisfaisante, en raison de l'absence du schéma d'aménagement qui devait permettre des adaptations locales, absence largement imputable à la lourdeur de la procédure d'élaboration ;

- l'application de la « loi montagne » à une partie des lacs de plus de 1.000 hectares conduirait à la mise en place d'un régime plus souple, notamment en raison des modifications apportées récemment à cette loi ;

- l'importance des mutations que connaît le littoral, notamment de la pression foncière qui s'y exerce, qui peut conduire dans certains espaces à la disparition des cultures traditionnelles, a été soulignée dans le « message d'alerte » de la commission « littoral » de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) de juillet 2003, et doit impérativement conduire les élus à se doter des moyens de gérer cet espace, le SCOT apparaissant dans cette perspective comme un outil absolument indispensable.

M. Ladislas Poniatowski a indiqué que, dans la réalité, certaines communes, pour des raisons d'incompatibilité, ne pouvaient se situer dans le cadre d'un SCOT.

En réponse à M. Jean Bizet, qui s'interrogeait sur la mise en oeuvre des propositions du rapport, M. Jean-Paul Alduy, président du groupe de travail , a indiqué qu'il s'agissait d'une « boîte à outils » à utiliser à l'occasion des prochains textes examinés par le Sénat, notamment du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

A l'issue de cette présentation, la commission des affaires économiques a autorisé la publication du rapport d'information .

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