Rapport n° 370 (2003-2004) de MM. Jean-Claude ETIENNE , sénateur et Jean DIONIS DU SEJOUR, député, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 23 juin 2004

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

________________________

RAPPORT

SUR

Les tÉlÉcommunications À haut dÉbit au service du systÈme de santÉ

Tome II - Audition publique du 10 juin 2004 et annexes

PAR M. Jean Dionis du Séjour,

PAR M Jean-Claude Étienne,

Député.

Sénateur.

__________________

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale
par M. Claude Birraux,
Président de l'Office

__________________

Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Henri REVOL,
Premier
Vice-Président de l'Office.

Information et communication

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation

des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Claude BIRRAUX, député

Premier Vice-Président

M. Henri REVOL, sénateur

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député M. Pierre LAFFITTE, sénateur

M. Pierre LASBORDES, député M. Gérard MIQUEL, sénateur

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député M. René TRÉGOUËT, sénateur

DeputÉs

SÉnateurs

M. Jean BARDET

M. Christian BATAILLE

M. Claude BIRRAUX

M. Jean-Pierre BRARD

M. Christian CABAL

M. Alain CLAEYS

M. Pierre COHEN

M. Jean-Marie DEMANGE

M. Jean DIONIS DU SÉJOUR

M. Jacques DOMERGUE

M. Jean-Pierre DOOR

M. Claude GATIGNOL

M. Louis GUÉDON

M. Christian KERT

M. Pierre LASBORDES

M. Jean-Yves LE DÉAUT

M. Jean-Louis LÉONARD

M. Pierre-André PÉRISSOL

Mme Marie-Christine BLANDIN

M. Marcel DENEUX

M. Jean-Claude ÉTIENNE

M. Christian GAUDIN

M. Francis GIRAUD

M. Pierre LAFFITTE

M. Jean-Louis LORRAIN

M. Jean-Louis MASSON

M. Gérard MIQUEL

M. Bernard PIRAS

M. Daniel RAOUL

M. Ivan RENAR

M. Henri REVOL

M. Bernard SAUGEY

M. Claude SAUNIER

M. Bernard SEILLIER

M. René TRÉGOUËT

M. Jacques VALADE

SOMMAIRE

Compte rendu de l'audition publique du 10 juin 2004

AUDITION PUBLIQUE DU 10 JUIN 2004

(La séance est ouverte à 9 h 20 sous la présidence de

Monsieur Jean-Claude ÉTIENNE, sénateur)

INTRODUCTION

M. LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, mes chers amis, je tiens à vous remercier de votre présence.

Je suis heureux de vous accueillir dans cette maison que l'on dit « Haute Assemblée », et cher Jean DIONIS DU SÉJOUR, notre député représentant l'Assemblée Nationale au sein de l'Office Parlementaire sur ce rapport. En tout cas merci beaucoup d'être là.

Nous avons souhaité une séance de travail en comité assez restreint impliquant toutes celle et tous ceux qui ont à évoquer un sentiment, une analyse sur ce rapport dont l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques nous a chargés, avec mon collègue parlementaire Jean DIONIS DU SÉJOUR, sur Télémédecine et système de santé .

C'est dire que le sujet est assez vaste, mais qu'en fonction de vos différentes implications spécifiques, il y aura lieu de le diaphragmer pour en tirer ce que vous entendez exprimer et porter témoignage, sur une thématique qui arrive à point nommé.

Cette étude arrive à point nommé non seulement eu égard aux problèmes de la restructuration de notre système de santé, de l'offre de soins, de l'assurance maladie - naturellement le dossier médical unique dans cette affaire est au coeur de la préoccupation -, mais aussi pour résoudre certains problèmes très concrets telle la démographie médicale, les zones de désertification.

Nous avons reçu un certain nombre de témoignages qui nous viennent aussi de l'étranger où certaines pratiques font appel à la télémédecine.

Cela nous permet peut-être d'envisager certaines solutions plus immédiates sans attendre les effets d'un numerus clausus, qui s'est trouvé récemment augmenté, mais dont nous savons que la déclinaison pratique et la projection sur le terrain, n'auront lieu qu'au terme d'une dizaine d'années alors que les problèmes se posent parfois aujourd'hui déjà avec une cruelle actualité.

Je n'irai pas plus loin dans cet accueil, nous souhaitons que vous exprimiez ce qui vous tient à coeur.

Nous sommes volontairement en nombre réduit, mais tous fortement impliqués dans cette thématique. Je crois que pour des délais de séquences horaires à respecter, nous sommes convenus de donner la parole cinq minutes à chacun afin de laisser le plus de temps possible au débat entre nous tous et celles et ceux qui veulent bien nous honorer de leur présence.

Merci donc à vous toutes et à vous tous.

M. DIONIS DU SÉJOUR - D'abord merci à vous Jean-Claude, merci au Sénat de nous accueillir et merci à vous d'investir de votre temps dans notre démarche.

Avant d'entrer dans le débat, c'est peut-être le moment de vous dire où nous en sommes dans la démarche et où nous comptons aller.

Où en sommes-nous ?

Nous avons fait une série d'auditions, sans doute une vingtaine peut-être un peu plus, ce qui nous a permis d'avoir avec chacun d'entre vous un échange déjà approfondi concernant vos convictions sur le sujet.

Nous avons également fait récemment un voyage d'études qui a été très profitable aux Etats-Unis, notamment au Texas, pour voir l'organisation des téléconsultations dans cet Etat ainsi que celle du dossier médical partagé, et la vision du Ministère de la Santé américain sur les problématiques de télémédecine et système de santé.

C'était très intéressant et nous en revenons avec un certain nombre de conclusions.

La première conclusion est que le sujet est un sujet d'actualité, la télémédecine est mise en oeuvre, notamment au Texas, la question de l'opportunité n'est même plus débattue, ils l'ont fait et en sont contents.

Je voulais dire aussi que l'histoire de notre démarche nous a amenés à recadrer le sujet. Au départ, nous étions polarisés sur des problèmes d'infrastructure, de débit et en entrant dans le détail, nous avons très vite vu que le véritable goulot d'étranglement n'était pas là, au moins en ce qui concerne les problèmes de développement de télémédecine.

Ce qui est vrai pour le développement de services vidéo ou culturels pour lesquels il y a de vraies problématiques de débit, n'est sans doute pas vrai en télémédecine si bien que nous avons infléchi le sujet et la saisine initiale qui était faite par la Commission des Affaires Sociales de l'Assemblée Nationale, qui, au départ, était Internet haut débit et un système de santé pour le recadrer vraiment sur Télémédecine et système de santé .

Jean-Claude ÉTIENNE disait - et il a tout à fait raison - que le sujet est extrêmement vaste. Comme nous avons l'ambition peut-être un peu démesurée de faire bouger les choses et aboutir assez rapidement à des changements, nous avons commencé à resserrer nos investigations dans trois domaines que je voudrais rapidement vous présenter.

Le premier problème qui me semble évident, est que la relation entre le patient et le médecin va être profondément bouleversée par la présence d'une information médicale de plus en plus ample et disponible sur Internet.

La question de la certification, de la qualification, de la labellisation de l'information médicale pertinente sur le net, nous semble être un enjeu majeur. C'est donc une des questions dont nous aimerions débattre avec vous ce matin.

C'est, je crois, la première mi-temps que nous aimerions organiser avec vous, sachant que comme pour tout bon match de rugby, il y en a trois.

Ensuite, nous avons été très marqués par l'audition du Professeur LARENG. Ce dernier nous disait que nous pourrions faire tout ce que nous voudrions, mais qu'actuellement, en France, il n'y avait pas la base légale pour organiser une téléconsultation. Tant que nous n'aurions pas réglé ce problème et posé les bases juridiques de la téléconsultation en France, tout ceci serait largement analogue à un colloque universitaire.

Faut-il une loi pour la télémédecine et dans l'affirmative, laquelle ?

C'est le deuxième sujet d'investigation important quoique nous allons sans doute commencer par lui, pour poursuivre avec le problème de la certification de l'information sur le net.

Le troisième sujet est la mise en place du dossier médical partagé. A ce sujet, nous avons humblement l'ambition d'apporter notre pierre et notre concours à une initiative forte du gouvernement.

Cela me permet de conclure sur le futur de notre démarche.

Notre démarche a de la chance parce que nous arrivons au moment où, en gros, la représentation nationale va débattre d'une réforme importante du système de soins et de santé de notre pays puisque le Parlement va y consacrer le mois de juillet de cette année.

Avec Jean-Claude ÉTIENNE, nous avons l'ambition de peser sur ce débat parlementaire, notamment en déposant des amendements pertinents dans les trois directions que nous venons de vous citer.

Je crois que c'est une grande chance pour notre démarche d'avoir à portée de main un vecteur législatif légitime fort sur lequel les projecteurs seront braqués, mais nous avons la chance de disposer du concours d'acteurs publics au premier rang duquel le Ministre qui est ouvert à un certain nombre d'initiatives et de modernisations.

Le premier objectif de notre démarche est de produire ces amendements pour le mois de juillet.

Le deuxième objectif sera de faire un rapport cohérent fort qui aidera le débat d'idées en France sur ces trois sujets avec l'objectif d'avoir fait ce rapport pour le 22 juin. Tout ceci est très près et j'espère que nous tiendrons ces délais.

Voilà ce que je voulais dire, Jean-Claude, avant de lancer le débat et je repasse la parole à notre chef d'orchestre.

M. LE PRÉSIDENT - Merci Jean d'avoir dit combien les témoignages que vous voudrez bien livrer ici à la discussion, sont importants.

Merci d'avoir souligné qu'à travers ce rapport qui n'est pas un rapport parmi les autres de l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques et qui est dans l'actualité particulièrement brûlante que nous vivons, il trouvera ces prolongements en termes législatifs à partir de ce que vous allez exprimer ce matin.

C'est dire que par-delà la magie du verbe et le poids spécifique de vos témoignages, il y a des conséquences attendues que nous proposons de porter au plus haut niveau pour l'intégrer à la lettre législative.

FAUT-IL UNE LOI POUR ORGANISER LA TÉLÉMÉDECINE ?

M. LE PRÉSIDENT - A ce moment précis et avant de donner la parole à mon ami et collègue le Professeur LARENG, je voudrais remercier de leur présence mes amis les Professeurs DUBOIS et Denis PELLERIN, représentants de l'Académie de Médecine - c'est d'ailleurs la première fois que, pour un rapport, l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques associe les Académiciens à leur réflexion -, et leur demander de nous dire en quelques mots comment la sagesse des Académiciens en la matière entend intervenir dans cette donnée d'une particulière nouveauté.

Nous aurons en effet à examiner la manière dont la télémédecine ouvre la porte à de nouvelles modalités de la nouvelle offre de soins. La problématique de la démographie médicale, que je me suis permis d'évoquer dès le début de cette réunion, pourrait trouver sous une forme qui reste à définir, des solutions immédiates, applicables sur le terrain autrement que dans le délai d'attente de la formation d'un médecin lié à l'augmentation du numerus clausus qui ne « flèche » pas pour autant l'installation de ces médecins dans des zones actuellement désertifiées et particulièrement appauvries en matière de présence médicale.

Merci aux Professeurs DUBOIS et PELLERIN, s'ils veulent bien, tout de suite en introduction, nous décrire leur vécu de cette problématique.

Pr. PELLERIN - Merci Monsieur le Président, cher Jean-Claude.

L'Académie de Médecine se préoccupe bien entendu au plus haut point de cette évolution tout à fait nécessaire de la médecine, en particulier en ce qui concerne la relation médecin malade et les aspects juridiques des formes nouvelles éventuelles de diagnostic ou de soins.

Je suis ici en tant que Président de la Commission d'Ethique de l'Académie de Médecine, par ailleurs je siège à ce titre au Comité Consultatif National d'Ethique.

J'exprimerai donc plus particulièrement nos soucis de la qualité, du respect de l'individu, de la personne et bien entendu de la préservation de la relation nouvelle médecin malade que, Monsieur le Président, vous avez évoquée il y a une seconde.

François DUBOIS, de l'Académie de Médecine, s'est particulièrement préoccupé du problème de la télémédecine, c'est la raison pour laquelle je suis heureux de lui passer la parole, en vous remerciant encore de votre accueil aux membres de l'Académie, merci.

Pr. DUBOIS - Nous vous remercions, Monsieur le Président, de nous accueillir et de bien vouloir recueillir nos avis.

Effectivement au sein de l'Académie de Médecine, la Commission des Biotechnologies que j'ai l'honneur de présider, s'intéresse cette année tout particulièrement à la télémédecine. C'est un énorme sujet puisqu'il concerne toute la médecine et c'est certainement non seulement un problème, mais également un problème d'avenir considérable.

Ce sujet concerne la médecine, à savoir l'enseignement, le télédiagnostic, le traitement et ce problème énorme de la responsabilité partagée des problèmes de financement.

En ce qui concerne l'enseignement, vous avez l'enseignement de base avec des téléprojections. C'est particulièrement valable en anatomie où grâce à des images en trois dimensions, nous pouvons maintenant enseigner l'anatomie sans avoir recours à ce dont nous avions besoin autrefois, à savoir la dissection, et qui est d'autant plus difficile d'un autre côté.

Il y a également les vidéoconférences, vous savez que leur prix diminue énormément et qu'elles seront donc de plus en plus facilement accessibles.

Un autre aspect que nous pouvons imaginer est la mise en place de téléexamens universitaires pour des régions comme la Nouvelle-Calédonie ou les territoires d'Outre-Mer, c'est-à-dire faire passer des examens sans forcer les personnes à venir dans des centres universitaires plus importants.

Il y a non seulement l'enseignement de base mais également ce qu'on appelle le « post graduate », l'information médicale continue ou le troisième cycle. Là, il y a des expériences, en particulier à Strasbourg avec Monsieur MARESCAUX que vous devez connaître, avec l'université virtuelle multilangues avec des experts absolument internationaux ce qui permet d'ouvrir la médecine sur le monde entier.

Pour la chirurgie puisque je suis chirurgien, il y a également le téléentraînement avec des interventions virtuelles. Depuis la vidéochirurgie, on peut beaucoup plus facilement enseigner la chirurgie alors qu'autrefois c'était vraiment sur le terrain avec les inconvénients que cela pouvait comporter.

Il y a d'autre part le télédiagnostic, le Professeur LARENG est beaucoup plus compétent que moi pour en parler, mais on dit actuellement que du fait du raccourcissement des séjours hospitaliers, l'enseignement clinique et très difficile à faire.

Certains ont envisagé de rallonger ces séjours - cela paraît cependant invraisemblable - pour enseigner. En revanche avec des téléconsultations, on peut à la fois ménager la pudeur des patients et enseigner la clinique à de nombreux étudiants à la fois.

Il y a les problèmes de transmission des dossiers que vous connaissez aussi très bien. Actuellement on peut imaginer, semble-t-il que le praticien découvre l'examen radiologique, ou scanner, en même temps que le radiologue qui le pratique puisqu'on peut le transmettre, d'où un gain de temps considérable avec une bonne qualité d'images avec le 3D, etc.

Ensuite - et c'est l'expérience de Monsieur LARENG en Midi-Pyrénées -, il a organisé des réseaux de consultants, en particulier pour éviter de transporter les prisonniers dans les centres ce qui implique une organisation très lourde.

Cela permet également de lutter un peu contre la désertification de certaines régions en France, les médecins étant moins isolés, acceptent plus facilement de s'installer.

En ce qui concerne le traitement, au point de vue médical, après un télédiagnostic, vous avez la possibilité de faire des prescriptions non seulement à un médecin, mais également éventuellement à du personnel paramédical voire peut-être même un jour directement au patient par Internet quoique ceci demande beaucoup de modération.

En ce qui concerne la chirurgie, elle a été transformée par la vidéochirurgie. Cette dernière a vraiment fait un peu changer d'air à certains domaines de la chirurgie grâce au partage de l'image, de la connaissance et du geste.

Il y a d'abord le téléentraînement. On peut s'entraîner la veille à faire une intervention qu'on réalisera le lendemain après avoir bien compris tout ce qui pouvait se produire, mais également pendant l'intervention, vous avez ce que Monsieur MARESCAUX - toujours à Strasbourg, qui est en pointe dans ce domaine - appelle la réalité augmentée.

Au moment où vous avez un organe, vous pouvez projeter son anatomie sur votre écran ainsi que la lésion que vous avez à opérer. En particulier pour le foie où il y a d'énormes variations anatomiques qui sont parfois très anxiogènes pour le chirurgien, si vous savez où se trouve la tumeur par rapport à telle ou telle artère ou veine, cela vous fait gagner beaucoup de temps et de sécurité. C'est donc très important.

Dans ce domaine, vous avez aussi le télémentoring qui est assez extraordinaire. C'est nouveau mais cela va sûrement se développer. Pendant qu'on opère, avec une flèche qui se projette sur votre écran, un expert peut vous montrer l'endroit où vous devez intervenir ou ne pas faire tel geste, etc. Il y a là énormément de possibilités de développement.

Il y également les opérations à distance, toute la presse a parlé de cette fameuse opération où Monsieur MARESCAUX était à New-York et opérait un malade qui était à Strasbourg. Ce n'est pas un problème tellement médical, mais plutôt un problème lié aux télécommunications. Cela a été avant tout un exploit formidable de France Télécom.

C'est quand même assez extraordinaire, cela avait intéressé les personnes de l'armée de la marine et je pensais au départ aux sous-marins. Ce n'est cependant pas possible, parce qu'on ne peut pas avoir un signal qui permettrait de le localiser. Mais pour les autres bâtiments ou pour les théâtres d'opérations extérieures, cela peut servir.

L'avantage de ces robots qui sont en plein développement - et l'année dernière, nous nous étions justement intéressés à ce problème des robots, ce n'est d'ailleurs pas un vrai robot, mais un télémanipulateur  - est que le chirurgien qui intervient par leur intermédiaire est qu'il peut être dans la salle d'opération, à côté ce qui est beaucoup plus relaxant, mais aussi à 5 000 km puisque, après, c'est un problème de transmission.

Le dernier problème évoqué - il n'est cependant pas spécifique - est l'énorme problème de la responsabilité partagée. C'est un problème avec l'Ordre des Médecins, les juristes et un problème de financement, car pour les télédiagnostics et autres, il faudrait que la Sécurité Sociale réfléchisse éventuellement au remboursement de ces prestations.

Je reste à votre disposition pour d'autres questions éventuelles.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup. Vous avez posé un certain nombre de questions de grande importance et je vais demander maintenant à notre collègue et ami, le Professeur LARENG, responsable du Centre Européen de Télémédecine, de nous dire le vécu qui est le sien ne serait-ce qu'à travers l'expérience de Midi-Pyrénées qu'il a conduite.

L'EXPÉRIENCE DE MIDI-PYRÉNÉES

Pr. LARENG - Merci Monsieur le Président, je vous dirai d'abord combien je suis ému de me retrouver dans cette enceinte et je vous exposerai ce sur quoi j'ai été amené à travailler, c'est-à-dire la télémédecine.

Comme vous le demandez, je vais faire un bref rappel de notre fonctionnement en Midi-Pyrénées et à partir de ce fonctionnement et par l'expérience vécue, vous en exprimer le ressenti, le mien et celui de l'ensemble de mon équipe.

L'Institut Européen de Télémédecine a été créé en 1989. Nous avons fait beaucoup de télémédecine à travers le monde et, à la réflexion, nous nous sommes demandés pourquoi nous ne l'appliquerions pas plus spécifiquement en même temps dans la région Midi-Pyrénées.

Cela permettait d'intégrer les médecines dans la logique des SROS - Schémas régionaux d'organisation sanitaire - tout en conciliant les aménagements du territoire dans la finalité d'assurer un accès égal à des soins de qualité en tout point du territoire régional.

Vous voyez dans quel sens nous avons orienté nos travaux, cela ne nous a pas empêchés de faire certaines recherches sur les robots. Nous sommes entrés dans le cadre du Ministère de la Recherche et nous avons déposé le dossier juridique sur ces robots pour, en ce qui concerne les responsabilités, savoir dans quel sens nous orienter.

Les axes prioritaires que nous avons retenus dans nos travaux sont les suivants.

Premièrement et d'emblée, la complémentarité des compétences dans une démarche pluridisciplinaire. Nous n'avons pas hésité à entrer tout de suite dans ce schéma d'orientation.

Deuxièmement - c'est un point fort d'engagement et j'insiste parce que c'est la même définition que nous avions donnée des SAMU - l'engagement des établissements de santé. Ce n'est pas l'engagement de médecins, praticiens ou professionnels, mais de l'ensemble des établissements. La décision d'entrer dans le réseau de télémédecine régional a été prise par la Commission Administrative soit des hôpitaux soit des établissements.

Troisièmement, l'engagement de mettre en marche tout le potentiel d'une région, qu'il vienne du secteur public ou du secteur privé.

Dans cette orientation, nous avons remarqué que cela a favorisé les équipes professionnelles et que cela permettait au patient de garder son médecin généraliste comme interlocuteur privilégié.

Je vous indique maintenant quelques étapes repères.

Premier repère, en 1966, avec Marcel DASSAULT, nous avons fait la première transmission de l'électrocardiagramme qui ne sortait pas de l'épure alors que je surveillais des hôpitaux qui sortaient de l'épure des cadrans, à 75 km par VHF de Lupié de l'Arbre au CHU de Toulouse.

Deuxième repère, en juillet 1992, plusieurs années après, parce que les industriels nous ont boudés pendant tout ce temps - si l'industrie ne suit pas, il est évident que nous ne pouvons pas faire avancer les matériaux que nous ne savons pas fabriquer -, il y a eu une séance de télémédecine par la transmission simultanée de la voix, des données et des images avec l'hôpital territorial de la Nouvelle Calédonie - nous avons voulu taper un point fort auquel France Télécom ne croyait même pas - et le centre hospitalier de Rodez.

Troisième point fort, nous avons apporté une aide au Maire de Mauze, hôpital de l'Ardèche de cent lits qui était en voie de fermeture, pour aider à le maintenir, et si vous allez à Mauze, on vous expliquera comment il a été maintenu puisqu'il existe toujours.

En 1993, Monsieur Philippe DOUSTE-BLAZY, Ministre de la Santé, a fait de la région Midi-Pyrénées un territoire expérimental pour le développement de la télémédecine.

En 1993, le Conseil régional a abondé dans ce sens et nous a permis de travailler en réseau dans la région.

En 2004, vous avez la création d'un service de télémédecine au CHU de Toulouse, mis à l'ordre du jour du conseil d'administration par Monsieur le Ministre, mais pour lequel il n'a pu présider le jour de la décision puisque, entre-temps, il était devenu Ministre de la Santé.

Je vais faire un bref retour sur expérience.

Nous nous sommes axés sur trois orientations.

Premièrement les téléconsultations mono et pluridisciplinaires, consultations de référents à distance.

Dans ces consultations, il y a une montée importante puisque nous n'avions commencé qu'avec sept hôpitaux en 1993.

Depuis le début, c'est-à-dire 1996, jusqu'à la fin 2003, 6 374 dossiers ont été traités par la télémédecine :

- 26 % visaient le diagnostic,

- 57 % visaient la thérapeutique,

- 17 % visaient le diagnostic et la thérapeutique.

Concernant l'incidence de l'échange de télémédecine, nous avons constaté qu'il y avait dans :

- 30 % des cas, une modification qui était faite par le médecin qui donnait le conseil,

- 23 % des cas, une discussion,

- 47 % des cas, une confirmation.

Cela a donc été vivant.

Ces consultations ont souvent été effectuées avec la présence d'un patient qui était à côté du médecin appelant.

Toutes les spécialités sont impliquées et 47 % de ces téléconsultations ont été pluridisciplinaires. Comme cela engage l'établissement, le médecin fait appel au médecin voisin et s'il n'y a pas le chef de service au chef de clinique.

En 2003 des échanges ont été réalisés dans :

- 80 % des cas en inter-établissements,

- 20 % des cas en intra-établissement.

Dans les 20 % de ces cas, cela aide à la restructuration et à une nouvelle orientation des systèmes. Quand nous avons réuni Castres et Mazamet, l'orthopédie se fait à Castres et le digestif à Mazamet.

Ainsi, par les zones de télémédecine, nous voyons les échanges qui doivent se faire entre Castres et Mazamet sans que le malade ne perde du temps et, souvent, il a le diagnostic tout de suite.

Concernant les décisions de transfert, pour l'ensemble des téléconsultations analysées de 1996 à 2003, il apparaît que dans :

- 82 % des cas il n'y a pas eu de transfert,

- 18 % des cas il y a eu transfert.

Concernant ces échanges nous constatons que 48 % des transferts prévus ont été évités à l'issue des échanges de télémédecine. Cela favorise donc l'hôpital périphérique.

Je me souviens qu'au départ, quand nous avons déménagé, le préfet de l'endroit, m'avait dit qu'il ne donnait l'autorisation que pour un seul hôpital, Rodez, parce que nous allions lui vider tous les hôpitaux sur le CHU. L'année suivante, il avait changé d'avis et ouvrait largement les vannes des contrats d'Etat-Région pour les généraliser dans toute la région.

En ce qui concerne les téléformations et les téléstaffs, il faut noter que dans ces derniers, il y a eu 479 connexions en 2003 entre les différents établissements, 36 sites y participaient.

Sur 81 sessions dont 60 multisites et 20 points à points, il y avait une augmentation de 38,4 % par rapport à l'année 2002. Il faut noter que 81,2 % des connexions ont été réalisées pour les sessions multisites.

Au vu de ces premiers retours sur expérience, il apparaît que les sessions multipoints de téléformation et de téléstaff, créent et contribuent à effectuer un véritable tissage d'une communauté hospitalière régionale de Midi-Pyrénées.

Il est à souligner que les différents réseaux formalisés - matermibe, diamibe, viamibe, neurotraumatologie, neurovasculaire - ainsi que le collège de médecine des urgences ont recours à ce réseau de télécommunications.

Il faut remarquer que le nombre total de participations des professionnels de santé pour l'année 2003, est estimé à 3 161 médecins. 82,4 % des conseils donnés, le sont par le CHU, mais ils le sont librement parce que c'est un maillage. On peut aller de Lannemezan à Tarbes sans passer par le CHU de Toulouse.

Dans les échanges nationaux et internationaux, nous avons commencé en 2004 l'éducation à la santé au bénéfice des patients de la région. Cela a été utilisé en particulier, dans l'éducation thérapeutique dans le cadre du diabète gestationnel.

Les échanges nationaux-internationaux, national-international via l'institut, sont égaux pour nos activités à 18 % du total.

En conclusion la télémédecine constitue :

- une valeur ajoutée certaine,

- un rapport de confiance renforcé,

- des décisions concertées collégiales,

- une réduction du coût de la non-qualité, et il faut insister sur cette partie,

- une plus-value pour le patient qui est également évidente, ainsi que pour l'ensemble des médecins vecteurs de formation.

Je plaide pour une loi premièrement sur l'organisation de la télémédecine autour d'une région parce qu'elle est un bon réseau d'action, de nombreux ministres le disent dans d'autres circonstances et pas uniquement pour la télémédecine.

Je plaide pour une loi parce que cela permet de concilier les SROS à la télémédecine puisqu'ils sont régionaux et que c'est une contribution au tissage d'un lien étroit entre les besoins de la population et le potentiel de santé.

Actuellement, dans l'expérience Midi-Pyrénées, nous comptons sur le lien entre tous les établissements d'abord avec Xavier PATIER qui a donné un point fort par l'intermédiaire d'un Groupement de Populations Sanitaires qui s'est maintenant transformé en Groupement d'Intérêt Public.

Il faut dire que dans ce cas, nous avons l'impression que toutes ces formations sont satellitaires, qu'elles sont un peu en dehors des établissements. Ce ne sont pas des systèmes qui deviendront pérennes. Elles ne passent pas à travers des établissements. Il faut de la personnalité, de la conviction, de la présence des systèmes organisationnels pour les rapprocher du coeur de la médecine intra-hospitalière.

Nous avons pensé qu'il fallait d'une part des activités de support organisationnel - formation assistance aux utilisateurs, coordination médicale, suivi d'activité, stratégie de développement - et d'autre part des activités primaires - télémédecine exercée par le corps médical, prestations médicales.

Il y a l'organisation - vous avez qu'en France rien ne fonctionne si ce n'est pas administré - donc une administration et les médecins qui pratiquent la télémédecine.

En ce qui concerne les aspects organisationnels de demain, je vous indique ce qui serait souhaitable.

Premièrement, il faudrait faire évoluer le Groupement d'Intérêt Public vers un service régional de télémédecine. Ce service réunirait, à l'échelle régionale, l'ensemble des établissements avec un Comité de Suivi Consultatif à l'intérieur du service - pour le moment il est difficile de mélanger public et privé - où nous reproduirions avec les services privés les instances de réflexion qui ont lieu actuellement avec le GIP.

Nous pourrions ainsi installer la télémédecine dans le cadre d'un potentiel complet d'une santé, autrement nous perdrions notre temps, chacun resterait dans des baronnies.

A l'échelle de chaque établissement de santé, il y aurait soit des UF de télémédecine soit des services de télémédecine, qui seraient vraiment maîtrisées administrativement parlant.

Nous aurons des services qui agiront en termes de support organisationnel, qui assureront des missions de coordination sous l'autorité de la coordination du service régional et qui permettront une variation graduée et coordonnée.

Si ce n'est pas suffisant dans un petit hôpital pour l'information, on passe à l'instant T à l'hôpital mieux équipé et encore plus loin s'il le faut au CHU. En même temps, c'est à l'instant T que le malade sort avec son papier. Les médecins généralistes n'avaient jamais vu cela, ils ont la lettre traitée, surveillée, et nous avons eu l'autorisation de la CNIL il y a un mois pour un élargissement de ce système à l'ensemble de la région.

Lorsque le médecin généraliste a eu la lettre, il a dit que c'était la première fois de sa vie, qu'il avait une lettre avant de l'avoir écrite.

La loi est indispensable pour organiser cela, je ne vois pas comment nous pourrions le faire actuellement sans une loi.

Deuxièmement il faut pérenniser le financement de la télémédecine. Nous n'avons pas à nous plaindre des pouvoirs publics ni de l'administration qui nous aide à fond pour avancer. Elle ne peut cependant donner que les financements que le règlement lui donne l'autorisation de faire, ce sont des financements publics non pérennes.

Nous disposons d'un contrat de plan, du concours de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH), l'Union régionale des caisses d'assurance maladie (URCAM), la contribution financière des établissements.

Concernant certaines activités, nous avons la dotation régionale de développement des réseaux, les contributions de la médecine de ville, du FAUSV.

Enfin nous sommes en train d'étudier les prestations du médecin puisque les organismes officiels nous ont donné une subvention pour étudier comment on pourrait rémunérer les médecins et, si nous trouvions la solution pour cette prestation médicale, nous pourrions d'ores et déjà l'expérimenter.

Une législation est donc obligatoire dans le cadre de la Sécurité Sociale, il faudra bien donner une orientation pour savoir comment on peut donner une plus-value à la télémédecine par rapport à la médecine ordinaire et comment l'honorer.

Comme disait un Procureur général de la Cour de Cassation, si vous ne payez pas, vous ne pouvez pas rendre les gens responsables.

Troisièmement, vous avez les aspects éthiques et médico-légaux. Nous en avons parlé ce matin, c'est un élément très important.

Nous avons rédigé un code de bonne conduite éthique et professionnelle par rapport au médecin opérant, par rapport au médecin référent, que nous avons joint au dossier que nous avons donné à la CNIL.

Nous souhaitons également que le cadre réglementaire puisse se mettre en place parce qu'il y a dedans une dérive, insidieuse, qui peut ébranler les systèmes de santé, les web et autres. Nous ne contrôlons plus rien, il y a des formations partout, il faut absolument arriver à quelque chose.

Le dernier point est la traçabilité des échanges.

Nous mettons en place un système d'information et de gestion qui est en expérimentation dans sept établissements, nous comptons le généraliser et nous l'appelons dossier patient télémédecine .

Ce dossier pose tous les problèmes du stockage, de l'archivage, de la restitution à la demande des échanges, de la protection des données échangées et stockées. Il y a donc des aspects médico-légaux et donc là aussi un cadre réglementaire à voir de près.

Notre perspective d'évolution est d'aller vers l'optimisation de l'authentification des professionnels utilisateurs. Notre intention est d'aller du dossier patient télémédecine au dossier médical partagé pour que la télémédecine ait accès au dossier du patient et que nous puissions également livrer les informations au dossier médical partagé.

Il y a, là, les problèmes d'identification que je ne développerai pas, mais qui ne sont pas des moindres. Au total il semble que les technologies seront en mesure de résoudre les problèmes posés par les constitutions de dossiers, c'est difficile, mais ils y arriveront.

Comme on me l'a dit au Symposium où nous étions une trentaine à réfléchir à ces questions la semaine dernière : on nous dit que la technologie est derrière, mais nous la trouvons assez souvent devant.

C'est le comportement, les transferts des dossiers, de l'hébergement qui doit avoir une entente et que la loi doit prévoir en coordination avec les professionnels de santé.

Il faut savoir si ce fameux numéro unique, l'IPP et le NRJR peuvent servir d'exemple ou se marier, tout ceci est à définir.

En conclusion, je crois qu'il y a quatre points.

Premièrement, il y a le problème de l'organisation, de la mise en place d'un service.

Deuxièmement, il y a la mise en place du financement. Quand vous faites un dossier pour le FAUSV, ils rayent tout ce que vous demandez pour l'hôpital. Et quand vous demandez un dossier pour l'hôpital, ils rayent tout ce qu'il y a pour le FAUSV, nos expériences à ce sujet, sont quotidiennes.

Ils ne le font pas exprès, ils ne peuvent tous simplement pas faire autrement. Aussi comment voulez-vous faire des réseaux, garder les coordonnées au bénéfice du malade qui se trouve au Tourmalet si vous ne pouvez pas monter la côte qui mène au Tourmalet.

Dans une région qui a fait le Pont de Millau, nous sommes un peu surpris que, sur le plan de la télémédecine, sur le plan virtuel, nous ne puissions pas faire aussi bien que nos ingénieurs.

Troisièmement vous avez les responsabilités qui se posent dans le cadre de la pratique de la télémédecine.

Quatrièmement, il y a la mise en place du dossier télémédecine et du dossier médecine partagé.

Ce sont les quatre grands points qui, à mon avis, ne se régleront pas sans l'intervention d'une loi.

M. LE PRÉSIDENT - Merci, cher ami, de ce plaidoyer pour une loi, pour une mise en forme rédactionnelle d'un texte législatif nous permettant de décliner, sur le terrain, cette nouvelle donne appliquée à l'offre de soin.

Nous avons bien noté cette volonté de faire interférer le maillage des établissements de santé dans cette offre de soin et la place de leur organisation en réseau pour intervenir efficacement dans ce domaine.

A ce sujet cher Jean DIONIS DU SÉJOUR, nous avons pu relever que notamment aux Etats-Unis, dans des zones de désertification considérées comme telles, au plan médical, moyennant un investissement dans les techniques de télémédecine qui n'excèdent pas 20 000 € par établissement, il y avait un accompagnement des rares médecins installés dans des zones parfois très étendues.

Cet accompagnement permettait rapidement et efficacement - pour au moins trois cas qui leur sont soumis sur quatre - de répondre en termes de présence et d'accompagnement médical là où autrement sans l'aide de la télémédecine, cette demande restait lettre morte.

C'est dire les perspectives que nous pouvons ébaucher à la lumière de ce que nous venons d'entendre déjà de nos amis de l'Académie de Médecine et de ce que le Professeur LARENG a connu dans l'expérience Midi-Pyrénées.

A ce stade et avant de donner la parole à tous ceux qui veulent intervenir, nous pouvons peut-être demander au Docteur CALLOC'H du Conseil National de l'Ordre des Médecins, qui nous a rejoint, de donner très rapidement son point de vue, de manière à laisser le plus de temps possible à la discussion sur ce qui vient d'être dit.

Cette discussion interviendra juste après que vous aurez indiqué l'essentiel de ce que vous entendez développer pour le livrer au débat, et que le Docteur HAZEBROUCK aura concentré également ce qu'il entend exprimer quitte à ce que ce soit repris, après, dans notre échange.

LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE

Dr CALLOC'H - Merci Président. Je me présente, Jean-Louis CALLOC'H, Secrétaire général de l'Ordre des Médecins.

Sont présents mes confrères Jacques LUCAS qui, au sein d'un groupe de travail de la CNP, réfléchit justement à la confrontation de la déontologie au regard de la judiciarisation de notre société.

Il se tient disponible comme notre confrère de GAIL, Secrétaire général adjoint de l'Ordre des Médecins, en charge de l'évolution des technologies nouvelles au service des médecins, dans l'intérêt des patients. Lors du débat, mes deux confrères répondront aux questions qui les concernent.

A ma gauche enfin, vous avez Francisco JORNET, juriste en charge chez nous de la section de l'exercice professionnel.

Merci Président, nous sommes très honorés d'être présents. Je vous rappelle que le Conseil de l'Ordre est un organisme de fonctionnement privé à finalité publique qui se met à la disposition d'une finalité de santé publique en protégeant les intérêts des patients, tout en conseillant les médecins.

Je ne vais pas développer davantage ce bref raccourci de présentation, étant entendu qu'après le Professeur PELLETIER, le Professeur DUBOIS, le Professeur LARENG, tout a été dit sur les modalités pratiques de fonctionnement.

Pour faire court, que dire de la déontologie au regard de toutes ces contraintes présentes et futures ?

La technologie est en évolution et sera de plus en plus performante si bien que nous devrons avoir des médecins compétents, bien éclairés, bien informés dans la mise en application de ces technologies nouvelles.

Sachez que ce n'est pas qu'un phénomène français, mais un phénomène européen.

Pour ce que l'Ordre doit en connaître, puisqu'il fait partie d'instances internationales et notamment le Comité Permanent des Médecins Européens, nous pouvons vous dire que la prise en charge de la responsabilité civile des médecins sur la responsabilisation de ces actes, est assumée dans pratiquement tous les pays d'Europe.

Il est donc important que, pour la France, nous soyons également attentifs à l'évolution des textes de cette protection civile au regard de ces technologies nouvelles. Sachez cependant que ces prises en charge sont assumées par l'assureur.

En ce qui concerne l'Association Médicale Mondiale, autre instance à laquelle nous appartenons, il a été fait allusion à l'expérience américaine et toujours pour faire court, je peux vous dire que l'Ordre est en phase avec les points dominants des décisions de l'Association Médicale Mondiale, qui datent d'octobre 1999 sur l'indépendance des médecins.

Le médecin doit être totalement indépendant et libre de choisir, mais aussi de refuser la télémédecine. Cela ne saurait être aussi une technologie imposée, c'est une technologie d'appoint parmi d'autres.

Autrement, pour ce qui est de la responsabilité, il n'y a pas de changement pour nous. Cette technologie nouvelle n'apporte pas de nouvelles responsabilités, c'est le prolongement d'une responsabilité initiale qui s'actualise.

Le téléexpert ou le médecin appelé en second, se trouve également dans le fonctionnement de ce qui existait déjà, dans les contacts entre confrères et l'avis second demandé. La seule chose est que l'avis de l'expert l'engage dans la mesure où il a demandé lui aussi tous les éclaircissements indispensables au médecin premier ou médecin demandeur. Il est vrai que comme le médecin sollicité par la télétechnologie n'a pas l'examen clinique en direct, il doit formater toutes les questions qui lui paraissent essentielles.

Je fais court et je vous prie de m'en excuser, nous reviendrons sur ces points dans le débat.

Par ailleurs bien entendu divers articles du Code de déontologie concernant l'intérêt du patient, s'appliquent.

L'article 4 rappelle que le secret médical est institué dans l'intérêt des patients, ne l'oublions pas, et cette technologie nouvelle ne doit pas inverser la tendance. Ce n'est pas dans l'intérêt d'un payeur ou d'un financeur, mais toujours dans celui d'un patient que le secret médical est imposé.

Dans les conditions établies par la loi, à travers notre article 12, la collecte de données trouve toujours son application dans l'enregistrement, le traitement et la transmission d'informations nominatives ou indirectement nominatives.

Celles-ci sont autorisées - c'est l'article 12 -, mais dans les conditions prévues par la loi. Je rejoins le Professeur ARQUENS, il nous faut faire évoluer la loi nous le ferons.

Il nous faut cependant bien distinguer ce qui est conventionnel de ce qui est législatif. Actuellement, en ce qui concerne le dossier médical partagé, il pourrait y avoir des erreurs d'interprétation sur ce qui devrait relever de la loi dans le cahier des charges. Je m'éloigne un peu et cela fera partie du débat. Ne faisons pas rentrer dans la loi des choses conventionnelles, des choses qui n'ont pas à y être.

Dans les articles 72, 73 du Code de Déontologie, le médecin devra veiller à ce que son personnel se conforme aux obligations de confidentialité et protège comme lui-même les documents médicaux.

Il faut également que ce médecin veille à la compétence technologique de ses collaborateurs, car il est évident que ces technologies nouvelles font appel à des compétences médicales, mais aussi non médicales.

Là aussi nous avons des choses à recibler, à bien définir. Le médecin va devoir quelque part déléguer et il en est fortement question. C'est peut-être une délégation de compétences, mais toujours sous l'autorité des médecins qui se trouvent engagés dans un polymorphisme un peu inattendu au niveau d'un ingénieur dans une technologie de PMSI par exemple, dans une clinique.

Je fais toujours bref et je prie mes confrères de m'en excuser, qu'ils ne dévaluent pas la prestation de l'Ordre au fait que le Président m'a demandé de faire vite.

Je dis cela au regard du respect que nous avons pour l'Académie de Médecine, mais c'est sous la contrainte que je fais court. Voyez-vous, chers confrères, là aussi il peut y avoir des actes d'urgence.

En ce qui concerne la dilution des responsabilités, la technologie nouvelle ne doit pas amener un capharnaüm technologique qui arriverait à une dilution des responsabilités, pas du tout.

Chaque médecin - en premier, en second, médecin expert - doit assumer et s'il estime qu'il n'a pas eu les référentiels ou les informations, il doit se désister. C'est aussi une façon d'arrêter une collaboration, mais elle sera peut-être plus aiguë à définir.

Les modalités de ce désistement seront peut-être à définir de même qu'un langage commun, la constitution des dossiers, tout ceci sera à faire en bon entendement entre tous les intervenants.

Concernant l'article 64, lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement d'un malade, ils doivent se tenir mutuellement informés. Et ce n'est pas seulement la réponse mais aussi le suivi, y compris pour le médecin expert en second qui n'a toujours pas vu le patient. Ils doivent cependant quand même s'enquérir et ils doivent échanger entre eux de façon à assumer la responsabilité et veiller aussi à l'information du patient.

Un autre chapitre important est celui de l'information du patient. Ce patient est d'abord un citoyen, il a une carte bancaire, il entre dans une technologie nouvelle.

A-t-il par l'information citoyenne qu'il a reçue, pleine conscience que ceci trouve un prolongement dans sa carte Vitale et toutes les choses qui vont le faire rentrer dans cette technologie ?

Il va - la loi Kouchner le prévoit - être détenteur de son dossier médical. Il faut donc aussi qu'il y ait une bonne éducation de ce citoyen qui deviendra infailliblement un patient à jour sur la gestion de ce dossier informatisé et trop virtuel pour lui au regard des assureurs et d'autres partenaires.

Le Conseil de l'Ordre souhaite que soient bien formalisées toutes ces relations entre médecins et patients, en distinguant bien ce qui vient du champ conventionnel, payeur, de ce qui fait la pérennité d'une pensée citoyenne, c'est-à-dire le législateur.

Nous ne reviendrons pas sur les modalités d'enseignement, de fonctionnement en réseau.

Excusez-moi, nous avions beaucoup de choses à dire et là, je vais simplement vous rappeler que les points vitaux sont d'abord :

- l'information du patient,

- la préservation du secret médical,

- la qualité et les conditions de cette prestation technique qui suppose des médecins formés, compétents.

C'est encore un chapitre à développer pour qu'il n'y ait pas de conflits d'intérêts entre les payeurs et l'information des médecins, que ceux-ci restent autonomes et libres dans la formation continue sur ce détail précis de l'informatisation.

Et comme l'a été abordé aussi, viendront après - mais ce sera dans le débat - la manière d'honorer ces confrères. Des rémunérations nouvelles devront être étudiées car, là, nous sommes dans la virtualisation du contact humain.

Il n'en reste pas moins que comme vous l'avez compris, il y a un engagement total des responsabilités déontologiques, civiles et pénales.

Merci Président, en vous priant de bien vouloir m'excuser d'avoir été aussi court. Mes confrères et notre conseiller juridique sont à votre entière disposition.

M. JORNET - Je dirai juste deux mots en tant que conseiller juridique de l'Ordre et en ce qui concerne les interventions.

Aujourd'hui, en termes de responsabilité, comme tous les juristes, nous cherchons de la jurisprudence, et comme l'a notamment exposé Monsieur LARENG en termes de télémédecine et avec l'emploi de technologies nouvelles, il n'y a pas de jurisprudence.

Nous pouvons le voir de deux manières, soit la télémédecine est tellement bien faite qu'elle ne génère pas de préjudice et ne donne donc pas lieu à procès, soit elle est trop peu développée pour qu'on en arrive à un stage de judiciarisation. Ce sont deux hypothèses possibles.

La télémédecine peut aussi être entendue non pas uniquement sous l'angle de technologies nouvelles, mais sous celui de technologies plus anciennes comme le téléphone. Sous cet angle là il y a quand même un peu de jurisprudences dans deux hypothèses possibles.

Il y a l'hypothèse d'un rapport de télémédecine entre deux médecins où un médecin traitant non pas au sens de la loi de refondation mais au sens habituel, va demander un renseignement à un médecin consultant.

Il y a là une décision de la Cour Administrative d'Appel de Montpellier. Un médecin de garde avait demandé un renseignement téléphonique à un médecin ophtalmologiste. Les deux établissements ont été condamnés, ce qui signifie que chacun assume sa responsabilité. Alors que celui qui a été consulté, avait les données lui permettant de donner le bon conseil, il ne l'a pas donné. Et celui qui l'a consulté et qui avait le patient en face de lui, n'a pas pris la bonne décision et l'a renvoyé chez lui.

Un deuxième cas de figure possible est la télémédecine comprise dans une relation médecin-patient. Là encore au travers du téléphone, on a des exemples où des médecins ont été poursuivis et relaxés suivant qu'ils ont exercé leur activité médicale au téléphone dans les règles de l'art, de la déontologie ou pas.

Là, je ne peux pas dire autrement que mon Secrétaire général, en matière de responsabilité il n'y a aucune modification induite par les supports de télécommunications.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup de cette densité des propos. Il n'y a pas de changement pour définir la façon dont l'avis d'expert peut être prononcé, c'est votre point de vue.

Il n'y a pas encore beaucoup de judiciarisation, tout au moins chez nous. Nous savons qu'il y en a beaucoup plus ailleurs, dans d'autres pays où la télémédecine est plus développée, pays d'ailleurs - et je pense notamment aux Etats-Unis - où en matière de pratique de la médecine, il y a un degré de judiciarisation à nul autre pareil.

En tout cas faire évoluer la loi a été votre expression Monsieur le Secrétaire général - et nous l'avons bien noté - rejoignant par des points de vue assez nombreux ce qui a été exprimé tout à l'heure par le Professeur LARENG.

Quelques mots Docteur HAZEBROUCK, puis le Professeur DUPRAT nous donnera le point de vue du juriste et nous ouvrirons le débat.

Dr HAZEBROUCK - Merci Monsieur le Président, je vais faire comme l'orateur précédent, je vais abandonner toute idée de propos structuré pour souligner quelques points de projecteurs considérant que je suis tout à fait solidaire de tout ce qui a été dit par les orateurs précédents. Cela permet de simplifier les choses.

Nous pouvons attendre d'une loi et d'une intervention de la puissance publique deux sortes de choses.

Il faut d'abord qu'elle améliore un certain nombre de dispositions d'ordre juridique et réglementaire et je voudrais souligner deux points qui me paraissent très importants à discuter.

Le premier qui va nous aider dans la réflexion sur la responsabilité - et sans dire du tout le contraire de ce qui a été dit - est qu'il faudrait une définition précise du lieu juridique d'un acte de télémédecine.

Pour l'instant il y un flou considérable faisant que nous ne savons pas si cela se passe chez le médecin qui donne son avis ou chez le malade en imaginant le cas d'une téléconsultation d'un médecin directement à un patient.

Cela a cependant des répercussions très importantes surtout quand on fait l'international pour savoir quel seront les tribunaux compétents et le type de règlement qu'on va appliquer. Si c'est une consultation mixant l'hôpital et la médecine de ville, il y a également des problèmes de tribunaux compétents et de mode de jugement des fautes.

Il est donc extrêmement important, me semble-t-il, que nous allions vers une définition juridique du lieu d'un acte de télémédecine. Cela peut paraître peut-être un peu farfelu au premier abord, mais il faut y réfléchir. Je pense que ce n'est pas du tout farfelu et je suis prêt à m'en expliquer longuement, mais comme on m'a demandé d'être bref, je coupe.

Le deuxième point très important - et je sais qu'il est au programme des discussions - est la question de la propriété des données médicales.

A qui sont ces données médicales ?

Il est important de le préciser en distinguant deux points très précis :

- les données médicales nominatives, qui concernent donc directement un patient,

- les banques de données médicales, les collections de données médicales.

Pour la clarté de mon propos, je tiens à préciser que quand je parle de données médicales, il s'agit non seulement de données dématérialisées, mais également de collections d'échantillons sanguins conservés au congélateur par un service hospitalier.

Le service hospitalier a prélevé des échantillons et les garde parce qu'un jour ou l'autre, il sait qu'une nouvelle méthode de dosage apparaîtra et que s'il a 2 500 échantillons de sang de telle maladie, il va pouvoir tout de suite sortir une série et faire un contrôle intéressant.

Cela peut être des banques de cellules, de tissus, d'ADN, tout ce que vous voulez.

A qui appartiennent ces données ?

Je vais faire une proposition que je voudrais voir débattre.

Les données médicales individuelles restent bien sûr sous le contrôle du patient, c'est évident, mais dès qu'il s'agit de collections, je voudrais qu'on puisse dire par la loi que ces données appartiennent au domaine public de façon à éviter une appropriation et une marchandisation de ces données.

Je voudrais que nous y réfléchissions parce que je crois que la volonté de faire ce qui avait été fait pour les dons d'organes en France, c'est-à-dire éviter la marchandisation du corps humain, devrait se poursuivre dans la même logique aux collections de données de type médical.

Je pense aussi que la puissance publique a un rôle réglementaire pour la structuration des expérimentations.

Je suis évidemment complètement d'accord avec le Professeur LARENG quand il dit que la région est un bon cadre pour développer les expérimentations. Grâce au merveilleux travail de cartographie de toutes les expériences de télémédecine faite en France, réalisé par Hélène FAURE, nous pouvons constater de temps en temps aussi que des régions voisines ont fait des expérimentations.

Ces expérimentations sont très comparables, mais malheureusement incompatibles concernant certains points si bien que des hôpitaux très proches, mais qui ont le malheur d'appartenir à deux circonscriptions administratives différentes, seront dans l'incapacité d'échanger parce que chaque région a travaillé toute seule dans son coin.

Ce n'est pas toujours très grave, mais ça peut l'être et je pense que si nous structurons, il faut penser aussi à une harmonisation un peu au-delà des circonscriptions administratives régionales.

Dans les autres actions de restructuration, nous pouvons aussi nous dire qu'il y a peut-être une réflexion à mener sur un point technique à savoir qu'il y a un nouveau système de nommage Internet qu'on appelle IPV6.

Nous pourrions peut-être dire que des expérimentations pour la mise en commun du dossier médical devraient plutôt s'appuyer sur cette nouvelle façon de faire du nommage d'adresse Internet parce qu'elles sont beaucoup plus sécurisées que les anciennes IPV4.

C'est un exemple de réflexions qui peuvent être accompagnées de façon extrêmement précises.

La dernière chose que je voulais dire est qu'il y a probablement une collaboration plus intense à mener entre des expérimentations faites sous le contrôle des Agences Régionales d'Organisations et des Régions d'une part, par le Ministère de la Santé d'autre part, et des travaux faits par le Ministère de la Recherche dans le domaine de nouvelles technologies, de la Direction de la Technologie ou de la Direction de la Recherche de façon qu'il y ait des travaux plus approfondis qu'aujourd'hui sur les questions d'usage, d'appropriation par les utilisateurs de ces nouveaux outils.

Comme l'a dit Monsieur LARENG - et j'en suis entièrement convaincu - la technologie peut presque tout aujourd'hui, elle existe, elle est disponible, le tout est de travailler sur les conditions d'appropriation, d'acceptabilité, de faisabilité.

Qu'est-ce qui fait qu'une expérience de télémédecine marche ou non ?

Quelles sont les conditions de réplication dans un endroit de l'expérience de télémédecine qui a marché à tel endroit pour éviter chaque fois de réinventer l'eau tiède ?

Actuellement des débauches d'argent public sont faites pour reproduire des expériences dont on sait déjà qu'elles ne vont pas fonctionner parce que cela n'a déjà pas fonctionné ailleurs, mais on reproduit les mêmes bêtises. Il n'y a eu ni synthèse ni travail de coordination dans ce domaine ce qui est parfois tout à fait regrettable et je m'arrêterai là.

M. LE PRÉSIDENT - Merci cher confrère d'avoir bien cerné la question.

Les données médicales à l'échelon individuel pourraient nous appartenir dans le domaine collectif, quand c'est colligé, elles pourraient appartenir à la collectivité.

A ce sujet avant de donner la parole à tous ceux qui souhaitent intervenir et pour conclure cette première partie de notre débat de ce matin, je voudrais demander au Professeur DUPRAT, professeur de droit public, de donner son sentiment.

Le Professeur DUPRAT participe aux travaux de notre groupe et nous avons déjà pu bénéficier de ses précieuses analyses sur la notion de propriété de son propre corps, qui m'ont vivement intéressé bien sûr.

Dans certaines approches, nous ne semblions pas être propriétaires de notre propre corps puisque nous ne pouvions pas en vendre certains éléments. En revanche peut-être y aurait-il quand même un semblant de propriété étant donné que nous pouvons en donner une partie.

Monsieur DUPRAT, si vous voulez bien nous éclairer.

Pr. DUPRAT - En ce qui concerne les différents aspects évoqués, je dois dire que je suis en parfaite harmonie de pensée notamment avec les observations qui ont été faites sur la base du Code de Déontologie.

Il est évident que nous perdons souvent de vue les données du Code de Déontologie qui sont cependant tout à fait déterminantes en particulier pour l'appréciation de la conduite du médecin, du praticien.

Un problème délicat va naturellement se poser, à savoir la question de l'articulation des rapports - et le rapport d'autorité va jouer - entre le médecin et les opérateurs qui vont intervenir à distance sous la conduite du médecin.

Ce point est déjà évoqué jusqu'à un certain degré dans le Code de Déontologie Médicale. Il faudra probablement être plus explicite pour que cette dimension soit prise en compte d'une manière tout à fait expresse et qu'un certain nombre d'incertitudes qui pourrait subsister, soit dorénavant écarté.

C'est un chantier qui va se présenter et j'imagine que le Conseil National l'a déjà abordé, c'est celui de l'adaptation de dispositions du Code même si globalement, par les principes énoncés, il détermine un cadre qui est déjà applicable à cette pratique qui n'est en fait qu'un changement d'instruments.

Il faut cependant toujours avoir à l'esprit que la mutation des instruments peut avoir un effet sur la règle juridique elle-même. Le mode opératoire peut conduire à rendre plus complexe des relations et, par conséquent, il est évident que la règle juridique doit être également ajustée, adaptée.

En tout cas, il est nécessaire de bien rappeler que la déontologie médicale est un socle sur lequel il convient de se reposer et qu'il ne faut pas en relativiser trop l'importance. C'est le premier point.

Le deuxième point qui a été évoqué, je crois, par le Docteur HAZEBROUCK, est celui du lieu.

A priori et comme vous le disiez d'ailleurs vous-même, la notion de lieu peut paraître un peu surprenante. On se dit qu'après tout les différents intervenants sont à égalité, rien n'empêche qu'une structure collective comme un établissement de santé de se doter des moyens et s'ils ne sont pas trop chers, un cabinet médical, un cabinet collectif pourrait également s'en doter.

Il le faudra bien de toute façon puisque l'échange va impliquer un établissement où se trouveront certains services avec leurs spécialistes et le cabinet médical qui va exploiter les ressources expertales qui y sont contenues au travers des spécialistes dans ces services.

Le problème se pose véritablement pour les échanges internationaux, ce sont des problèmes qui vont mettre en cause les questions de droit international privé et il faut savoir que selon le pays concerné, les relations entre les patients et les médecins ne sont pas toujours de même nature.

Chez nous par exemple la dimension statutaire dans les établissements publics est tout à fait fondamentale et va déterminer la position dans laquelle se trouve le médecin et le patient.

En revanche, il est évident que la relation contractuelle va jouer à plein dans un établissement de santé privé. Dans d'autres pays, la distinction n'est pas faite et c'est la relation contractuelle qui va intervenir.

Il est donc évident qu'il va probablement y avoir des difficultés pour ajuster les cadres juridiques.

Pour nous, il y a forcément le cadre européen qui est bien commode parce qu'il permettra d'aborder ce type de questions de manière peut-être plus harmonisée et de résoudre sur le plan juridique un certain nombre de difficultés qui pourront se présenter.

Du point de vue du traitement de la responsabilité, c'est peut-être plus commode si c'est du côté allemand parce que c'est la dimension contractuelle qui l'emportera alors que du côté français, il est évident que la dimension statutaire va également prévaloir du côté de l'établissement public. Un hiatus peut donc se présenter.

Selon le type d'activité qui sera en cause et du conseil qui sera donné, à ce moment-là, il sera très important de savoir d'où il émane pour savoir dans quel cadre juridique il devra être traité et en rapport avec quelles règles.

Là, c'est une question qui est probablement à préciser, qui risque de conduire à un certain nombre de conséquences intéressantes en tout cas importantes du point de vue de la mise en jeu de la responsabilité dans un échange international.

Vous posez également la question de l'exercice d'un droit de propriété de l'individu. Je tiens à dire tout de suite que naturellement quand le terme de propriété est utilisé, il l'est bien souvent de manière purement métaphorique. Il est évident que nous ne sommes pas les propriétaires de notre corps.

On nous a dit dans un certain nombre de rapports officiels extrêmement intéressants, notamment un sous la signature de Madame LENOIR, que les questions de protection de la personne pouvaient être aussi bien envisagées dans une dimension un peu spiritualiste qui a traditionnellement guidé la démarche dans ce domaine, que dans une approche plus matérialiste en quelque sorte, plus objective, qui reposerait sur une vision qui ferait peut-être intervenir des éléments qui ressortiraient d'un droit de propriété.

Pour l'instant, nous n'en sommes pas là. En réalité ce qui est donné, c'est une autorisation.

Nous pouvons considérer que nous avons un certain nombre de droits sur une information qui va être constituée. Or cette information fait intervenir deux personnes, le patient et surtout aussi le médecin parce que c'est le médecin qui va l'élaborer. Il y a peut-être des données brutes, mais l'information est le résultat d'un traitement et c'est le médecin qui va la détenir, l'élaborer.

C'est chez le médecin qu'il faudra déterminer ce qui va ressortir de son droit sur un certain nombre de données qui sont d'ailleurs généralement des notes personnelles, et ce qui va ressortir de données qui sont cosignées notamment dans le dossier médical, mais, là, nous sommes dans un autre cas.

Voilà Monsieur le Président, quelques observations à propos de ce qui vient d'être dit jusqu'à maintenant.

M. LE PRÉSIDENT - Merci cher Jean-Pierre, si en ce qui concerne le rapport, nous sommes prêts à mettre quelque part de côté tout en y faisant allusion, certains aspects métaphoriques que vous venez d'évoquer, il n'en reste pas moins quant au fond qu'il nous faut évoluer sur le terrain comme un laboureur.

Nous aurons à proposer certaines dispositions au regard de la donne législative et merci de les avoir, quelque part, stigmatisées dans une harmonie que peut-être notre discussion d'à présent va bouleverser.

Après tout la discussion est faite pour cela et je sais que Jean DIONIS DU SÉJOUR souhaite tout de suite vous interviewer les uns et les autres sur quelques aspects qui lui tiennent particulièrement à coeur.

Je vais donc lui laisser la parole et donner à tous ceux qui veulent la prendre tant autour de cette table qu'à celles et ceux qui sont dans la salle, et notamment aux parlementaires - je sais que Madame Bérangère POLETTI, députée, est très partie prenante de notre réflexion - la possibilité d'intervenir comme ils le veulent.

DÉBAT

M. DIONIS DU SÉJOUR - J'ai une première question à poser au Professeur LARENG et à tous les praticiens de la télémédecine par rapport à ce que nous avons vu aux Etats-Unis.

Nous avons vu un modèle qui fonctionnait. Ils n'en sont pas à 3 000, mais à des centaines de milliers de téléconsultations.

Le modèle est à peu près posé maintenant, au moins sur la consultation médecin patient. A un endroit, il y a un médecin, après un certain nombre de transmissions de signaux, de caméras - plusieurs caméras d'ailleurs -, à l'autre bout il y a un patient et une infirmière.

Nous retrouvons le problème cité par le Professeur DUPRAT, à savoir que nous avons un triangle qui fonctionne de cette manière.

Il y a un dialogue médecin malade relativement classique qui se passe d'ailleurs très bien, les personnes ont dit que cela se passait très bien en psychiatrie. Après il y a également un dialogue entre le médecin et l'opérateur, il lui demande notamment de déplacer la caméra de telle et telle façon.

Est-ce que ce modèle texan en triangle est quelque chose de raisonnable ?

Faut-il que pour qu'il y ait téléconsultation, nous organisions quelque part l'obligation d'une présence d'un opérateur ? A quel niveau de formation ? Ou est-ce que nous sommes plus ambitieux que les Américains et que nous disons pourquoi pas directement une relation médecin/patient ?

Deuxièmement plus large que cela, le retour américain que nous avons eu, est de dire que, pour nous, il n'y a plus de débat, il fallait le faire et rapidement parce que nous allions déjà faire des économies considérables. La phrase des Américains qui m'a vraiment bousculé, a été que nous allions le récupérer tout de suite, ne serait-ce que dans le système pénitentiaire.

Je me tourne vers le Conseil de l'Ordre, il y a un certain nombre de raisons fortes qui ont été mises en avant. Je pense à l'importance de la clinique, or les Américains nous ont dit qu'ils avaient appris à ne plus toucher leurs malades. Ils nous ont également dit très clairement que la relation, notamment sur la dimension psychiatrique, passait plutôt mieux à distance qu'en réel.

Sommes-nous prêts également à faire ce saut culturel ?

Il faudrait peut-être une première réponse à la question de savoir si le modèle texan à trois est raisonnable, souhaitable, s'il est le bon modèle.

Est-ce que le corps médical dans son ensemble est prêt à dépasser un certain nombre de choses fortes qui étaient souvent mises en avant comme la relation affective que crée la simultanéité dans un lieu ainsi que l'importance des renseignements du toucher et de l'examen clinique ?

Pourrions-nous avoir des réponses ?

M. LE PRÉSIDENT - La première question porte sur la donne clinique, la place de la sémiologie clinique, comment la faire vivre à la lumière de la télémédecine en sachant qu'il y a peut-être un aspect singulier que nous avons vu bien mis en évidence, et sur le fait qu'il faut peut-être sortir du pot commun, à savoir la dimension relation médecin malade à travers la discipline psychiatrique.

Il est possible que, dans ce domaine, l'éclairage de la préoccupation médecin malade soit un peu différente de ce que nous pouvons vivre dans les autres disciplines d'exercice de la médecine.

J'ai bien vu que le Professeur LARENG poussait son index vers son micro parce qu'il souhaite apporter quelques éléments de réponse et que le Professeur Denis PELLERIN vient également de se manifester.

Pr. LARENG - Je ne recule pas devant les difficultés Monsieur le Président.

Premièrement, j'ai vu fonctionner ce système au Texas parce que j'y suis allé et j'ajoute que je me demande comment ils pourraient faire autrement.

Deuxièmement, je suis convaincu que la télémédecine maintiendra la tradition de la médecine française qui place au premier plan l'examen clinique. Et si nous continuons à ne pas nous en occuper, il y aura des dérives extraordinaires. Le web est chez le pharmacien, le médecin et ainsi de suite, la télémédecine doit donc être contrôlée.

C'est grâce à la télémédecine que nous pouvons, dans une certaine mesure, compenser certains effets néfastes du numerus clausus.

En psychiatrie je ne vois pas comment au Texas, lorsqu'on se trouve à 300 km d'Austin, il y aurait des allées et venues de malades qu'on emmènerait à la clinique universitaire de la région sans que ce soit vraiment nécessaire.

Il y a l'intermédiaire d'une infirmière - ou d'un infirmier - avec le malade, qui donne les examens qu'elle croit indispensables parce qu'elle peut d'ores et déjà faire un certain nombre de traitements. Je connais à fond la loi puisqu'il y a quelques années, j'ai participé à sa modification, l'infirmière peut faire de nombreux gestes qui, antérieurement, n'étaient faits que par le médecin.

Le phénomène social est tel maintenant que tout le monde est au courant et que les personnes veulent avoir des informations crédibles. Or elles peuvent avoir ces informations crédibles dans ces hôpitaux psychiatriques sans qu'il n'y ait la présence d'un médecin à côté de l'examen psychiatrique.

Dans la région Midi-Pyrénées nous sommes en train d'étudier à partir de l'hôpital psychiatrique de Lannemezan, un examen médico-psychologique, médico-social. Je ne dis pas que nous ne ferons pas la même chose, mais où sont les médecins ?

Ce n'est pas moi qui, dans le SAMU, ai dit que je voulais les médicaliser parce que jusqu'à présent, il n'y avait que des sapeurs-pompiers. Maintenant, avec ce numerus clausus, nous avons un mal énorme à faire en sorte d'éviter le contact par l'intermédiaire d'une infirmière. Nous nous disons en effet qu'il vaut mieux cela que rien du tout.

C'est à condition que, justement par la télémédecine, on vérifie ce qui se fait, il y a quand même un médecin au bout. Et à la clinique, ils le voient, il faut faire de la visioconférence.

Que font-ils dans les centres de reins artificiels qui sont aussi éparpillés ? Ils donnent des informations par ce biais. Et, in fine, c'est quand même un médecin qui tranche.

Dès lors que le médecin a le dernier mot, une infirmière donnera une meilleure information que le malade ou la famille elle-même.

C'est la raison pour laquelle, médicalisation, c'est sûr, médicalisation impossible, c'est également sûr. Il faut donc que la télémédecine se substitue et soit aussi un élément incitatif.

Ainsi dans des zones isolées dont les médecins auraient tendance à partir - nous le voyons dans notre région à La Tronquière isolée dans le Nord et perdue dans le désert - la télémédecine avec un médecin, a permis à d'autres médecins de venir aussi.

M. LE PRÉSIDENT - Merci, comment pouvaient-ils faire autrement aux Etats-Unis ? C'est un point important.

Pr. PELLERIN - Monsieur le Président, j'avoue que si je suis extrêmement intéressé par tout ce débat qui survole les possibilités technologiques, le futur, etc., je me sens assez loin du problème actuel de notre pays consistant à résoudre le problème de la démographie médicale déficiente par la recherche de l'utilisation immédiatement optimale et effective de procédés techniques nouveaux pour combler nos lacunes.

Je ne crois par conséquent pas que les quelques zones d'accès difficiles du Massif Central puissent être comparées à certains territoires un peu désertiques du Texas.

Je ne suis pas certain que nos paysans auvergnats soient prêts à ne plus avoir de médecin, mais uniquement une infirmière et une vidéo. J'aimerais peut-être que nous nous recentrions.

Ma deuxième justification de cette intervention peut être un peu impertinente...

Dans la salle - Ah non, au contraire !

Pr. PELLERIN - ...est une question à Monsieur LARENG, car l'expérience Midi-Pyrénées a démontré toute sa qualité, toute son efficacité par les liens inter-hospitaliers.

C'est un point tout à fait essentiel parce que nous ne pouvons par exemple pas avoir dans tous les établissements de la neurochirurgie et ce, même à Paris. Il y a un service de télédiagnostic neurochirurgical dans les hôpitaux de Paris, qui prouve que nous ne pouvons pas avoir la même chose partout.

Bref, vous avez là des personnes qui voient dans la télémédecine, un plus à une organisation au sein de laquelle elles sont intégrées.

Je voudrais vous demander si vous pouvez nous donner quelques précisions complémentaires sur l'intégration de médecins praticiens, médecins généralistes à votre réseau, car c'est tout à fait différent, cela pose toute sorte de problèmes différents.

Vous avez d'abord ceux évoqués tout à l'heure, à savoir le lieu, les aspects juridiques et réglementaires : les uns c'est au Civil, les autres au Tribunal Administratif. Autrement dit cela se terminera au Conseil d'Etat ou à la Cour de Cassation ce qui n'est pas exactement la même chose.

Là se posent bien sûr des problèmes.

J'aurais souhaité que dans les situations que nous connaissons, nous essayions d'aborder le progrès, le complément à l'activité quotidienne qui peuvent bénéficier de la télémédecine.

Pour le problème hospitalier c'est en marche soit dans une région soit dans une série d'établissements et il faut bien entendu l'encourager.

Mais pouvons-nous envisager la même chose pour pallier les défaillances éventuelles d'équipement médical démographique ?

De quelle manière cela va-t-il s'intégrer dans le dossier médical ?

Par conséquent les médecins peuvent-ils être formés à cette pratique et à quel niveau ?

Est-ce celui du médecin individuel ou ne faut-il pas envisager dans le Massif Central quelques maisons médicales ?

Ces maisons médicales qui ne seraient qu'à quelques dizaines de kilomètres au grand maximum, qui ont déjà une collectivité médicale qui ne peut cependant pas tout connaître et qui, elle, est en relation directe avec un lieu de référence hospitalier à déterminer et qui peut être variable par région, c'est une affaire entendue.

Deuxième question : de quelle manière les informations de diagnostic ou autres, recueillies ainsi peuvent-elles s'intégrer dans le dossier médical ?

Je crois que cela doit absolument s'intégrer dans le dossier médical et qu'il ne serait pas pensable d'imaginer une activité d'aide au diagnostic - je ne parle pas de téléchirurgie et autres - qui n'apparaisse pas dans le dossier.

Il y a donc en effet un problème de responsabilité : est-ce celui qui a donné le conseil ou celui qui l'a sollicité ?

Il me paraît difficile que celui qui a donné le conseil soit irresponsable. Il me paraîtrait difficile que celui qui a sollicité le conseil en subisse seul éventuellement les conséquences. Ceci doit être discuté.

La plage télémédecine doit entrer dans ces conclusions, dans le dossier partagé.

Je me permettrai de répondre au Docteur HAZEBROUCK qui a évoqué le problème des informations appartenant au malade et celles appartenant à la collectivité, et lui signalerai simplement le rapport du Comité Constitutif National d'Ethique sur les collections de tissus et de cellules.

C'est pour la première fois un document franco-allemand - et c'est intéressant compte tenu des difficultés et disparités que vous indiquez - sur lequel est même discuté un problème de terminologie.

Il a en effet été proposé d'utiliser le terme de biothèque et celui de biobanque au moins dans le subconscient. Ainsi on sait que lorsqu'on met quelque chose à la banque, c'est son propre bien dont on demande la conservation au banquier alors que lorsqu'on écrit un document, on crée quelque chose et qu'on le met à la Bibliothèque Nationale, on offre au public la libre disposition de ce matériel.

Par conséquent tout ce qui demeure strictement personnel ne peut pas être ouvert à la collectivité et tout ce qui rentre dans le cadre de l'organisation des collections des tissus peut l'être.

La France souhaitait l'appeler biothèque, mais comme il n'y a pas de mots anglo-saxons pour le traduire, on ne prend finalement que le mot banque. C'est là une déficience du langage un peu simplifié alors que la sémantique française permettait cette distinction.

Le dossier médical demeure dans le cadre personnel et le serveur qui a cela est une banque personnelle..

M. LE PRÉSIDENT - Merci cher Denis, d'avoir révélé ce qui, pour moi, est un comportement quasi névrotique tout au moins obsessionnel dans ce rapport, c'est-à-dire de quelle manière répondre avec la télémédecine au problème actuel et urgent de démographie médicale et de zone désertifiée.

S'il est vrai que la télémédecine est déjà présente dans certains de nos établissements hospitaliers, il faut savoir que c'est dans les plus gros et de façon pas toujours complète et totale.

Il y a là une question qui est posée, à savoir de quelle manière on peut faire revivre ce qui n'est pas forcément le désert texan mais parfois la raréfaction dans le Cantal ou les Ardennes, en matière de tissu d'offre de soins à travers les établissements locaux. Ces établissements locaux vivent aujourd'hui à un rythme et ont une perspective vers un type d'accompagnement d'offre de soins, qui est plutôt a minima.

Il faudrait savoir comment la télémédecine pourrait rendre vie à ces structures hospitalières moyennant des investissements relativement limités.

Je sais que c'est dans la préoccupation du Ministre Philippe DOUSTE-BLAZY qui va nous rejoindre d'un instant à l'autre alors même que comme vous l'avez dit, nous savons aussi que le dossier médical est un temps fort de la préoccupation dans ce domaine, qui peut être nourrie par la donne de télémédecine.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Monsieur le Professeur, je crois que nous ne pouvons pas renvoyer la problématique de télémédecine comme vous l'avez fait en disant que la problématique américaine n'est pas la problématique française.

Nous avons une tradition d'insolence à l'Assemblée Nationale, mais nous sommes aujourd'hui devant plusieurs impasses.

Il y a l'impasse de la file d'attente et du délai pour certains patients en ce qui concerne certaines spécialités, c'est le cas de l'ophtalmologie : pour avoir un rendez-vous à Agen, c'est un an.

Il y a une impasse territoriale, aujourd'hui dans le canton d'Houeilles, il y a un médecin qui va partir, il n'y en a donc plus.

Il y a une impasse aussi dans certaines administrations. Vous avez 65 000 Français qui sont en prison et qui sont mal soignés, toutes les études que nous avons eues, le montrent.

Ils sont mal soignés parce que les coûts pour les faire sortir dans les structures ouvertes sont exorbitants en termes d'accompagnement, on est obligé de déplacer deux ou trois policiers et la réticence du corps médical pour aller dans ces structures s'accroît et ce, pour plusieurs raisons qui ne sont pas forcément des problèmes de sécurité.

Nous avons interrogé des médecins qui nous disent ne plus vouloir y aller, car il y a des brouilleurs de portables si bien qu'ils perdent le fil avec leur activité médicale.

Aujourd'hui les Américains nous ont envoyé un message très clair en disant que nous devions le faire et le faire vite, nous allions couvrir les coûts - ils sont ainsi - extrêmement rapidement notamment en ce qui concerne la problématique pénitentiaire.

Je sens donc une urgence. Mais après je m'inscris bien dans ce que vous avez dit.

Je voudrais quand même une réponse parce que nous allons devoir écrire des amendements, essayer de nous lancer à ce sujet.

Pour fonder la téléconsultation, aujourd'hui nous allons devoir défaire un noeud consistant à dire qu'il y a consultation s'il y a présence physique d'un médecin et d'un patient, un certain nombre de textes le disent. Il va donc falloir que nous défassions prudemment ces noeuds.

Pensez-vous que nous devions rendre obligatoire la présence d'un opérateur ?

Je suis bien d'accord avec le fait qu'au final c'est le médecin qui tranche et qu'en termes de responsabilité et de rémunération, c'est une rémunération du médecin.

Est-ce que le modèle américain du triangle patient infirmier, pour prendre une image française, à un bout et médecin à l'autre, vous semble un modèle sécurisé ou êtes-vous pour un autre modèle ?

Pr. PELLERIN - Vous avez évoqué Monsieur le Député, des points particuliers alors que vous nous avez présenté tout à l'heure un modèle général de l'évolution de la médecine.

Je connais bien la médecine pénitentiaire, j'ai été le rapporteur à l'Académie de Médecine sur l'état sanitaire de santé dans les prisons à propos des modalités de libération pour cause de santé et de l'application de l'article réglementaire que vous connaissez.

La difficulté tient en effet à ce qu'il est nécessaire d'avoir un accompagnement de police, mais dans certains établissements, la solution peut en effet être un contact entre l'infirmier et le référent, tout à fait d'accord. Encore faudrait-il qu'il y ait un infirmier dans l'établissement puisque tous les médecins pénitentiaires nous indiquent que c'est le voisin de cellule qui alerte. Cela ne suffira donc pas.

Donc d'accord c'est une excellente opportunité dans ce cadre particulier.

Ensuite vous évoquez l'ophtalmologie, je suis totalement d'accord avec vous, mais vous savez qu'actuellement l'évolution est en marche pour faire que l'ophtalmologiste ait à côté de lui des optométriciens, etc. qui sont tout à fait capables de faire pratiquement 80 % de l'approche diagnostic sous, bien entendu, la responsabilité du contrôle du médecin.

De nombreux travaux ont été présentés en ce sens par les ophtalmologistes eux-mêmes et je pense que, là, il y a une solution indispensable.

Vous évoquez en troisième lieu le problème de la démographie et je crois qu'il y a d'autres solutions à la désertification.

Je ne suis pas là pour donner des conseils, mais si vous le souhaitez, je pourrais vous dire en deux mots et vous préciser que nous sommes un certain nombre à réfléchir à ce problème depuis fort longtemps et que nous ne serions vraiment pas du tout opposés à ce que tel territoire soit sous la responsabilité universitaire de tel établissement universitaire.

Les étudiants qui s'y présentent devront être bien informés que pendant un certain nombre d'années, ils auront à assurer des points d'activité médicale. En contrepartie, nous proposerions que les étudiants puissent s'inscrire dans n'importe quelle université et qu'il n'y ait pas de territorialité.

Ainsi, celui qui voudra s'installer à Nice parce qu'il sait que, là, il n'ira pas à la campagne, se trouvera avec un recrutement de un pour vingt alors que celui qui acceptera le jeu à Clermont-Ferrand en sachant que Clermont-Ferrand doit assurer ces points médicaux même l'hiver, comme il y aura moins de candidats, il sera beaucoup plus sûr d'y arriver.

Vous voyez donc qu'il y a beaucoup d'autres solutions et que nous ne pouvons pas en même temps vouloir régler le problème d'une démographie médicale dans une organisation de santé qui est entre les mains de la responsabilité de l'Etat des partenaires sociaux via l'assurance maladie et laisser complètement la liberté aux étudiants de ne pas aller là où il y a besoin de travailler. C'est cependant un autre dossier.

En revanche si vous accommodez cette remarque du fait que ce jeune médecin va disposer d'une organisation de télémédecine, vous allez augmenter considérablement son activité et en même temps vous le compensez un peu de son isolement.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Je voudrais faire deux remarques.

De toute évidence ce dont nous parlons aujourd'hui n'est qu'un élément dans une réforme d'ensemble.

Votre dernière phrase me semble très importante, il ne faut pas que nous ne pensions la télémédecine qu'au service de spécialistes, cela peut aussi être un outil au service de médecins généralistes qui ont des territoires importants à couvrir et qui, grâce à cette organisation, n'auront pas à courir dans des circonscriptions médicales immenses.

Nous allons donner la parole à Monsieur le Secrétaire général de l'Ordre des Médecins, puis à un certain nombre de personnes qui sont inscrites, mais nous nous interromprons dès que Monsieur le Ministre arrivera.

Dr CALLOC'H - Comme Monsieur le Secrétaire général n'a pas le monopole de l'ordre, je laisserai la parole à mon ami Jacques LUCAS.

Simplement en introduction pour reprendre ce qui vient d'être dit, ce n'est pas dans la patrie de Laennec - inspection, palpation, percussion, auscultation - que nous allons abdiquer le contact du malade. C'est un des fondamentaux de la profession et le contact clinique est vital.

Deuxièmement sous prétexte ou sous couvert de rendre plus efficient une demande des patients, il ne faut pas que l'acte médical devienne une simple prestation de services. Nous sommes quand même une profession réglementée : à chaque acte, nous engageons notre responsabilité et nous le faisons dans le cadre d'une déontologie et d'une éthique. Quelque part il nous faut donc le temps et raison garder pour toute décision.

En ce qui concerne le parallèle avec les Etats-Unis, nous avons parlé du Texas, je dirai simplement que nous comprenons également que les Américains ne touchent plus leurs patients quand nous savons qu'un médecin homme ne se permet plus d'examiner seul une femme, il lui faut une nonne, une infirmière à côté. Il est donc évident que d'un point de vue clinique, il ne les touche plus et ce, pour d'autres raisons que la télémédecine.

Gardons-nous de cela et l'Ordre des Médecins qui protège les patients, veillera toujours à ce que raison garder soit. C'est la patrie de la France et des droits de l'homme, ne l'oublions pas quand même, donc le respect de l'autre en premier.

Former les médecins, je l'ai dit dans mon propos initial. La responsabilisation du citoyen - et j'ai utilisé l'image de la carte bancaire qui vient quelque part d'être prise par le porte-parole de l'Académie de Médecine - quand on donne sa carte bancaire on engage un patrimoine personnel alors que quand on donne tout ou partie de ses cellules, on rentre quelque part dans une banque de données.

Après avoir rappelé et rebondi sur ce qui vient d'être dit, la question est posée des réseaux et des maisons médicales, je donne la parole à Jacques LUCAS qui est en charge de ce dossier chez nous.

Dr LUCAS - Je voudrais d'abord dire que j'ai été extrêmement séduit par les exposés du Professeur LARENG et du Professeur PELLERIN dans des tonalités différentes.

Pour revenir à la question posée de savoir s'il faut une loi pour organiser la télémédecine , la réponse est oui.

Nous avons beaucoup parlé de déontologie, or si la déontologie c'est les principes éthiques multiséculaires et d'ailleurs assez largement transculturels, c'est aussi un Code de Déontologie. Et le Code de Déontologie qui a valeur normative, est soumis au primat de la loi votée par la représentation nationale.

Il me souvient à ce propos qu'un Vice-Président du Conseil d'Etat - je ne sais pas si c'est l'actuel - avait dit toutefois que la loi devait être brève et solennelle alors qu'elle tendait à devenir de plus en plus bavarde et tatillonne en créant peut-être plus de rigidité qu'elle ne résolvait de problèmes.

Excusez-moi Messieurs les Parlementaires.

Dans la salle - On essayera de faire mieux.

Dr LUCAS - En tout cas la loi au niveau national devrait évidemment donner une cohérence aux organisations régionales pour lesquelles Monsieur LARENG a plaidé extrêmement brillamment.

Je vais cependant introduire une petite dissonance dans ce propos, car je trouve que la télémédecine dont nous avons parlé ou l'organisation des réseaux pour lesquels vous avez plaidé, est très largement hospitalo centrée. Elle l'est à juste titre puisque des établissements se mettent en coopération sur un territoire.

Vous avez également dit dans votre propos que c'était des engagements d'établissements et pas de professionnels. Ce n'est donc pas en relation directe avec le Code de Déontologie encore que les professionnels qui consultent dans ces établissements sont évidemment associés à la décision de l'établissement par leurs commissions médicales.

Il nous semble donc que le problème au niveau régional est de savoir comment obtenir un engagement collectif, je préférerais d'ailleurs dire plutôt un engagement coordonné des médecins libéraux exerçant hors établissement.

Cela pourrait être par exemple par les unions régionales de médecins libéraux, car s'il faut une loi pour organiser la télémédecine cette loi ne va pas sortir ex nihilo, il y a tout un arsenal législatif et réglementaire, et notamment au niveau des SCHROS où pourraient être associés ces médecins libéraux.

Cela semble très important car nous avons - et Monsieur LARENG, vous l'avez certainement vécu particulièrement de près - eu de très grosses difficultés avec la permanence des soins, non pas la permanence territoriale dans l'implantation des cabinets médicaux encore que cela rejoint le problème, mais l'engagement des professionnels de santé libéraux dans un dispositif collectif de permanence des soins.

Il semblerait qu'il faudrait que la loi qui s'intégrera dans un ensemble général, favorise le regroupement de ces professionnels, mais un regroupement organique de ces professionnels à traverse les Unions Régionales des Médecins Libéraux, le Conseil Régional de l'Ordre des Médecins que la loi du 4 mars 2002 a porté, mais pour laquelle nous sommes en attente de décret d'application.

Vous l'avez dit, dans l'espace régional ou se situe une coopération inter-établissements, je voudrais apporter l'expérience de ma région.

Je suis issu des Pays de la Loire et le département de la Mayenne a créé un site Santé Mayenne.com - je vois que vous acquiescez -, qui a d'ailleurs été largement soutenu par Monsieur ARTHUIS. L'initiative est partie de professionnels libéraux et spécifiquement d'ailleurs du Conseil Départemental de l'Ordre.

L'Union Régionale des Pays de la Loire, les Conseils départementaux des Pays de la Loire et les établissements des Pays de la Loire avec la coopération des ARH et de l'URCAM, ont également créé un site qui pourra héberger des réseaux et donner une cohérence.

La loi devrait venir soutenir ce genre de propos et la loi pourrait aussi être plus simple.

Après cette considération d'ordre un peu général, mais toutefois très pragmatique puisqu'on nous demandait s'il fallait une loi pour organiser la télémédecine, il faudrait aussi une loi pour débloquer un certain nombre de choses.

Monsieur JORNET, notre juriste d'exercice professionnel vous a dit tout à l'heure que le téléphone était également une façon de faire de la médecine.

Actuellement, à la demande d'un centre de régulation des appels dans le cadre de la permanence des soins, il n'est pas légalement possible de délivrer une ordonnance. Le Code de la Santé porte en effet que l'ordonnance - si c'est bien de faire un diagnostic, c'est encore mieux de traiter - ne peut être délivrée qu'après examen du patient.

Il conviendrait qu'après avis des organisations représentatives et notamment de l'Ordre et de l'Académie de Médecine, la représentation nationale dise si l'examen du patient peut être un examen virtuel, téléphonique avec une sémiologie - Monsieur LARENG vous avez dû y contribuer - de la régulation qui déclenche un processus qui est un examen virtuel d'une situation médicale.

Il est bien évident que le Conseil National de l'Ordre apportera son concours aux évolutions positives du Code de Déontologie. Il ne faudrait pas qu'au nom des inscriptions qu'il a actuellement, il représente un frein.

J'en sais quelque chose puisque j'ai rédigé un rapport - il sera présenté aux prochaines Assises - sur l'évolution des Codes de Déontologie de 1947 à nos jours. Nous notons que si les principes déontologiques fondamentaux sont maintenus, il y a eu des évolutions extrêmement substantielles qui ont été portées par le Conseil National sur l'évolution pratique des Codes à partir des dispositions de la loi.

Il faut une loi, merci.

Dr CALLOC'H - J'apporterai une dernière précision concernant l'évolution de l'éventualité d'une délégation sous couvert de la responsabilité des médecins vers des paramédicaux ou des collaborateurs.

Il faut que tous les actes restent quand même sous le contrôle du médecin, car une différence de quelques pixels sur une image, une modification d'incidence sur une radiographie, peuvent avoir de telles conséquences que toutes ces choses ne peuvent même pas être techniquement manipulées par un paramédical et ne peuvent être mises en oeuvre que sous le contrôle et la responsabilité d'un médecin.

Autrement, ne serait-ce que dans les campagnes de dépistage, nous allons vers des dépenses induites indirectes suite à ces imprécisions initiales. Pour une petite erreur initiale, nous aurions des grands coûts de rattrapage et de gestion à l'arrivée.

Pr. LARENG - Dans le fond, je suis d'accord avec tout ce qui vient d'être dit, mais je vais vous donner l'expérience.

Premièrement il faut voir la réalité en face. Au moment où il a fallu sortir avec les médecins dans la rue, nous avons demandé une loi en 1960 et il a fallu attendre 1986 pour qu'elle sorte. Maintenant les médecins sortent dans la rue et nous sommes aussi sur le point de déléguer en dehors des médecins parce que nous sommes devant la réalité et que nous n'avons pas trouvé de médecins pour les ambulances.

Il faut voir la réalité et le public est là. Nous ne sommes plus comme il y a dix ans au téléphone, le public le voit, la télévision le répète avant que cela ne se passe, il est au courant des événements.

Deuxièmement, à la Société Européenne, nous avons récemment organisé une réunion très importante sur la responsabilité que Monsieur COUTY présidait avec moi, nous en parlions encore récemment.

Il y avait des juristes, la Cour de Cassation, des juges et le juge a traduit les choses en disant qu'au fond, je ne devais pas m'en faire, il y aurait le juge de fond pour trancher. Vous comprenez que nous n'avions rien tranché du tout.

Je dis qu'il faut maintenant voir la réalité en face.

Troisièmement tout ce qui a été dit est qu'il faut que le public et le privé travaillent ensemble. Nous avons été contents de faire un GIP pour ce faire et nous travaillons également avec l'UMRL, c'est évident. Nous ne pouvons pas travailler sans l'ensemble des médecins et il faut qu'il y ait la responsabilité médicale.

Nous sommes maintenant sur le travail - et j'essaye de le souligner - à savoir la diminution du coût de la non-qualité de la prestation.

Il faut voir comment est faite la prestation, elle est mal faite et il faut la faire mieux. S'il faut la faire mieux à distance sans médecin, nous la faisons sans médecin. Nous sommes davantage devant la diminution du coût de la non-qualité que devant l'optimisation des soins.

C'est ce que je voulais dire.

Dr ROIGNOT - Bonjour, je voudrais justement répondre par des expériences concrètes à toutes ces questions et je vais d'abord me présenter.

Je suis le Docteur ROIGNOT, cofondateur du réseau de cancérologie en Bourgogne ainsi que cofondateur et expérimentateur de deux réseaux :

- les réseaux de téléextemporané en Bourgogne,

- du réseau de télécytopathologie avec le Cambodge et ce, avec le Professeur COHEN à Reims.

Je voudrais rebondir sur ce qu'on vient de dire et en particulier sur le triangulaire dont vous avez parlé tout à l'heure, à savoir médecin opérateur et patient. Il y a deux exemples.

Le premier exemple est le téléextemporané.

Je suis également anatomo-pathologiste et vous savez que nous sommes une race en voie de disparition. Je ne sais pas si tout le monde sait ce qu'est un anatomo-cytopathologiste, c'est un médecin spécialiste dont la profession est hautement représentée par le Professeur DIEBOLD. C'est nous qui faisons des diagnostics et en fonction de ceux-ci, les autres médecins traitent.

Mesdames par exemple pour un sein, Messieurs pour un testicule, si vous avez un nodule dans le sein ou dans le testicule, c'est nous qui décidons pendant l'opération chirurgicale, si nous devons enlever votre sein ou votre testicule. Très globalement l'anatomo-pathologie c'est cela.

Nous avons donc mis en place en Bourgogne, le téléextemporané. Cela veut dire que nous ne nous déplaçons plus, il y a un opérateur à notre place et, sous le contrôle du chirurgien, une infirmière va prendre le nodule l'examiner, télétransmettre et nous faisons le diagnostic à distance.

C'est une première illustration d'un opérateur, cela fonctionne depuis 1997 et a également été publié en 1997. Nous pourrons y revenir plus longuement pour ceux qui le souhaitent.

En ce qui concerne le deuxième exemple concret qui fonctionne extrêmement bien et qui va également répondre à la question, c'est vrai que maintenant ce n'est plus un problème de technique, mais de pourquoi et pour quelles raisons cela fonctionne dans un lieu donné, que ce soit un pays étranger ou en France.

Je vais illustrer ce propos par la télécytopathologie avec le Cambodge que nous avons mis en place depuis 2001. Nous avons installé une station de télémédecine ainsi qu'un laboratoire de cytopathologie, et formé sur place des personnes qui ne connaissent pas plus la cytopathologie que vous.

Ce sont des Cambodgiens qui parlent un peu français et un peu anglais. Nous les avons formés à la lecture de la cytopathologie, à la télétransmission, ils n'ont pas de Bac avec mention et trois ans avec un DUT, mais cela fonctionne depuis deux ans et demi.

Nous allons le publier et le présenter au congrès à Poznan.

C'est une deuxième illustration de cet opérateur qui est entre les deux.

Par ailleurs pourquoi cela fonctionne-t-il au Cambodge, est-ce que cela pourrait être ailleurs ?

Je dirai - c'est pour polémiquer un peu exprès - que nous ne sommes pas arrivés avec nos gros sabots comme les Américains, et pour rendre les personnes dépendantes, bien au contraire. Nous avons fait de la formation médicale continue parce qu'au fur et à mesure qu'on fait un diagnostic devant une image, vous pensez bien qu'à la vingtième fois, n'importe qui peut faire un télédiagnostic en cytopathologie.

C'est une expérience qui est patronnée par le Ministère de la Recherche et qui regroupe un certain nombre de structures dont l'Institut Pasteur à Paris, le Centre de Pathologie de Dijon, le CHU de Reims, etc.

Ce sont deux exemples.

Troisième illustration pour essayer de faire un peu moins court ou aussi court que Monsieur CALLOC'H, en ce qui concerne le réseau de cancérologie, je voudrais rebondir sur la fiche pluridisciplinaire de cancérologie.

Je crois qu'il est impératif d'avoir le plan de la cathédrale, mais pour - et appelez-le comme vous le voulez - le dossier médical partagé, la fiche pluridisciplinaire de cancérologie ou autres, il faut d'abord - c'est même une certitude parce que nous l'avons vécu en Bourgogne depuis deux ans -, qu'elle soit minimale pour qu'elle soit réalisable dans la pratique de tous les jours.

Je peux vous dire que grâce à cela, que ce soit le secteur privé ou le secteur public et les centres anticancéreux, ils ont tous adhéré à cette fiche pluridisciplinaire de cancérologie parce qu'elle est simple à réaliser et que nous avons pu la mettre sur informatique.

Mme SERRA - Bonjour, Marie-Françoise SERRA, je suis Directrice du Secteur Santé chez France Télécom.

Je voudrais simplement souligner que le développement des technologies permettrait pratiquement chaque jour d'élargir le champ de la télémédecine. Il faut par conséquent être vigilant en ce qui concerne le texte pour ne pas le restreindre de trop et à ce titre, je voudrais donner deux exemples.

Il y a l'exemple de la télé-échographie que nous expérimentons dans le cadre d'un protocole formel entre le CHU de Grenoble et celui de Brest. Il s'agit, là, de transmettre le toucher. On peut d'ores et déjà toucher le patient à distance avec une transmission du retour d'effort.

L'autre exemple autre champ promis à un très grand élargissement, est tout ce qui concerne la téléassistance au domicile du patient, avec la visiophonie que nous avons testée au CHU de Grenoble, qui commence à être mise en oeuvre à Grenoble et qui le sera prochainement dans d'autres régions.

Beaucoup de choses vont pouvoir se passer au domicile du patient, hors du champ médical classique qu'est l'hôpital ou même le cabinet du médecin.

Il va donc être très important de ne pas trop restreindre ce champ, car chaque jour on va pouvoir faire les choses où l'on veut.

Je peux aussi évoquer tout ce qui concerne la télétransmission en continu des patients transportés en urgence. Aujourd'hui, grâce au GPRS et demain à l'UMTS - nous sommes en train de le tester avec Lille -, on peut aussi suivre et y compris transmettre un électrocardiogramme dans une ambulance en déplacement.

Aussi ne restreignons pas trop le champ, car, tous les jours, il va s'ouvrir et il pourra même aller jusqu'au domicile du patient.

M. LE PRÉSIDENT - Merci Madame, il y a donc une augmentation des possibilités d'action de l'offre de soins au niveau même du domicile du patient.

M. ZYLBERBERG - Laurent ZYLBERBERG, je suis responsable des relations institutionnelles de France Télécom.

Pour élargir un peu le propos parce que nous avons effectivement une partie dirigée par Marie-Françoise SERRA dans tout le secteur santé, je voudrais souligner rapidement sept points qui sont un peu les points que nous avons en retour de l'impact des nouvelles technologies sur l'ensemble des organisations, que ce soit les entreprises les administrations ou autres. Et je pense que cela peut s'appliquer et que ça s'applique aussi à la médecine.

Premièrement, lorsqu'on met en place des nouvelles technologies, cela va mettre en lumière les problèmes organisationnels. Nous le voyons bien en médecine, lorsqu'on met en place du télédiagnostic, c'est l'organisation territoriale, l'organisation du système de soins.

Deuxièmement, vous avez la redistribution des financements. Là où vous aviez des financements en partie sur du fonctionnement et en partie sur de l'investissement, vous allez devoir faire de nouveaux arbitrages. Et ce point est valable en médecine comme ailleurs.

Troisièmement - et ce point a déjà été souligné - vous avez la réorganisation des compétences. Les compétences attendues par les personnes ne sont plus les mêmes.

Aujourd'hui on a besoin qu'un médecin sache se servir d'un ordinateur. Il y a quelques années ce n'était pas indispensable alors qu'aujourd'hui, me semble-t-il, ça l'est.

Quatrièmement, en ce qui concerne la diffusion, il y a une importance décisive sur l'exemplarité au top de l'utilisation des nouvelles technologies, par le top et de l'hypertechnologie ainsi que par une diffusion de masse. Les deux permettent d'avoir réellement un impact très fort de ces nouvelles technologies.

Cinquièmement, vous avez une modification des comportements de travail. Là où vous aviez des métiers profondément individualistes, individualisés, vous allez avoir des métiers qui vont devoir travailler de manière coopérative. C'est un élément qui, me semble-t-il, est important.

Sixièmement - et il a également été souligné -, c'est une transformation de l'espace géographique. La géographie des métiers, celle des compétences et du fonctionnement n'est plus la même parce que la notion de temps, de transmission des donnés évolue de manière fantastique.

Là c'est un peu ce que disait le Professeur LARENG tout à l'heure, lorsque vous avez un SAMU qui est sur le lieu d'un accident, ce n'est plus la même chose et il n'est pas nécessaire d'avoir un hôpital juste à côté aujourd'hui. Il y a donc là, une transformation de l'espace géographique.

Septièmement, et ce point est, me semble-t-il, décisif, les technologies sont des outils et c'est l'intégration de ces outils dans les structures qui va produire des solutions.

Les outils en soi ne sont pas des solutions, les technologies ne sont jamais des solutions et ce, dans aucune application. C'est l'intégration de l'outil dans l'ensemble de la structure et des contraintes de ces structures qui va produire des solutions.

Je suis un peu sorti de la médecine, mais je pense que cela peut être utile.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup.

Monsieur BERNARD, qui représente le point de vue des patients, objets de toute l'attention.

M. Jean-Luc BERNARD - Merci Monsieur le Président.

Je vais peut-être être un peu la voix moins consensuelle. Puisque vous sembliez presque regretter qu'il y ait trop de consensus, je vais certainement être un peu le poil à gratter de cette assemblée, mais je l'assume parfaitement.

Je suis le représentant des patients en ce sens que je suis d'abord un des cofondateur et vice-président du Lien, association suffisamment polémique pour être connue. En plus nous sommes membres du collectif interassociatif et c'est à ce titre que je suis présent, à savoir que je représente vingt-huit associations de patients et pas des moindres.

En outre les associations sont en train de se structurer si bien que nous deviendront quasiment, si ce n'est déjà fait, un partenaire plus ou moins incontournable.

J'ai aussi la lourde responsabilité d'être expert en technologie de l'information si bien que j'ai une vision quelque peu déformée mais en tout cas technique.

Dans nos débats j'écoute, je réagis, je n'ai pas un propos structuré - je ne vais pas vous tenir un propos structuré sur faut-il une loi pour organiser la télémédecine - j'entends simplement qu'on a aussi des considérations juridiques et techniques.

Je rejoins tout de suite ce que disait mon interlocuteur de gauche, Monsieur BERNARD, à savoir qu'en ce qui concerne les technologies, ce qui nous inquiète, nous, patient, au premier titre, c'est l'usage qui en est fait.

Déjà sur le principe même de savoir s'il faut une loi pour organiser la télémédecine, si vous nous le demandez à nous, organisation de patients, la réponse est oui, cela nous paraît clair.

La télémédecine a-t-elle effectivement un intérêt ? Oui clairement.

Maintenant en disant cela, nous avons tout et rien dit. Ce qui va nous intéresser, ce sont les modalités pratiques d'encadrement et de mise en place de ces procédés.

Madame SERRA parlait tout à l'heure du télémonitoring, en tant que patient nous n'y sommes pas opposés, nous voyons l'intérêt d'être chez nous plutôt qu'à l'hôpital. Nous disons simplement, le télémonitoring, oui, sous certaines conditions. Il a aussi un droit du patient à la vie privée, pas de caméras partout, dans les toilettes ou autres, pas sans son accord.

Il y a un certain nombre de modalités qu'il va falloir décliner et ce sont ces modalités qui feront l'acceptabilité sociale de ces technologies par les patients.

J'insiste sur ce point de l'acceptabilité sociale par les patients. Nous patients - et je tiens à le dire - sommes très attachés - et ce, même si on reproche au Lien de mettre tous les médecins au tribunal, ce n'est pas vrai - au colloque singulier, à la relation de confiance entre le médecin et son patient, la télémédecine est autre chose.

Il faut donc s'attacher à conserver cette dimension humaine et très relationnelle qui est quand même la base de la relation patient médecin.

C'est une à première chose sur l'aspect purement de la loi.

En revanche, je vais quand même dire quelque chose de la loi puisque je suis aussi représentant des patients au niveau européen, de l'Association Etel, association de télématique européenne, qui a été missionnée par la Commission Européenne.

Je tiens quand même à dire que maintenant il ne faut effectivement pas perdre de vue l'éclairage européen. C'est une première chose.

J'ai un souci que je tiens quand même à vous faire partager, le Groupe Passur-Detal a déjà produit un certain nombre de recommandations sur la téléprescription, le télédiagnostic, le monitoring etc., et cette association continue à travailler.

L'audience en France est cependant zéro, car la langue de travail des associations européenne est l'anglais. Je suis désolé, on parlait de la formation, mais il va falloir aussi vous mettre à l'anglais Mesdames et Messieurs parce que cela devient un outil de travail indispensable.

M. LE PRÉSIDENT - C'est pour un certain nombre d'entre nous.

M. Jean-Luc BERNARD - Les patients vont le faire, et, Monsieur le Président, j'insiste sur cet aspect parce qu'on a quand même beaucoup de mal à faire passer au niveau des Etats des réflexions européennes, cela redescend assez mal.

Dans la salle - C'est vrai.

M. Jean-Luc BERNARD - C'est déjà une première chose, or on avance à ce sujet.

En ce qui concerne les aspects techniques, je vais également rebondir et vous me comprendrez même si je ne parlerai plus du dossier médical partagé.

On va faire une loi d'accord, oui effectivement Monsieur, méfions-nous de ne pas faire des lois trop verbeuses. J'ai tendance à dire qu'il faut nous méfier de la tendance à faire des lois pour suppléer celles qui existent déjà, mais qu'on n'applique pas.

Méfions-nous aussi de ne pas être en retrait sur des lois existantes, je parle bien parfois de l'Europe et, là, j'ai un exemple très précis qui concerne la CNIL - et le Commissaire est en face -, nous l'avons écrit - et nous maintenons notre position - dans le cadre du travail groupe numéro 5 sur l'assurance maladie puisque nous sommes au Commissariat à l'Assurance Maladie.

Le projet de transposition de la loi de 1995 qui va donc remplacer celle de 1978, nous pose des problèmes. A notre sens, de trop nombreuses dérogations sont prévues sur le traitement des données sensibles, c'est tout.

Ce n'est pas une accusation contre la CNIL puisque c'est une loi, une directive européenne. Nous disons simplement qu'il va falloir donner des garanties aux patients sur les aspects confidentialité et autres.

Pour continuer sur ces aspects législatifs, méfions-nous aussi de ne pas faire des textes qui soient quasiment éthérés. C'est le décret hébergeur qui est en discussion actuellement.

Quand nous avons été auditionnés dans le cadre de ce décret, nous avions déjà demandé qu'un représentant de la CNIL soit dans le Comité d'Agrément, ce n'était pas prévu et je ne sais pas si ça l'est, mais je ne le crois pas.

Par ailleurs ce Comité d'Agrément est composé de personnes très sympathiques, de Conseillers d'Etat, etc. qui nous vont très bien. Je suis cependant désolé de le dire et d'être un peu impertinent, en matière de sécurité des systèmes d'information, leur niveau de compétences est celle d'un oursin. Or la mission de ce Comité est de faire les référentiels de sécurité.

On a prévu un professionnel de la sécurité des systèmes d'information, nous avions dit qu'il en fallait plus. Je pense que ce Comité ne doit pas être une CNIL bis ou autre chose de ce genre, il faut un vrai Comité technique de validation car, là, les garanties seront nécessaires.

Monsieur HAZEBROUCK ou Monsieur CALLOC'H disait tout à l'heure que pour le moment il n'y avait pas tellement de contentieux en télémédecine, peut-être parce qu'elle était très bien faite ou peut-être parce qu'elle n'était pas assez développée. Je pense clairement qu'elle n'est pas assez développée parce que les contentieux viendront.

Comme je suis en train de vous le dire, dans les patients vous trouvez aussi des informaticiens, des personnes qui commencent à savoir se prendre en main. Là aussi, quand il y aura un problème, ça ira mal. Je suis désolé de le dire crûment, mais il faut être clair.

Il est donc nécessaire de se garder pour tout le monde et dès le départ, de savoir raison garder certes, mais quand même de se donner des garde-fous et vraiment des garanties qui ne soient pas formelles, nous avons besoin d'assurances.

J'ai noté tout à l'heure que Monsieur CALLOC'H parlait du capharnaüm technologique, il disait qu'il ne fallait pas y être, mais je suis désolé nous y sommes.

Nous avons écrit et nous demandons déjà que sur les postes de travail des médecins libéraux - or c'est le début de la transmission des données, c'est là que le professionnel saisit les données de santé - les données soient chiffrées.

Je suis ulcéré quand mon médecin me dit qu'il ressaisit tout parce qu'on lui a volé son PC le week-end dernier. Oui, mais où sont les dossiers médicaux ? Ils sont partis avec le PC.

Il faut un pilote et le pilote ne peut être que l'Etat. Imposons aux éditeurs que les données sur disque dur soient chiffrées. Or personne ne veut le faire, personne n'est capable de tenir un langage fort pour imposer quelque chose aux éditeurs.

On dit que d'un point de vue technologique, c'est compliqué. D'abord c'est faux, mais par ailleurs il faudra arriver un jour à ce qu'il y ait un pilote au niveau de l'Etat.

Monsieur HAZEBROUCK disait tout à l'heure qu'il fallait commencer les expérimentations avec IPV6 parce que c'était plus sécurisé, etc. IPV4 et IPSEC fonctionnent très bien. Je veux bien qu'on commence sur IPV6, cela ne me choque pas, ce qui me choque c'est que Sésame Vitale 1.4 ne soit toujours pas capable de brouiller les codages CCAM et qu'on va le déployer.

Je suis désolé, en tant que patient, je suis fortement opposé à cela. Là aussi cela manque de pilote.

Le dossier médical - je ne vais pas y venir maintenant - est la deuxième partie, il y a aussi des choses à dire à ce sujet.

M. LE PRÉSIDENT - Nous allons y venir, ce sera le deuxième temps de notre matinée.

M. DUSSAUSSE - Jean-Paul DUSSAUSSE, CCITI, Centre de Compétences International de Téléimagerie.

Saint Bernard a écrit quelque part : « Ce n'est pas dans la connaissance qu'est le fruit, mais c'est dans l'art de le saisir. ».

Je crois qu'en matière technologique - et je reviens à votre réflexion sur les Etats-Unis - nous avons en France en particulier, objet à toute réponse. En technologie nous sommes, à mon avis, beaucoup plus en avance que ce que les pratiques permettent aujourd'hui.

Nous avons créé une démarche pour demander si l'ensemble de ces connaissances réunies ici, peut être regroupé avec une logique très simple qui a été appliquée chez les industriels.

Nous avons d'un côté le contenant, de l'autre le contenu, mais il est nécessaire d'intégrer les usages et c'est là que la question de la loi se pose.

Une loi, oui, pour quoi faire, est-ce pour combler le retard ?

Est-ce pour anticiper l'avenir ?

Là c'est un vrai défi et en ce qui concerne l'avenir, à notre sens, à partir d'une plate-forme créée pour la circonstance, à partir des expériences que le Professeur LARENG a pu faire, qu'à l'époque Liliane DUSSERRE avait promu lorsqu'elle était au Conseil de l'Ordre, nous avons pris le pari suivant.

Nous avons pris le pari que nous avions une capacité à exporter vis-à-vis des pays médicalement émergents, cette somme de connaissances, ces particularismes français qui sont nés de notre académie, de notre université, de notre système public et de notre système privé.

Je souhaiterais simplement dire que cette expérience a besoin d'un encadrement, d'aller rapidement vers une cohérence et surtout d'une fédération et je voudrais souligner quelque chose.

Certains de nos pays voisins, notamment de l'autre côté de la Méditerranée, ont compris que derrière la médecine et la santé, il y avait un marché. Oui, nous avons des problématiques, un problème de numerus clausus et, en face de nous, des compétiteurs qui sont en train de s'organiser pour appeler nos patients chez eux pour les soigner et en tirer une économie.

Ma proposition dans ce débat est de dire la chose suivante et je rappellerai juste un point. Il y a dix ans, avec le Sénateur ARTHUIS, j'avais animé le débat sur l'apport des nouvelles technologies en matière de santé hospitalière. C'était l'époque où nous travaillions sur l'hôpital européen Georges Pompidou avec Louis OMNES.

Qu'en est-il aujourd'hui de l'évolution des technologies ?

Je vous rejoins, nous avons, nous, industriels puisque je viens du monde industriel, commis des erreurs. Il faut nous en excuser. Ces erreurs ont permis une évolution technologique parce qu'il y a eu un meilleur rapport de confiance avec certains professionnels.

Chez les professionnels de la santé, vous avez des blocages culturels, structurels et économiques qui sont légitimes. Et nous comprenons bien aussi que certaines organisations n'ont aucun intérêt à voir la télémédecine évoluer parce qu'elle va venir perturber le jeu économique.

C'est ce que je voulais vous dire.

M. LE PRÉSIDENT - Merci d'avoir souligné cet aspect qui devient mondial, à savoir des groupes internationaux qui jouent l'enjeu de l'offre de soins comme sur un marché à haute valeur compétitive et se placent sur ce marché susceptible d'intervenir dans différents pays, différentes nations au nom d'un groupe économique financier international pour prester dans l'offre le domaine de l'offre des soins.

Nous savons que depuis presque un an et demi maintenant, il y a des groupes très présents sur le marché international dans ce domaine. C'est pour cette raison que le travail auquel vous participez et la place de la télémédecine en France a un rôle éminent, merci de l'avoir souligné. Je pense que c'est vraiment important.

M. DUSSAUSSE - Juste un point pour rebondir en ce qui concerne le comparatif avec les Etats-Unis.

Lorsqu'un financement est demandé aux Etats-Unis, les grands groupes pharmaceutiques ou les grands groupes agroalimentaires sont là, disponibles et financent.

Nous avons un vrai problème de financement dans nos initiatives en matière de formation, nous sommes quand même - et je crois qu'il suffit de lire la presse - dans un système en faillite. Peut-on ou non le relever, je crois que oui.

Pr. DIEBOLD - Jacques DIEBOLD, j'ai été professeur d'anatomie pathologique à l'Hôtel Dieu pendant de nombreuses années et je voudrais souligner ici ce qui a été bien démontré par mon ami ROIGNOT, à savoir l'importance très grande de la télémédecine dans le diagnostic cytologique et histopathologique des tumeurs.

Nous avons un impact très important à tous les niveaux, notre discipline se prête très bien à cela.

En plus de ce qui a déjà été montré par Monsieur ROIGNOT, je voudrais souligner que développer le télédiagnostic dans des expériences comme celles que j'ai pu faire, c'est favoriser la demande d'avis d'experts qui peuvent être obtenus très rapidement par ces moyens.

C'est également favoriser ce vers quoi nous souhaitons aller, c'est-à-dire la double signature pour tous les diagnostics de tumeur ou en tout cas pour de nombreuses tumeurs, afin d'avoir une meilleure approche diagnostic, indispensable pour que nos collègues cliniciens puissent effectuer le bon choix thérapeutique.

Il est clair que nous pouvons également très facilement transférer les documents histopathologiques d'un centre à un autre afin de permettre d'envoyer toutes les informations pour le dossier du patient et ce, de manière très rapide.

Enfin je pense qu'en raison du déficit que nous avons en spécialistes, qui a été souligné tout à l'heure, nous pouvons demander de l'aide à nos techniciens comme le font les ophtalmologistes dans certaines pratiques dont l'extemporané.

Ceci pour souligner que nous souhaitons vraiment qu'il y ait un encadrement législatif très précis et qui nous permette d'exercer dans les meilleurs niveaux de responsabilités qui sont les nôtres.

Nous souhaitons bien entendu que comme le disait Monsieur DESSAUSSE, il y ait une collaboration avec l'industrie et je pense que nous avons tout à gagner à le faire.

J'ajouterai quelque chose qu'on n'a pas encore eu le temps de dire, je pense qu'aujourd'hui il faut de plus en plus penser à l'enseignement des médecins et des techniciens pour le télédiagnostic, la télémédecine, parce que ce n'est pas encore suffisamment fait dans nos facultés.

M. LE PRÉSIDENT - Merci. J'en profite pour dire que compte tenu de la nécessaire brièveté que nous demandons aux intervenants, nous sommes preneurs de tous les documents dont vous voudrez bien nous rendre dépositaires pour les inclure dans le rapport et ainsi faire valoir mieux encore qu'à travers l'extrême brièveté des propos qu'il est possible que nous tenions les uns et les autres, le point de vue que vous entendez faire valoir.

Dr ROIGNOT - Toujours sur l'anatomo-pathologique - nous avons un représentant éminent au Conseil de l'Ordre - le téléextemporané est l'amélioration de la qualité de soins liés à une économie des prestations médicales. Pourquoi ? Il n'y a pas de soucis.

M. LE PRÉSIDENT - Nous sommes d'accord.

Avant d'ouvrir la discussion sur le dossier médical partagé qui se fera notamment en présence de Monsieur le Ministre - je l'ai eu au téléphone et il doit nous rejoindre -, à la demande de Jean DIONIS DU SÉJOUR et parce que c'est un point techniquement important, nous avions inscrit à l'ordre du jour de ce matin le problème de la certification des sites de santé.

Nous souhaiterions - et je crois que cela répond à bien des demandes qui sont sous-entendues dans les propos des uns et des autres - qu'il y ait peut-être un peu d'ordre ou de clarification dans les messages qui peuvent être ainsi délivrés de façon que, surtout quand on est innocent et nous le sommes tous plus ou moins, ce ne soit pas une agression, que nous ne puissions pas séparer le bon grain de l'ivraie dans ce qui nous est apporté comme message à travers ces sites.

CERTIFICATION DES SITES DE SANTÉ

M. DIONIS DU SÉJOUR - Je crois que la multiplication de l'information sur le net, est un fait objectif de même de dire qu'elle transforme et n'a pas fini de transformer la relation entre le médecin et le patient.

Globalement cela peut être très positif, mais comme vient de le dire Jean-Claude ÉTIENNE, il peut cependant y avoir des dérives très importantes.

La question que nous avons commencé à instruire dans le rapport, est celle de la certification et de la labellisation de certains sites de manière à pouvoir guider l'internaute.

Nous voudrions vous entendre sur l'approche qui pourrait être l'approche française d'évaluation et de certification sur le net. Nous avons entendu une approche très forte au niveau américain parce qu'ils se sont engagés de manière très forte dans cette voie, au niveau fédéral.

Ils nous ont dit par exemple - pour montrer que nous sommes à l'anglais - « No black lists but white lists. » Et il y a une approche « white list » très forte qui part du niveau fédéral et accrédite un certain nombre de personnes pour évaluer. Et cette accréditation d'agences d'évaluation se fait en liaison avec un certain nombre de sociétés savantes par discipline.

Quelle pourrait être l'approche française d'accréditation et de labellisation de l'information médicale sur le web ?

Nous voudrions vous entendre à ce sujet.

Docteur HAZEBROUCK, si vous voulez bien lancer le débat, sachant qu'après, nous vous perturberons puisque c'est notre rôle.

Dr HAZEBROUCK - C'est effectivement un sujet qui est étudié depuis de nombreuses années même en France puisqu'une sorte de consortium s'est monté, qui s'appelle Université Virtuelle Médicale Française, qui regroupe en gros l'ensemble des enseignants de médecine de France, du moins ceux qui s'intéressent aux nouvelles technologies, et qui a essayé de travailler sur ce sujet.

Plusieurs approches peuvent exister.

Premièrement, il existe déjà des réglementations qu'il suffirait d'appliquer avec suffisamment de rigueur et notamment le fait que les médecins n'ont pas le droit de dire tout et n'importe quoi. Cela figure dans le Code de Déontologie et je laisse les représentants de l'Ordre être plus explicite à ce sujet.

Je pense que nous pouvons parfaitement appliquer déjà la réglementation pour sanctionner des professionnels de santé qui se laisserait aller sur l'Internet à des choses traditionnellement interdites dans la presse ou sur leur papier à en-tête ou encore dans leurs publications.

Deuxièmement, un certain nombre de chartes internationales ont été publiées notamment en Suisse sur la qualité des sites médicaux. Un certain nombre de sites universitaires les appliquent déjà, elles sont déjà une sorte de charte minimale de qualité dont nous pourrions faire une meilleure promotion.

Troisièmement, les sites que nous trouvons sur Internet, ont de plus en plus tendance à s'organiser sous forme de réseaux, font du ring sur Internet. Sur un site, on fait référence à d'autres sites ce qui permet de cheminer d'un site à l'autre au sein d'un cercle de qualité défini.

Comme vous l'avez déjà dit, je pense que, là, nous pouvons faire confiance aux sociétés savantes, au collège d'enseignants universitaires pour faire un certain nombre de préconisations et de recommandations.

Je ne suis pas certain qu'il faille obligatoirement que cela devienne un arrêté du ministre chargé de la santé, mais nous pourrions imaginer d'inviter l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé à se pencher sur des recommandations issues des sociétés savantes et sur ces chartes internationales que j'ai précédemment citées, pour dire qu'il pourrait y avoir un label qui serait revendiqué par les sites qui respecteraient ces chartes et qui pourraient faire l'objet de contrôle a posteriori.

C'est ce que je voulais dire pour lancer le débat.

Dr LATAPY - L'ANAES peut effectivement très bien être sollicitée par une société savante.

C'est vrai que la spécificité Internet et le label de qualité sortent un peu de son champ, mais en ce qui concerne le contenu de l'information médicale qui pourrait être disponible, il est évident que nous pouvons très bien répondre aux sollicitations des sociétés savantes pour tenter d'établir dans l'avenir des recommandations sur le dossier ou l'information minimum.

Il faudrait préciser vraisemblablement le champ exact de la question parce que tel que je vous entends, il semble quand même assez large.

Dr CALLOC'H - J'introduis et je vais laisser la parole à mon ami LUCAS.

Tout de même, société savante certes, mais déontologie en toute chose, présence du Conseil de l'Ordre à toutes les étapes d'évolution de la réflexion.

Au-delà de cette protection du secret médical, dès lors que nous abordons la formation des médecins, nous participons à toutes les étapes de l'accréditation, nous sommes les notaires de cette validation de la compétence des médecins.

S'il faut sortir la formation de l'acte clinique pur et dur pour aller vers cette formation continue sur cette technologie appliquée à la santé, il y aura aussi des modules, et pour cette raison aussi, l'Ordre se doit donc de réfléchir à la valorisation des protocoles.

Une réglementation bien sûr, mais qui doit se faire, éclairée par certains aspects du Code de Déontologie pour savoir, notamment dans le cadre de la loi Kouchner, ce qui doit être contenu dans ce dossier médical en notant par exemple que le patient a un droit d'opposition à ce que soient insérées certaines choses.

Là aussi, avec le Conseil d'Etat et la CNIL, il nous faudra réfléchir.

Après ce préambule très court - je suis cependant obligé de compacter mon propos ce que je déplore très vivement - pour les questions de mise en application pratique, je laisse la parole à mon confrère Jacques LUCAS.

Dr LUCAS - Nous allons peut-être attendre la présence de Monsieur le Ministre pour parler du dossier médical partagé.

Premièrement, en ce qui concerne la certification, je crois bien sûr que l'Ordre, ou tout plaignant, peut saisir l'organe disciplinaire au regard d'une infraction déontologique d'un médecin qui créerait un site sur lequel il dirait n'importe quoi. Ce n'est pas le véhicule qui compte, mais le fait que le médecin ait dit n'importe quoi.

Deuxièmement, peut-être faut-il que la loi dont nous avons parlé tout à l'heure, porte aussi quelque part la notion d'un exercice illégal de la télémédecine.

Qu'est-ce que la télémédecine ?

Est-ce obligatoirement pratiqué par un médecin ou est-ce que Santé.com ne pourrait pas donner des informations médicales qui...?

A ce moment-là, il faut peut-être - c'est à la sagesse de la représentation nationale de le décider - créer le délit d'exercice illégal de la télémédecine.

Troisièmement, je mets en garde - je n'y ai cependant pas réfléchi - de ne pas ressusciter l'ORTF à propos de ces sites, c'est-à-dire une information officielle de santé qui serait sous le contrôle de l'Etat.

En revanche peut-être faut-il promouvoir notamment par des moyens, les sites officiels - le site de l'Académie, celui des Sociétés Savantes, celui des instances universitaires - parce que certains patients cherchent à avoir une pertinence de l'information.

Il y a cependant également des patients dont nous faisons partie qui vont chercher des informations ésotériques et que le site soit labellisé ou pas, ils iront précisément sur un site qui n'est pas labellisé au nom de l'ésotérisme de la magie, de...

Je ne crois pas beaucoup au fait qu'on puisse certifier et labelliser « France » un site fiable d'autant que comme son nom l'indique, la toile dépasse les frontières hexagonales et européennes.

Songez peut-être cependant à l'exerce illégal de la télémédecine, si cette proposition avait une quelconque pertinence.

M. LE PRÉSIDENT - Tout à fait, d'autant plus que n'importe qui peut se prévaloir d'ouvrir une perspective dans ce domaine.

Mme BOSSI - Jeanne BOSSI de la CNIL, je voudrais juste compléter les propos qui viennent d'être tenus parce qu'en matière de certification ou de labellisation pour les sites santé, un énorme travail a déjà été accompli, d'ailleurs en collaboration étroite avec le CNOM.

A la suite de l'étude faite par la CNIL en 2001 sur l'e-santé, nous avons pris une recommandation sur les sites de santé destinés au public, qui rappelle déjà un certain nombre de recommandations tout à fait précises sur ce que ces sites doivent respecter.

Pendant un an, nous avons conduit en étroite collaboration avec le CNOM des réunions pour mettre en place un système de certification de sites santé.

Je pense qu'il n'est donc pas non plus nécessaire de refaire tout un travail qui a déjà été fait. En revanche il me paraît important de le conclure aujourd'hui.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Et aussi de l'officialiser, c'est tout le débat : faut-il le faire ou pas ? Il faut le trancher.

Je suis plutôt sur le fait qu'il faut le faire. Je vois notamment le vécu des patients sur certaines pathologies de base, ils recherchent véritablement - et ils ont vraiment envoyé un message très fort - des points de repère certifiés et aujourd'hui en ce qui concerne les pathologies de base, ce n'est pas net.

Vous le voyez peut-être Madame, parce que vous avez travaillé dans ce domaine, mais aujourd'hui la visibilité du label est encore balbutiante.

Je réagis à la notion de ring et autres, je crois qu'aujourd'hui les personnes chercheront une certification, une labellisation nationale. Qu'après elle s'appuie...

Dr LUCAS - Il est un tout un petit peu préoccupant que le malade soit à la recherche d'une information anonyme sur Internet alors qu'il aurait un médecin traitant qui est particulièrement d'actualité.

Je trouve quand même que la réflexion devrait être poursuivie.

Pr. VILLERS - En tant que spécialiste urologue et impliqué dans la cancérologie, depuis deux, trois ans, nous avons travaillé notamment avec l'ANAES. Je rebondis sur ce qui a été fait et je reprendrai un peu l'objectif de Monsieur le Député Jean DIONIS DU SEJOUR pour parler d'une liste d'excellence comme une autre approche de cette certification.

La liste d'excellence peut concerner les recommandations de bonnes pratiques cliniques - c'est ce que les sociétés savantes et l'ANAES font - et les documents d'informations destinés aux patients qui font partie exactement des mêmes missions et qui sont vus par les mêmes groupes de travail.

Déjà avec cela, de nombreux sites web sont répertoriés.

En ce qui concerne les sites d'excellence - je voudrais insister sur le mot de dialogue , nous dialoguons avec les sociétés savantes et nous ne demandons plus aux sociétés savantes d'être consultantes pour ce sujet.

L'ANAES et ces sociétés regroupées en association, se sont recensées elles-mêmes en tant que site d'excellence et notamment les sociétés savantes représentatives des médecins spécialistes ou généralistes. Nous avions donc déjà une structure de base efficace.

(Arrivée de Monsieur DOUSTE BLAZY, Ministre de la Santé.)

M. LE PRÉSIDENT - Merci Monsieur le Ministre, merci cher Philippe, de nous rejoindre.

Par-delà les liens d'amitié qui nous unissent, c'est souligner l'importance de la réflexion qu'avec Jean DIONIS DU SÉJOUR, nous conduisons avec les amis qui ont bien voulu s'impliquer dans ce dossier si important.

Pour résumer et être aussi court que possible de façon à laisser le maximum de temps à votre intervention et à celle de ceux qui le souhaitent après que vous aurez pris position, le centre de la question, l'épicentre même, est de savoir comment avec la nouvelle technologie de la télémédecine, nous pouvons introduire les éléments de réponses aux grandes questions qui se posent actuellement dans le domaine de la santé.

Parmi celles-là, figure la question de la démographie et de la désertification médicale dont nous savons que même si grâce à votre intervention, le numerus clausus s'est trouvé augmenté, il n'en reste pas moins que l'incidence ne se fera sentir concrètement sur le terrain que presque dans une décennie. Et encore, nous ne sommes pas sûrs que le fléchage permettra d'habiter des zones qui, aujourd'hui, sont encore très désertifiées en ce qui concerne l'installation des médecins.

Le deuxième aspect est naturellement au coeur de l'actualité de la réflexion conduite sous votre responsabilité dans le domaine de la refonte de l'assurance maladie et du dossier médical partagé qui en est certainement sinon le pilier, tout au moins un des piliers les plus importants.

Voilà brièvement résumé le coeur de la réflexion du rapport dont l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques a bien voulu nous saisir Jean DIONIS DU SEJOUR et moi-même et que nous assumons avec l'aide de ceux qui, ici entre autres, ont bien voulu être présents ce matin et en vous remerciant de votre présence parmi nous.

INTERVENTION DE M. PHILIPPE DOUSTE-BLAZY, MINISTRE DE LA SANTÉ

M. DOUSTE-BLAZY - Merci Jean-Claude.

D'abord je suis très heureux de venir ici devant l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques, je connais le travail que vous y réalisez. Je viens m'y inviter simplement dix minutes, mais je suis à votre disposition pour y revenir plus longtemps.

Je suis très heureux de retrouver Jean-Claude ÉTIENNE qui est un ami et Jean DIONIS DU SÉJOUR. Nous avons toujours encore un petit problème parce qu'il croit encore que le rugby d'Agen et meilleur que celui de Toulouse, je lui ai cependant définitivement fait comprendre le contraire.

Je voudrais saluer toutes les personnes qui sont ici présentes, en particulier les responsables de la CNIL, de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie, tous mes confrères qui sont ici les responsables de la télémédecine de la direction des hôpitaux, Tony GUELL du CNESS et les représentants des patients.

Je voudrais simplement vous dire une chose très rapide.

Je crois que dans le métier que nous faisons aujourd'hui, c'est-à-dire en définitive la définition même d'une politique de santé publique, nous allons avoir besoin de plus en plus de moyens technologiques nouveaux, ce que vous étudiez.

Hier j'ai donné une conférence de presse parce qu'on se dit que la canicule peut revenir. Nous voyons le drame de l'année dernière.

En définitive qu'allons-nous faire pour prévenir ?

Entre le moment où avec des moyens technologiques inouïs que nous connaissons bien à Toulouse, Météo France va dire à l'Institut National de Veille Sanitaire ce qui se passe, l'Institut de Veille Sanitaire va immédiatement m'en parler, je vais monter un PC Santé et à partir de là, ce n'est que du réseau sentinelle via des technologies, pour parler aux préfets qui, eux-mêmes, parleront aux DASS, aux ARH et à tous les effecteurs. Cela se fera par réseau sentinelle et par technologie de l'information.

C'est un premier élément, une première remarque.

Ma deuxième remarque - Jean-Claude en a parlé à l'instant - porte sur la télémédecine, or il est un peu difficile de parler de télémédecine à côté de Louis LARENG, je vais donc être très humble.

La première fois que j'ai entendu parler de télémédecine, c'était en 1979 quand je faisais ma thèse de science d'Etat à Montréal où il y avait des électrocardiogrammes que nous étudiions de Montréal pour la Baie James. C'était le grand chantier électrique à plusieurs milliers de kilomètres de là, il faisait très froid et des ouvriers faisaient des infarctus. Il n'y avait pas de médecin donc nous lisions des électrocardiogrammes.

C'était déjà en 1979 et vous, Monsieur LARENG, après avoir inventé le SAMU, vous êtes en train de mettre en place la télémédecine. La vision que vous avez de la médecine moderne est tout à fait considérable et je voulais, ici, vous en rendre hommage.

Vous avez dit ce matin ou vous êtes en train d'étudier des choses assez importantes concernant la télémédecine.

Comment la télémédecine peut-elle être une télémédecine de terrain ? La question est celle-là.

Comment peut-on faire des consultations de spécialistes avancées dans des hôpitaux de proximité, mais comment peut-on éviter aussi des consultations de spécialistes avancées s'il y a une superbe technique ?

L'électrocardiogramme est par exemple facile parce que c'est très codé. A moins d'être vraiment idiot, personne ne peut se tromper pour faire un électrocardiogramme. Il y a même des couleurs qui sont données pour les deux bras et les deux jambes. C'est donc reproductible.

En revanche le problème d'une échocardiographie est que celui qui la fait, cherche un peu avec son expérience. Donc pour lire une échocardiographie, il faut l'avoir faite pratiquement ou en tout cas trouver des incidences reproductives. C'est très bien si vous trouvez des incidences reproductives, nous en épidémiologie, par exemple, c'était le grand sujet que nous avions avec les échocardiographies.

On ne peut pas faire des études internationales sur l'échocardiographie dans la mesure où celui qui la fait, ne la fait pas tout à fait de la même façon à Helsinki qu'à Paris. Dès l'instant où celui qui la fait ne la fait pas de la même manière, vous ne pouvez pas étudier, comparer comme pour une glycémie où une glycémie est une glycémie, il suffit d'indiquer la méthode qu'on utilise et, à partir de là, on peut comparer.

Je me permets de dire que la télémédecine a juste une limite, celle de la reproductibilité de la méthode.

Le problème est la prise en charge de la télémédecine en tant qu'acte médical dans la tarification. Je suis vraiment prêt à vous aider totalement à ce sujet, c'est extrêmement important, ou on y croit ou on n'y croit pas, mais si on y croit, il faut évidemment le payer.

Ensuite vous avez la présence de personnes médicales aux deux bouts de la chaîne, c'est un sujet qui est en lien avec ce que j'ai dit, c'est-à-dire la reproductibilité.

Est-ce que quelqu'un peut faire une échocardiographie bidimensionnelle sans connaître parfaitement la cardiologie ?

Je n'ai pas la réponse et elle n'est pas tellement facile. En tout cas il faut que la personne qui le fait, ait l'habitude de le faire, c'est une évidence.

Concernant le dossier médical personnel ne vous trompez pas, c'est une affaire majeure.

Il y a dix ans avec une femme pour laquelle j'ai la plus grande admiration et qui m'a beaucoup appris dans les missions que j'ai aujourd'hui, qui s'appelle Madame Simone VEIL, nous avions décidé d'un dossier médical partagé et ce, avec Monsieur Jean-Claude MALLET qui, à l'époque, était patron de la CNAM. Simplement nous n'avons pas eu le courage à moment donné de le rendre obligatoire.

Ensuite en 1995, 1996, Alain JUPPÉ assez visionnaire aussi dans sa réforme, qui n'est pas passée en définitive parce qu'elle n'a pas été comprise, avait mis dedans le dossier médical obligatoire et les médecins n'étaient pas d'accord.

Vous ne pouvez pas faire une réforme de l'assurance maladie si vous gardez le système médical actuel, si vous gardez la médecine libérale, vous ne pouvez pas faire une réforme contre eux. Il ne s'agit pas de leur faire des cadeaux, mais vous ne pouvez pas non plus le faire contre eux.

Aujourd'hui il me semble donc assez important de penser que c'est accepté, je crois. Les syndicats médicaux me disent qu'ils l'acceptent.

Qu'acceptent-ils ?

Qu'est qu'un dossier médical personnalisé ?

Ça a l'air trop beau.

En fait c'est obligatoire quelqu'un qui ne passerait pas par le dossier médical partagé ou personnel - je ne sais pas comment on va l'appeler, dossier médical personnalisé - ne serait pas remboursé. Il est donc obligatoire.

Il touche tous les actes médicaux, il intéresse évidemment l'assurance maladie. Une personne qui ferait quatre électrocardiogrammes d'effort dans la journée, les quatre étant normaux, on pourrait être amené à se demander au bout du troisième, pourquoi on le fait. On est en effet pratiquement sûr à 98 % que dans une épreuve maximale négative, il n'y a rien aux coronaires.

C'est cela qui va nous intéresser également. Je suis sûr que ce sera un facteur - il ne faut cependant pas le présenter ainsi - de moindres dépenses.

Ensuite je crois que c'est important parce que quand j'étais médecin hospitalier, on disait que le malade avait par exemple son dossier à la clinique Pasteur ou à Purpan ou à Broussais. Bernard KOUCHNER est passé par-là entre-temps avec sa loi, le dossier médical appartient au malade ce qui est très bien, c'est une énorme avancée.

Ce n'est pas au médecin d'avoir le dossier, mais au malade. Dès l'instant où il est personnalisé et informatisé, il va évidemment se promener dans le système de santé.

Il est donc très important que le médecin libéral joue le jeu du dossier médical et que le médecin hospitalier joue le jeu du dossier médical, c'est très important. C'est la raison pour laquelle je vais, lundi 14 juin, à Bordeaux avec Alain COULOMB, patron de l'ANAES, pour justement montrer pour la première fois comment les hospitaliers doivent jouer le jeu du dossier médical, y compris des bonnes pratiques.

Ce n'est pas parce qu'on est professeur de médecine et grand patron qu'on ne doit pas jouer les bonnes pratiques. Vous savez bien que souvent, c'est nous-mêmes qui les édictons, peut-être, excepté que tout le monde doit jouer le même jeu, il n'y a pas deux sortes de médecine et de science médicale.

Je crois que c'est excessivement important, je prends l'exemple aussi d'un week-end de Pentecôte - et tous ceux qui ont fait des gardes ou des remplacements, qui ont fait de la médecine libérale me comprendront - où le malade sort d'hématologie, leucémie aiguë ou autre, sort de l'hôpital. Bien sûr il sort le vendredi après-midi pour faire le grand week-end et l'interne oublie de faire la lettre.

Le malade a eu sa numération de formule sanguine le matin, la radio, tout, mais il n'y a pas de règle. On arrive en début de week-end le vendredi après-midi avec le malade qui arrive chez lui pour les trois jours, il a 75 ans et on ne sait ni combien il a de globules rouges, ni combien il a de globules blancs, si sa radio, etc.

Que fait-on ? On refait tout, c'est la première chose qu'on refait parce qu'on ne passe pas un week-end de Pentecôte avec un tel malade sans avoir refait le tout. Or avec le dossier médical, il suffira de se mettre dessus et on verra toutes les analyses du matin.

Je pense donc que pour suivre un malade, c'est un élément extrêmement important de qualité, très pratique qui permet la coordination des soins.

Je ne vais pas refaire ici la réforme de l'assurance maladie, je me permets simplement de croire au dossier médical non seulement pour des raisons économiques, mais aussi pour des raisons de qualité de soins.

Je me permets quand même de vous dire que 128 000 hospitalisations par an sont dues à des maladies iatrogéniques médicamenteuses et que sur ces 128 000 hospitalisations, il y a 11 000 morts, autant que les accidents de la route.

On ne le dit pas parce que ce n'est pas bien de le dire, mais tout cela n'est pas normal. Je crois donc au fait de connaître parfaitement les antécédents du patient, son traitement.

Je terminerai en disant qu'évidemment le grand sujet c'est la confidentialité.

On me dit qu'aujourd'hui un million de Français déclare ses impôts déjà par Internet, qu'un million et demi de personnes regardent son compte en banque par Internet. Cela doit donc être confidentiel sinon cela ne se ferait pas.

On me dit que la confidentialité est de mise sur Internet. La CNIL doit regarder ce point de très près et je lui demanderai de le regarder d'autant plus près que si vous ne donnez pas votre feu vert en le médiatisant, cela ne marchera jamais. Je vous demande donc d'être les plus durs possible, les plus sérieux possible, nous ne demandons aucun passe-droit, mais la certitude que ce sera confidentiel.

Nous, à notre petit niveau, avons pensé que l'entrée par Internet se ferait par l'intermédiaire de la carte personnalisée du malade. Cela peut être le numéro INSEE, le numéro NIR ou autres, c'est à vous de nous dire quoi.

Pour qu'un médecin puisse y rentrer, il faut qu'il ait d'abord la carte du malade et ensuite la carte CPS pour savoir quel est le médecin qui est rentré dedans, pour qu'il n'y ait pas des assurances privées ou quelqu'un d'autre qui puisse y rentrer.

Le seul problème que j'ai concerne les urgences.

Qu'est-ce qu'on fait si une personne est dans le coma dans la rue, le SAMU la prend et elle n'a pas sa carte sur elle ?

Je vous demande d'y réfléchir, je n'ai pas la réponse.

La CNIL va avoir à étudier le projet de loi, je crois, très bientôt et je voudrais vous remercier profondément si vous pouvez nous aider

Après il y a un calendrier de déploiement. En Conseil des Ministres le Président de la République a dit que maintenant on allait me trouver mille raisons pour ne pas le faire et qu'il faudrait avoir une volonté politique très forte.

En dehors de la CNIL qui me paraît être fondamentale - sans elle on ne peut pas avancer - je le ferai, j'irai jusqu'au bout parce que si je crois beaucoup à la régulation médicalisée des dépenses, je ne crois pas du tout à la régulation comptable.

Mais si elle ne marche pas, il y aura obligatoirement une régulation comptable que je connais. Ce sera la franchise de 300 € par Français ou en fonction des revenus ce qui me plairait davantage. Mais on remet déjà en cause toute la Sécurité Sociale et je sais que c'est la dernière fois qu'on peut le faire.

Je vous demande donc de m'aider parce que c'est une affaire importante, nous mettons notre crédibilité politique et surtout une certaine idée de la médecine en jeu.

J'estime qu'on pourra évaluer des médecins avec le dossier, on pourra commencer par les URML et ensuite évaluer, voir comment on peut avancer. On va faire de la formation médicale continue, on pourra mettre en place des guides de bonne pratique.

Par le dossier médical personnalisé, on pourra tirer le système par le haut. C'est une affaire technique, je ne sais pas si on y arrivera, je le souhaite. Je souhaite qu'au début de 2005, on demande à des hébergeurs de données de santé de commencer, puis il faudra très rapidement que la France entière soit prête. Fin 2006, début 2007, des appels des offres seront lancés.

Je ne sais pas encore ce qu'on va faire, mais plus le système sera efficace, mieux ce sera. Il faut voir cela avec la Caisse Nationale d'Assurance Maladie, l'administration du ministère, est-ce un GIP ou non, il faut voir cela ensemble, Monsieur RICHARD doit avoir son idée.

Je souhaite vraiment que ce soit efficace.

Je voudrais Monsieur ÉTIENNE et Monsieur DIONIS DU SÉJOUR, vous prier de m'excuser, je vais devoir vous quitter parce que j'ai rendez-vous avec des syndicats. Monsieur MOATTI pourra me remplacer éventuellement tout à l'heure.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Je dirai juste un mot pour vous remercier d'avoir trouvé le temps.

Nous avons travaillé avec les personnes autour de la table depuis environ six mois. Aujourd'hui, c'est une réunion de travail de synthèse.

Nous avons travaillé sur trois points :

- l'utilité d'une loi sur la télémédecine,

- des propositions à faire sur la certification de l'information médicale sur le web,

- avec beaucoup d'humilité, un certain nombre d'apports sur le dossier médical partagé.

Le dossier est très important et nous sommes loin d'avoir la prétention de le couvrir dans son ensemble, mais nous avons quelques idées,

Est-ce que sur ces trois points, vous êtes ouvert à ce que dès que le projet de loi arrivera, nous puissions travailler par amendement en coordination avec vous ?

M. DOUSTE-BLAZY - Télémédecine, dossier médical, quel est le deuxième ?

M. DIONIS DU SÉJOUR - Certification, labellisation de l'information médicale sur le web, faire le tri, c'est très important.

M. DOUSTE-BLAZY - En ce qui concerne l'affaire du dossier médical, le projet de loi sera en Conseil des Ministres le 16 juin et en début de discussion parlementaire le 27 juin.

Tous les amendements, Jean, qui viendront de ce haut lieu seront bien sûr a priori accepté par le Ministre, c'est une affaire entendue. Il faut que ce soit efficace, que vous sentiez que vous ne travaillez pas pour rien. Et je dirai à l'Assemblée, d'abord au groupe puis au groupe majoritaire, que ça vient de vous.

Nous pourrons peut-être le faire ensemble, nous pourrions le porter ensemble.

Deuxièmement concernant la télémédecine, ne pouvons-nous pas raccrocher un texte déjà à quelque chose ou vous faut-il une loi spéciale ?

M. DIONIS DU SÉJOUR - Il n'y en a pas.

M. DOUSTE-BLAZY - Et ne pouvons-nous pas le raccrocher à l'assurance maladie ?

Quand je vois le calendrier parlementaire..., à moins que vous ne fassiez une niche avec le groupe UDF.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Personnellement je ne crois pas vraiment à la niche, je sais qu'actuellement, nous sommes surchargés ainsi qu'au deuxième semestre 2004 et je sais qu'il y a urgence à poser un certain nombre de choses en télémédecine.

M. DOUSTE-BLAZY - Je suis à votre disposition pour faire rentrer la télémédecine soit dans le texte assurance maladie soit dans le texte santé publique le 9 juillet en deuxième lecture du Sénat ; là ça va encore plus vite, c'est la deuxième lecture du Sénat et c'est terminé.

Etes-vous prêts ? C'est une question importante ou alors ce sera à l'assurance maladie, mais prévenez-moi avant parce que le 9 juillet, c'est bientôt.

Troisièmement en ce qui concerne le web, c'est bien sûr extrêmement important, je suis à votre disposition pour revenir vous écouter un jour.

Je voudrais saluer également les personnes de l'Académie de Médecine et de l'Ordre que je n'ai pas saluées. Pour différentes raisons, en particulier familiales, je suis très heureux de les saluer.

M. LE PRÉSIDENT - En ce qui concerne l'aspect plutôt santé publique ou plutôt assurance maladie, en fonction de l'évolution très rapide de la réflexion que nous conduisons ensemble, nous aurons l'occasion de vous en reparler et de voir comment nous pourrons décider avec vous et selon votre volonté, le meilleur endroit et la meilleure opportunité pour l'insérer de façon législative.

En tout cas merci beaucoup.

M. DOUSTE-BLAZY - Je vous prie de m'excuser.

(Départ de Monsieur le Ministre)

M. LE PRÉSIDENT - Comme initialement, la venue du Ministre n'était pas prévue, nous ne vous en avions pas parlé dans l'invitation que nous vous avions adressée à tous.

Pas plus tard qu'hier, à l'occasion d'un échange que j'ai eu avec lui, je me suis permis de lui dire combien nous pensions important qu'il vienne prendre position devant nous sur sa volonté et son acceptation d'insérer soit des modes rédactionnels nouveaux dans les textes législatifs soit sa perception vis-à-vis des amendements que nous serions susceptibles de proposer tant au niveau de l'Assemblée Nationale qu'à celui du Sénat, de ce que vous pourriez et entendiez faire valoir comme principe nouveau à inclure dans un mode rédactionnel législatif.

Il y a toujours trop de lois, cela a été dit, mais à certains moments, nous en avons quand même besoin et je ne serais pas étonné qu'au niveau de la CNIL, une demande précise puisse être exprimée à propos de la thématique qui nous vaut de nous retrouver ce matin.

Sans plus attendre, Monsieur BERNARD, intervenez.

M. François BERNARD - Merci Monsieur le Président, je ne voulais pas prendre la parole le premier dans ce débat, mais sur ce point très précis de la procédure et du calendrier - et j'aurais d'autres choses à dire qui s'insèreront dans la discussion - il y a une question importante.

Je parle de la CNIL non pas parce que je la représente ici - je m'appelle François BERNARD et je représente le Conseil d'Etat à la CNIL -, mais parce que le Ministre a bien voulu indiquer l'importance qu'il accordait à l'avis de la CNIL que d'ailleurs le gouvernement qui n'y était pas obligé, a saisi d'une demande d'avis sur ce projet de loi.

Nous avons donc, à la CNIL, le projet de loi relatif à l'assurance maladie et nous l'examinerons cet après-midi.

De ce fait ce que je peux dire ce matin n'a pas de valeur collégiale, cela ne peut être que des réactions personnelles.

D'autre part, ce soir en revanche la CNIL aura une opinion non pas sur l'ensemble de ce projet de loi massif, mais sur les deux ou trois points essentiels qui la concernent et en particulier sur le dossier médical personnel.

Or - et c'est là que je ferai mon observation de calendrier et de procédure - le Ministre a laissé entendre il y a un instant qu'il avait l'esprit très ouvert pour accueillir voire susciter des amendements parlementaires.

Je crois qu'il est important que la CNIL puisse exprimer son opinion non seulement parce que le Ministre a reconnu qu'en l'espèce, cet avis avait une importance particulière, mais aussi parce qu'en ce qui concerne certaines dispositions de ce projet de loi, se posent des problèmes qui ne sont pas des problèmes d'opportunité ou des problèmes politiques, mais des problèmes d'ordre juridique.

Ces questions d'ordre juridique font qu'il serait très important d'avoir l'avis non seulement de la CNIL, mais aussi du Conseil d'Etat au nom duquel je suis encore moins autorisé à parler aujourd'hui.

Il faut savoir que le Conseil d'Etat et la CNIL ne donnent leur avis que sur les projets de loi lorsqu'ils sont envoyés à la CNIL - c'est en l'espèce le cas - et pas sur les amendements parlementaires.

Autrement dit puisque le gouvernement va avoir très rapidement entre les mains l'avis de la CNIL sur le projet de loi qui est déposé, s'il tient compte des observations de la CNIL et les insère dans son projet de loi soumis au Parlement des amendements et ce, dès la phase du projet de loi et qu'on renvoie des choses très importantes lors de la discussion parlementaire et des amendements, cela ne pourra être examiné ni par la CNIL ni par le Conseil d'Etat.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Monsieur BERNARD, cela ne peut pas fonctionner ainsi, je suis désolé, mais c'est un problème de tuyauterie parlementaire.

Il y aura un projet de loi dont je suppose qu'il est déjà écrit autrement il ne serait pas déposé le 27 juin sur le Bureau de l'Assemblée Nationale. Il y aura donc un projet de loi d'initiative gouvernementale dont vous serez bien sûr saisi, puis il y aura des amendements parlementaires.

Ces amendements seront importants puisque, avec vous, nous avons quand même fait un parcours sur six mois. Il ne faut cependant pas que cela vous angoisse. Je viens d'être rapporteur d'un texte sur la loi sur la confiance d'économie numérique qui est un des textes fondateurs de l'Internet français. Nous avons beaucoup et très bien travaillé avec la CNIL sur les amendements parlementaires.

Je crois qu'il faut que très rapidement Jean-Claude ÉTIENNE et moi-même, vous fassions parvenir les propositions. Elles ne seront ni intégrées ni consolidées avec le texte du gouvernement, mais après, il faut que vous fassiez confiance au débat parlementaire pour faire cette consolidation, cela se passe bien.

M. LE PRÉSIDENT - Dans le courant de la semaine prochaine, vous aurez ce que nous proposons de dégager comme perspectives législatives en termes soit d'amendements soit de complément à l'existant dans le domaine de la loi initiative et liberté.

Il n'y a pas de chapitre santé dans le domaine rédactionnel et il n'est pas impossible - c'est tout au moins ce que nous livrait le Ministre - que nous soyons obligés d'aller plus loin que simplement l'amendement des textes portant soit dans le domaine de la santé publique soit dans le domaine de l'assurance maladie, et qu'il nous faille apporter un additif qui ne pourrait à ce moment-là être concocté qu'avec vous sur le thème de la donnée législative en matière du texte de 1978 et des autres compléments déjà intervenus.

Nous vous proposons, si vous l'acceptez, de travailler avec vous dès le milieu de la semaine prochaine.

M. François BERNARD - Monsieur le Président, comment ne pourrai-je pas vous remercier de ce que vous venez de dire, oui bien sûr.

Encore une fois pour le Conseil d'Etat les choses se présentent différemment parce que si ce n'est pas d'origine gouvernementale, vous n'aurez pas l'avis du Conseil d'Etat.

Or - et là je sors tout à fait de mon rôle et de ma mission - il y a les problèmes juridiques véritables qui paraissent sérieux et il ne serait pas mauvais que vous ayez l'avis du Conseil d'Etat. Mais si c'est un simple amendement parlementaire vous ne l'aurez pas.

M. LE PRÉSIDENT - C'est la raison pour laquelle, par-delà la simple donne des amendements parlementaires, nous n'excluons pas aujourd'hui, au moment de notre réflexion, d'aller plus loin en termes de proposition de loi.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Pour compléter et bien expliquer ce qui vient d'être dit. Je crois que nous devons quand même saisir les vecteurs parlementaires qui existent, les vecteurs législatifs en cours, parce que faire une proposition de loi d'initiative parlementaire qui aboutisse, est quand même largement aléatoire.

Nous devons donc saisir les deux vecteurs législatifs en cours, c'est-à-dire la loi de santé publique et la réforme de l'assurance maladie, pour faire passer certaines choses. Nous devons travailler ensemble là-dessus.

Si en fin de parcours - Jean-Claude ÉTIENNE vient d'ouvrir la porte - nous avons été bridés, nous sommes insatisfaits, etc., à ce moment-là, nous prendrons l'initiative d'une proposition de loi.

Faire aboutir une proposition de loi parlementaire n'est quand même pas simple et je crois que, là, nous avons un engagement fort du Ministre qui nous a dit qu'en ce qui concernait deux vecteurs législatifs en cours et sur le point d'aboutir - pour l'un la loi de santé publique et pour l'autre l'assurance maladie - sur lesquels il s'engageait fortement et était très ouvert, nous n'allons quand même pas laisser passer le train.

M. DUSSAUSSE - Je crois effectivement qu'un projet de loi est un projet de citoyenneté.

Je dirai objectivement que ce n'est pas parce que c'est difficile qu'on n'ose pas. Et s'il y a au moins une légitimité entre les technologies, le vrai débat de fond qui existe aujourd'hui et les attentes, c'est bien celle d'un projet de loi.

Qu'il se case dans quelque chose d'existant, c'est bien, mais je pense que vous avez tout à fait légitimité à le présenter comme tel.

M. LE PRÉSIDENT - En tout cas à partir de vos réflexions, il nous appartient de phaser au mieux avec le gouvernement, l'introduction des notions issues de la réflexion commune que nous développons.

Aujourd'hui nous ne pouvons pas vous dire si ce sera plutôt dans un projet de loi en sachant que la proposition de loi a un cheminement plus complexe. Dans la mesure cependant où, dès le départ, elle a les accompagnements nécessaires du gouvernement, c'est-à-dire une proposition de loi fortement accompagnée, cela peut aller vite, mais c'est habituellement plus complexe que le projet.

En tout cas les amendements nous tendent les bras à la faveur de deux dispositifs législatifs dont le Parlement sera saisi très prochainement.

De toute manière cela nous apparaît comme étant une occasion dans l'actualité à ne pas manquer ce qui n'exclut pas que dans certains domaines et en ce qui concerne certains aspects plus spécifiques, nous devions aller plus loin que les seuls amendements à un texte législatif en cours de discussion.

A ce moment-là - et je pense notamment au domaine qui ressort de votre responsabilité Monsieur BERNARD - nous puissions envisager plus que des amendements sur les projets ou propositions de lois existantes.

C'est ce que nous aurons à codifier au cours de la semaine prochaine en travaillant avec vous et avec le gouvernement sur ce sujet. Nous venons d'en convenir immédiatement avec le Ministre, à la suite de son intervention ici-même.

Pr. HERVÉ - Je vous ai beaucoup écouté et j'ai été très heureux.

Je représente une dizaine de réseaux ville hôpital, qui sont appuyés par l'URCAM, qui sont des médecins libéraux qui travaillent à l'hôpital dans le cadre de la loi du 4 mars 2002.

Nous avons deux demandes et nous vous enverrons la rédaction deux amendements que vous pourrez bien entendu modifier, mais qui nous paraissent fondamentaux si le projet qui est présenté, veut naître un jour et ne pas être un problème mort-né.

J'ai cru comprendre ici qu'on ne pouvait rien faire sans les professionnels, c'est une évidence. Pour que les professionnels puissent travailler, il faut qu'ils le fassent en confiance.

Actuellement dans ce qu'on appelle les réseaux ville hôpital, qui sont en définitive le support du dossier médical partagé au niveau de la ville et de l'hôpital, il faut absolument donner un statut juridique à ces fameux réseaux ville hôpital.

Ils n'en ont pas si bien que si moi-même qui suis président du réseau ASDES - accès aux soins, accès au droit, éducation de la santé - n'avais pas eu la confiance de la DHOS et en particulier de sa représentante d'aujourd'hui - et je tiens à la remercier -, si je n'avais pas l'appui des URML et si en tant que professeur de médecine, je ne croyais pas à la santé publique, au fait de prendre les personnes avec leur facteur de risques de manière à éviter qu'elles ne développent des maladies et en particulier le cancer, je n'aurais qu'une seule solution raisonnable et non pas ésotérique, qui serait en définitive de démissionner.

C'est le premier point.

Le second point porte sur les prisons.

Je dirige moi-même l'UXA et je peux vous dire qu'en ce qui concerne la qualité - et tous les rapports l'ont déjà dit et moi j'y suis -, voir des patients qui viennent de manière aléatoire pendant trois ou quatre minutes parce qu'il y en a trop et que le Code de Procédure Pénal nous oblige à les voir le plus rapidement possible, c'est-à-dire au moins dans les 24 heures avec des plages énormément divisées, fait que nous faisons un très mauvais travail. En outre nous avons les avocats qui sont derrière - et nous le comprenons très bien - si nous passons sur telle ou telle pathologie, nous serions condamnés sur un point particulier.

En ce qui concerne les examens complémentaires que nous souhaitons, avec la difficulté de disposer d'un certain nombre de personnes de la police - maintenant c'est théoriquement l'administration pénitentiaire qui doit faire ce qu'on appelle les extractions -, avec le manque de moyens qui existe, nous sommes dans une situation très difficile et la télémédecine nous apparaît fondamentale.

Puisque je dirige le DEA d'éthique médicale et biologique à la faculté de médecine de Necker, je m'occupe un tout petit peu de la réflexion éthique et je tiens à dire pour terminer que ces deux points ont des répercussions éthiques fondamentales surtout le second.

En 1994 vous avez fait une loi pour séparer l'administration pénitentiaire de l'administration sanitaire. C'est une avancée extraordinaire que même nos collègues - le Ministre a cité Montréal - et même les Québécois trouvent excellente, extraordinaire dans la mesure où par rapport à la responsabilité médicale et l'éthique de la médecine, il y a des éléments en contradiction, il n'y a pas une décision qui ne fait pas en complexité. Il faut donc se méfier des éléments réducteurs.

Il est vraiment très important qu'en ce qui concerne la prison, il y ait des moyens qui permettent de pouvoir le faire et je dis bien des moyens.

Les établissements soumis à la TAA n'ont aucun intérêt à investir dans les prisons, ils prennent cela comme étant des burdens , c'est-à-dire des poids qui ne sont pas légitimes. Ce n'est pas encore rentré dans la culture.

En troisième lieu je parlerai du financement pérenne dont vous avez parlé.

Nous avons la chance d'avoir été à l'URCAM d'Ile-de-France, commission des réseaux, de passer du fameux FAVSQ - Fonds d'Amélioration de la Qualité des Soins de Ville - à la fameuse commission à la DRDR. Nous sommes donc pérennes.

Cela fait quand même deux ans que nous sommes en discussion avec l'APHP pour que les éléments que nous apportons au secteur privé, c'est-à-dire par les médecins libéraux, prise en charge d'accès aux soins, d'accès au droit, éducation de la santé, puissent se faire exactement à l'APHP.

L'hôpital ne peut pas investir dans les réseaux s'il n'y a pas une pérennité. Cela fait deux ans, la convention n'est pas encore signée.

Je vous le dis pour vous montrer les difficultés sur le terrain et dire qu'en ce qui concerne ces trois points, nous comptons sur vous, c'est-à-dire pour :

- le financement des réseaux,

- le statut,

- par rapport en particulier à la prison.

Là nous nous trouvons tout à fait dans des démarches qui sont très utiles et qui nous permettront de nous développer. Et comme je vous le disais, c'est une dizaine de réseaux qui vous le demande.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup, nous vous répondons immédiatement, et quand je dis nous, c'est par pluriel de majesté puisque c'est au nom de Jean DIONIS DU SÉJOUR et de moi-même.

En ce qui concerne le point du statut juridique du réseau ville hôpital, j'en appelle aux deux députés ici présents, Jean et Bérangère, puisqu'elle va être amenée à rapporter sur l'aspect de la loi de santé, pour dire que c'est précisément dans ce domaine que nous pourrons introduire ce fameux statut juridique auquel vous faites référence. Nous vous en reparlerons.

Deuxièmement en ce qui concerne la problématique que vous avez soulevée, si importante, si concrète de la question d'offre de soins pour les prisons, nous voyons la manière dont la télémédecine a apporté des éléments de réponse très concrets et cette fois-ci notamment aux Etats-Unis. Ce n'est pas le Cantal, mais le Texas, néanmoins c'est éminemment transposable chez nous.

Cela diminue de plus de moitié les transferts des prisonniers qui ont besoin de soins, avec les risques, les coûts et les économies d'échelle considérables réalisées dans ce secteur. Ceci nous permettrait d'investir par ailleurs très largement dans le domaine de la télémédecine.

Nous aurons sur ce point précis des propositions s'inspirant, je le dis très franchement, de l'existant de par le monde et notamment dans le cas particulier de l'existant texan.

M. DIONIS DU SÉJOUR - En ce qui concerne le débat sur le projet de loi, je crois que nous ferons tout, nous utiliserons les deux vecteurs et nous serons pragmatiques.

Faites-nous confiance pour le pragmatisme, car nous savons ce qu'est un calendrier parlementaire chargé, nous n'avons pas envie de voir passer le train et de ne pas y monter. Au bout de six mois, nous avons des idées et nous avons envie de faire bouger les choses.

Maintenant si au bout du compte - et je m'inscris tout à fait dans ce qu'a dit Jean-Claude ÉTIENNE - il faut terminer l'effort par une proposition de loi d'initiative parlementaire sur la télémédecine, nous le ferons aussi.

M. LE PRÉSIDENT - Ce n'est pas impossible du tout.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Pour terminer comme nous entrons dans une phase très active - et je le dis aussi de la part de Bérengère POLETTI - nous sommes ouverts à tout effort d'amendement et les institutions très honorables que vous représentez savent le faire, nous allons entrer dans une phase très active maintenant et très rapidement.

Nous sommes donc à votre disposition pour aller plus loin dans des auditions plus ponctuelles et étudier les amendements que vous souhaiteriez nous faire passer.

Merci beaucoup.

LA MISE EN PLACE DU DOSSIER MÉDICAL

M. LE PRÉSIDENT - Nous voici maintenant rendus à un moment de notre réunion où il nous faut, ensemble, assumer la réflexion sur un des piliers, si ce n'est le pilier, en tout cas je le prends comme tel et cela a été annoncé et affiché comme tel par le Ministre, à savoir l'affaire du dossier médical partagé.

Avant de vous donner la parole Professeur FIESCHI, j'en profite pour répondre, préciser et demander au Professeur HERVÉ qu'il nous communique aussi rapidement que possible ce qu'il imagine comme attendu rédactionnel qu'il faudrait introduire pour que concernant la problématique réseau ville hôpital, nous ayons une traduction concrète venant de vous sur ce que vous entendez exprimer.

Nous pourrons vous communiquer l'état de notre dossier sur ce que vous avez affiché en deuxième partie de votre intervention, notamment en ce qui concerne le domaine des prisons et de la médecine dans le domaine pénitentiaire avec tout ce que cela recouvre comme problèmes qui pourraient trouver une solution à travers la télémédecine.

Nous avons un calcul qui met en évidence les économies d'échelle réalisées, il y a là une accélération, une amélioration franche de la qualité des soins vis-à-vis du patient incarcéré et en même temps pour la société, la collectivité, une économie importante à réaliser.

C'est le bonheur puisque nous améliorons les soins et que cela coûte moins cher, d'après ce que nous voyons ailleurs.

Pr. FIESCHI - Monsieur le Président, pour lancer le débat, je vais brièvement rappeler quelques éléments qu'il me paraissait important de souligner dans le cadre du rapport que j'ai réalisé il y a un an au terme d'une mission exploratoire.

La réflexion menée il y a un an et demi environ, était tout à fait dans le droit fil de ce qui vient d'être rappelé par tous les intervenants sur ce sujet. Ce sont des propositions qui visent à améliorer le système de la santé par le partage des données du patient, on peut l'appeler le premier pilier, le deuxième pilier étant le partage des connaissances qui a également été évoqué.

C'est bâtir un système d'informations pour informer, éduquer et responsabiliser.

Je rappellerai rapidement quelques arguments sur cette nécessité qui, il y a un an et demi, n'était pas perçue par tout le monde. Nous voyons qu'aujourd'hui les idées avancent et avancent bien.

C'est très bien, mais je pense qu'il faut revoir quelques arguments sur cette nécessité et peut-être quelques éléments qui avaient été proposés pour l'action, en particulier sur les dispositifs des systèmes d'information dont nous disposons aujourd'hui.

Je me réjouis des propositions que vient de faire le Ministre sur la volonté politique très affirmée, il faut voir que la situation pour faire bouger le monde médical, les professionnels et les hôpitaux va demander beaucoup d'énergie. Si nous tenons à atteindre l'objectif, je crois qu'il faut avoir une recherche de chemin critique bien affinée.

Je pense qu'à travers cette démarche, il s'agit de poser les bases d'un système centré sur le patient pour permettre d'évaluer et de prendre à partir d'une expérience qui peut s'inscrire dans une continuité qui débouche sur un dossier pour tous bien entendu.

Cette démarche expérimentale me semble importante parce qu'à mon sens, le modèle défini a priori pose quelques difficultés méthodologiques. Je pense que ceci s'inscrit dans la nécessité de soutenir en même temps l'innovation et la recherche appliquée, basée sur les technologies de l'information et de la communication, pour améliorer les pratiques médicales.

Pour revenir sur la nécessité de cette démarche, je vais la rappeler parce qu'elle est fondamentale.

C'est bien entendu l'évolution de la prise en charge et de la demande des patients et ce sera certainement repris tout à l'heure.

Quelques éléments permettent de l'illustrer, c'est :

- L'utilisation d'Internet, je n'y reviens pas.

- Le nombre de patients en France.

Il y a vingt ans, il était de l'ordre d'une centaine et aujourd'hui il est d'environ 4 500.

Nous voyons bien que les choses évoluent, nous avons une vision de ce qui s'est passé il y a quelque temps aux Etats-Unis et nous le connaissons.

- La loi du 4 mars, je n'y reviens pas non plus.

En fait nous sommes dans un changement de modèle, c'est ce que les Anglo-Saxons appellent le patient temperament et que nous pouvons appeler la responsabilisation du patient.

Dans l'ancien modèle, la source d'information est le médecin, les livres et la télévision et dans le nouveau, les médecins, les livres et la télévision bien sûr, mais c'est l'Internet et en premier lieu. Aujourd'hui, c'est le premier média d'information aux Etats-Unis.

Dans l'ancien modèle le système d'information était centré sur le médecin, à base de papier et on travaillait sur les épisodes de soins parce que c'est la pathologie aiguë qui est très importante. Il y a encore une trentaine d'années, c'était le modèle par épisodes.

Dans le nouveau modèle, les systèmes d'information sont centrés sur le patient du fait de ce que nous pouvons appeler la transition épidémiologique, c'est-à-dire les maladies chroniques qui prennent le dessus et qui, aujourd'hui, sont des problèmes importants que nous avons à traiter, plus importants en nombre en tout cas et en durée que par le passé.

Le système d'information n'est plus papier, mais numérique et du fait de cette durée et de cette chronicité, nous nous inscrivons dans la continuité des soins.

Les attitudes et les rôles changent également. Nous sommes passés de l'ancien modèle avec un paternalisme médical où le médecin prenait ses décisions, à un nouveau modèle dans lequel nous avons un partenariat et une responsabilité partagée pour les décisions médicales.

Le système de santé évolue à travers cette transition épidémiologique qu'il faut intégrer dans notre réflexion.

La loi change également dans notre pays comme dans d'autres. Dans l'ancien modèle c'était les droits des médecins qui étaient le plus exprimés tout au moins, en tout cas affinés dans leur expression. Dans le nouveau modèle, la loi parle des droits du patient, c'est la loi du 4 mars et donc de l'accès au dossier.

Le problème que nous avons à résoudre à travers ce dossier, me semble-t-il, l'un de ces deux piliers, de cette amélioration que nous pouvons rechercher, est que la qualité est en question. Nous sommes face à des problèmes de non-qualité.

Le Ministre a rappelé tout à l'heure des problèmes de pathologies iatrogènes, je crois que c'est un problème très important ; il y a :

- sur-utilisation d'un certain nombre d'outils thérapeutiques, antibiotiques et autres,

- sous-utilisation d'autres outils,

- utilisation inappropriée,

- non-adhérence au protocole par les médecins comme par les patients,

- et finalement fragmentation d'un système de santé qui conduit à ce que nous pouvons appeler aujourd'hui un non-système.

Si nous regardons un peu quels sont les déterminants fondamentaux de cette non-qualité, nous trouverons d'abord une complexité croissante liée à cette technologie qui se développe dans tous les domaines de la biologie et de la médecine et à l'énorme quantité de connaissances qu'il faut acquérir et qui se développent de plus en plus.

En ce qui concerne la complexité, nous n'allons pas nous plaindre du fait que la technologie vient apporter des éléments supplémentaires et que la connaissance augmente.

Le deuxième point qui est un facteur de non-qualité est l'augmentation des maladies chroniques. On vit plus longtemps, l'espérance de vie est plus longue, l'augmentation des maladies chroniques apporte une complexité qui apporte une non-qualité. Nous ne pouvons pas nous plaindre non plus de l'espérance de vie qui s'allonge.

Le troisième point qui amène la non-qualité est la faible organisation des prises en charge, des procédures et des systèmes d'information qui sont inadaptés. C'est sur les systèmes d'information inadaptés qu'il faut, à mon avis, faire porter toute l'action et c'est donc le sens de ces recommandations.

Il s'agit de faire une prise en charge unifiée par un système d'information qui, d'une certaine façon, reconstitue l'unité du patient malgré l'hyper spécialisation de la médecine qui est nécessaire. Malgré cela, grâce à cette technologie, nous avons un outil pour :

- reconstituer l'unité du patient,

- permettre l'ouverture de l'hôpital ce qui est absolument nécessaire,

- permettre d'autoriser une vue des données suivant les spécialités, chacun retrouvant des informations qui intéressent sa spécialité, mais, dans une unité, autour du patient.

Ceci répond à l'objectif d'améliorer l'organisation des soins avec une transition qui accompagne cette transition épidémiologique dont je parlais tout à l'heure, qui est l'hospitalo-centrisme qui est en question.

C'est également un outil pour répondre à cette problématique. Cela doit permettre dans un premier ou deuxième temps - encore une fois c'est un problème de chemin critique et de stratégie de développement - de faciliter le couplage des données du patient et des connaissances pour une prise en charge de qualité et personnalisée.

Ce sont les quelques éléments importants à rappeler sur les fondamentaux.

Ensuite tout est un problème de solution d'implémentation et de culture avec des techniques sur lesquelles une déclinaison extrêmement large peut se faire.

L'important est que ça doit être centré sur le patient, cela ne peut pas être centré sur une pathologie, un organisme, une région de manière trop fermée parce que les patients bougent, ils se soignent parfois dans des endroits qui sont un peu limitrophes ou frontaliers entre des régions administratives.

Il faut donc avoir un concept extrêmement ouvert sur une notion de dossier centré sur le patient et une stratégie tout à fait adaptée à notre situation en France.

Je veux dire par-là que certaines expériences qui ont pu être développées dans d'autres pays, ne sont pas forcément à reprendre dans les mêmes termes.

En particulier en Suède, 90 % des médecins libéraux utilisent un dossier médical informatisé. Or en France, en médecine libérale, un vrai dossier médical informatisé représente moins de 10 % pour les médecins en médecine libérale.

Nous comprenons donc bien que nous ne pouvons pas avoir la même stratégie et les mêmes objectifs dans les mêmes termes - je parle en termes de temps - dans des situations aussi différentes.

Il faut voir qu'il y a une impulsion très forte à donner et que, de ce fait, il y a forcément une certaine inertie parce qu'à mon sens l'impulsion n'a pas été suffisamment donnée au niveau des hôpitaux qui sont les gros pourvoyeurs, les gros réservoirs d'informations médicales et dont les systèmes d'information sont d'un autre âge. En tout cas ils ne sont pas de l'âge que nous vivons aujourd'hui ni de celui d'Internet.

Il y a donc là un travail extrêmement important à faire, il faut solliciter en particulier les Agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et tous les acteurs permettant de faire évoluer sensiblement et rapidement les systèmes d'informations hospitaliers qui posent un vrai problème.

En fait la question qui nous posée est que globalement dans le pays et ce, depuis des années, l'information n'a pas été suffisamment prise en compte comme une ressource. Ce n'est pas une ressource, il n'y a qu'à voir la façon dont les hôpitaux gèrent les archives médicales, c'est à la limite du scandale.

Cette ressource n'a jamais été identifiée en tant que telle, en tout cas pas suffisamment, et je crois que c'est effectivement là, une petite révolution qui est en cours et je me réjouis que la volonté politique se soit affirmée dans ce sens.

Pour lancer le débat, je peux m'arrêter là et revenir si vous le désirez.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup, je sais que comme Monsieur BERNARD doit nous quitter rapidement, je vais lui donner la parole immédiatement pour qu'il réagisse non seulement sur cette question, mais éventuellement avec l'esprit d'escalier sur certains aspects que vous entendriez évoquer avant de partir.

LES GARANTIES À APPORTER AU SYSTÈME

M. François BERNARD - Merci Monsieur le Président, vous ne regretterez pas de me donner la parole parce que je vais être très bref. Comme je ne peux pas parler au nom de la CNIL qui n'examinera le projet que cet après-midi, je ferai des réflexions un peu personnelles.

Je voudrais réagir très rapidement sur l'avant-projet de loi. Ceux qui l'ont vu à la CNIL n'ont pu en voir que quelques articles qui intéressent le problème de la loi de 1978 sur l'informatique, les fichiers et la liberté que nous sommes chargés de faire respecter, c'est le dossier médical personnel.

A ce sujet, je voudrais dire deux ou trois choses seulement.

Si nous savons bien que le législateur est souverain et que nous reconnaissons respectueusement sa souveraineté, je dirai qu'il doit être prudent dans cette affaire. Il y a tout de même d'abord les prescriptions d'ordre constitutionnel, le préambule de la Constitution qui est le droit à la santé pour tous, il ne faut donc pas le restreindre d'une façon indirecte.

Il y a une législation européenne, les directives de 1995.

Il y a une cohérence des textes et notamment la loi de 2002 qui pose un certain nombre de principes.

Il y a - je ne parlerai pas des nombreux avis de la CNIL - même une décision du Conseil d'Etat de 1998 qui annulait l'arrêté qui validait une convention nationale avec les médecins généralistes. Il l'a annulée malgré la délégation très large donnée au gouvernement - c'était par voie d'ordonnances, mais c'est pareil pour la loi - parce que cette convention ne respectait pas les principes généraux du droit.

Autrement dit, attention, il y a des problèmes d'ordre constitutionnels et de cohérence de texte.

Dans les problèmes qui apparaissent au premier abord, il y a ceux qui pourront sans doute trouver une solution assez facilement, le Ministre l'a dit.

Il s'agit - et tous les textes auxquels il est fait référence le disent - du respect de la vie privée dans ce qu'elle a de plus intime et, avec cette diffusion de données médicales personnelles, nous devons faire extraordinairement attention.

Les problèmes qui seront facilement résolus - je le pense après ce qu'a dit le Ministre -, c'est d'assurer la sécurité maximum des systèmes qui seront envisagés.

Je ne pense pas qu'il y ait là-dessus des difficultés de principe et il est certain qu'il faudra beaucoup insister à ce sujet et faire le maximum de sécurité, chiffrement, etc., et assurer la confidentialité la plus grande.

Il y a d'autres problèmes qui sont peut-être beaucoup plus difficiles, sur lesquels naturellement je ne prononcerai pas. Ils sont très délicats - le Ministre a manifesté tout à l'heure une volonté très ferme de ne pas bouger sur ses idées - et posent des questions.

Il y a d'abord le problème du caractère obligatoire ou non du système du dossier médical personnel. Dans tous les textes auxquels j'ai fait référence, il a été dit qu'il fallait qu'en ce qui concerne la constitution de données médicales qui le concernent, le patient donne son consentement à la constitution d'un dossier.

Cela a été dit de nombreuses fois et en outre en ce qui concerne les hébergeurs, dans une loi tout à fait récente qui est celle de 2002. Notre système passe par un hébergement et la loi de 2002 dit que cet hébergement de données personnelles ne peut se faire qu'avec le consentement de l'intéressé.

Nous avons donc un premier problème majeur ici d'ordre juridique - je ne parle même pas de l'ordre éthique ou politique ou tout ce que vous voudrez -, qui est celui de la cohérence des textes, de la constitutionnalité du texte : pouvons-nous faire un système obligatoire ?

C'est tout de même un point très délicat.

Un corollaire un peu à cette première question est le suivant : quelles sont les sanctions si on n'adhère pas à ce système obligatoire ?

Or le texte que nous avons eu entre les mains prévoit des sanctions, le Ministre l'a redit tout à l'heure, ce sont des sanctions financières, le remboursement ne serait pas total pour l'assuré qui n'aurait pas accepté la constitution de ce dossier médical personnel.

C'est un peu un autre aspect de la même question, mais c'est un aspect qui d'un point de vue juridique, constitutionnel, pour la cohérence des textes, est extrêmement sérieux et je tenais à le dire dès maintenant.

Je terminerai par quelques autres réflexions. De nombreux autres articles poseront des problèmes, mais nous n'avons pas le temps d'en discuter ici, notamment la création de nouveaux organismes.

A un moment où le gouvernement a dit qu'il souhaitait ne pas en créer trop, on en crée deux nouveaux : un Institut National et un Haut Conseil. Je ne discute pas de l'opportunité de ces créations, mais il faudra bien veiller à ce qu'il s'insère bien dans le système existant, qu'il n'y ait pas de double emploi et qu'on harmonise avec les organismes qui existent déjà.

Surtout - et je terminerai vraiment là-dessus - tout à l'heure mon voisin représentant le Conseil de l'Ordre des Médecins a cité le Vice-Président du Conseil d'Etat qui a eu un mot très brillant et très juste en disant qu'il ne fallait pas que la loi soit trop bavarde.

Eh bien, dans le texte que nous avons sous les yeux, celle-ci n'est pas assez bavarde, car en ce qui concerne tous les points que j'ai évoqués, il faut qu'on trouve dans la loi, des précisions qui apportent des garanties. Or ces garanties n'y figurent pas.

J'ai là la décision du Conseil d'Etat de 1998 à laquelle je faisais allusion, qui disait qu'il appartenait au législateur de définir lui-même, de préciser les principes qui s'imposaient même au pouvoir réglementaire et s'il ne le faisait pas, c'était ce que le Conseil Constitutionnel appelle de façon un peu pédante, une incompétence négative.

Il faut que la loi dise plus qu'elle n'en dit par exception à son caractère bavard habituel.

Lorsque cela relève du pouvoir réglementaire - il y aura, là aussi, un travail délicat de saucissonnage entre le législatif et le réglementaire dans ce texte compact - il faudra au moins que le législateur encadre les choses plus soigneusement qu'il ne le fait.

Il n'y a en effet aucun encadrement pour les différents renvois au mécanisme de chiffrement, de sécurité, etc., de confidentialité. Et il faut que la loi soit plus précise et plus exigeante.

Il reste le problème majeur auquel je faisais allusion et que je me garderai bien de résoudre aujourd'hui, qui est celui du caractère obligatoire du système.

M. LE PRÉSIDENT - Merci Monsieur BERNARD, merci beaucoup, nous entendons bien.

Il s'agit pour nous de faire parler la bavarde, mais à bon escient et pour obtenir ces garanties sans lesquelles il n'y aura pas de construction véritable notamment vis-à-vis du patient.

Monsieur RICHARD, merci d'intervenir, après je pense que l'autre Monsieur BERNARD voudra également intervenir à ce sujet.

M. RICHARD - L'assurance maladie a toujours été attachée à ce concept de dossier médical du patient ou plus exactement pour ses assurés.

Suite au rapport du Professeur FIESCHI, à la demande de l'Etat, l'assurance maladie s'était engagée sur la mise en oeuvre des expérimentations auxquelles a fait référence Monsieur FIESCHI.

Aujourd'hui elle est aussi présente sur le projet qui est porté par l'article 2 de la loi sur l'assurance maladie.

Pour l'assurance maladie ce dossier médical partagé, ce dossier médical personnel que nous avons, nous, l'habitude de nommer dossier électronique de santé du patient - ça le précise mieux - est un outil qui permettra de développer de nouvelles pratiques au service des assurés, de l'assurance maladie, qui permettront de développer la qualité, l'efficience et la prise en charge des patients.

Si j'avais à contribuer aujourd'hui à ce que vous nous demandez, je me placerais sur un aspect très pratique de la mise en oeuvre et reviendrai sur la question de la propriété des données que vont stocker les professions de santé dans le dossier du patient.

Cette question tourne autour de la suppression de ces données par le patient et de l'éventuelle question de la judiciarisation qui pourrait se poser après cette suppression des données.

Je suggérerai une chose qui rejoint l'idée qu'une fois que les données sont stockées, elles appartiennent certes au patient, mais s'il décide de les supprimer, nous ne saurons, après, plus très bien ce qui se passe.

Je suggérerai la possibilité que si les données sont supprimées, la personne, la profession de santé qui les a stockées puisse les récupérer de façon à clore cette question de savoir si nous allons devoir stocker les données à dix ou quinze endroits pour pouvoir se prémunir de ce genre de risques et donner un allant au dossier pour en faire un dossier reposant sur un dispositif unique et global et que tout le monde vienne l'alimenter sans se demander si les données pourront être supprimées et si, derrière, on pourra avoir des ennuis dans une judiciarisation éventuelle.

M. LE PRÉSIDENT - Avant de proposer au Professeur BERAUD de conclure, je crois que vous acceptez de donner le point de vue de ceux que vous représentez : quid du patient dans tout cela ?

M. Jean-Luc BERNARD - Monsieur le Président, effectivement dire que je représente le patient, c'est toujours le problème de la représentativité des associations.

Je parle au nom de vingt-huit associations et on nous a rappelé qu'il y en avait quatre mille qui étaient en train d'essayer de se structurer et qui n'ont pas toutes vocation à une représentation nationale, mais je reste sur ces vingt-huit associations qui composent le collectif.

Tout d'abord je me félicite de la volonté politique affichée. Et je m'en félicite parce que j'ai entendu le discours du Professeur FIESCHI que je connaissais et, là aussi, je suis content parce qu'il a dit des choses que je n'ai pas eu à dire.

Lorsqu'il a parlé de l'état d'un autre âge des systèmes d'informations médicaux, cela fait des années que nous le répétons et je suis très content que ce soit quelqu'un d'autre qui le dise. Et la volonté politique affichée viserait à faire changer ça, clairement.

J'ai déjà une première interrogation en rebondissant tout bêtement sur les propos du Ministre, accès des données par la carte professionnelle de santé. Il y a là une vraie problématique à résoudre et des vrais investissements à faire parce qu'on n'a jamais pu réussir à la déployer dans les établissements.

Déjà là aussi, en ce qui concerne le calendrier consistant à dire que tout fonctionnera au début de 2006, j'ai des doutes.

Si vous voulez, en ce qui concerne le dossier médical partagé, nous arrivons avec des doutes. Nous avons été associés aux réflexions avec la CNAM depuis le début et la nouveauté pour nous est effectivement son caractère obligatoire.

Vous avez compris que je n'étais pas juriste, il y en a au collectif, mais, là, quand même, cela a été dit par la CNIL, nous sommes dans la même logique, nous avons un véritable problème.

Ce n'est pas un problème de rédaction des textes, mais quelque chose qui a été obtenu par la loi Kouchner à laquelle nous avons été associés et très demandeurs. Je ne dirai pas que ce retour en arrière va poser des problèmes, mais que cela risque d'être un peu conflictuel avec les patients quelque part, je tiens quand même à le préciser.

Les médecins disaient tout à l'heure que le système ne fonctionnerait pas s'il était fait contre les professionnels, j'aurais tendance à dire qu'il ne fonctionnera pas s'il est fait contre les patients aussi, c'est évident.

Il faut se rappeler le fameux livret papier qui avait été distribué, il est toujours dans mon tiroir et si vous le voulez, je peux vous le donner. Il serait bien qu'avec le système informatique, on ne recrée pas ce genre de projet intéressant, mais qui reste lettre morte.

Sur quoi ai-je travaillé ?

J'ai un document qui a quelque peu attiré mon attention, la Secrétaire générale de mon association se trouve être une représentante au Conseil de l'Assurance Maladie et une note de problématique sur le dossier médical partagé a été distribuée pour la séance du 27 mai. On m'a bien sûr demandé de la critiquer.

J'ai cru comprendre que le Conseil n'en avait pas du tout débattu, mais je vais quand même vous livrer la conclusion qui, indépendamment des contradictions que nous y avons relevés, est quand même intéressante.

Notre conclusion à nous, patients, est :

Les usagers du système de santé sont non seulement favorables au DMP, mais aussi demandeurs, ...

C'est quand même une bonne nouvelle, cela évite effectivement l'écueil de non-acceptation. En revanche la deuxième partie de la phrase est importante :

...à condition que les pré-requis en matière de protection de données individuelles soient strictement respectés .

Nous venons un peu de parler du pré-requis à travers la carte Vitale, mais je viens avec les mêmes interrogations pour les patients et c'est aussi la problématique de la suppression des données.

Il faut que tous les actes de ce dossier soient traçables et signés électroniquement, donc signés par quoi ?

J'ai là aussi entendu Monsieur DOUSTE BLAZY qui faisait référence au système des impôts en disant qu'un million de personnes faisait de la télédéclaration, ce n'est pas de l'authentification forte.

Sur soixante ou quatre-vingts millions de personnes, j'ai une grosse question sur l'authentification des patients. Pour les professionnels, nous le savons, c'est la CPS. Il y a donc des questions.

J'ai quand même beaucoup de questions. En l'état actuel des réflexions du collectif vous avez vu que nous sommes favorables, mais que nous venons avec nos questions quelque part et nous avons besoin de ces garanties que le représentant de la CNIL mentionnait.

L'inviolabilité est une condition sine qua non. S'il y a, ne serait-ce qu'un jour, une faille, je crois que la confiance dans le système s'écroulera et que la confiance dans tout le système numérique s'écroulera.

J'ai une autre réflexion qui serait presque juridique et qui rejoint un peu les préoccupations de Monsieur RICHARD, c'est le statut de ce dossier. Monsieur RICHARD disait qu'on allait en faire de la judiciarisation ou non, etc.

Je ne comprends pas bien le statut, dans la note de problématique remise au Conseil, tantôt on dit que ce dossier médical est un résumé des dossiers médicaux qui existent dans les systèmes hospitaliers, tantôt on nous parle de complétude du dossier, il faudrait savoir.

Si c'est un résumé, il n'a aucune vocation à être judiciaire parce que si, un jour, je fais de la judiciarisation, je remonterai à la source des données, c'est-à-dire au SIH, qu'il soit vétuste ou pas. Ce qui m'intéressera, c'est ce qui figurera dans le SIH et pas dans le dossier médical partagé.

Si ce dossier a vocation à être complet, il faut vraiment que ce soit affiché, or, pour le moment dans les notes de problématiques que nous avons, c'est très ambigu. Il faut que le statut de ce dossier soit clair.

S'il est effectivement clair et qu'il a une vocation à être complet, la question de la suppression des données devient pertinente, si c'est un résumé, la question n'a plus aucune pertinence.

J'ai quand même cette grosse interrogation quasi juridique sur le statut réel de ce dossier.

Voilà pour le moment.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup.

LES CONTRAINTES TECHNIQUES

Mme SERRA - France Télécom travaille beaucoup dans la télémédecine, nous l'avons évoqué tout à l'heure, mais également dans tout ce qui concerne la transmission des données administratives et de gestion, en particulier dans la télétransmission puisque soixante-dix-sept mille professionnels de santé transmettent avec Wanadoo Santé.

A partir du 1er novembre, France Télécom va être opérateur du réseau privatif sécurisé du réseau Sésame Vitale.

Cet engagement sur la santé est ancien et nous nous préparons à répondre à l'appel d'offres sur le dossier patient que nous attendons en juillet.

Il y a différents points de vigilance que je n'aborderai pas tous, car nous arrivons à la fin de cette séance, mais je souhaiterais parler de trois d'entre eux.

Premièrement l'interopérabilité est un point majeur dans le dispositif puisque dès la première phase au tout début de 2005, il va s'agir de permettre aux professionnels de santé d'envoyer leurs données cryptées, signées - par exemple un compte rendu sur un fichier Word - dans le dossier patient partagé de façon quasi transparente, d'un seul clic en quelque sorte, sans double saisie.

Cette simplicité a cependant un prix, c'est le développement par tous les éditeurs de logiciels des interfaces avec le dossier médical partagé sur la base d'une standardisation de normes d'échanges.

Il faudra certainement prévoir un soutien, une incitation si nous voulons que cette interopérabilité soit effectivement opérationnelle très rapidement ce qui semble être le souhait du Ministre, à savoir mettre en place des choses visibles très rapidement.

Deuxièmement, vous avez la pérennité et l'évolutivité du dispositif. Comme ce projet porte sur plusieurs décennies, il s'agit de le construire avec des technologies robustes parce qu'elles doivent fonctionner sur des millions de dossiers, mais aussi être capables d'évoluer et d'intégrer au fil des années les évolutions de nouvelles technologies que seront en droit d'attendre les patients et les professionnels de santé.

C'est la raison pour laquelle il sera important de se tourner vers des industriels capables, au fil des années, d'intégrer ces nouvelles technologies.

Troisièmement, il y a un point sur lequel il sera important de donner rapidement une vision claire aux industriels, c'est le modèle économique qui leur sera demandé.

Depuis quelques semaines sont arrivés des éléments positifs, en particulier le fait que le dossier sera obligatoire ce qui est, comme le disait notre Ministre, une mesure effectivement courageuse. Il y aura donc un effet de volume qui sera garanti dès le départ.

L'autre point qu'il me semble avoir compris, est qu'il sera financé, au moins pour ce qui concerne le dossier médical, noyau dur, même si le montant est peu précis ou contenu dans une fourchette extrêmement large.

Les investissements qui seront nécessaires pour la mise en place de ce dossier patient sont très importants et la façon dont les industriels vont pouvoir organiser le retour sur investissement est encore assez flou.

Nous sommes donc en attente d'éléments.

S'agira-t-il d'un partenariat public privé ou d'une délégation de service public ?

Je me tourne un peu vers les personnes qui, aujourd'hui autour de cette table, sont en train de travailler sur le cahier des charges.

M. LE PRÉSIDENT - Merci Madame, c'est pareil, si vous avez un document, merci de nous le communiquer.

CONTENU ET GESTION

Pr. JOLLY - Je voudrais faire quelques remarques générales par rapport à ce que le Professeur Mario FIESCHI nous a présenté.

D'après mon expérience personnelle, je pense qu'un certain nombre de préalables ne sont pas encore tout à fait réunis pour pouvoir parler de dossier patient partagé en particulier lorsque que nous faisons le constat de l'état des systèmes d'information des hôpitaux publics en particulier et notamment des CHU.

Il faut savoir que dans un CHU, il est exceptionnel que nous ayons même des dossiers papier patient identiques et que ces dossiers soient partagés. Depuis la loi Kouchner, les mentalités ont évolué, mais nous sommes encore confrontés à des résistances importantes.

Si nous voulons parler à terme d'un dossier patient partagé qui serait d'une utilité absolue, connaître la propriété du dossier n'a, pour moi, pas beaucoup de sens puisque nous n'imaginons pas faire de la médecine sans dossier et demain ce dossier sera informatique.

Il faut donc que ce dossier existe, ne serait-ce que sur le plan opérationnel et, à mon avis, il ne faut pas déplacer les problèmes.

Si nous voulons arriver à cet objectif à un terme qui, à mon avis, n'est pas 2006, il faudra fixer des préalables, donner les moyens aux hôpitaux de moderniser leur système d'information et leur donner des moyens financiers de manière fléchée. Si on leur donne de l'argent, il partira ailleurs que pour les systèmes informatiques. si on veut faire évoluer les systèmes informatiques, il faut flécher les financements pour qu'on ne puisse pas en faire autre chose avec.

Il y a enfin un vrai problème qui est irrésolu, c'est celui de l'accès et de la hiérarchisation des données médicales dans un dossier.

Autant nous pouvons imaginer facilement l'utilisation d'un dossier minimum partagé dont la structure serait hiérarchisée et fonctionnelle, autant il est difficile d'imaginer, bien que ce soit possible, la mise côte à côte d'éléments différents où on risque de constituer des poubelles informatiques dont on sera à peu près incapable de ressortir quoi que ce soit.

Un dossier de cancérologie papier peut faire vingt centimètres et il faut trois heures pour le consulter. Il faut que l'informatique permette d'accéder à la bonne information le plus rapidement possible.

C'est possible si on imagine l'organisation des choses, mais comment l'imagine-t-on ? Mario FIESCHI peut peut-être me répondre à ce sujet.

Pr. FIESCHI - Je peux.

M. LE PRÉSIDENT - Merci, avant la réponse de Monsieur FIESCHI et parce qu'il est aussi pris par le temps, nous le sommes tous, mais lui particulièrement, Monsieur CALLOC'H

Dr CALLOC'H - Merci Monsieur le Président, en effet le temps nous manque à tous.

Revenant sur ce qui a été dit par Monsieur le Conseiller d'Etat représentant la CNIL, sachez que le Conseil de l'Ordre a déjà envoyé une première analyse de critiques positives à Monsieur le Ministre qui vient de nous quitter, reprenant notamment certains points en matière de secret, de confidentialité, de qui aura accès à ces documents.

Par ailleurs nous avons aussi un peu précisé quelles sont les conditions et les droits des assurés dans ce système. Seule la loi pourra définir les responsabilités de chacun à cet égard, c'est ce que nous avons déjà dit.

Par ailleurs nous sommes tout à fait prêts à faire remonter vers vous, car nous avons organisé une session exceptionnelle du Conseil de l'Ordre le 17 juin, qui nous verra le 17 au soir en état aussi de formuler certaines formes d'amendements à notre façon, que nous ferons remonter vers vous bien évidemment.

Nous attendons cependant la chronologie de ce que vous mettez en place et sommes totalement solidaires de la démarche des députés et sénateurs pour une fenêtre de tir qui, nous l'espérons, sera aussi opérationnelle pour tous dans l'intérêt de nos citoyens.

Nous ouvrirons aussi je pense, avec vous dans un compagnonnage qui fédère tous les professionnels de santé, des réflexions sur cette précision d'une loi pas suffisamment bavarde sur par exemple le retrait. Le patient aura le droit de refuser que certaines informations figurent dans son dossier. Il y a là aussi des choses à préciser.

Nous aurons aussi le cahier des charges tel qu'il vient d'être évoqué pour qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts entre le payeur, la concentration de données et leur accès. Nous avons là des jurisprudences à craindre dans le futur, il faut que nous soyons beaucoup plus bavards et clairs.

Il y a aussi les sanctions, quelque part une obligation d'adhérer à un système met en question la liberté de chacun au regard des 300 €.

Bref, il y a des choix et il faut également que le choix soit vraiment clairement bien défini.

Voilà autant de questions pour la cohérence des textes sur lesquels nous allons réfléchir et bien entendu les fondamentaux de notre institution qui sont l'information des médecins et des patients, qui passera aussi par une formation qu'il faudra financer.

Il y a donc l'information du patient, la transparence et bien entendu la préservation du secret médical dans le respect des textes européens.

Et en ce qui concerne notre partenariat avec nos confrères au niveau européen, vous pouvez compter sur notre appui pour vous éclairer. Merci.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup, Monsieur FIESCHI pour quelques éléments de réponse aux différents intervenants, notamment Monsieur BERNARD, Monsieur JOLLY.

Pr. FIESCHI - Je rejoins complètement la première partie de l'intervention du Professeur JOLLY.

Je pense effectivement que le calendrier sur une montée en charge généralisée faisant intervenir toutes les institutions de soins, CHU compris, puisque le mot a été prononcé, est quelque chose d'extrêmement ambitieux et, de mon point de vue, je l'identifierais comme une cause éventuelle d'échec.

Je serais plus prudent sur le choix du chemin critique pour atteindre l'objectif qui, de mon point de vue, est extrêmement pertinent. C'est simplement un problème de stratégie d'évolution, mais cela peut se discuter.

Je crois que c'est un facteur d'échec. Concernant les CHU, cela a été rappelé tout à l'heure, je n'ai pas eu le temps d'aborder ce problème, mais vous avez bien fait de le rappeler, c'est un problème crucial, cela a été dit à plusieurs moments, nous avons des systèmes d'information qui méritent d'évoluer.

Dans le rapport dont il est question, j'avais fait moi-même la proposition qui va tout à fait dans le sens de celle du Professeur JOLLY, d'avoir des crédits ciblés pour faire évoluer ces systèmes d'information, dans des contrats d'objectifs et de moyens pour faire en sorte que l'argent aille effectivement au système d'information.

Il semblerait quand même que les managers et les stratèges des établissements de santé n'ont pas pris, tout au moins suffisamment, me semble-t-il, conscience de l'importance et des enjeux qui sont autour de la gestion de l'information dont je parlais tout à l'heure comme d'une ressource.

Ils n'en ont pas pris suffisamment conscience, y compris à l'intérieur de leur établissement, non seulement pour exporter l'information et la partager avec l'extérieur de l'hôpital, mais également à l'intérieur.

Si on comptabilise le temps perdu par tous les praticiens, par tous les professionnels de santé pour chercher la bonne information, les causes d'erreur que cela induit, les examens que nous refaisons, etc. - j'arrête la liste -, nous voyons bien qu'il faut absolument susciter et soutenir une prise de conscience.

Pendant trop longtemps les managers des hôpitaux ont eu tendance à privilégier les aspects comptables, facturation, gestion de toute sorte, certes légitimes, mais je crois qu'une autre dimension a échappé trop longtemps au système d'information hospitalier français et c'est l'occasion de rétablir l'équilibre parce qu'il en va de la qualité de ce qu'on fait.

Dans la deuxième partie de votre intervention, je serais un peu plus nuancé. Je ne crains pas le trop-plein, mais plutôt des serveurs vides. Je ne crois pas que nous aurons des serveurs poubelles d'informations, mais qu'au moins dans un premier temps, ce sera vide pendant suffisamment longtemps pour qu'éventuellement on se plaigne de ce déficit et qu'on y colle prématurément une étiquette d'échec.

Il va en effet falloir une montée en charge, il faut du temps parce que les mentalités ne sont pas prêtes, parce qu'il faut s'investir dans cette mutation, codifier de l'information, choisir des standards, harmoniser les systèmes d'informations. Tout ceci va demander du temps et je crois qu'il est bon de le prendre non pas pour le perdre, mais pour atteindre l'objectif dans un deuxième temps.

Je ne crains pas ces trop-pleins de données et je pense qu'il y a des techniques, des technologies qui pourront permettre de répondre à vos préoccupations. Ce ne sera peut-être pas directement, mais si on avait une attitude pragmatique, je pense que petit à petit lorsqu'on sera vraiment devant un trop-plein de données, on aura tous les outils pour y faire face.

Pour reprendre l'interrogation émise par le représentant des patients tout à l'heure sur dossier complet ou pas, je crois que ce qui doit nous guider dans notre démarche est de savoir pourquoi nous faisons cela.

Si c'est pour la qualité, comment peut-on avoir du côté des professionnels, des professionnels qui occulteraient des pièces du dossier qui, de par la loi, doivent être communiquées au patient et comment les patients pourraient-ils soustraire certaines pièces du dossier à partir du moment où la qualité des soins qu'on va leur prodiguer en dépend ?

Je pense que, là, nous sommes un peu dans des schémas qui méritent d'évoluer, il faut donner des explications, accompagner, mais il faut un peu mûrir en ce qui concerne ce problème me semble-t-il parce qu'autrement nous serons tout à fait dans le non-sens.

Si on le fait pour faire de la qualité des soins, je crois qu'il faudra partager les données et les connaissances, et revenir à quelque chose de plus raisonnable en tenant compte de tous les aspects déontologiques, secret médical et toutes les choses qu'en fin de compte, toute la société demande et espère.

Je crois que le dossier est inéluctable. Il serait cependant dommage qu'en pressant le pas, nous loupions le rendez-vous et que de ce fait, nous perdions encore un peu plus de temps.

C'est la grosse préoccupation que j'aurais et je voudrais mettre juste un peu en garde en ce qui concerne cette stratégie de recherche de chemin critique pour atteindre le bon objectif.

Tout le monde le partage, tout le monde est bien d'accord, je pense, même s'il faut encore un peu expliquer, même si cela va demander beaucoup de temps. Je crois cependant que l'objectif est à peu près clair pour tout le monde.

Comment y aller ?

C'est la question et je crois qu'il va falloir du temps parce que les systèmes d'information, les réticences dans les hôpitaux, les partages d'informations ne sont pas aussi partagés qu'on pourrait le souhaiter et que ce serait nécessaire pour faire aboutir ce projet dans de bonnes conditions.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup, avant que le Professeur BERAUD ne conclue, mais vraiment en dix secondes et j'espère en l'importance de votre intervention.

M. DUSSAUSSE - Je crois que nous soulevons ici deux problématiques : la problématique financière et la problématique économique. Et aujourd'hui je demanderai :

Est-ce que nous voulons mourir guéris ?

Est-ce que nous voulons continuer avec un système qui est quasiment en faillite ?

Est-ce que d'un point de vue technologique, nous avons la possibilité de répondre à des problématiques ?

Autant je peux comprendre votre préoccupation en termes de culture, autant je dis qu'il y a urgence et qu'il faut aller vers l'optimum.

Aujourd'hui je ne crois pas qu'il soit impossible de travailler ensemble avec des chefs d'établissement pour raisonner sur l'architecture globale qui comprendrait l'aspect culturel auquel vous êtes confrontés et l'aspect de l'infrastructure de réseau.

En ce qui concerne l'infrastructure de réseau, les industriels ont un grand effort à faire. Je répète que de très gros efforts ont été réalisés par les industriels quoique pas suffisamment, pour intégrer ce contenant, ce contenu et ses usages.

Il faut nous adapter, donner l'information et la formation nécessaires pour faire cette fameuse plate-forme de partage de connaissances et je crois que c'est possible.

* Conclusion

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le Professeur BERAUD, à vous revient le mot de la conclusion.

Pr. BERAUD - Merci, je voudrais d'une part dire mon appui total et celui de la Mutualité Française à la mise en place d'un dossier médical unique, informatisé et partagé et mon souci, comme celui de Monsieur FIESCHI, sur la mise en oeuvre de ce projet.

Je crois qu'il y a deux choses.

En premier lieu je crois qu'il faut intégrer ce projet d'un dossier médical informatisé unique et partagé dans un système d'information en santé qui, s'il existe en principe, n'existe pas en réalité.

Le deuxième point est de savoir, de définir quelle est l'utilité, quelles sont les fonctions de ces différents composants du système de santé.

Le premier composant, me semble-t-il, - je crois qu'il y en a trois - est le système d'information des professionnels, géré par les professionnels et résumé par le dossier médical informatisé unique et partagé.

Le second composant est celui de Monsieur RICHARD, c'est-à-dire le système d'information médico-administratif qui, à mon sens, est différent et nettement différent dans sa conception du dossier médical unique informatisé et partagé.

Le troisième composant - je n'en parlerai pas et pourtant il est très important - est toutes les informations scientifiques et sanitaires qui sont indispensables aux professionnels et aux administrateurs du système de soins.

Le dossier médical informatisé unique et partagé est effectivement géré par les professionnels et il est la propriété des malades. Là-dessus, je crois que tout le monde est à peu près d'accord. Il est stocké chez les hébergeurs, j'y reviendrai.

Son contenu, ce sont les informations cliniques qui sont recueillies directement au cours d'un entretien ou indirectement par l'intermédiaire de la télémédecine ou de la télésurveillance comme le disait très bien Madame SERRA tout à l'heure.

Sa fonction est d'apporter aux professionnels, au moment de la décision, l'ensemble des informations cliniques qui sont utiles à la décision.

Quel est l'intérêt de ce dossier ?

Eviter effectivement la perte d'informations grâce au partage des informations, éviter la duplication des examens, ne pas refaire ce qui a été fait quelques jours auparavant.

On pense ou on dit qu'il va aussi améliorer la qualité des prescriptions, je n'en suis pas du tout certain. Pour qu'il améliore la qualité de la prescription, il faut que ce dossier médical informatisé soit en liaison avec des logiciels d'aide à la prescription et peut-être un jour, des logiciels d'aide à la décision.

Par ailleurs comme l'a également dit Madame SERRA, pour que le dossier soit partagé, il faut qu'il soit compatible avec les différents ordinateurs de ceux qui vont admettre ce dossier. Or aujourd'hui l'interopérabilité des outils dont nous disposons est vraiment un point d'interrogation.

Un autre point d'interrogation est aussi soulevé par Monsieur JOLLY, sur le rôle des hébergeurs et la manière dont ils vont travailler. Quand on devient diabétique à 20 ans et qu'on vit jusqu'à 60 ans, on a un dossier médical qui dure soixante ans, dans lequel il y a vraiment beaucoup d'informations.

Comment traiter ces informations ?

Comment les éliminer ?

Comment les conserver ?

Comment les mettre réellement et tout de suite à la disposition de ceux qui en ont besoin ?

C'est un vrai métier difficile à réaliser et je ne pense pas qu'il y ait aujourd'hui beaucoup de professionnels qui soient capables de réaliser ce travail.

Par ailleurs il y a des problèmes de coût et de dates.

En ce qui concerne les problèmes de coût, on annonce de façon ridicule, je crois, 2 ou 300 M€ pour la mise en oeuvre du dossier médical informatisé. Je vais prendre deux exemples.

Le Royaume-Uni qui travaille sur le sujet depuis trois ans maintenant, pense qu'il faut mettre environ 11 Md€ au total pour la réalisation d'un dossier médical informatisé partagé associé à des données médico-administratives.

Aux Etats-Unis le coût estimé est de 100 Md$ sur une durée de dix ans.

Le problème de la durée est un réel problème. Les Etats-Unis pensent qu'il faut dix ans, le Royaume-Uni aussi.

On peut quand même ajouter une certaine crédibilité à ce qui se fait en Angleterre parce que ça fait un petit moment qu'ils réfléchissent sur ce dossier et qu'ils ont déjà commencé à le mettre en oeuvre. Par ailleurs ils n'annoncent habituellement pas des chiffres que je tire de revues scientifiques, du British Medical Journal , sans avoir quelques données pour les affirmer.

Il y a donc des problèmes de coût, de dates, de difficultés techniques, Madame SERRA en a parlé, notamment l'interopérabilité.

Il y a des problèmes non techniques qui sont probablement encore plus importants et qui concernent le consentement des patients.

A vrai dire en ce qui concerne le consentement des patients, il est bien clair qu'il faut laisser au patient la possibilité de faire disparaître de son dossier ce qu'il veut faire disparaître.

Il serait absolument inadmissible que des organismes publics, privés ou encore des médecins aient la possibilité de remettre dans le dossier médical du patient des choses que ce dernier ne veut pas y voir figurer. C'est une atteinte gravissime à la liberté des personnes.

Une jeune-femme qui a fait par exemple trois avortements, se marie. N'a-t-elle pas le droit de faire disparaître du dossier ces antécédents tout au moins dans ce domaine ? Elle peut certes courir un risque à cause de cela, mais elle doit avoir le droit de courir le risque de ne pas exiger la transparence.

Il y a des problèmes de consentement et il y a des problèmes de changements au niveau des professionnels. C'est en effet un mode de travail, d'exercice qui va être radicalement différent.

J'entends bien que les leaders syndicaux sont tous d'accord et si je n'ai pas beaucoup de données, j'ai quand même un sondage fait par le Journal International de Médecine auprès des médecins généralistes : 67 % sont contre.

Cela ne pourra donc pas se faire du jour au lendemain. Comme l'a très bien dit le représentant du Conseil de l'Ordre, cela implique une information des professionnels, une formation des professionnels, des modes de rémunération particuliers pour les professionnels, des incitations pour les professionnels.

Bref, comme quelqu'un le disait tout à l'heure, un saut culturel ne se réalise pas en un an.

Ma deuxième réflexion concerne cette fois-ci le système d'information médico-administratif.

Ce système, actuellement uniquement régime obligatoire, est géré en partie par des professionnels et en partie par des organismes d'assurance maladie. Il n'est pas concevable que, demain, les données médico-administratives ne soient pas aussi à la disposition des régimes complémentaires ou alors les régimes complémentaires ne pourront pas participer à la gestion du risque médical.

Que contient donc ce système ?

C'est un sous-produit du dossier médical en ce sens qu'il est fait de données médicales qui sont codées, c'est essentiellement le codage des activités. Il contient aussi des données financières qui permettent de payer les professionnels, c'est donc un dossier médico-administratif.

Ce dossier est actuellement tout à fait complet sur le plan financier, en revanche il est très incomplet sur le plan du codage des activités des professionnels. Nous avons le codage des médicaments, le codage des actes de biologie, en revanche nous n'avons pas encore le codage des actes et nous n'avons aucune information sur les indications des prescriptions.

Nous n'avons aucune information puisque nous n'avons pas de codage d'hépatologie. Autrement dit, la loi de 1993 n'est toujours pas mise en place.

Quelle est la fonction et quel est le rôle de cet outil ?

C'est un outil de production de connaissances épidémiologiques et aussi un outil de régulation.

Le dossier médico-administratif, surtout s'il est complet et comporte l'ensemble des codages, peut permettre d'avoir des informations épidémiologiques très précises mais aussi d'évaluer la qualité des prescriptions et des pratiques médicales, ce que ne peut pas faire le dossier médical.

Le dossier médical n'est pas fait pour évaluer les pratiques médicales. Ce qui permet l'évaluation des pratiques médicales, c'est l'ensemble de ces données codées anonymisées et apportant des informations épidémiologiques, cliniques, diagnostics et thérapeutiques.

C'est donc un outil de régulation qui nous fait défaut encore actuellement.

Vous savez que cet outil se met progressivement en place, on l'appelle le SNIRAM, c'est un bon outil tout à fait bien contrôlé, y compris par la CNIL, mais qui demande à être complété.

Je ne vais pas parler des informations scientifiques, sachez simplement que ces informations scientifiques sont aussi indispensables à la qualité des soins que l'est le dossier médical informatisé. Et la mise à la disposition des professionnels des informations scientifiques les plus récentes ne se fait que fort mal parce qu'ils ont difficilement accès à ces données.

Je voudrais terminer par trois remarques.

Premièrement, un des derniers articles de la loi, parle de l'Institut des données de Santé.

Cette demande avait été faite par la Mutualité Française, c'est-à-dire créer un établissement public des données de santé.

Je crois que c'est absolument indispensable pour construire et organiser un système d'information en santé, que nous n'avons pas et qui ne se résume pas à un dossier médical informatisé et partagé.

Un système d'information santé est plus complexe que cela, il est plus complexe qu'un dossier informatisé dont il semblait que Monsieur le Ministre le confondait un peu avec le carnet de santé.

Il faut donc un Institut des données de santé qui doit veiller à la qualité des informations, mais qui doit aussi sans doute probablement avoir d'autres fonctions afin d'éviter que le système d'information ne devienne un cimetière de données.

C'est d'ailleurs déjà en partie le cas des informations dont disposent les régimes obligatoires. En partie seulement parce qu'elles sont assez bien utilisées. Il faut cependant traiter ces données et donc avoir, à mon sens, des experts pour le faire notamment des spécialistes de l'évaluation et donc des professionnels des soins.

Deuxièmement, on ne construira pas - et je ne dis pas cela par démagogie parce qu'il y a des médecins généralistes ici - un système d'information en santé sans un partenariat, dès le début de la réflexion, avec les professionnels des soins et ce, pour une raison simple. Si on le construit sans eux, ils n'admettront pas, ils ne considèreront pas comme fiables toutes les données qui sortiront de ce système.

Enfin dernière réflexion très brève, avant de mettre en place, en France, dans notre petit coin, un système d'information en santé il faudrait peut-être aller voir ailleurs ce qui se passe et prendre connaissance des travaux qui déjà sont réalisés dans d'autres pays.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup, merci cher ami, Monsieur BERAUD.

Vous voyez que dans cette affaire s'il y a une harmonie de réflexion il y a un certain nombre de zones d'ombre voire noires, on parle même de poubelle informatique, de cimetière de données. Vous voyez que ce n'est pas partout le triomphe de la santé assuré.

En tout état de cause on mesure ensemble l'importance de la difficulté et en même temps l'importance de la tâche à réaliser.

Nous avions besoin de vous. N'imaginez pas un seul instant que nous sommes à satiété d'autant plus que j'invite tous ceux qui le peuvent à compenser l'hypoglycémie qui ne manque pas de naître en ce moment.

Dans ce domaine qui nous intéresse, nous avons vraiment besoin, toujours besoin de tout document, de toute formule qu'à la lumière de votre préoccupation vous imaginez nécessaire d'inscrire dans un mode ou un autre - amendement ou autre - dans le déterminant réglementaire qui devra de toute façon régir l'introduction de cette approche méthodologique et de moyens nouveaux, et qui peut donner naissance à une nouvelle disposition de l'offre de soins dans notre pays.

Merci beaucoup, restons en contact, et en tout cas merci de votre participation.

(La séance est levée à 13 h 35).

ANNEXES

Annexe 1 : Les propositions du Professeur Marius Fieschi

(Rapport au Ministre de la Santé : « Les données du patient partagées : la culture du partage et de la qualité des informations pour améliorer la qualité des soins » - Mars 2003)

On trouvera ci-après l'ensemble des propositions faites au Gouvernement par le Professeur Fieschi dans la mesure où elles constituent la base de la réflexion. Une des propositions du Professeur Fieschi ne recueille toutefois pas l'assentiment de vos rapporteurs : la nécessité de la mise en place accélérée du réseau à haut débit. En effet, une visite aux Etats-Unis leur a permis de constater que si le haut débit apporte un confort d'utilisation accru aux utilisateurs, des débits de 400 à 500 kilobits sont suffisants pour la plupart des applications médicales. Le haut débit présente surtout un intérêt pour des utilisations qui devraient rester relativement marginales, telles que la téléchirurgie, et améliore indiscutablement le confort de la consultation des documents.

Le rapport du Professeur Fieschi a été suivi, en mai 2003, d'une note d'orientation proposant quatre expérimentations pilotes sur trois ans, portant sur quatre bassins de population - Marseille, Lille, Grenoble et Poitiers -, élaborées en étroite collaboration avec la CNAM, les professionnels et des représentants de patients. Les travaux préparatoires au lancement de ces expérimentations sont en cours sur le terrain.

A) Propositions pour le court terme

_ Les pouvoirs publics doivent s'attacher à faire respecter les droits du patient

_ Sans vouloir gérer le dossier médical, les pouvoirs publics doivent inciter les acteurs à agir, en soutenant des expérimentations

_ Favoriser le lancement de l'expérimentation par une action incitative d'Accès Individualisé aux Données Electroniques de Santé (AIDES).

_ Il convient d'aller plus loin que les expériences conduites à ce jour dans les régions pour la recherche de la cohérence, autour du patient, des systèmes d'information.

_ Cette action vise à proposer à chaque citoyen une « adresse qualité santé » pour le partage des données individuelles dans la pratique quotidienne

_ Les ARH doivent orienter l'intégration des données des systèmes d'information des réseaux

_ La gestion des données des patients est une activité intégrée à l'exercice des professionnels qui doit être reconnue

_ Un comité d'orientation stratégique (COS) doit définir le cadre des expérimentations AIDES

_ Le lancement des expérimentations doit intervenir à la fin de l'année 2003 après la prise du décret sur le statut d'hébergeur

_ Une durée de 3 ans est nécessaire pour mener l'expérimentation . La mise en place des systèmes hébergés ne doit pas dépasser 12 mois

_ Le financement des expérimentations doit préfigurer le mode de financement définitif de ses systèmes d'information

_ L'Etat doit anticiper et orienter l'élaboration d'un modèle économique avec les partenaires de la santé

_ Développer une campagne globale de sensibilisation, d'information et de formation des professionnels et du grand public dans les régions expérimentales

_L'ANAES doit être sollicitée vigoureusement pour faire évoluer les référentiels d'accréditation des établissements hospitaliers en ce qui concerne les systèmes d'information

_ La mutation des systèmes d'information existants vers des systèmes centrés « patient » inter opérables doit être l'objectif dans un délai de trois à cinq ans

_ Les incitations doivent favoriser l'investissement Pour avoir des retours sur investissement significatifs, elles demandent un accroissement des soutiens financiers importants. Les budgets des systèmes d'information doivent atteindre 3% des budgets d'exploitation des centres hospitaliers dans les 3 à 4 ans.

_ La sensibilisation de tous les acteurs médecins et administratifs aux enjeux de cette mutation doit faire l'objet d'une attention particulière Les messages en direction des industriels doivent être clairs et constants

_ Encourager le développement de l'accès au réseau Internet à haut débit et à bas prix.

_ La connexion sur Internet à haut débit n'est actuellement pas possible sur tout le territoire. Les professionnels de santé ont besoin de cet outil quel que soit le lieu de leur exercice.

_ Le coût de connexion demeure élevé.

_ Les investissements indispensables aux infrastructures de haut débit nécessaires aux applications dans le domaine de la santé doivent être réalisés.

_ La puissance publique doit soutenir, pour assurer l'égalité des personnes sur tout le territoire, la mise en place des infrastructures afin d'assurer une couverture la plus large possible. Elle doit encourager la culture de l'information électronique dans le pays en développant une politique incitative, visant à diminuer les coûts d'utilisation d'Internet pour le grand public et rétablir l'égalité des citoyens pour accéder à ces nouveaux médias.

_ Les Etablissements Publics de Santé doivent connecter leur réseau interne au réseau Internet à haut débit en préservant leur sécurité.

B) Propositions pour le moyen terme

_ L'accompagnement et le soutien des professionnels de santé sont une condition de l'évolution souhaitée

_ Les ARH doivent intervenir dans le pilotage de la mutation des systèmes d'information de santé et veiller à la cohérence des initiatives

_ Le niveau de compétence des décideurs hospitaliers dans le domaine des systèmes d'information doit être amélioré

_ L'Etat doit se donner les moyens de constituer rapidement l'annuaire complet et actualisé répertoriant l'ensemble des professionnels de santé

_ L'Etat doit favoriser l'utilisation rapide et correcte des avancées de la connaissance pour la prise en charge des malades

_ La synergie avec les actions thématiques de recherche du ministère de la Recherche et de la Technologie doit être recherchée activement

_ Une structure bien positionnée dans la hiérarchie du ministère doit assurer la cohérence des systèmes d'information de santé

C) Les suites données à ce rapport

Dans le contexte du Plan cancer quatre régions pilotes ont été désignées : les Pays de la Loire, la Basse-Normandie, l'Aquitaine et la Réunion. Elles expérimentent actuellement le dossier communicant et testent ses caractéristiques afin de le rendre accessible aux médecins libéraux et aux patients .

Annexe 2 : Mission d'étude en Finlande

Comme cela avait été souligné par vos rapporteurs lors de la présentation de leur étude devant l'Office parlementaire, il leur est apparu utile de se rendre en Finlande, pays qui, quelques mois avant le nôtre, a initié la mise en place du dossier informatisé du patient. La note qui suit rédigée par notre Ambassade en Finlande, fait le point sur la mise en oeuvre de cette opération.

Vos rapporteurs en ont retiré le sentiment que si les obstacles et les difficultés étaient similaires, la mise en place était facilitée par l'existence d'un identifiant commun à tous les finlandais et que les obstacles de principe dressés à la mise en place d'un identifiant unique, en particulier les craintes d'interconnexion, font plutôt sourire dans des pays qui sont d'authentiques démocraties.

Par ailleurs, ces opérations sont grandement facilitées par la standardisation des fiches figurant à l'intérieur des dossiers médicaux. Elles existaient avec le support papier et ont été reprises sur les ordinateurs des médecins. De ce fait, il existe une standardisation du contenu des dossiers que nous ne connaissons pas en France et tout un travail pédagogique a déjà été réalisé en ce sens ; il est important de s'en inspirer et de ne pas penser que la mise en place de l'outil suffira, la pédagogie et l'adhésion des personnels soignants sont tout aussi importantes.

Mise en place d'un dossier patient informatisé en Finlande

1. Présentation générale et objectifs

En 2002 le gouvernement finlandais a lancé un projet national visant à assurer l'avenir du système de soins. L'objectif de ce vaste projet, qui se déroulera jusqu'à fin 2007, est de garantir la qualité des soins ainsi qu'un accès égal aux services de santé pour tous les habitants, indépendamment de leur lieu de résidence et de leur capacité de payement. Les principaux domaines de développement définis dans le projet sont : la promotion de la santé et la prévention, l'amélioration de l'accès aux soins, l'amélioration de l'offre de personnel et de la compétence des professionnels de santé, la modernisation des procédures et des structures et le renforcement du financement des soins.

Dans le cadre de la modernisation des procédures et des structures, un des objectifs les plus importants est de développer la gestion de l'information dans le domaine des soins. Dans sa « décision de principe » (Government Decision-in-Principle) présentée le 11 avril 2004, le gouvernement a fait part au Parlement de son intention de mettre en place un dossier patient informatisé au niveau national d'ici la fin de l'an 2007.

Avec ce système, le médecin traitant pourra, avec l'accord du patient, consulter les dossiers des autres prestataires et professionnels concernant le patient, par exemple pour vérifier les traitements effectués à l'hôpital. Différents éléments du dossier du patient (diagnostics, thérapeutiques, données concernant les médicaments, avis et certificats délivrés par les professionnels, etc.) pourront être transférés de façon rapide et efficace entre les professionnels de santé.

Le système permettra aussi aux médecins et autres professionnels de santé de recevoir par voie électronique des recommandations de traitement en temps réel ainsi que des informations concernant les rendez-vous et l'orientation des patients.

Selon le gouvernement, l'introduction d'un dossier patient informatisé au niveau national permettra ainsi de créer de vraies chaînes de soins continues et d'améliorer la qualité et l'efficacité des soins.

2. Méthode de mise en oeuvre de la réforme

Pour la mise en place de ce projet, le ministère des affaires sociales et de la santé a créé un groupe de travail chargé de préparer l'introduction du dossier patient informatisé au niveau national. Ce groupe de travail, comprenant 25 personnes (dont 4 représentants du ministère), se réunit depuis le 1 er février 2003 et doit finir ses travaux le 31 décembre 2004. Il a élaboré en fin 2003 une stratégie pour promouvoir l'introduction de systèmes d'informations compatibles du point de vue structurel et fonctionnel au sein des organismes de santé des communes et des groupements de communes.

En effet, à l'heure actuelle, les données relatives aux patients sont dispersées dans une centaine de systèmes informatisés différents qui sont incompatibles entre eux et dont l'âge et le niveau de sécurité varient. De plus, dans les soins spécialisés les dossiers patients sont encore majoritairement sous forme papier.

3. Elaboration de normes nationales pour les informations

La compatibilité et la sécurité des systèmes supposent des définitions et des normes nationales en ce qui concerne le contenu, la structure, les termes utilisés et les principes pour rendre possibles les transferts d'information. Un travail de définition, utilisant un plan élaboré par la maison d'édition de l'association qui regroupe les médecins finlandais (Kustannus Oy Duodecim) à la demande du ministère des affaires sociales et de la santé, a été entamé au niveau national sous la direction du groupe de travail. Ce travail comprend de nombreux sous-projets et regroupe les différents acteurs, entre autres l'Agence nationale de recherche et de développement de la santé et des affaires sociales (STAKES), l'Association des communes, l'association HL7-Finland (Health Level 7), qui est la branche finlandaise d'une association internationale de normalisation, l'association des médecins Duodecim et le district hospitalier de la Carélie du Nord.

4. Travail concernant l'infrastructure et les réseaux

Le but de la stratégie du groupe du travail, en plus d'apporter des définitions communes, sera de bâtir l'infrastructure nécessaire pour faciliter l'utilisation de systèmes d'information électroniques au sein des organismes de santé. La stratégie s'étendra jusqu'en 2007, en ligne avec le projet national du développement des soins. L'objectif est que les exigences minimales définies pour le système de dossier patient informatisé soient remplies sans exception dans tous les organismes et services de soins de santé. Il s'agit de créer des conditions qui permettront aux acteurs d'améliorer, grâce à l'utilisation du système de dossier patient informatisé, la qualité de leurs processus opérationnels et de développer un système à l'écoute du patient et plus efficace.

La proposition du groupe de travail prévoit ainsi que tous les systèmes informatisés de gestion des dossiers patient devront utiliser l'information structurée définie en commun. Cette information structurelle sera basée sur des nomenclatures, classifications et codes mis à jour dans les systèmes informatiques à partir d'un serveur maintenu au niveau national. Les systèmes informatiques sont supposés pouvoir identifier les établissements, les soignants, les soignés et les documents par le biais de codes spécifiques. Ils devront suivre les recommandations nationales en matière de sécurité et de délivrance d'information et utiliser le service national pour la vérification électronique des droits d'accès des professionnels de santé. Un standard ouvert adopté conjointement sera utilisé dans la communication entre les systèmes.

5. Rôle des différents acteurs

La stratégie implique des actions par différents acteurs. Les fournisseurs des systèmes d'information sont responsables de la mise en place de systèmes correspondant aux exigences définies dans les commandes des communes et les groupements de communes. Les municipalités peuvent demander des subventions de l'Etat pour des projets de développement régionaux basés sur la stratégie. Celle-ci présente la progression étape par étape et les responsabilités des différents acteurs dans le processus de mise en oeuvre. Enfin, des lignes directrices pour la poursuite et l'extension du travail de développement sont présentées.

6. Financement

La Finlande finance à hauteur de 800 000 euros en 2003 et 11 millions d'euros en 2004 les différents projets liés au développement du dossier patient informatisé, auxquels s'ajoutent les moyens des collectivités responsables. Ces projets sont réalisés dans le cadre du programme national pour l'avenir des soins, dont plus de la moitié des moyens ira au domaine des technologies de l'information.

Commentaire :

La Finlande a lancé quelques mois avant la France la généralisation du dossier médical informatisé. Des échanges entre nos deux pays seraient d'autant plus intéressants que la Finlande dispose d'une certaine avance dans ce domaine, et d'une industrie très dynamique dans le domaine des nouvelles technologies de l'information, dont NOKIA représente le fer de lance.

Annexe 3 : Note sur la responsabilité médicale

Cyrille PERNOT

Titulaire d'un DEA de Droit Médical

Doctorant en Droit à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis

Sous la Direction du Professeur d'Université Jean-Marie CLEMENT

Le pouvoir médical, c'est la capacité de soigner, de soulager, de guérir, d'apaiser, d'informer, d'expliquer, de dialoguer, de faire participer au choix de la décision le patient et sa famille. 1

Etre responsable, c'est donc répondre à l'attente du patient, cependant, cela n'a pas toujours été ainsi. La responsabilité médicale a beaucoup évolué au fil des siècles :

En 1750 avant Jésus-Christ, le Code d'Hammourabi, comprenait 2 préceptes sur la responsabilité des médecins :

- si le patient meurt ou a les yeux crevés au cours d'actes médicaux, le praticien sera amputé des 2 mains.

- Si le médecin traite un homme libre d'une plaie grave avec un poinçon de bronze et qu'avec, il lui crève un oeil, on lui coupera une main 2 .

De 530 à 519 avant Jésus-Christ, en Egypte Antique, Darius, établit des Codes admettant la responsabilité des médecins :

Si, en suivant les règles du livre sacré, le médecin vient à perdre son malade, il est reconnu innocent, s'il s'en est écarté, il peut être accusé et condamné à mort 3 .

En 406 avant Jésus-Christ, en Grèce Antique, Hippocrate introduit l'éthique médicale basée sur la bonne conduite, il rédige le texte du serment qui dans sa version actuelle abrégée dispose :

En présence des Maîtres de cette École, de mes chers condisciples et devant l'effigie d'Hippocrate, je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité dans l'exercice de la médecine. Je donnerai mes soins gratuits à l'indigent et je n'exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail. Admis à l'intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s'y passe; ma langue taira les secrets qui me seront confiés, et mon état ne servira pas à corrompre les moeurs ni à favoriser le crime. Respectueux et reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l'instruction que j'ai reçue de leurs pères. Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d'opprobre et méprisé de mes confrères si j'y manque.

Apparaît à cette époque, la notion de secret professionnel ainsi que le respect des maîtres et la responsabilité du médecin.

Dans la Rome Antique, l'art de guérir était réservé aux esclaves et aux étrangers. Si le docteur tuait un esclave, il se devait de dédommager le maître 4 . Cependant, plus le médecin s'élevait dans la hiérarchie, plus son impunité augmentait.

Au II ème siècle avant Jésus-Christ, apparaît la lex aquila. Si le médecin est coupable de culpa gravis (faute lourde), une sanction peut être prononcée si la victime rapporte un manquement du docteur à ses devoirs. C'est la première fois qu'apparaît la notion du lien de causalité. En 151 après Jésus-Christ, Galien fonde la responsabilité médicale sur le dévouement et le comportement 5 .

En 980, Avicenne réintroduit la responsabilité médicale avec des règles strictes comme par exemple l'interdiction de traiter les organes sexuels, d'utiliser des médicaments non reconnus... Jusqu'en 1482, le médecin relève de la juridiction ecclésiastique et du droit féodal, à savoir la loi du Talion .

En 1696, le Parlement de Paris dans un arrêt du 26 juin 1696 affirme qu'une victime ayant choisit elle-même son docteur, ne peut se plaindre et doit supporter les inconvénients du traitement. Les médecins agissent donc impunément 6 .

Avec la Révolution française, la notion de responsabilité médicale est intégrée dans les Codes pénal et civil. Comme tout citoyen, le docteur peut être sanctionné s'il se rend coupable d'infraction.

En 1835, dans l'affaire Thouret Noroy contre Guigne, le médecin est condamné à verser une rente à son patient, et ce, pour la première fois.

En 1885, la vaccination ouvre vraiment l'ère de la responsabilité médicale. Pasteur avait conscience de sa responsabilité lorsqu'un enfant s'étant fait mordre par un chien enragé vint le voir. Fallait-il utiliser le nouveau vaccin ? Pasteur l'a fait et l'enfant fut guéri.

La responsabilité médicale n'est donc pas une nouveauté mais qu'en est-il aujourd'hui ? Mais avant d'aller plus loin, il est nécessaire de définir la responsabilité. Qu'est ce que la responsabilité ?

Le Petit Larousse la définit comme étant l'obligation de réparer une faute, de remplir une charge, un engagement.

Cette définition bien que satisfaisante, ne peut contenter un juriste. En effet, elle peut revêtir divers aspects :

- Tout d'abord, elle peut être ordinale, on parle aussi de responsabilité morale et disciplinaire mais nous en ferons abstraction ici.

- Ensuite, elle peut être administrative.

- La responsabilité peut être également pénale. Le dictionnaire de GUIHO 7 affirme que pour qu'un individu soit responsable pénalement, il faut qu'il ait commis une faute qui lui soit imputable.

- La responsabilité peut enfin être civile et définit comme une obligation de répondre civilement des dommages causés à autrui, elle peut être délictuelle ou encore contractuelle.

I.- L'évolution des responsabilités des médecins en exercice libéral et en hôpitaux

1.- La responsabilité en exercice libéral

§1.- Les fondements de la responsabilité civile

La responsabilité civile peut être de divers ordres et notamment délictuelle, ou contractuelle. La première résulte de la violation d'un devoir extra contractuel préexistant. Le juge doit interpréter et qualifier les faits soumis à son examen. En l'absence de texte, il doit déterminer la norme méconnue et dire s'il y a faute ou non. Il devra préciser en quoi consistait le devoir de conduite et quelle attitude le responsable du dommage aurait dû observer.

Pour engager la seconde, il est nécessaire qu'une faute contractuelle ait été commise. Elle consiste en l'inexécution d'une obligation née d'un contrat. Le juge doit s'en tenir à la stricte interprétation de la volonté des parties pour déterminer les obligations contractuelles. En droit positif, on constate que la plupart des obligations contractuelles sont prévues par les textes législatifs ou réglementaires (dispositions interprétatives ou supplétives ou bien encore d'Ordre public), ou encore par la jurisprudence avec la mise en avant de l'obligation de moyens et de résultat. La faute est donc un manquement à une obligation voulue et précisée par les parties ou tout autre obligation que la loi, l'équité ou l'usage rattachent au contrat. La responsabilité civile est prévue aux articles 1382 à 1384 du Code civil 8 . L'article 1382 du Code civil dispose tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer .

Il s'agit de la responsabilité délictuelle, à savoir lors d'un dommage volontaire. L'article 1383 dispose chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Dans ce cas, il s'agit de la responsabilité quasi délictuelle, en cas de dommage involontaire. L'article 1384 quant à lui dispose on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde . Il s'agit de la responsabilité avec présomption de faute.

§2.- La responsabilité civile en droit médical

Nous avons vu ci-dessus l'évolution de la responsabilité médicale au cours des siècles. Il est nécessaire de rappeler que la base de la responsabilité civile du médecin devant les juridictions de droit commun en matière civile, était fondée sur un arrêt de 1835 et par lequel, les juges retenaient la responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil. La jurisprudence de 1835 a évolué en 1936 par le célèbre arrêt Mercier de 1936 9 et que nous retrouvons dans tous les travaux concernant la responsabilité médicale.

En l'espèce, dame Mercier, atteinte d'une affection nasale, s'adressa au docteur Nicolas qui lui fit subir un traitement par rayons X en 1925 à la suite duquel se déclara chez le malade une radiodermite des muqueuses de la face. Les époux Mercier estimant que cette nouvelle affection était imputable à la faute de l'opérateur intentèrent contre celui-ci en 1929, une demande de dommages et intérêts pour une somme de 200000 Frs. La Cour de cassation dans son arrêt affirme [...],qu'il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l'engagement, sinon, bien évidement, de guérir le malade, ce qui n'a d'ailleurs jamais été allégué, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, [...], mais consciencieux, attentifs, et, réserve faite des circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; que la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle, est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle [...], par ces motifs, rejette.

Cet arrêt apporte d'une part, la notion de contrat en matière médicale. En effet, la jurisprudence ne se fonde plus sur la responsabilité civile traditionnelle à savoir, les articles 1382 et 1383 du Code civil mais la Cour de cassation indique qu'il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat . On rejoint ici la notion de contrat traditionnelle à savoir l'article 1108 du Code civil 10 qui dispose que Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : le consentement de la partie qui s'oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l'engagement et une cause licite dans l'obligation.

Le contrat médical repose donc, sur un contrat conclu Intuitu personae . Cette notion de contrat créée un nouveau problème concernant la responsabilité. En effet, antérieurement le médecin répondait de ses actes sur le fondement nous l'avons vu, des articles 1382 et 1383 du Code civil. La jurisprudence Mercier en affirmant la notion de contrat, change par-là même la nature de la responsabilité. La responsabilité n'est donc plus délictuelle mais devient contractuelle et donc, fondée sur l'article 1147 du Code civil qui dispose que le débiteur est condamné s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation [...] toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.

Mais cet arrêt apporte d'autre part la notion d'obligation de moyens. L'arrêt Mercier de 1936 indique également qu'il s'agit bien d'un contrat certes, mais pas de n'importe quel contrat. En effet, il s'agit d'un contrat comportant, pour le praticien, l'engagement [...] de lui donner des soins, non pas quelconques, [...], mais consciencieux, attentifs, conformes aux données acquises de la science.

On peut affirmer sans conteste que l'arrêt de 1936 marque un tournant définitif concernant la responsabilité du médecin. Mais la responsabilité contractuelle a-t-elle un avenir ?

2.- La responsabilité des hôpitaux publics

La base de la responsabilité des hôpitaux publics est fondée par deux arrêt de base : l'arrêt Chilloux 11 et l'arrêt Isaad 12 .

Slimane Isaad chute d'un arbre et se blesse. Il est admis à l'hôpital d'X et est examiné par le docteur M. Ce dernier diagnostique une contusion lombaire sans lésion osseuse . M. Isaad sort de cet hôpital 15 jours plus tard. Ultérieurement il est admis dans un autre hôpital et l'on diagnostiqua sur sa personne une fracture vertébrale . A la suite de cela, Isaad assigne le docteur M. devant le tribunal civil d'Apt.

Concernant madame Chilloux : celle ci fut admise à la maternité d'un hôpital, elle avait accouché de deux enfants sans aucune complication. Pour ce troisième accouchement, le docteur R. après un examen lui prescrit un régime, cependant son état ne s'améliorant pas, les docteurs M. et R décide de pratiquer une césarienne. Madame Chilloux décéda malgré tout le 4 décembre 1954, monsieur Chilloux assigne les deux médecins devant le tribunal civil de Loches dans la mesure où, R. n'a pas prescrit de traitement et M a fait une faute opératoire.

Qu'il s'agisse de l'affaire Isaad ou de l'affaire Chilloux, les tribunaux se déclarent incompétents concernant la responsabilité des hôpitaux, le conflit est donc élevé.

Le tribunal des conflits dans l'arrêt Isaad déclare que les faits allégués, s'ils sont établis, ne constitueraient pas une faute personnelle détachable de l'accomplissement du service public dont le docteur M à la charge , et dans l'arrêt Chilloux, il affirme que les fautes imputées aux deux médecins, si elles sont démontrées, se rattacheraient à l'exécution du service public dont ils ont la charge, les juridictions judiciaires sont donc incompétentes . Le tribunal des conflits doit donc régler la compétence en matière de fautes commises par le personnel médical des hôpitaux publics. Cette question oppose le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation.

§1.- Opposition sur la responsabilité entre la Cour de Cassation et le Conseil d'Etat.

La Cour de Cassation et le Conseil d'Etat admettent que la responsabilité du service public hospitalier relève de la compétence administrative, et que les fautes personnelles commises par les médecins des hôpitaux relèvent de la compétence judiciaire.

Les deux Hautes juridictions étaient d'accord pour reconnaître que l'acte médical accomplis par un médecin des hôpitaux fait partie de ses fonctions (Req 20.01.1926 D 1926 p 80). Cependant un jurisprudence de 1938 (Req 30.11.1938 D 1939 I p 49) indique quand la faute imputée à un médecin des hôpitaux ne se rattache pas au fonctionnement du service public d'assistance médicale, mais uniquement à l'exercice technique de son article, c'est aux tribunaux judiciaires qu'il appartient de connaître de la demande d'indemnité formée contre le médecin .

Un jurisprudence de 1942 (Req 28.01.1942 D 1942 p 63) affirme que le chirurgien d'un hôpital ayant opéré un malade sans son consentement a commis une faute personnelle et en La jurisprudence de 1938 fut confirmée dans les arrêts docteur J. contre mademoiselle Sitina 13 , docteur J. contre Chantin 14 et dans l'arrêt docteur V. contre Ramey 15 . La Cour de Cassation va plus loin en affirmant dans les trois exemples précités que les faits reprochés aux médecins constitueraient un manquement à leurs devoirs proprement médicaux ayant le caractère d'une faute personnelle détachable de leurs fonctions administratives .

La juridiction administrative a une conception plus restrictive de la faute personnelle et par là même distingue deux grandes catégories de fautes pouvant être commises par un médecin, à savoir les fautes contre l'humanisme médical (défaut de consentement du patient ou encore négligence dans le traitement administré) d'une part, et les erreurs commises par rapport aux techniques médicales d'autre part.

Le Conseil d'Etat reconnaît dans différentes subdivisions la faute d'ordre médical (l'intervention chirurgicale, la trachéotomie, le diagnostic et l'application d'un traitement) et la faute d'ordre administratif (fautes lors de la réception des malades, lors de leur surveillance ou lors de l'administration de médicaments).

Selon la Haute juridiction administrative, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si le préjudice résulte de la faute de service. Selon lui une faute simple suffit pour prouver une faute résultant de la mauvaise organisation du service, de même lorsque la faute résulte d'un acte de soin (en dehors de tout acte commis par un chirurgien). Par contre, la faute lourde est exigée lors d'une faute commise dans le cadre d'une activité médicale.

§2.- Une jurisprudence évolutive, de grands revirements

Le problème récurent que l'on peut observer est la distinction entre la faute lourde et la faute simple. Si l'on se réfère à la définition donnée dans le dictionnaire juridique 16 , la faute est une erreur de conduite, un comportement anormal, que n'aurait pas eu un « bon père de famille ». Dans le cas nous intéressant ici, la faute peut être de deux sortes, à savoir la faute lourde et la faute simple.

Concernant la première, et selon le dictionnaire juridique précité, la faute lourde est la faute présentant un certain degré de gravité, elle est exigée par le juge administratif pour engager la responsabilité de l'administration. Il s'agit de l'erreur grossière, la maladresse inexcusable 17 . Carbonnier affirmant qu'il s'agit d'une maladresse inexcusable provoquant la réaction suivante « on dirait qu'il le fait exprès ».

Ulpien écrit la faute lourde est « l'omission des précautions que les personnes les moins soigneuses ont coutume de prendre ». La preuve de la faute lourde, il est fort important de le souligner, est à la charge de la victime ayant subi le préjudice résultant de cette faute lourde. Le Conseil d'Etat dans une jurisprudence abondante 18 nous donne des exemples de fautes lourdes sans pour autant nous en donner une définition précise.

Selon la Haute juridiction, constitue des fautes lourdes, l'oubli d'agrafes (arrêt assistance publique de Marseille 19 ), le retard injustifié dans une opération (arrêt centre psychiatrique Sainte-Anne 20 ), la prescription d'un traitement sans recherche d'éventuelles contre indications (ministre de la coopération contre Lerat 21 ), un médecin ne décelant pas la surdité d'un enfant (arrêt Clamens 22 ) ou encore la délivrance de produits sanguins susceptibles d'être contaminés par le virus du SIDA (ministre des affaires sociales contre X 23 )...

Concernant la seconde, la faute simple consiste en un défaut de surveillance d'un malade, d'une mauvaise organisation du service ou encore d'une faute résultant d'un acte de soin. Les juridictions administratives retiennent comme défaut de surveillance la fuite et le suicide d'un malade échappé d'un hôpital psychiatrique ayant trompé la surveillance du personnel (arrêt Apard 24 ), l'étranglement d'un enfant de 2 ans par la courroie trop serrée le maintenant dans son lit (arrêt Vera 25 ), la décès d'un malade entré aux urgences à 18 heures et non examiné par un médecin (arrêt hôpital civil d'Antibes 26 ), la syncope provoqué après une opération chirurgicale par un défaut d'attention du personnel (arrêt dame Delacourt 27 dans lequel le Conseil d'Etat affirme que la syncope qui a causé le décès du jeune Delacourt ne peut être attribuée ni à une faute lourde dans les soins chirurgicaux, ni à une faute dans l'organisation ou l'exécution du service ; c'est à bon droit que l'on a jugé que la responsabilité de l'hôpital de Dreux n'était pas engagée ), la contamination d'un malade à la suite d'une transfusion sanguine imputable à un contrôle insuffisant du donneur (arrêt administration générale de l'assistance publique 28 )... On notera également que le Conseil d'Etat considère comme faute simple une mauvaise anesthésie (arrêt Ferrer 29 ) où encore la mauvaise administration d'une piqûre provoquant une paralysie partielle du bras (arrêt hospices civils de Blois 30 ).

Quelle est la définition de l'acte médical et quelles sont ses conséquences sur l'indemnisation du préjudice subi ?

Dans l'arrêt Rouzet 31 , le Conseil d'Etat défini la notion d'acte médical d'une part et, indique que la faute lourde ne peut être causée que par des actes médicaux ou encore chirurgicaux d'autre part, en affirmant : La responsabilité de l'administration hospitalière n'est susceptible d'être engagée que sur le fondement de la faute lourde en ce qui concerne les dommages corporels causés par les actes médicaux qui ne peuvent être exécutés que par un médecin ou un chirurgien ou par ceux qui ne peuvent être exécutés par un auxiliaire médical que sous la responsabilité et la surveillance directe d'un médecin qui lui permettent d'en contrôler l'exécution et d'intervenir à tout moment. Dorénavant l'acte médical est défini d'une façon précise dans la mesure où, il ne concerne que les actes pouvant être exécutés par un médecin ou un chirurgien, et dans des cas extrêmes par un auxiliaire médical sous contrôle. A contrario, la Haute juridiction administrative relève que seule la faute lourde ne peut être causée par un acte médical, sans toutefois nous fournir une définition précise de cette faute lourde.

Pour obtenir une indemnisation, le patient doit avoir subit un préjudice. Pendant longtemps ce préjudice ne pouvait être que physique. Il ne pouvait résulter que de la souffrance du malade à la suite d'une faute de service.

Cependant, le Conseil d'Etat reconnaît le préjudice moral dans un arrêt célèbre de 1961 : l'arrêt Letisserand 32 .

En l'espèce M. Letisserand a été renversé par un camion appartenant au département et ramenant des ouvriers dans un chantier de travaux publics et est décédé ainsi qu'un autre membre de sa famille. A la suite de cela sa famille demande réparation.

L'indemnisation dépend également de la liaison entre le préjudice et la faute de service.

Le Conseil d'Etat affirma qu' en cas d'accident provoqué par un camion appartenant au département et ramenant des ouvriers dans un chantier de travaux publics, le département est responsable des conséquences de l'accident, lequel se rattachait ainsi à l'exécution des travaux publics. La circonstance que le conducteur du camion a commis une faute personnelle pénalement sanctionnée en utilisant irrégulièrement le camion et en assurant la conduite sans permis régulier, n'est pas de nature à exonérer le département de sa responsabilité. S'il n'est pas établi que le décès d'un fils ait causé à son père un dommage matériel ou ait entraîné des troubles dans ses conditions d'existence, la douleur morale qui en résulte pour ce dernier de la disparition présumée de son fils est par la même génératrice d'un préjudice indemnisable .

La Haute juridiction administrative revient sur sa jurisprudence de 1954 33 par laquelle elle avait affirmée que la douleur morale n'est pas appréciable en argent, et ne donne donc pas lieu à une réparation . A contrario, le juge administratif indemnisait le préjudice matériel s'il était certain.

Un problème cependant subsistait, à savoir, que le juge judiciaire acceptait de réparer la douleur morale 34 . Le Conseil d'Etat par son arrêt de 1961 fléchi en posant toutefois des conditions comme par exemple que la douleur doit être incontestable c'est à dire qu'il ne peut en aucun cas exister une présomption de préjudice moral. Il va même plus loin et accepte d'indemniser le préjudice moral alors qu'il n'y a aucun décès 35 par exemple lors d'un coma végétatif sans espoir d'amélioration.

La réparation du préjudice couvre l'intégralité du dommage et est versée en seule fois.

Après avoir défini les deux types de fautes à savoir, la faute lourde et la faute simple, il est nécessaire de voir l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'Etat.

En effet, il semblerait que la Haute juridiction administrative se dirige vers un abandon de l'exigence de la faute lourde. Une Jurisprudence bouleversante consacrant l'abandon de la faute lourde est l'arrêt M et Madame V... 36 . Madame V. le 9 mai 1979 a subi une césarienne sous anesthésie péridurale, au cours de cette intervention, différentes complications sont apparues notamment des chutes de tension ainsi qu'un arrêt cardiaque.

Résultant de cette opération, Madame V. fut atteintes d'importants troubles neurologiques (troubles de la mémoire, désorientation dans le temps et dans l'espace ainsi que des troubles du caractère) et physiques (séquelles importantes à la jambe gauche et au bras gauche). De plus, Madame V. ne put reprendre son métier de maître auxiliaire dans un collège. Elle demanda donc une indemnité réparatrice du dommage subit, son mari quant à lui, réclama une indemnité pour le préjudice moral subi. Les rapports d'expertise établirent que la césarienne présentait en raison de l'existence d'un placenta praevia décelé par une échographie, un risque connu d'hémorragie pouvant entraîner une hypotension et une chute du débit cardiaque.

Les experts considérèrent que les erreurs commises à savoir : l'administration d'une dose excessive d'un médicament à effet hypotenseur, la procédure d'anesthésie péridurale alors que la tension avait chuté, que la patiente présentait des troubles cardiaques et des nausées, que l'anesthésie péridurale pratiquée avec un produit contre indiqué dans la mesure où compte tenu de son effet hypotenseur que l'apparition d'un saignement à la suite de la naissance,qu'une deuxième et une troisième chute de tension persistantes malgré les soins et la perfusion d'un plasma insuffisamment réchauffé provoquant l'arrêt cardiaque constituent une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'hôpital. La portée de cet arrêt est considérable.

La jurisprudence antérieure prévoyait la réparation du dommage subi si les personnes ayant subi ce dommage rapportaient la preuve d'une faute lourde. Rappelons également qu'avant cet arrêt, le Conseil d'Etat affirmait que la responsabilité du service public hospitalier pouvait être engagée pour faute simple si les dommages n'étaient pas engendrés directement par un acte médical d'une part et, cette même responsabilité pouvait être engagée pour faute lourde pour les dommages engendrés directement par l'acte médical, à condition que les dommages résultent de l'accomplissement de cet acte d'autre part. Bien entendu c'était à la victime de prouver cette faute et le lien de causalité. Avec l'arrêt M et Madame V., le Conseil d'Etat revient sur sa jurisprudence.

En effet, il abandonne l'exigence de la faute lourde et affirme l'enchaînement d'une série d'imprudence, d'imprévisions et d'erreurs d'ordre médical, qui par leurs effets conjugués ont constitué une faute médicale . Cela porte à dire que certes, le Conseil d'Etat reconnaît l'existence d'une faute médicale qui est cependant différente de la faute lourde, a contrario une faute simple. La faute simple trouve donc ici un nouveau souffle et se reconnaît par là même « unifiée » dans la mesure où, antérieurement à cette jurisprudence, la responsabilité était engagée pour des actes non médicaux comme le défaut d'organisation d'un service en cas de faute simple, dorénavant, la responsabilité pourra être engagée pour des actes médicaux sur le fondement de la faute simple.

Le Conseil d'Etat abandonne son exigence de la faute lourde, mais il va plus loin encore en reconnaissant la responsabilité sans faute dans la Jurisprudence Gomez 37 . En l'espèce, Serge Gomez âgé de quinze ans et demi est hospitalisé pour une intervention dite de « Luqué ».

A la suite de cette intervention, le jeune garçon se retrouve atteint de troubles neurologiques graves entraînant une paraplégie de la partie inférieure du corps. A la suite de cela, il réclame une indemnité à l'hôpital. Une expertise est effectuée et révèle que l'invalidité est bien une conséquence de l'opération mais que cependant les chirurgiens n'ont commis aucune faute lors de ladite intervention, en conséquence de quoi, M. Gomez se retrouve dans l'impossibilité d'obtenir une réparation.

Devant l'atrocité de ce principe, la Cour administrative d'appel de Lyon innove en affirmant que l'utilisation d'une thérapeutique nouvelle créée quand ses conséquences ne sont pas totalement connues, un risque spécial pour les malades qui en sont l'objet. Quand le recours à cette thérapeutique n'est pas vitale, les complications exceptionnelles et graves qui en sont les conséquences directe engagent même en l'absence de faute la responsabilité du service hospitalier. En l'espèce, l'intervention dite de « Luqué » était une thérapeutique récente venant des Etats-Unis. Ses conséquences n'étaient pas entièrement connues.

Pour la première fois en droit français, les juridictions administratives reconnaissent l'existence de la responsabilité sans faute. Ce revirement risque malgré tout d'entraîner des dérapages dans la mesure où les hôpitaux pour minimiser leur responsabilité risquent de faire signer aux patients des décharges quant aux conséquences de ce type d'intervention.

La Jurisprudence ultérieure confirmera cette position dans le célèbre arrêt Bianchi 38 quelque trois années plus tard. Suivant la Cour administrative d'appel de Lyon, le Conseil d'Etat reconnaît l'existence d'une responsabilité en dehors de toute faute et ce, même pour les actes médicaux. La victime pourra donc obtenir une réparation en ne prouvant qu'un seul élément, à savoir le dommage, et non plus la faute comme auparavant. En effet, le Conseil d'Etat affirme que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagé si l'exécution de cet acte est la cause directe des dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme l'évolution prévisible de cet état, en présentant un caractère d'une extrême gravité.

La loi du 31 décembre 1991 avait déjà consacré ce principe lors des transmissions du virus du SIDA par transfusion sanguine.

L'évolution des responsabilités du médecin a entraîné une évolution de ses obligations

II.- L'évolution des obligations du médecin

1.- Obligation de moyens ou obligation de résultat ?

§1.- L'affirmation du principe : une obligation de moyens

A.- Une obligation mainte fois réaffirmée

En plus de l'arrêt de 1936, la Cour de Cassation en date du 29 octobre 1968 39 , dans l'arrêt docteur N contre Lhérondelle, affirme que l'arrêt mettant à la charge du médecin une obligation de résultat viole l'article 1147 du Code Civil. En l'espèce, le docteur N pratique une intervention relative à une hernie diaphragmatique sur Lhérondelle. Ce dernier conserve une impotence à la main du fait de la mauvaise position de son bras sur la table d'opération. La Cour d'Appel ne relève aucune faute professionnelle à l'encontre du praticien dans la mesure où la fixation du bras fut conforme aux règles de l'article. Cependant la juridiction déclare que la faculté pour le médecin de disposer de la personne du malade comporte en contrepartie une prise en charge de celle-ci entraînant à son égard une obligation de l'amener, au terme de son séjour dans l'établissement hospitalier, saint et sauf de tout dommage autre que celui pouvant résulter des actes propres à l'intervention elle même. La Cour de Cassation casse l'arrêt.

Dans un autre arrêt de la Cour de Cassation en date du 28 juin 1989 40 , (Dunglas contre Delpech), affirme que le médecin est tenu d'une obligation de moyens et non de résultat, quelque soit la nature de son intervention. En l'espèce, après une radiographie du genou précédée d'une arthrographie pratiquée par le docteur Dunglas, madame Delpech souffre d'une infection. Elle fut opérée mais des séquelles restèrent. La Cour d'Appel déclare le docteur responsable du fait que l'arthrographie est une intervention banale ne souffrant aucun aléa, dans ce cas, le praticien est tenu d'une obligation de résultat. La Cour de Cassation casse l'arrêt rendu par la Cour d'Appel.

Les deux arrêts susvisés indiquent que la faute médicale est une condition sine qua non pour engager la responsabilité du médecin.

B.- La responsabilité du fait des choses

L'article 1384 du Code Civil dispose 41 :

On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde .

En matière médicale 2 décisions jurisprudentielles semblent intéressantes à étudier :

Premièrement, , la Cour d'Appel de Paris en date du 15 juin 1954 42 , affirme que considérant que le docteur D avait l'obligation de vérifier lui même si les appareils n'étaient pas susceptibles de causer un accident à un malade anesthésié, qu'en effectuant une section coagulation sans cette vérification, il a commis une faute.

Secondement, la Cour de Cassation en date du 30 octobre 1962 43 , affirme que le contrat médical écarte l'idée d'une responsabilité du médecin considéré comme gardien de ses instruments. En l'espèce, une femme a glissé sur une marche en se levant de la table d'examen. La Cour de Cassation indique que l'usage de la chose se rattache par un lien nécessaire à l'exécution du contrat, l'acte médical est indissociable du contrat dont il est l'exécution. Si l'on admettait la responsabilité du fait des choses, le régime de l'obligation de moyens serait anéanti.

On peut constater que dans le premier arrêt, si l'activité médicale nécessite le maniement d'appareils, le médecin ne bénéficie pas du régime de l'obligation de moyens. Par contre, dans le second arrêt, on remarque que la responsabilité quasi-délictuelle de l'article 1384 du Code Civil à l'encontre du gardien d'une chose est étrangère à l'activité médicale.

§2.- Des atténuations jurisprudentielles : Vers une obligation de résultat ?

Une obligation de résultat semble se développer dans divers domaines. En effet, en matière de prothèses, la pose, la prescription et la préparation du support sont des obligations de moyens alors que, la réalisation de l'appareil est une obligation de résultat 44 .

En matière d'utilisation de matériel, certaines décisions parlent d'une obligation de sécurité-résultat 45 .

L'obligation de résultat est également présente pour les centres de transfusions sanguines.

La jurisprudence de la Cour de cassation dans un arrêt du 7 janvier 1997 46 forge cette obligation de sécurité-résultat dans un autre domaine :

En l'espèce, M. Franchot est atteint d'une gène au bras gauche et ce, à cause d'une compression des éléments vasculo-nerveux. Il subit une intervention chirurgicale pratiquée par M. Marie. Cependant, lors de l'opération, l'artère sous clavière gauche fut blessée, s'en est suivi une hémorragie massive et un désamorçage de la pompe cardiaque. A la suit de cela, M. Franchot décède.

Les juges ont retenu la responsabilité du praticien du fait de la maladresse commise en perforant l'artère sous clavière.

La Cour d'appel constate que le médecin a bien blessé l'artère, que l'hémorragie qui a suivi a bien provoqué la mort. Bien qu'en affirmant cela, les juges de la Cour d'appel ne retirent pas la faute aux motifs que le docteur n'a pas commis de maladresses fautives ou non admissibles, et que le décès du patient en suite de cette blessure artérielle, avait pour cause une explication exceptionnelle... et donc non prévisible.

La Cour de cassation casse l'arrêt aux motifs qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constations que la blessure avait été le fait du médecin, de sorte que sa responsabilité était engagée.

Cette position de la Haute juridiction fit frémir la profession. En effet, on pourrait rapprocher cet arrêt d'une obligation de résultat dans la mesure où le praticien se trouve obligé de soigner certes, mais aussi de guérir le patient. Qu'en sera-t-il pour une intervention complexe ou lorsque le patient doté d'une anatomie particulièrement insoupçonnable qui se traduit par exemple, par une artère placée à un endroit où classiquement elle n'est pas censée être ? 47

Cette décision est audacieuse mais en harmonie avec l'évolution de la responsabilité civile 48 .

Cet arrêt mérite une attention particulière dans la mesure où il risque de bouleverser le monde médical :

En première instance, les juges retiennent la responsabilité en raison de la maladresse commise, les juges de la Cour d'appel ne contredisent pas la maladresse. Au contraire, ils rappellent cette maladresse, mais cependant, ils affirment qu'elle est non fautive. A défaut de faute, la responsabilité ne peut être engagée. On parle de responsabilité exclusive de la faute.

Certes, il y a bien une perforation d'une artère suite a une maladresse mais qui n'est pas une faute ! La mort n'est qu'une conséquence exceptionnelle. Pourtant, la « maladresse » est bien le fait du praticien ? Le lien de causalité existe bien. Mais la véritable question est de savoir s'il y a bien une faute.

La Cour de cassation affirme que la blessure de l'artère a été le fait du praticien de sorte que sa responsabilité devait être engagée. Le terme « fait » pose problème dans la mesure où il se rapporte à l'article 1382 du Code civil précité ( tout fait quelconque de l'homme... ). Cependant, cet article ne peut s'appliquer qu'en cas de responsabilité délictuelle et l'on sait depuis 1936 et l'arrêt Mercier, que la responsabilité du médecin n'est pas délictuelle mais contractuelle donc en l'espèce, l'article 1147 du Code civil s'applique.

On recherchant d'autre forme de responsabilité, on se doit d'écarter la responsabilité du fait des choses dans la mesure où le décès n'a rien à voir avec une anomalie dans le matériel utilisé.

La Cour de cassation estime donc que le praticien doit une obligation de sécurité-résultat envers le patient.

Comme nous l'avons dit, prochainement, existera-t-il une obligation de guérison ?

Le médecin, pour contrecarrer cette obligation de résultat, pourra-t-il prouver que la cause du dommage est intrinsèque au patient 49 ?

Par cet arrêt de 1997, la Cour de cassation revient sur sa jurisprudence de 1968 50 que nous avons vu précédemment.

Que penser d'une décision plus récente de la Cour de cassation en date du 25 février 1997 51 ? En l'espèce, un chirurgien posant un appareil sur un patient utilise la technique du ballonnet lors de l'oblitération d'une fistule carodito-caverneuse. Cette technique est justifiée, car elle est la meilleure en l'état actuel des connaissances.

La Cour de cassation affirme que si le matériel employé est exempt de vice, si le praticien a pris les précautions d'usage, s'il n'a commis aucune maladresse et que la méthode utilisée est la meilleure, il n'est tenu lors de la pose d'un appareil qu'à une obligation de moyens.

2.- L'obligation d'information

Le devoir d'information est régit par l'article 35 du Code de déontologie médicale. La jurisprudence quant à elle, le définit comme une obligation professionnelle d'ordre général 52 .

Le médecin se doit d'interroger le patient dans le seul but de prendre toutes les dispositions nécessaires à son traitement. Le malade doit être clairement informé des risques qu'il court. Cependant, dans l'intérêt du patient, le praticien peut ne pas révéler un pronostic fatal mais la famille doit être prévenu. Le médecin a le devoir de l'informer totalement du fait du droit à la vérité exigé par la dignité humaine du malade 53 .

§1.- La charge de la preuve

Le principe de la charge de la preuve est donné par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 29 mai 1951 54 :

Attendu que si le contrat qui se forme entre le chirurgien et son client comporte, en principe, l'obligation pour le praticien de ne procéder à telle opération chirurgicale déterminée, par lui jugée utile, qu'après avoir, au préalable obtenu l'assentiment du malade, il appartient toutefois à celui-ci, lorsqu'il se soumet en pleine lucidité à l'intervention du chirurgien, de rapporter la preuve que ce dernier a manqué à cette obligation contractuelle en ne l'informant pas de la véritable nature de l'opération qui se préparait.

En l'espèce, B jouissait de la plénitude de ses facultés mentales lorsqu'il s'est soumis à l'intervention chirurgicale pratiquée sur lui. Le docteur Y ainsi que le médecin traitant ont estimé par un diagnostic commun l'amputation urgente de la jambe de B. La Cour d'Appel retient la responsabilité du médecin et condamne ses héritiers à verser 600000 francs de dommages et intérêts au motif que le praticien doit s'assurer du consentement du patient et qu'à défaut, il devra réparer le préjudice résultant du défaut de consentement. La Cour de Cassation casse l'arrêt dans la mesure où la Cour d'Appel a violé les articles 1147 et 1315 du Code Civil.

Cet arrêt de principe indique donc que la charge de la preuve appartient au patient, à condition que celui-ci se soit soumis en pleine lucidité à l'intervention du praticien.

La jurisprudence a continué dans cette voie :

La Cour de Cassation le 21 février 1961 55 , dans l'arrêt docteur Y contre Rivero affirme que le procédé d'arthroplastie avec cupule en vitallium comportait des risques graves, la Cour d'Appel d'Aix le 21 avril 1958 relève que mademoiselle Rivero n'a pas été averti de ces risques et condamne le docteur Y. La Cour de Cassation casse l'arrêt susvisé dans la mesure où le fait de dire pour un chirurgien qu'une patiente est tout à fait opérable n'implique nullement qu'il lui ait donné l'assurance que l'opération ne comportait aucun risque. C'est donc là encore au patient de rapporter la preuve du manquement à l'obligation d'information.

On retrouve le même principe dans l'arrêt Rivero contre Salomon du 7 juillet 1964 56 . En effet, il appartient au malade d'établir que l'intervention a été pratiquée sans son consentement.

La jurisprudence continuera dans ce sens jusqu'à une décision récente datant de 1997.

§2.- Une évolution récente de la jurisprudence

Par l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 25 février 1997 57 , la juridiction suprême revient sur sa jurisprudence antérieure.

En effet, la Cour de Cassation affirme que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation.

En l'espèce, M Hédreul a subi une perforation intestinale par suite d'une coloscopie réalisée avec ablation d'un polype réalisée par le docteur Cousin. M Hédreul fait valoir que le praticien ne l'avait pas informé du risque de perforation. La Cour d'Appel a débouté la victime au motif qu'il lui appartenait de rapporter la preuve que le praticien ne l'avait pas informé. La Cour de Cassation casse l'arrêt dans la mesure où le médecin est tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son patient et qui lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation.

L'arrêt de 1951 imposait au patient de rapporter la preuve de l'obligation d'information. Le malade se trouvait dans la quasi impossibilité de rapporter cette preuve. Par l'arrêt de février 1997, la Cour de Cassation renverse la charge de la preuve et, dorénavant, c'est au praticien de rapporter la preuve qu'il a bien informé le patient dans la mesure où il est tenu d'une obligation particulière d'information.

Ce revirement semble poser un grand nombre de questions et engendrer un aussi grand nombre de problèmes. En effet, le renversement de la charge de la preuve appartenant donc au praticien, celui-ci va devoir trouver des moyens pour pouvoir rapporter cette preuve en cas de litige.

Le premier problème semble être une profusion des écrits. Le médecin a certes une obligation de conseil comme nous l'avons vu, cette obligation de conseil va de plus en plus s'effectuer par écrit.

L'écrit a une grande force probante mais il va engendrer des difficultés :

- Le praticien risque de rédiger des formulaires types selon les différentes maladies qu'il fera ensuite signer au patient

- Soit le patient faisant une confiance « aveugle » à son médecin traitant va signer le document sans le lire. Le praticien sera couvert au niveau de la justice en cas de problème mais son devoir d'information ne sera pas réellement rempli dans la mesure où le patient n'aura pas lu.

- Soit le malade va lire le document et le signer, cependant il n'aura pas compris les termes définis dans ledit document

- Soit le patient va lire et en voyant les risques encourus risque de s'affoler et e refuser les soins.

En effet, tout actes médicaux inclus nécessairement des risques, ne serait-ce qu'au niveau de l'anesthésie. Est-il utile de rappeler ce risque connu de tous ?

Le second problème que peut engendrer une telle jurisprudence est la fin du colloque singulier entre le patient et le médecin. La relation de confiance entre les deux parties s'estompera. Le praticien par peur de se retrouver devant les juridictions, se fera assister d'un confrère ou pire encore... On ne parlera plus de colloque singulier mais de colloque pluriel, sans parler des risques concernant le secret professionnel.

Cette jurisprudence est-elle un véritable revirement ? La Cour de Cassation risque-t-elle revenir sur sa décision ?

Deux décisions récentes Cour de Cassation 14.10.1997 (JCP 97) et Cour de Cassation 17.10.1998 (Bull I n°291 ou JCP 98 II 10179) semblent confirmer l'arrêt Hédreul

III.- La responsabilité en matière de télémédecine

Il convient de prime abord de définir rapidement la télémédecine. On peut la définir de manière simple en quelques mots. Il s'agit d'un acte médical à distance qui utilise notamment la vidéo et le son. Cette technique est liée au développement des nouvelles technologies et en particulier de l'Internet.

La télémédecine permet la téléconsultation qui consiste à transmettre des images d'un établissement de santé à un autre établissement de santé pour obtenir un avis complémentaire sans pour autant transférer le patient. Il s'agit ni plus ni moins d'une consultation à distance.

La télémédecine permet également la téléexpertise qui consiste à utiliser les ressources technologiques afin de transmettre dans un but d'interprétation les données d'un patient à un spécialiste afin d'obtenir un diagnostic complémentaire. Il s'agit d'une aide à la décision médicale apportée à un médecin par un autre médecin situé à distance.

Mais la télémédecine permet aussi la télésurveillance afin de surveiller un patient se trouvant à domicile. La téléassistance a trouvé un fondement légal dans la directive du Conseil des Communautés européennes du 31 mars 1992 58 relative aux « prescriptions minimales de sécurité et de santé pour promouvoir une meilleure assistance médicale à bord des navires » . La directive dispose que les navires dont « l'équipage comprend cent travailleurs ou plus et qui effectuent un trajet international de plus de 3 jours » aient « à leur bord un médecin ayant en charge l'assistance médicale » . Pour garantir un meilleur accès à l'aide médicale dans les autres navires, la directive prévoit le recours à la téléassistance 59 .

Enfin, la télémédecine permet la téléchirurgie.

Cependant, cette nouvelle méthode bouscule l'acte médical traditionnel. En effet, les textes législatifs actuels ne prévoient pas les conditions de responsabilité des médecins en cas d'erreur ou de faute lors de l'utilisation de la télémédecine. De plus il n'existe encore aucune jurisprudence Quid du contrat médical et du colloque singulier ? Quid du secret médical ? Nous étudierons ici rapidement les ouvertures possibles quant à la responsabilité des médecins.

Actuellement, le droit actuel ne prévoit rien sur la télémédecine et son encadrement, le juriste ne peut donc se référer qu'aux principes généraux du droit médical. Les fondements généraux en matière de droit médical sont l'information et le consentement.

1.- La responsabilité en matière de consentement :

Le principe est édicté par 2 articles. L'article 16-3 alinéa 2 du Code civil d'une part et l'article L 1111-4 du Code de la Santé Publique d'autre part .

Le premier dispose que le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir.

Le second dispose que Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé.

Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables.

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.

Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté.

Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables.

L'examen d'une personne malade dans le cadre d'un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre.

Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d'interventions.

Enfin, l'article 42 du Code de déontologie médicale dispose qu' un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement.

En cas d'urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires.

Si l'avis de l'intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible.

Cependant ce principe souffre des exceptions habituelles en matière juridique notamment en matière d'urgence. En effet, quand le patient est inconscient, le médecin doit rechercher l'accord de la famille ou d'un proche, sauf urgence ou impossibilité. A contrario , si le malade est conscient, le médecin ne peut passer outre son refus.

2.- La responsabilité en matière d'information

L'article L1111-2 Code de la santé publique dispose que Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.

Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.

La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.

[...]

En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.

Enfin le devoir d'information est régit par l'article 35 du Code de déontologie médicale qui dispose : Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.

Toutefois, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves, sauf dans les cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination.

Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite.

La jurisprudence quant à elle, le définit comme une obligation professionnelle d'ordre général 60 .

Le médecin se doit d'interroger le patient dans le seul but de prendre toutes les dispositions nécessaires à son traitement. Le malade doit être clairement informé des risques qu'il court. Cependant, dans l'intérêt du patient, le praticien peut ne pas révéler un pronostic fatal mais la famille doit être prévenu. Le médecin a le devoir de l'informer totalement du fait du droit à la vérité exigé par la dignité humaine du malade 61 .

Quid de la responsabilité ? Il s'agira de savoir si le patient a été correctement et suffisamment informé des risques encourus : Dans l'affirmative, si le patient a bien été informé et qu'il a accepté la télémédecine il ne pourra pas mettre en cause le système. A contrario , il pourra se retourner contre les acteurs médicaux pour défaut d'information. A l'heure actuelle, nous pouvons à juste titre penser qu'il faille se rapprocher de la jurisprudence en matière d' information et de consentement .

3.- La responsabilité en matière de secret médical

L'article L1110-4 du Code de la santé publique dispose que Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé, ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe.

Afin de garantir la confidentialité des informations médicales mentionnées aux alinéas précédents, leur conservation sur support informatique, comme leur transmission par voie électronique entre professionnels, sont soumises à des règles définies par décret en Conseil d'Etat pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret détermine les cas où l'utilisation de la carte professionnelle de santé mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 161-33 du code de la sécurité sociale est obligatoire.

Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que le famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part.

Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.

La violation du secret médical est une des 7 causes principales de poursuites en matière pénale parmi lesquelles nous trouvons l'avortement illégal, les certificats mensongers, l'exercice illégal de la médecine, les infractions sur les stupéfiants dans la mesure où le médecin est en contact avec les produits du tableau B, le refus de répondre aux réquisitions et les atteintes à l'intégrité corporelle : soit volontaires, soit involontaires

La maladie est l'intimité de la personne et par conséquent, elle ne doit pas être révélée à autrui 62 . La notion de secret médical est confrontée à différents problèmes.

En effet, la médecine actuelle ne se résume pas ou plutôt, ne se résume plus à un simple colloque singulier entre le patient et le médecin. De nos jours, la médecine est une médecine de groupe dans la mesure où l'appréciation de plusieurs praticiens est indispensable. De plus en plus de personnes sont donc mises au courant de la maladie du patient, le secret médical a donc plus de chance de s'échapper. D'autres problèmes existent quant à valeur dudit secret, le médecin est lié par rapport à ses obligations non médicales, le secret est plus fort que les obligations, en conséquence de quoi, le praticien ne peut pas dénoncer un malfaiteur. Le secret médical est parfois même dangereux voire scandaleux comme le dit le professeur DEMICHEL 63 . En effet, le praticien qui a connaissance de la présence du virus HIV responsable du SIDA, ne peut en aucun cas prévenir le ou la compagne du malade. Pourrait-on se rapprocher de la mise en danger de la personne d'autrui ?

Le nouveau Code pénal prévoit dans son article 121-3 qu 'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui. Il y a également délit, [...] en cas d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité [...]

Le secret professionnel pourrait se heurter dans le cas précité à l'article 121-3 du nouveau Code pénal. En effet, d'une part, le médecin est tenu par les règles déontologiques du secret et, d'autre part, en omettant d'informer la personne des risques encourus, celle-ci peut se retrouver contaminée en matière de transmission de virus de type VIH par exemple. Ne sommes nous pas en mesure de parler d'un manquement à une obligation de sécurité ?

4.- Quid de la responsabilité en cas de multiples intervenants ?

L'expertise médicale permet de rechercher la faute, l'auteur, le préjudice et le lien de causalité.

Si plusieurs médecins sont intervenus, le principe veut que chacun soit responsable de son fait personnel. Cependant, la jurisprudence dans un arrêt du 28 octobre 1997 a admis a admis que lors d'un acte médical impliquant une équipe, il s'agit d'un travail d'équipe, nonobstant l'indépendance de chacun, ce qui nécessite que chacun donne à l'autre le cas échéant les informations nécessaires, sauf à engager sa responsabilité. En l'espèce, un chirurgien omet d'informer l'anesthésiste que le globe oculaire du patient était plus allongé en raison d'une myopie, ce qui avait une incidence sur le choix de l'aiguille. Le globe oculaire du patient a été perforé. La responsabilité du chirurgien a été mise en cause.

Nous venons de voir sommairement la responsabilité en matière médicale. Le tableau brossé révèle les différences fondamentales en matière de responsabilités. En effet, que le médecin exerce de manière libérale ou alors qu'il exerce dans le milieu hospitalier, les responsabilités encourues ne sont pas identiques. Certes, la position de la Cour de Cassation et celle du Conseil d'Etat vont de plus en plus dans le même sens mais rien n'est définitif et cela ne joue pas dans tous les domaines.

Nous avons tenté de regarder quel type de responsabilité peut être engagé en matière de télémédecine. De nombreuses interrogations restent en suspend concernant cette dernière. Le législateur semble s'intéresser grandement au problème juridique qu'engendre la télémédecine dans la médecine moderne.

Cette note rapide permet d'avoir une vision somme toute assez générale et compréhensible du problème engendré par les responsabilités médicales.

N° 1686 (tome II) - Les télécommunications à haut débit au service du système de santé, Audition et annexes - Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (M. Jean Dionis du Séjour)

1 GOUAZE André Une certaine idée du pouvoir médical : pouvoir et responsabilité ._ Paris : Expansion Scientifique Française 1991 ._ 370p, 20cm

2 MARTY Jérôme Médecine générale : responsabilité et urgence ._ Toulouse : 1997 ._

3 MEYER Philipe P L'irresponsabilité médicale ._ Paris : Bernard Grasset 1993._ 218p, 20cm

4 MARTY Jérôme Médecine générale : responsabilité et urgence ._ Toulouse : 1997 ._

5 MARTY Jérôme Médecine générale : responsabilité et urgence ._ Toulouse : 1997 .

6 MARTY Jérôme Médecine générale : responsabilité et urgence ._ Toulouse : 1997 ._

7 GUIHO Pierre Dictionnaire juridique ._ Lyon : L'Hermès 1996 ._ 318p, 21,5cm

8 Code Civil ._ Paris : Dalloz 1999 ._ 1896p, 17,5cm

9 Cour de Cassation 20.05.1936 Mercier D 36 Jur p88 ou DP 1936 I 88

10 Code Civil ._ Paris : Dalloz 1999 ._ 1896p, 17,5cm

11 Tribunal des conflits 25.03.1957 D 1957 p 395

12 Tribunal des conflits 25.03.1957 D 1957 p 395

13 Cour de Cassation 9.10.1956 JCP 1956 II 9562

14 Cour de Cassation 15.01.1957

15 Cour de Cassation 15.01.1957

16 GUIHO Pierre Dictionnaire juridique ._ Lyon : L'Hermès 1996 ._ 318p, 21,5cm

17 LACHAUME Les grandes décisions de la jurisprudence, droit administratif ._ Paris : PUF Thémis ._ 9 ème édition 1995 ._ 572p, 25cm

18 LACHAUME Les grandes décisions de la jurisprudence, droit administratif ._ Paris : PUF Thémis ._ 9 ème édition 1995 ._ 572p, 25cm

19 Conseil d'Etat 9.01.1957 Recueil p 22

20 Conseil d'Etat 15.03.1974 Recueil p 190

21 Conseil d'Etat 12.12.1975 Recueil p 1278

22 Conseil d'Etat 17.01.1986 Recueil p 706

23 Cour administrative d'appel de PARIS 16.06.1992 D 1992 Informations rapides p 204

24 Conseil d'Etat 22.12.1936 D 1958 p 144

25 Conseil d'Etat 5.11.1931 Recueil p 953

26 Conseil d'Etat 12.12.1941 Recueil p 218

27 Conseil d'Etat 17.02.1950 Recueil p 115

28 Conseil d'Etat 16.11.1955 D 1956 p 61

29 Conseil d'Etat 29.07.1950 Recueil p 872

30 Conseil d'Etat 9.01.1957 Recueil p 23

31 Conseil d'Etat 26.06.1959 D 1960 p 112

32 Conseil d'Etat 24.11.1961 D 1962 p 34

33 Conseil d'Etat Assemblée 29.10.1954 D 1954 p 767

34 Cour de Cassation Civile 22.10.1946 D 1947 p 59

35 Cour administrative d'appel NANTES 10.02.1994 Recueil p 616

36 Conseil d'Etat 10.04.1992

37 Cour administrative d'appel de LYON 21.12.1990 D 1991 Sommaire p 292

38 Conseil d'Etat 9.04.1993 D 94 Informations rapides p 118

39 Cour de Cassation 29.10.1968 JCP 69 15799

40 Cour de Cassation 28.06.1989 D 90 p413

41 Code Civil ._ Paris : Dalloz 1999 ._ 1896p, 17,5cm

42 Paris 15.06.1954 D 54 p649 ou JCP 54 8223

43 Cour de Cassation 30.10.1962 D 63 p57

44 MEMETTEAU Gérard Droit médical ._ Paris : Litec 1996 ._ 266p, 24cm

45 MEMETTEAU Gérard Droit médical ._ Paris : Litec 1996 ._ 266p, 24cm. Rouen 7.02.1984 D 85 IR 405, Poitiers 8.04.1992 Jurisdata 050405...

46 Cour de Cassation 7.01.1997 Gaz Pal 8.02.1997 p32

47 Les petites affiches ._ 14 mai 1997 ._ p55 « Vers la généralisation de l'obligation de sécurité dans le domaine de la responsabilité médicale : arrêt de la première Chambre civile de la Cour de Cassation du 7.01.1997 » JACOTOT David

48 Les petites affiches ._ 14 mai 1997 ._ p55 « Vers la généralisation de l'obligation de sécurité dans le domaine de la responsabilité médicale : arrêt de la première Chambre civile de la Cour de Cassation du 7.01.1997 » JACOTOT David

49 Les petites affiches ._ 14 mai 1997 ._ p55 « Vers la généralisation de l'obligation de sécurité dans le domaine de la responsabilité médicale : arrêt de la première Chambre civile de la Cour de Cassation du 7.01.1997 » JACOTOT David

50 Cour de Cassation 29.10.1968 JCP 69 15799

51 Cour de Cassation 25.02.1997 JCP 97 ed G n°11 Actu

52 REZA Christian La responsabilité médicale ._ Lyon : 1991 ._

53 LAMBERT-FAIVRE Yvonne Droit du dommage corporel : systèmes d'indemnisation ._ Paris : Dalloz 1996 ._ 917p, 23cm

54 Cour de Cassation 29.05.1951 D 52 p53

55 Cour de Cassation 21.02.1961 D 61 p531

56 Cour de Cassation 7.07.1964 D 64 p625

57 Cour de Cassation 25.02.1997 D 97 n°11

58 Directive 92/99/CEE du Conseil du 31 mars 1992 - J.O. C.E.E. n° L 113/19

59 Informatique et Santé Collection dirigée par P. Degoulet et M. Fieschi Paris, Springer-Verlag France

Information Médicale : Aspects Déontologiques, Juridiques et de Santé Publique Rédacteurs : L. Dusserre, M. Goldberg et R. Salamon Volume 8 Springer-Verlag France, Paris 1996

60 REZA Christian La responsabilité médicale ._ Lyon : 1991 ._

61 LAMBERT-FAIVRE Yvonne Droit du dommage corporel : systèmes d'indemnisation ._ Paris : Dalloz 1996 ._ 917p, 23cm

62 DEMICHEL André Le droit de la santé ._ Bordeaux : Les études hospitalières 1998 ._ 137p, 23,5cm

63 DEMICHEL André Le droit de la santé ._ Bordeaux : Les études hospitalières 1998 ._ 137p, 23,5cm

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