III. CONCLUSION. L'AVENIR DE LA RÉGLEMENTATION PUBLICITAIRE

A. BILAN DE LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE

La tableau synoptique suivant récapitule les réglementations nationales dans les 5 grands pays européens sur l'aspect le plus critique et le plus discriminant, à savoir la réglementation de la durée.

Figure 12 : La réglementation publicitaire en Europe

Pays / Limites

Limitation heure moyenne par jour

Limitation horaire maximale (heure d'horloge)

Public

Privé

Public

Privé

Directive TVSF

15% du temps d'antenne - 9' par h

12'

Allemagne

20' par jour

Interdite après 20h et le dimanche

9'

12'

Royaume-Uni

Pub interdite

7' - 8' en prime time

Pub interdite

12'

Italie

7,2'

10,8'

7,2'

12'

Espagne

9'

12'

France

10% temps - 6' par h (144' par jour)

8' *

12' *

* : + par heure glissante

Source : BIPE

Le mapping ci-après illustre trois modèles réglementaires . Les deux axes représentent la capacité réglementaire des secteurs privés et publics de programmer (et donc de se financer par) de la publicité.

• Les deux grands pays du Nord, Allemagne et Royaume Uni ont en commun une publicité en TV privée régulée a minima par rapport à la Directive, tandis que les chaînes publiques ont des capacités publicitaires quasi nulles. La situation est simple, lisible, et la différence entre secteur public et secteur privé.

• Les deux grands pays méditerranéens, Italie et Espagne, sont au niveau de la Directive, voire plus souples, que ce soit pour les chaînes publiques ou pour les chaînes privées, qui de fait se différencient peu sous ce critère.

• La France se situe, comme souvent, entre ces deux modèles. La réglementation publicitaire est plus sévère que la Directive pour les chaînes privées et gratuites, mais, jusqu'à la réforme Trautman, la différence était faible entre chaînes privées et gratuites.
Comme l'Italie et l'Espagne, la France reste proche de la médiatrice qui symbolise une égalité entre les réglementations applicables au public et au privé, au contraire de l'Allemagne et du Royaume-Uni qui se situent graphiquement en bas à droite.

Figure 13 : Réglementations publicitaires nationales en Europe

Source : BIPE

B. AVENIR DE LA RÉGLEMENTATION

La réglementation de la télévision et la réglementation de la publicité télévisée sont appelées à évoluer dans les années à venir sous l'effet de diverses forces économiques, technologiques et sociologiques.

Les nouvelles technologies numériques permettent de nouvelles formes et techniques publicitaires et créant un « vide » juridique (écran partagé, publicité virtuelle, publicité interactive).

L' explosion de l'offre audiovisuelle, que ce soit en nombre de chaînes accessibles ou en manières d'y accéder (via câble, satellite, TNT, ADSL, via une télévision traditionnelle ou un ordinateur ...), mettent le consommateur/citoyen dans une situation de liberté de choix inédite. La baisse des coûts de production et de diffusion génère une véritable concurrence aux différents niveaux de la chaîne de valeur.

Les technologies « terminales » accentuent encore la maîtrise du téléspectateur sur sa consommation de télévision. Les fonctionnalités « PVR » (Personal Video Recorder) intégrées désormais dans les décodeurs numériques et dans certains lecteurs-enregistreurs DVD permettront demain d'enregistrer facilement les flux de programmes sur un disque dur, et/ou de les visualiser en léger différé, en les expurgeant automatiquement de leurs interruptions publicitaires si l'utilisateur le désire.

Les défenseurs d'une libéralisation de la publicité à la télévision mettent donc en avant la « maturité » et les « moyens de défense » dont dispose aujourd'hui le consommateur pour revendiquer un allégement des restrictions ex ante sur le marché publicitaire. Le consommateur n'étant plus « captif » d'une ou quelques chaînes ou de tel ou tel moyen d'accès, il ne serait plus nécessaire de le protéger contre lui-même et contre l'excès d'exposition publicitaire.

Quand bien même les régulateurs souhaiteraient tout de même, sur le fond, maintenir un niveau élevé de réglementation, les partisans de la libéralisation font alors remarquer que les réseaux de transport et d'accès transfrontaliers (satellite, internet) rendent de toutes façons inefficaces les réglementations à l'échelon national voire européen. Peu nombreuses sont désormais les chaînes qui ne sont visibles qu'à partir de leur pays d'origine. La chaîne francophone RTL9, propriété du groupe français AB, relevant du droit luxembourgeois et émise depuis le Luxembourg, peut ainsi déroger à la réglementation française en matière publicitaire ou en matière de quotas de production ; elle peut être reçue en France par voie hertzienne dans la région frontalière, et par satellite sur tout le territoire.

Enfin la réglementation est placée sous la pression politique de la globalisation des industries et des marchés. Tous les acteurs du marché tendent à s'internationaliser.

Les annonceurs deviennent mondiaux et cherchent à globaliser leurs politiques de communication. C'était vrai depuis longtemps des acteurs de la « grande consommation » (Danone, Coca Cola, L'Oréal, Procter & Gamble) ou de l'automobile ; cela le devient dans beaucoup d'autres secteurs, au fur et à mesure de l'ouverture des marchés, comme celui des services.

Les intermédiaires publicitaires (agences médias et agences de publicité) suivent le mouvement et se concentrent à l'échelle mondiale.

Les acteurs de l'audiovisuel et des médias restent encore largement plus « nationaux » que leurs clients et intermédiaires publicitaires. Une poignée d'industriels à dimension européenne tendent cependant à constituer des groupe de télévision (et de médias) transnationaux : News Corp (UK, Italie), Bertelsmann/RTL (Allemagne, Bénélux, France, Espagne), Médiaset (Italie, Espagne).

Tous ces acteurs voudraient pouvoir communiquer sur chaque marché avec les mêmes moyens . Plus exactement, l'homogénéité/hétérogénéité de l'environnement réglementaire est l'un des facteurs qui facilite/dissuade l'implantation de nouveaux acteurs ou la constitution de groupes transnationaux.

Dans la modification de la directive européenne en 1997, il a été prévu que la Commission soumette tous les deux ans au Parlement Européen, au Conseil et au Comité économique et social un rapport sur l'application de la directive , et sur ses évolutions possibles et souhaitables.

Il a donc été prévu dernièrement 41 ( * ) un réexamen approfondi de la Directive . Une phase de consultation a eu lieu en 2003, durant laquelle les différentes parties intéressées - chaînes de télévision, instances de régulation, autorités gouvernementales, mais aussi associations interprofessionnelles des publicitaires de la télévision, associations de producteurs, réalisateurs, syndicats, etc. - ont été invités à faire connaître leurs points de vue. En effet, comme l'indique ce quatrième rapport, de nouvelles solutions technologiques vont venir bouleverser les équilibres patiemment atteints dans le domaine de la régulation de la publicité à la télévision.

On peut mentionner l'écran partagé qui permet de diffuser de la publicité sur une partie de l'image tout en permettant au téléspectateur de continuer à suivre l'émission.

Autre technique numérique, la « publicité virtuelle » permet l'incrustation de bandeaux publicitaires virtuels par effet numérique, permettant de changer par exemple les panneaux publicitaires qui entourent un stade de sport selon les différents pays de diffusion d'une compétition sportive.

Aujourd'hui, les positions de chacun sont variés. En France, le SNPTV (Syndicat National de la Publicité TV) et l'UDA (Union des annonceurs), souhaitent que la France s'aligne sur la directive TVSF, sans restrictions complémentaires comme c'est le cas aujourd'hui. Le CSA, de son côté, est globalement satisfait du statu quo présent et est attaché au droit de chaque pays de légiférer au-delà de la simple directive européenne.

* 41 In Quatrième Rapport de la Commission au conseil , au Parlement Européen, au Comité économique et social européen et au comité des régions, janvier 2003, COM(2002) 778.

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